Costumes de scènes

A travers les collections du Centre National du Costume de Scène de Claude Fauque.

  En 1930, Nathalia Gontcharova, créatrice de costumes et décors pour les ballets Russes de Serge Diaghilew écrit à propos du costume théâtral : « Le costume et le décor créent tous deux l’aspect matériel et l’atmosphère psychologique de la scène, avant même que se produise le geste de l’artiste ou que se fasse entendre sa voix. Le costume théâtral habille le corps de l’artiste. Il lui permet de créer par le geste, la forme visible du personnage, de son caractère et de son esprit ». Le mot « costume théâtral » apparaît à la deuxième moitié du XVIII ème siècle, il comprend le costume lui même avec ses accessoires, chapeaux, gants, masque, bijoux et chaussures. Le costume de scène est le seul et dernier témoin de  la  vie de l’œuvrCostumes de scènes dans analyse de livre costumee éphémère  sur le plateau.
Après la disparition des grands costumiers  comme la Maison Boyer  en 1994, seules trois grandes institutions en France ont conservé et entretenu leurs costumes. La Bibliothèque Nationale crée en 1976 un département Arts du spectacle,  héritage du fond d’un collectionneur M. Rondel qui avait réuni 800 000 pièces  concernant les Arts du spectacle dont des textes, des photos, des dessins, des maquettes de décors et des costumes.
L’Opéra de Paris créé en 1669 ,a , depuis Napoléon III, un fond de costumes de scène. A partir de 1994 une vraie politique de ses 100 000 costumes  a été instaurée, ceux-ci sont triés, identifiés et conservé et le surplus est mis en vente.
La Comédie Française conserve depuis sa création en 1680 un riche patrimoine de costumes. En 2006 le Centre National de Costumes de Scène (CNCS) est inauguré à Moulins, sous la direction de Martine Kahane et la présidence de Christian Lacroix, qui ont collaboré à ce livre avec Claude Fauque, consultant en musicologie et spécialiste de l’histoire du textile. Ce centre est situé dans les 7000 m2 d’une ancienne caserne classée monument historique, et a pour mission de conserver et donner une nouvelle vie à ce patrimoine de costumes de scène, à travers des expositions permanentes ou temporaires. Le centre regroupe 9000 costumes allant de la deuxième moitié du XIX siècle jusqu’à l’an 2000.
Hormis certaines collections privées, l’essentiel des costumes provient des trois grandes institutions. La Comédie-Française a fourni 671 costumes, la Comédie Française 1438 pièces et l’Opéra de Paris 5000 costumes. Ce livre réparti  non en chapitres mais en Actes et scènes
est consacré à l’histoire du CNCS, à son fonctionnement et à sa collection de    chefs-d’œuvre, avec une riche iconographie, (500 costumes).
Au fil des pages les costumes des grands créateurs s’offre au lecteur, les anciens : Bakts, Wakhevitch, Malclès, Bérard côtoient les plus récents,  de Jean-Paul Gautier à Christian Lacroix. Les petits métiers du textile nécessaire à ces tenues sont aussi présentés. Le CNCS est une belle réalisation qui,  comme le dit, Frédéric Mitterrand est « la revanche de l’éphémère ». Son seul problème est sa localisation et son accès: 
la moitié de ses visiteurs vient de Moulins et de sa région, et il y a une  faible fréquentation des étrangers.
D’où l’intérêt de ce livre très riche qui met à la portée de tous ce patrimoine unique…

Jean Couturier


Editions l’Harmattan, 232 pages, 39 Euros


Archive de l'auteur

L’Institut français de Budapest

L’Institut français de Budapest: Francia Intézet. 

