La Stupéfaction, texte et mise en scène de Marie Provence

La Stupéfaction , texte et mise en scène de Marie Provence

Trois personnages dans un lieu qui restera indéterminé, peut-être un hôpital psychiatrique, essayent de survivre tant bien que mal  après un traumatisme qui a bouleversé leur vie. Peter (Florent Cheippe) qui travaille dans une entreprise de communication, n’a pas réussi à surmonter le stress permanent qu’on lui impose et a été foudroyé par un AVC. Il veut quand même essayer de s’en sortir.
Fred, très fragile enseignante (Leslie Granger) est en état d’épuisement moral et physique. Et  Mathilde (Cristelle Saez) a subi une rupture brutale après douze ans de mariage. Trois vies, trois histoires différentes avec quand même, un certain appétit de vivre, sans doute écrites d’après des expériences réelles. Sur ce grand plateau, juste un châssis pour figurer une cloison vitrée,  avec au fond, l’image projetée d’une forêt (scénographie de Claudine Bertomeu)

© Raphaël Arnaud

© Raphaël Arnaud

Peter, Fred et Mathilde nous font partager des bribes de récits de leur vies respectives. Il y a parfois  de longs silences.Cela tient d’une thérapie de groupe et d’un théâtre documentaire mais cette fable poétique sur la difficulté à renaître après une expérience personnelle douloureuse, a bien du mal à décoller et l’autrice et metteuse en scène n’arrive pas à créer un lien entre ces trois personnages et le public qui ne semble pas vraiment attentif.
«La Stupéfaction, dit Marie Provence, est une fable sur l’aptitude à faire face au chaos et à retrouver le goût du désir. Un temps suspendu dans un monde imaginaire où des personnages, ébranlés par un drame, tentent de se reconstruire. »

Pourquoi pas? Mais c’est une première pièce et l’autrice peine à donner vie à ses personnages et les courtes scènes se succèdent laborieusement. La mise en scène fait du surplace et les quatre-vingt dix minutes de  cette piécette qui se termine plutôt qu’elle ne finit, sont bien longues. La faute à un dialogue vraiment  trop léger, proche de mauvaises séries télé et à une direction d’acteurs approximative.
Marie Provence aurait pu aussi  nous épargner ces projecteurs aux lumières rouges et violettes poussés par les acteurs et qui ne font pas sens. Cette coproduction du Théâtre Joliette, Scène Conventionnée d’intérêt national Art et Création pour la diversité des écritures contemporaines et le Théâtre National de Marseille-La Criée ne nous a pas vraiment convaincu. Sur un petit plateau comme bientôt celui du Théâtre du Balcon à Avignon et avec un texte resserré, une direction d’acteurs améliorée, le spectacle pourrait davantage faire sens…  A suivre.

Philippe du Vignal

Spectacle joué du 4 au 8 novembre au Théâtre Joliette, 2 place Henri Verneuil, Marseille (II ème) en partenariat avec le Théâtre national de La Criée, Marseille.
Les 30, 31 janvier et 1er février, Théâtre du Balcon, dans le cadre de Fest’hiver, Avignon ( Vaucluse).

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Faire le beau, création théâtrale, textile et musicale de Nicolas Doutey, mise en scène de Bérangère Vantusso

Faire le beau, création théâtrale, textile et musicale de Nicolas Doutey, mise en scène de Bérangère Vantusso

Au Festival d’Avignon 2021, Bérangère Vantusso met en scène Bouger les lignes Histoires de cartes de Nicolas Doutey et  retrouve l’auteur pour cette création au Théâtre Olympia-Centre dramatique National de Tours, qu’elle dirige depuis janvier dernier. Elle nous convie à une rencontre historique et politico-sociale sur le rapport du corps avec le vêtement sous toutes ses coutures et avec beaucoup d’invention ! La mise en scène est magnifique comme le jeu des interprètes. À la fois chorégraphique sous la direction de Thomas Lebrun, elle est aussi d’une grande élégance visuelle. Dans une atmosphère calme, le spectacle qui réunit danse, musique et théâtre, s’ouvre dans un clair-obscur laissant apparaître au centre de la scène, une gigantesque cabine d’essayage. Cet élément imposant va se déployer et se transformer au fil des situations et au rythme du changement des tenues. En arrière-plan, un immense châssis de cordes  évoque une  harpe. Belle scénographie de Cerise Guyon qui, avec des pans de tissu crème,  métamorphose les habituels portants en une série de vagues et voiles de bateau repliées. Dans les plis et replis, sont rangés les costumes dont s’emparent les mannequins.