 

    L'Institut français de Budapest dans actualites IMG_5773-300x168Un palais de verre crée par Georges Maurios longe les bords du Danube: c’est l’Institut français de Budapest. Il a été ouvert en 1992 au 17 Fó utca et se tenait auparavant à Pest depuis 1947. C’est un institut français important dans le réseau du ministère des affaires étrangères, dont l’écho est majeur dans une ville culturelle dynamique et influente. Honoré du « Prix 2001 de la ville de Budapest », la qualité de son partenariat avec les structures culturelles locales est essentielle dans la capitale hongroise ainsi qu’avec d’autres villes proches comme Prague, Belgrade et Bucarest. La rencontre avec l’attaché culturel et directeur-adjoint, Julien Cousy a été l’occasion de nous présenter les activités de cet institut. Deux pôles coexistent, celui de l’enseignement du français, des milliers de cours sont donné chaque année à des expatriés ainsi qu’à des fonctionnaires hongrois. Le français représente la troisième langue de la ville derrière l’anglais et l’allemand. Cinq alliances françaises sont présentes en Hongrie et trente professeurs de français enseignent à Budapest.                     

Celui du pôle culturel est très actif, l’Institut n’est pas programmateur à la différence de certains autres instituts. Il ne défend pas une esthétique par rapport à une autre. C’est un médiateur très actif entre les artistes français et les structures culturelles de Budapest. Josef Nadj, par sa proximité d’esprit, fait régulièrement partie des programmations. Julien Cousy explique le cadre dans lequel les relations franco-hongroises se créent. Toutes sortes de manifestations et d’activités sont ainsi développées comme le partenariat privilégié avec le Trafó, maison des arts contemporains. Ce théâtre a une programmation riche semblable à celle d’un petit théâtre de la Ville, puisqu’il a proposé au public hongrois, Jérôme Bel pour la danse contemporaine, Jérôme Thomas pour le nouveau cirque, Aurélien Bory, Jean-Baptiste Thierrée et Philippe Quesne ainsi que des concerts de musiques du monde. L’institut entretient également des liens étroits avec le Festival de Printemps de Budapest dont le programme est plus touristique et plus promotionnel. Les liens avec le Théâtre National sont solides et la direction de celui-ci n’a pas bougé, ce qui n’est pas le cas de cinquante pour cent des théâtres qui ont vu leurs directions changées en un an … alors que certains directeurs n’avaient pas terminé leurs mandats. Le changement politique récent représente une réelle menace pour la culture et les échanges culturels de ce pays, les futures programmations de ces théâtres risquent d’en subir les conséquences. 

                                  

Nathalie Markovics.

www.franciaintezet.hu


Forêt sensible

Forêt sensible par Les Souffleurs commandos poétiques, conception artistique d’ Olivier Comte, musique de Nicolas Losson et  sculptures de Vincent Bredif.

Forêt sensible souffleurs-181x300C’est à un bien étrange voyage que nous ont convié les Souffleurs dans cette ancienne Sucrerie de Coulommiers, où ils sont en résidence depuis plusieurs mois. Olivier Comte y travaille avec une quarantaine de souffleurs, acteurs, musiciens, et metteurs en scène, que l’on avait pu  découvrir en 2001  au Festival d’Aurillac.
Nous sommes conviés à pénétrer dans un grand hangar  par groupes  et à parcourir  un dédale lumineux; il y a  des petits tableaux où sont inscrites des phrases difficiles à lire car les mots ne sont pas coupés au bon endroit et qu’il faut donc déchiffrer.
On accède, seul et en silence, à des phrases énigmatiques:  “accepter d’échouer sur des pages souvent parfaites”…”préserver surtout jusqu’au bout le secret de l’émotion”…”la parole humaine, lui apporter régulièrement de quoi respirer”….
Ce cheminement  doit plonger le promeneur dans une  forêt intérieure comme dans un rêve ! Nous arrivons effectivement dans une sorte de forêt en acier non figurative, vaste espace où nous errons parmi  douze grands mâts escaladés par des acteurs munis de fines cannes lumineuses que l’on peut saisir quand elles passent à proximité pour écouter des messages poétiques.
D’abord déconcerté, on se demande si les phrases qu’ils nous chuchotent à l’oreille sont celles que l’on a pu déchiffrer, dans notre promenade  solitaire. Peu à peu,  on se laisse gagner par les images des actrices qui se dénudent, et par la beauté d’une musique irréelle.