© Ivan Boccara

© Ivan Boccara

La création-lumière de Florent Jacob apporte un relief aux éléments scéniques, intensifiant la parole dramatique, comme l’utilisation du matériau textile, donne une légèreté à l’ensemble de la scénographie. Des structures rectangulaires encadrent selon les scènes et souvent au début de chaque tableau, les silhouettes-personnages finissent par s’en échapper comme une réponse nette donnée aux vêtements parfois en trop vive possession de leur corps.
La pièce et ses personnages singuliers : cinq silhouettes ou mannequins est découpée en cinq blocs (ce qui revient à cinq actes du théâtre) : Bloc 1 : Ce n’est pas dramatique. Bloc 2 : Monologues des fonctions. Bloc 3: Les boutons. Bloc 4 Le vêtement qui ouvre des portes. Bloc 5 : Le vêtement qui en dit peu. Une composition  donne au public une vision riche du thème, à la fois claire et jubilatoire de par la variété thématique et l’interprétation de la jeune troupe en Région Centre-Val de Loire, du théâtre de l’Olympia : Félix Amard, d’une habileté et d’une justesse fascinante, Joséphine Callies, Claire Freyermuth, Camille Grillères et Luka Mavaetau. Tatiana Paris, musicienne et chanteuse, a composé une bande-son aux rythmes électro et joue des morceaux à la guitare. La mise en scène offre une place subtile à la musique avec une théâtralité poétique et originale. Comme dans cet émouvant moment, où dans une scène à la piscine, cela la gêne de dévoiler son corps en maillot de bain, Tatiana Paris interprète une chanson toute en délicatesse. Un instant d’une sensibilité à fleur de peau. 

Les costumes ( une centaine) créés par Sara Bartesaghi Gallo, tous très suggestifs, renforcent la théâtralité des histoires et  deviennent ici des personnages à part entière qui en disent long sur la nature humaine, les mœurs et régimes politiques. «Le rôle des habits ne se borne pas à nous tenir chaud, écrivait Virginia Woolf dans Orlando. Ils changent le monde à nos yeux et nous changent aux yeux du monde. (…) Ainsi, comme on le soutiendrait avec raison, ce sont peut-être les habits qui nous portent, et non pas nous qui les portons. »  Selon les situations vécues, l’apparence et le regard d’autrui, ils occupent une large place dans notre quotidien et notre comportement. Comme dans Le Garçon de café de Jean-Paul Sartre. De cette apparence si présente, la metteuse en scène fait une performance ! Incroyable est l’agilité avec laquelle Camille Grières, dans la saynète  Histoire du vêtement, passe à un rythme ultra-rapide, d’un vêtement d’une époque, à celui d’une autre !
Avec cet historique du costume féminin, du néolithique au XX ème siècle, nous apprenons, au sujet des femmes et de leur statut que « le code Napoléon inscrit l’infériorité des femmes dans la loi et les cantonne à la vie domestique. » Ou que « la loi française interdisait aux femmes de porter le pantalon, sauf si elles avaient à la main un cheval ou une bicyclette. La loi fut abolie en 2013. (…) Le pantalon provoqua une forte résistance du côté masculin, bien plus forte, on peut l’imaginer, que pour la mini-jupe. » Ce n’est qu’à partir des années soixante, que les femmes parviennent à conquérir le pantalon!  

Choisir et porter un vêtement n’a rien d’innocent ! Les cinq mannequins nous font vivre toutes les facettes de l’habit et ses conséquences une fois porté. Et Bérangère Vantussso nous le rappelle: «C’est terrible comme on classe les gens en un clin d’œil !»  Le spectacle met en jeu la question du goût, le regard de l’autre et montre comment la façon de s’habiller peut susciter la honte ou le mépris, et comment il est aussi un reflet de soi : « Ah! Mon jogging, mon vaste jogging où je flotte. (…)  Il me permet de passer incognito; c’est comme une cape d’invisibilité, il signifie une forme de retraite pour mon corps.» Ici, les habits se croisent avec humour, sérieux ou fantaisie, nous parlent et touchent à la fois l’intime et le collectif.
La chorégraphie, enjouée ou symbolique, va avec brio, du défilé militaire, à celui de manifestations politiques ou sociales, au défilé de mode, et à la fin, à une réjouissante danse carnavalesque. Et le public est sous le charme- les nombreux jeunes sont enthousiastes- de ce véritable ballet.  Ce dialogue inattendu entre pensée et gestuelle des corps, intimité et l’extériorité des êtres, s’instaure et retient notre attention, avec des fragments de La Distinction de Pierre Bourdieu, du Goût du moche d’Alice Pfeiffer, de Subvenir aux miracles de Victoire de Changy, et autres citations philosophiques ou littéraires.  Le texte de Nicolas Doutey a parfois tendance à freiner la vivacité du spectacle mais l’alliance du corps avec cette seconde peau, est portée avec éclat par la mise en scène de Bérangère Vantusso. 

Elisabeth Naud 

Jusqu’au 15 novembre au Théâtre Olympia-Centre Dramatique, 7 rue de Lucé, Tours (Indre-et-Loire) . T : 02 47 64 50 50.

Du 12 au 20 mars  au Théâtre Public de Montreuil-Centre Dramatique National  (Seine-Saint-Denis).

Du 8 au 10 avril, Comédie de Béthune-Centre Dramatique National Nord-Pas de Calais.  

Les broderies de Dominique Orozco

Les broderies de Dominique Orozco

La broderie, c’est à dire coudre avec un art d’orfèvre sur un tissu à plat, des fils, perles, paillettes, est un art venu du fond des temps: la broderie chinoise remonte à plus de 5. 000 ans et il y a, à peine un siècle, le linge personnel et de maison (draps, etc.) était dans les familles bourgeoises européennes, un instrument d’identification, quand il était envoyé aux blanchisseries. Mais elle ornait aussi les robes de haute couture. Et dans les religions catholique et orthodoxe: les chasubles, étoles, mitres, pavillons de ciboire, etc.  Et plus récemment, sur les costumes d’opéra et aussi parfois de théâtre.

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Dominique Orozco a travaillé de 74 à 2017 soit quarante-trois ans ! à l’atelier couture du Théâtre National de Chaillot dirigé par Josette Quin. Un service exceptionnel mais au sous-sol! où ont été réalisés les costumes de Yannis Kokkos pour les mises en scène d’Antoine Vitez et ensuite ceux de Michel Dussarat pour Jérôme Savary. C’est grâce aussi à toutes ces couturières et à leurs camarades techniciens qu’ont pu naître ces remarquables spectacles comme Hamlet, Electre, Le Soulier de satin… pour le premier, et ensuite, pour le second : Cyrano de Bergerac, Mère Courage, Le Bourgeois Gentilhomme…  Et Dominique Orozco  broda le costume du Comte Almaviva  que jouait Didier Sandre dans Le Mariage de Figaro, mise en scène de Jean-Pierre Vincent.
En 2007 pour Un Chapeau de paille d’Italie d’Eugène Labiche, réalisé par Jean-Baptiste Sastre, Christian Gasc, ce grand costumier mort il y a trois ans, demanda à Dominique Orozco de broder un petit sac à main en organsa de soie. Une véritable œuvre d’art. Ce service couture a aussi rendu de grands services à l’École du Théâtre National de Chaillot; ainsi les apprentis-comédiens dirigés par Andrzej Severyn ont pu jouer Peines d’amour perdues de William Shakespeare dans de magnifiques costumes, conçus entre autres, par Yannis Kokhos pour de nombreuses pièces…

© Dominique Orozco

© Dominique Orozco

Dominique Orozco a été inspirée par les feuilles de gingko, le premier arbre, dit-on, à repousser après le bombardement atomique d’Hiroshima. Appelé aussi arbre aux mille écus avec des individus mâles à cônes de pollen et des femelles à longs pédoncules portant à leur extrémité un ovule, nu et sans pétales. Antoine Gouan (1733-1821) en planta un au Jardin des plantes de Montpellier en 1788 et sept ans plus tard, on en mit une bouture au Jardin des plantes à Paris. Et ils sont encore bien vivants! Le ginkgo biloba a séduit Goethe à Weimar « La feuille de cet arbre, qui, de l’Orient,/ Est confiée à mon jardin,/Offre un sens caché/ Qui charme l’initié. » Et devenu l’arbre-fétiche de cette ville, il a aussi passionné les peintres de l’Art nouveau. Bref, il est entré dans l’histoire de l’art occidental.

© D. Orozco Harmonie ( 2023)  22cms x 32cms

© D. Orozco Harmonie (2023) 22 cms x 32cms


Dominique Orozco apprit la broderie d’art grâce à neuf stages dans la très renommée maison Lesage de 2006 à 2016 avec  des ouvrières d’exception. Ce très exigeant et long travail qui existe en France depuis des siècles est réalisé au crochet de Lunéville qui permet d’insérer perles et paillettes sur les tissus et autres matériaux comme de la vessie de porc, des peaux de serpent..