Edith Rappoport

La Sucrerie de Coulommiers (77)

www.lessouffleurs.fr
contact@les-souffleurs.fr  A lire aussi  un entretien avec Olivier Comte dans  le n° 88 de  la revue Cassandre.

Sortir du corps

Sortir du corps, textes  extraits de Lettre aux acteurs, Pour Louis de Funès et L’Opérette imaginaire de Valère Novarina, mise en scène de Cédric Orain.

 Sortir du corps 20110730_sortirducorps_421-300x209La Compagnie de l’Oiseau-Mouche située  à La Grange, situé à Roubaix qui a deux salles et un restaurant; dirigée par Stéphane Frimat, elle a maintenant trente deux ans et elle a pour but de faire travailler sur une scène des adultes jeunes et moins jeunes qui sont en situation d’handicap mental.
La compagnie a monté plus de trente spectacles dont le dernier a été confié à Cédric Orain qui s’est attelé à un travail  des plus exigeants, c’est à dire monter du Novarina. .. Soit deux ans d’intense préparation et de répétitions, et l’on s’en doute , les règles du jeu  sont  beaucoup plus contraignantes, surtout avec  des textes comme ceux de Novarina,  aussi  magnifiques que difficiles à appréhender et à mémoriser .  » J’ai donc pris le temps, dit Cédric Orain, de les écouter , au tout début, avant de travailler comme des fous, des acharnés de je ne sais quoi, on a commencé par ne pas travailler, par bavarder, par perdre du temps, par ne rien faire, et dans ce temps où ils se dévoilaient pudiquement, je les dévorais furieusement. C’est pendant ce temps de l’humain, et  ce temps est pour moi fondateur de tout théâtre,que j’ai éprouvé pour de bon la seule véritable raison d’être de ce spectacle: faire sortir la langue de Valère Novarina des cinq corps là devant moi ».

 Cédric Orain a sans doute raison de parler d’abord de corps, puisqu’ici il y a une indispensable discipline  corporelle, et un véritable engagement physique dans cette mise en scène: le geste, la marche, les positions, voire à la fin la quasi nudité sont des fondamentaux,  même si, bien entendu, il faut aussi pour dire ces textes une mémoire de tout premier ordre: avec Novarina mais  encore plus  qu’avec un autre auteur, on n’a pas droit à l’erreur. C’est dire la rigueur  et l’énergie qu’il a fallu à Cédric Orain et à ses cinq comédiens  pour qu’enfin à l’automne dernier, ce spectacle puisse enfin exister sur le plateau de la Grange et ensuite partir en tournée. Cela  tient non du miracle- cela n’existe pas au théâtre mais d’un travail exemplaire  dont  nombre de compagnies feraient bien de s’inspirer.
 Peu  d’élément scéniques sur le plateau; en fond de scène, un  rideau brechtien de lamelles plastiques comme on en voit dans les entrepôts, un portant avec des costumes, quelques chaises dépareillées, et une guirlande lumineuse qui détermine une aire de jeu rectangulaire au sol. Ce qui frappe chez ces comédiens, sortirc’est d’abord une extrême concentration, ils sont là et pas ailleurs, et  une implication mentale corporelle  évidente: aucune approximation, aucune hésitation : chaque geste est juste et  correspond  au texte: c’est dire le travail fourni par le comédien et par le directeur d’acteurs!
« Si le théâtre est bien le laboratoire des gestes et des paroles de la société , il est à la fois le conservateur des formes anciennes  de l’expression et l’adversaire des traditions « , disait avec raison Antoine Vitez. C’est  bien ici de cela qu’il s’agit, une osmose parfaitement  maîtrisée par Cédric Orain entre gestes  dit normaux, et d’autres inédits, beaucoup plus forts, par exemple, quand Clément  Delliaux se jette retenu par une sangle vers le rectangle dessiné par les guirlandes lumineuses, comme vers un univers inaccessible…