Elle passait souvent devant le musée Guimet, proche de Chaillot où il y a dans le jardin des ginkgos, arbres sacrés en Asie où les moines bouddhistes chinois et japonais les soignent depuis des siècles. Le plus ancien connu a 1.400 ans ! Emile Guimet, fondateur de ce musée, en aurait planté un dans le jardin et leurs feuilles vert cru, passent au jaune vif à l’automne.
Admirative, Dominique Orozco en a récupérées d’une branche qui était tombée sur le trottoir. Il y a plusieurs type de feuilles aux lobes séparés, triangulaires, en éventail. Autant d’éléments pour motifs de broderie. Et elle fera ses premières créations en 2019,en mettant parfois un très légère couche de peinture pour tissu, ce qui stabilise les couleurs végétales fragiles, allant du vert au jaune voire au marron. Puis,  elle brode sur ces feuilles et autour sur les tissus de soie, tulle, coton… avec des chenilles de soie, des perles et tubes de verre, voire de paillettes anciennes. Elle expose ici une vingtaine d’œuvres, remarquablement encadrées, qui témoignent d’une sensibilité exceptionnelle et d’un travail, humble mais d’une extrême précision, fondé sur un savoir-faire retransmis par des ouvrières spécialisées et auquel Dominique Orozco,  qui maintenant enseigne aussi la broderie, reste très attachée.

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©x (2021) 10 cms x 90 cms)

Pourquoi est-on fasciné par ces œuvres… Sans doute grâce à l’union entre végétal d’une extrême fragilité et matériau minéral indestructible, entre techniques du passé et travail au présent, pas si fréquent en art contemporain… Il y a, semble-t-il, une recherche d’identité, comme celle qu’a menée Annette Messager avec un intérêt pour le tissu, le tricot (Mon guide du tricot 1973-2011) et… la broderie, notamment dans Ma Collection de proverbes (1974). Ici, pas de critique de la condition féminine mais chez Dominique Orozco, un langage plastique avec, comme chez Annette Messager, l’utilisation de matériaux sans valeur et du quotidien: des feuilles « mortes » auxquelles cette artiste redonne une vie splendide…
Il y a ici, comme une lutte personnelle pour arrêter le temps. « Le seul véritable voyage, le seul bain de jouvence, écrivait Marcel Proust, dans A la recherche du temps perdu, ce ne serait pas d’aller vers de nouveaux paysages, mais d’avoir d’autres yeux ». Dominique Orozco nous offre cette riche possibilité. Ce serait bien qu’un Centre d’art contemporain, achète une de ces œuvres, à l’opposé de celles académiques, laborieusement conçues à partir de l’art conceptuel: cela changerait… 

Philippe du Vignal


Jusqu’au 17 novembre, Espace F 360  5 rue Mignon, Paris (VI ème), de 11 h à 19 h.


L’Homme fatal d’Etcha Dvornik

L’Homme fatal  d’Etcha Dvornik

Ses précédentes pièces s’inspiraient de textes qui n’étaient pas d’elle : de la correspondance entre Grisélidis Real et Jean-Luc Hennig pour La Passe imaginaire, adaptée à Paris à la Comédie-Saint Michel en 2018. Hole, présenté au Festival International des Arts à Paris en 2023, avait pour base Le Livre des jouissances, de Jean Philippe Domecq. Dans le cas de L’Homme fatal, il n’en va pas de même. Il s’agit d’un solo de l’auteure, « un travail très personnel, d’après une expérience personnelle », nous dit-elle. Le sous-titre en est Emprise et le spectacle traite de cette question : l’emprise d’un homme sur une femme, la comédienne elle-même. Etcha Dvornik entre côté jardin et appréhende le clair-obscur. Elle porte une longue robe noire.