   Il y a aussi, dans une sorte de délire parfaitement maîtrisé,  les monologues de François Daujon surtout au début et à la fin du spectacle; maigre et petit, sans doute très peu causant dans la vie, l’acteur  déborde pourtant d’une énergie bouleversante à tel point que l’on entend tout d’un coup les phrases de Novarina dites d’une autre façon, avec une impeccable diction et ses   camarades : Lothar Bonin, Florence Decourcelle et Valérie Szmielski  ont une présence  indéniable sur le plateau. Novarina qui avait déjà vu le spectacle à Roubaix ,a beaucoup  admiré, nous a-t-il dit, la qualité de leur travail, à la fois très au point  et profondément vrai.
 Il y a parfois certains petits problèmes de diction: la langue de Novarina n’est pas toujours des plus commodes! Mais le travail de mise en scène de Cédric Orain est remarquable d’intelligence et de sensibilité. Et le salut, qui est la dernière image que l’on garde d’un spectacle, est souvent mal géré et ridicule mais se révèle ici d’une rigueur exemplaire. Et sur un plateau, il n’y a pas de détails! Cédric Orain  et ses comédiens nous offrent ici une grande leçon de théâtre et de vie, à mille kilomètres des grandes pitreries, pathétiques de suffisance, que nous avons récemment pu voir dans certains grands théâtres…

Philippe du Vignal

Maison des métallos jusqu’au 12 février T: 01-48-05-88-27

Nathan le sage

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Nathan le sage de Lessing, mise en scène Bernard Bloch.

Depuis une dizaine d’années, Bernard Bloch qui est né en Alsace, metteur en scène, comédien, traducteur, questionne les incompréhensibles massacres du XXe siècle . Après deux spectacles impressionnants, Lehaïm à la vie tiré du beau livre d’Herlinde Koelbel et Le chercheur de traces d’Imre Kertész (voir Cassandre 87), il s’est attaqué à cette longue pièce emblématique du siècle des lumières écrite par Lessing en 1776.
En exergue, Bernard Bloch cite une phrase de Kertész: “Ce qui est le plus incompréhensible, le moins naturel, ce n’est pas le mal, c’est le bien. Et l’action bonne, le bon geste, sont si rares, si inouïs qu’ils sont plus forts que tous les totalitarismes”.

Nathan le Sage avait été créé en France par Bernard Sobel en 1987  à Gennevilliers,  et  François Mitterand y avait assisté le même soir que nombre d’entre nous. Mais, hormis Jack Ralite, les hommes politiques fréquentent peu le théâtre public ! Dominique Lurcel avait aussi mis la pièce en scène au Théâtre Jean Arp de Clamart en 2004 , puis  au Théâtre Montfort.
On est en 1187, à Jérusalem, Nathan le Sage, riche marchand juif, revient de Damas et de Babylone, avec ses chameaux chargés des fruits de son négoce. Il apprend que sa fille chérie Recha, a été sauvée des flammes par un jeune Templier. Il veut le remercier, mais le jeune homme se dérobe, ne souhaitant pas se compromettre avec des juifs, lui qui combat pour sa foi chrétienne.
Le sultan Saladin qui règne sur la ville, est frappé par la ressemblance étrange entre le Templier et son défunt frère. Le Templier finit par rencontrer Recha,  et  s’en éprend soudainement; son amour est partagé, mais il fuit la jeune fille, la croyant juive.  Après avoir appris par sa gouvernante que Recha n’est pas la vraie fille de Nathan,  mais une chrétienne recueillie dans ses langes après  la mort de la femme et des sept fils du marchand dans  une  guerre de religion, le Templier va consulter le Patriarche chrétien, pour lui poser la question de la foi, sans lui révéler l’identité des protagonistes. Le Patriarche menace du feu un juif qui aurait élevé une chrétienne, sans lui révéler la vraie foi !

Ce premier acte d’exposition long et compliqué, finit par s’imposer dans un espace nu cerné de chaises autour d’un espace circulaire où les personnages viennent s’affronter. Le plateau est cerné par de grands vélums verts qui s’abattent au début du deuxième acte.
Il y a maintenant au centre du plateau un amas de draperies et de gros sacs de trésors amoncelés. Le sultan, à court d’argent pour mener la guerre , doit emprunter à Nathan qui accepte bien volontiers.
Recha retrouve son templier qui retrouvera sa véritable identité: lui non plus n’est pas chrétien,  mais fils du défunt frère du sultan. Au moment où les deux amants croient pouvoir se retrouver, ultime coup de théâtre dans le goût de l’époque: Nathan  leur révèle que le Templier est  le frère de Recha !

Neuf acteurs solides: en particulier, Philippe Dormoy (Nathan),  Miloud Khetib (sultan,) Philippe Mercier (derviche et patriarche), Nils Ohlund (le Templier) donnent vie à ce beau capharnaüm d’identités, et, malgré les longueurs d’une première partie écrite dans un siècle où le temps n’était pas encore de l’argent, le spectacle a enthousiasmé une salle pleine de spectateurs très jeunes pour la plupart.

Edith Rappoport

Comédie de l’Est, jusqu’au 11 février, puis en tournée, www.comedie-est.com

Britannicus

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Britannicus de Jean raine, mise en scène de Françoise Delrue.

LeThéâtre de la Bardane joue à Lille et dans le Nord-Pas-de-Calais;Françoise Delrue est, elle,  une familière d’auteurs contemporains  germanophones comme Tankred Dorst, Daniel Call, Rainald Goetz, Ulrich Hub, Brecht…
Mais  elle  vient de créer  aussi  Britannicus.

L’empereur Néron qui, grâce à sa mère Agrippine, a succédé à Claudius, en ravissant la place de Britannicus,l’héritier légitime et il  vient d’enlever Junie, l’amante de celui-ci.
Agrippine, désavouée par le désir affiché de ce fils incontrôlable, va intriguer cette fois pour le contrecarrer. Néron voudrait épouser Junie malgré elle et, en position de voyeur, le tyran orchestre une rencontre entre la jeune fille et son amant Britannicus afin de le duper Mais l’amour est  le plus fort, et Néron s’emploie à éliminer  son rival. Agrippine a bien tenté de détourner son  fils de sa vengeance , comme l’a fait aussi Brutus, son  bon conseiller. À l’opposé, Narcisse, le félon serviteur de deux maîtres, œuvre pour que le sang soit versé.

 Sur un plateau incliné, des tapis persans, un escalier de bois et au, centre, un fauteuil  club  élimé, siège de tous les pouvoirs fantasmés que les personnages occuperont successivement, de manière brutale ou  lascive.
Au loin, des images vidéo : un groupe de soldats  en costumes dix-septième  siècle ; plus près, une souris de laboratoire en train de dévorer un manuscrit de Britannicus.Petit animal qui rappelle l’être humain, en situation de cobaye. Comment se fabrique un monstre sous l’attraction des feux du pouvoir ? Oubli de soi, des siens, de ses origines pour  arriver à prendre un pouvoir individuel et abusif sur tous les autres hommes.