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Elle arpente la scène à pas sinueux. Tout son corps est en mouvement, avec de gracieux portés de bras et des poignets serpentins. Dvornik vient de la danse autant que du théâtre. Dans L’Homme fatal, elle hybride les deux formes d’art. Sa voix, enregistrée ou proférée, mezzo voce, avec un très léger accent, rappelle un récit passé, celui d’une rencontre. Fortuite, dans l’anonymat d’une ville. D’abord un heureux hasard. L’homme s’appelle Célestin. Elle n’a pas de nom. L’homme fatal n’a pas de visage, il n’est qu’une voix que l’on perçoit en off.Le propos est érotique, le langage vert. Lorsque Célestin n’est pas à la hauteur (le terme employé est « bander »), il se croit obligé de lui introduire un pénis en bois dans le vagin. À cela s’ajoute son obsession pour la posture du photographe qui décide seul de la position du sujet à photographier.Sans qu’elle ne se l’avoue, la jouissance passe chez elle par la transgression, celle de la bienséance comme de la défiance envers »malegaze.
« L’histoire est racontée par une victime consentante. Célestin est-il un si mauvais bougre ? A-t-il d’autres préoccupations ? Femme et enfants à dos ? Toujours est-il qu’elle projette sur lui la figure du tortionnaire.Le supplice le plus efficace que lui inflige ce mufle – un Sade au petit pied – est l’éloignement, sans plus d’explication. La disparition. Il se défile. Elle agonise. Elle geint, gémit, hurle : « Sacré masochisme !». Elle attend des jours entiers ses appels téléphoniques, s’accuse plutôt qu’elle ne l’accuse, va jusqu’au se reprocher d’être étrangère. Elle souffre de ce que l’on nommait jadis passion ou dépendance amoureuse et que, par la bouche de la Phèdre de Racine, le classicisme français a le mieux traduit : « C’est Vénus tout entière à sa proie attachée ». Ces affres, ces tourments, Etcha Dvornik les danse admirablement, avec une grande présence et un engagement physique total. Elle est l’héritière de l’ »ausdrucktanz », telle qu’elle lui a été transmise par Jacqueline Robinson, elle-même disciple de Mary Wigman. Elle s’exprime par une gesticulation qui se moque de l’esthétique, faite de positions à genoux, à plat ventre, à croupetons, de mouvements de reptation.

 Le salut viendra d’un livre que la danseuse montre au public : Les Perversions narcissiques de Paul-Claude Racamier. Le psychanalyste, après une première approche de la perversion narcissique, en distingue deux versions. L’une est voisine de la paranoïa et de la psychose passionnelle et s’observe surtout chez les femmes, la seconde proche du narcissisme glorieux se constate plus chez les hommes. Célestin et la dame sans nom s’étaient bien trouvés. À la fin de la pièce, la comédienne et danseuse est assise à son bureau, le stylo à la main. Elle a retrouvé sa maîtrise, un mot qui rime avec emprise et qui a un double sens : la maîtrise de soi et le travail universitaire que l’on rédige en Master, cursus qu’a suivi Edcha Dvornik à l’Université de Vincennes.

 Nicole Gabriel

Spectacle joué du 30  octobre  au 2  novembre, au Local des autrices, 18  rue  d’Orillon Paris (XVIII ème) ,. T. : : 01 46 3611 89
 
Du 6  mars  au 3  juillet, Comédie Saint-Michel, 95  boulevard Saint-Michel,  Paris ( V ème) .  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Graham 100, par la Martha Graham Dance Company et Aurélie Dupont

Graham 100, par la Martha Graham Dance Company et Aurélie Dupont

Nous avons suivi cette compagnie américaine historique fondée en 1926, et elle avait ouvert en 2018 la saison Danse à l’Opéra de Paris, à l’invitation d’Aurélie Dupont. Nous retrouvons aujourdhui comme danseuse, lancienne directrice de la danse dans le programme A qui célèbre les manifestations des 100 ans de cette troupe. Les cent ans de la compagnie seront célébrés à New York en avril prochain. Quatre pièces à découvrir: soit un voyage dans le passé pour les deux premières et, dans le présent pour les suivantes. Le tableau avec Aurélie Dupont a été chorégraphié par Virginie Mécène cette année, à partir d’une photographie en noir et blanc de Martha Graham en 1926.

© M Sherwood

© M Sherwood

Nous l’avions rencontrée quand elle avait collaboré à deux pièces pour célébrer les quatre-vingt-dix ans de cette compagnie à New York, puis à l’Opéra-Garnier pour la reprise du solo Ekstasis en 2018. Il y a quelques mois Janet Eiber, directrice artistique, avait invité Aurélie Dupont à venir danser à Paris pour Graham 100.
« Cela fait quatre ans, dit-elle, que je nai pas dansé. » Pendant trois mois elle a repris des cours de danse classique et de pilates. Connaissant Virginie Mécène, elle décide de créer avec elle Désir, un solo ».
Elles ont travaillé sur dix jours,
à raison de cinq heures. SelonAurélie Dupont, Virginie Mécène  a donné du mouvement a une image pour finir par faire naître un solo de cinq minutes ». Pendant les répétitions ,« Revenir devant un miroir pour la première fois était surprenant, puis jai retrouvé peu à peu mes sensations davant. »
Elles ont commandé une robe rouge un peu élastique et près du corps à Anne-Marie Legrand, cheffe d’atelier de couture à l’Opéra de Paris.« Parfois, dit-elle, me manquent le plateau et cette petite bulle artistique appartenant seulement à celles et ceux qui arrivent des coulisses. Un moment de no mans land, où l’on devient quelqu’un d’autre. »