  Quelques bribes de musique techno  suivies d’un instant de silence pour signifier le passage d’un acte à l’autre. Les acteurs surgissent sur le plateau, depuis la travée arrière, à la fois observateurs et acteurs : ils montent en chœur sur la scène glorieuse, îlot intime et public, foulant le sol d’un pas sonore et militaire. Le poids des corps et leur présence charnelle soutiennent  la diction des alexandrins, en même temps qu’ils scandent les déplacements.
  La parole n’est rien sans le soutien physique de l’être qui s’exprime. La direction d’acteurs met en relief cette implication corporelle à l’intérieur des stratégies politiques, comme dans la pratique  de l’alexandrin. Agrippine (Muriel Colvez), a une présence scénique somptueuse, et  forme un duo avec Albine, sa jeune confidente (Séverine Ragaigne ) à la gestuelle féline, dans une sorte de chorégraphie. Junie (Marie Lecomte) joue à merveille la détermination ; elle préfère le retrait du monde, le refuge chez les Vestales, plutôt que d’avoir à supporter celui qu’elle hait. Britannicus (Renaud Triffault) joue les jeunes gens d’aujourd’hui, « spontanés » et « naturels » et se laisse porter par les événements.
Quant à Néron (Baptiste Sornin), il est d’emblée le méchant, sans ambiguïté. Damien Olivier est un Burrhus nuancé. Narcisse, subtilement joué  par Joseph Drouet , il diffuse la brutalité virile et l’équivoque d’un noir personnage. Virtuosité des corps et des vers pour mettre à nu la tyrannie d’hier et d’aujourd’hui…

Véronique Hotte

Spectacle vu à l’Hippodrome de Douai;  le 17 février 2012 au Vivat d’Armentières. Et du 21 au 23 février 2012 au Théâtre d’Arras.

Paysage parlé de Valère Novarina et Olivier Dubouchez.

Paysage parlé de Valère Novarina et Olivier Dubouchez.

  Paysage parlé de Valère Novarina et Olivier Dubouchez. dans analyse de livre arton504-58cb4-235x300Les exigences de l’actualité,  comme on dit, n’avaient pas permis de vous rendre compte d’un formidable et tout à fait passionnant petit livre, une série d’entretiens entre Olivier Dubouchez, philosophe,  et l’écrivain/peintre Valère Novarina qui ont eu lieu  sur deux années : 2009 et 2010 dans différents lieux: Lausanne, donc en Suisse, où l’auteur est né il y a quelque soixante cinq ans;  Debrecen,  où il était allé pour mettre en scène la traduction hongroise de sa pièce  L’Opérette imaginaire; Champigny-sur-Marne, où se trouve un entrepôt de décors, Varallo, une petite ville du Piémont , dotée d’un Sacro Monte avec de très belles chapelles,où il a retrouvé Irma Novarina, une petite-fille de son arrière-grand-oncle, mais aussi Paris où Novarina travaille et Trécoux, où  il séjourne souvent  son chalet dans la Savoie de son enfance, Paris où Novarina écrit et peint dans ce qu’il appelle son atelier, avec sa façon bien à lui de  disposer  le manuscrit d’une pièce sur un mur, comme pour mieux parvenir à repérer les failles d’un texte auxquelles il lui faudra remédier avant publication et/ou mise en scène. Il parle de façon précise et juste du rapport qu’il entretient à l’écriture, surtout depuis que l’ordinateur est apparu dans sa vie. Occasion pour nous de rappeler que le mot a été proposé à IBM  en 55 -eh! oui, il y a déjà 56 ans-par Jacques  Perret, philologue spécialiste de Virgile et de Saint-Augustin, l’un de nos anciens et meilleurs profs de Sorbonne.
Novarina parle entre autres de cet étonnant chapitre de La Chair de l’homme paru en 95, une volée de 1.654 noms propres du Chablais, une sorte de mémorial quasi -ethnologique de ce coin de Savoie cher à Novarina,  constitué de noms de personnes qui se bousculent aux portes de la mémoire de ceux qui les ont connu ou pas du tout. Dans le  second  entretien, Novarina parle de l’ art brut dont  Lausanne est devenue comme une sorte de capitale   grâce au musée où sont exposés, entre autres,  les fameux dessins d’Aloïse;  il a parle de sa fascination pour la peinture qui, au fil des ans,  est devenu, avec l’aide de son scénographe et complice  Philippe Marioge, un élément de plus en plus essentiel de ses spectacles.
C’est même sans doute et sauf erreur, le seul dramaturge français qui ait ancré son langage à un système pictural qu’il a  entrepris de réaliser  avec obstination depuis 86, et toujours avec plus de justesse et de vérité, comme on a pu le voir avec Le vrai  Sang cette année à l’Odéon.
Il y a aussi un chapitre tout à fait exemplaire des réflexions que peut avoir un écrivain de théâtre par ailleurs  metteur en scène,  quand il s’agit d’expliquer les nuances de son texte à des comédiens hongrois (ce  pourrait    être aussi des comédiens français- souvent plus soucieux  d’avoir des indications nettes et précises quant à leur personnage, alors qu’il ne voit pas les choses de cette façon-là: « Le travail, dit-il, porte toujours sur une architecture de rythmes. le sens est une architecture de rythmes, un jeu de force ». mais il ajoute aussi avec beaucoup d’humilité que « c’est toujours au metteur en scène de se faire mieux comprendre sur ses intentions ». Il rappelle aussi que sa première préoccupation est surtout que l’acteur reste bien nacré mais à son insu sur la construction de la pièce, et insiste aussi sur le fait que le spectacle est aussi et surtout pour lui l’artfe la mort, le drame d’un organisme va disparaître, avec tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à une création: techniciens, acteurs, scénographe, éclairagistes, créateurs de costume. Mais c’est aussi bien entendu dans cette fragilité que réside toute la valeur d’un spectacle théâtral: on sait tout cela, bien entendu, mais on en prend encore plus conscience quand c’est  dit, et bien dit,  par un orfèvre du langage comme Valère Novarina. 
  On se balade aussi dans l’entrepôt où sont stockés les décors, « sédimentation de dix ans de spectacle »,  où l’on trouve aussi des choses comme un caillou, la vieille Mobylette qui avait appartenu autrefois à Novarina et qui a figuré dans plusieurs de ses spectacles. Novarina est visiblement fasciné par l’objet, quel qu’il soit, quand il est mis en situation: « Le moindre objet sur scène, tire tout vers lui, focalise la pensée, matérialise l’attention ». Avec, bien  entendu, une relation très forte au langage… Il évoque aussi la mémoire de son ami Daniel Znyk, merveilleux acteur de quelque six de ses pièces dont L’Opérette imaginaire mise en scène par Claude Buchwald, et brutalement disparu il y a cinq ans.  Novarina parle aussi avec beaucoup de clairvoyance de la répétition ,  en particulier dans L’Art de la fugue de J.S. Bach mais aussi dans son travail d’écrivain.
Au total, en quelque 174 pages illustrées de très belles photos, notamment d’un masque de Daniel Znik, une somme de réflexions  sur l’écriture, la mise en scène mais aussi sur le parcours d’une vie  d’écrivain; jamais de grands phrases tonitruantes mais comme une conversation personnelle que l’on aurait avec lui sur un chemin de campagne où il dit, sans avoir l’air d’y toucher, bien des choses essentielles sur l’écriture, le langage et le théâtre contemporain.

Philippe du Vignal

Editions de la Transparence 25 euros.

PIERRE ET JEAN

Pierre et Jean  de Maupassant,mise en scène de Vica Zagreba,


La famille de Pierre et Jean, enfants d’un fonctionnaire retraité qui a quitté Paris pour les joies de la pêche au Havre reçoivent la visite d’un notaire qui leur annonce un legs fabuleux au cadet par l’ami de toujours qui vient de disparaître.
Après la joie et la surprise, la jalousie puis le doute s’emparent de l’aîné, pourquoi un seul légataire, l’ami de la famille qui partageait tous les dîners n’est-il pas le père de son frère ?
Le père toujours joyeux et réjoui continuera d’ignorer la vérité que la mère finit par avouer à son fils. Interprété avec vivacité par une compagnie dynamique, constituée au terme d’un stage, six bons comédiens se relaient pour tenir tous les rôles.
Sébastien Rajon est  particulièrement savoureux dans le rôle du notaire, et  ce spectacle fait passer une heure agréable. Pierre et Jean devrait être repris à la rentrée au Théâtre de la Folie.
La compagnie présentera une nouvelle création au Festival Enfants de troupe Premiers pas qui vient de commencer au Théâtre du Soleil.

Edith Rappoport

Théâtre de la Folie jusqu’au 8 mai à 15 h, 01 43 55 14 80

MOI CARAVAGE

MOI CARAVAGE  de et par Cesare Capitani

D’après La course à l’abîme de Dominique Fernandez, mise en scène de Stanislas Grassian, direction d’acteurs de Nita Klein

Cesare Capitani campe avec une belle vigueur ce portrait de Michelangelo Merisi, artiste fougueux et révolté qui tira son nom de son village d’enfance. Il nous conte son enfance bouleversée par le départ de son père, la pauvreté, son apprentissage dans l’atelier d’un peintre médiocre, sa rencontre avec un jeune Sicilien qui partagera sa vie, son entrée dans la cour des grands qui lui passent des commandes, ses déboires avec un autre amant qui lui vole une de ses œuvres…Il est accompagné par Laetitia Favart qui figure l’âme sœur dans de beaux solos lyriques où Lasciate mi morire de Monteverdi revient comme un refrain.Les éclairages soignés cernent bien cet inventeur du clair-obscur,  et l’on se croirait par instants devant un tableau au Louvre…

Edith Rappoport

Jusqu’au 21 mai 2011, www.lucernaire.fr

Faut qu’je danse ! et Daphnis é Chloé

galottadaphne0411.jpgFaut qu’je danse ! et Daphnis é Chloé, conception et chorégraphie de Jean-Claude Gallotta .

 

C’est le printemps dans le ciel et sur le plateau nu du théâtre des Abbesses, qui accueille Jean-Claude Gallotta qui revient avec une création en forme de prologue qu’il danse seul Faut qu’je danse , et la reprise de Daphnis é Chloé avec trois jeunes danseurs, qui reprennent son rôle, celui de Mathilde Altaraz-épouse et assistante du chorégraphe- et celui de Pascal Gravat.
Jean-Claude Gallotta à 61 ans, avec sa tête de poussin sorti du nid, garde un enthousiasme, une jeunesse de corps et d’esprit intacte. Ce solo, représente pour lui une sorte de je me souviens dansé mais aussi lu qui raconte la création de Daphnis é Chloé en 1982, un trio qui a marqué l’histoire de sa compagnie.
A l’époque, Henri Torgue jouait au piano sur scène sa musique créée pour l’occasion, mais occupé par ses propres concerts, il l’a enregistrée pour le spectacle. C’est donc un vrai travail de transmission auquel le public assiste aujourd’hui. Et la danse contemporaine est confrontée de plus en plus à cette problématique de transmission.
Faut-il recréer des partitions chorégraphiques déjà mythiques comme dans le ballet classique ou pas ? Faut-il permettre à un nouveau public de découvrir des œuvres importantes du répertoire contemporain ou pas ? Jean Claude Gallotta a fait le choix d’une nouvelle découverte. Avec de remarquables interprètes, Francesca Ziviani, Nicolas Diguet et Sébastien Ledig. Chacun d’eux rayonne par sa présence, son énergie et sa fluidité.
Allez voir comment dans cette reprise Jean-Claude Gallotta se transforme en une sorte de Charles Trenet de la danse contemporaine qui insuffle à ses danseurs une joie de vivre très communicative….

Jean Couturier

 

Théâtre des Abbesses jusqu’au 30 avril.

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