Errand into the maze (1947) est inspiré du mythe du labyrinthe avec Ariane et le Minotaure. Isamu Noguchi a réalisé décors et costumes et la musique de Menotti est très cinématographique. Et le tout comme souvent chez Martha Graham, d’un expressionnisme théâtral

Dans Cave of the heart ( 1946), Médée utilise la magie pour semparer de la Toison dor pour l’offrir à son amant Jason. La musique de Samuel Barber accompagne ce moment dont lesthétique appartient à un autre temps. Il faut voir ces pièces comme un témoignage du passé mais très novateur pour l’époque. Pour Cave, Hofesh Shechter s’est inspiré de la danse et des musiques des « rave » parties nées dans les années quatre-vingt. En, anglais « rave » :délire.Il a monté cette pièce avec la compagnie après la pandémie. Un exemple récent et douloureux de rave partie surgit dans la réalité sombre actuelle, comme le massacre au festival Nova le 7 octobre 2023 ne peut s’effacer de cet instant scénique.
A son habitude, Hofesh Schechter a composé musique et lumières pour  une débauche d’énergie vitale salutaire. La troupe prend un réel plaisir à danser et, aux mouvements de groupe, succèdent quelques performances individuelles. Nous sommes conquis. A Paris, cette soirée contrastée lance parfaitement la célébration des cent ans de cette compagnie mythique.

Jean Couturier

Jusqu’au 14 novembre, Théâtre du Châtelet 1 place du Châtelet, Paris ( Ier). T. : 01 40 28 28 40.

Nous les héros, version avec le père, de Jean-Luc Lagarce, mise en scène deClément Hervieu-Léger

Nous les héros, version avec le Père, de Jean-Luc Lagarce, mise en scène de Clément Hervieu-Léger

 «Lorsqu’ils sortent de scène, dans les coulisses, les acteurs de la troupe commencent leur vie, recommencent leur vie, leur vraie vie disait le l’auteur. Ils sont à nouveau eux-mêmes, c’est ce qu’ils veulent croire. Mais nous fêtons un événement important, avec soirée particulière. La fille aînée des patrons de la troupe se fiancera, dans les coulisses, avec le jeune premier de la fin de l’acte I.
Elle l’épousera puis ils seront chefs du théâtre et joueront le répertoire de la compagnie, contre tous les aléas de l’existence, les hôtels mal chauffés, le petit personnel agressif des salles des fêtes en province et l’indifférence narquoise du public et des enfants imbéciles ».
Clément Hervieu-Léger réussit à capter  l’élan vital des artistes qui jouent ici avec un naturel désarmant. La vie d’une troupe, ils l’ont tous vécue, avec amours, conflits, galères, espoirs… Cette pièce chorale nous transporte dans l’envers du décor. Un plateau vu des coulisses fermé par un rideau gris-vert à cour. Quelques éléments mobiles, des chaises, des tables pliantes, des portants avec costumes témoignant de la vie d’une troupe ambulante (belle scénographie de Camille Duchemin).

 

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©xJuliette Parisot

 

L’auteur situe l’histoire en Europe centrale au début du XX ème siècle, juste avant la première guerre mondiale mais le metteur en scène la transpose avant la chute du mur de Berlin. Avec des transitions jouées et chantées par les acteurs alternant musique classique et musique des années quatre-vingt. Il y a une certaine nostalgie chez les spectateurs de cette génération. C’est aussi l’histoire d’une famille de théâtre avec «pièces rapportées ». Un couple de comédiens : Mme Tschissik, une diva est chargée d’apporter plus de public à une tournée qui s’essouffle. Rôle interprété par l’exceptionnelle Elsa Lepoivre, toujours aussi juste. Mais tous sont engagés pleinement dans leurs rôles. Mention spéciale à Daniel San Pedro, chef de troupe autoritaire et plein de doutes: «C’est chez moi, c’est mon entreprise. Nous devons respecter les règles minimales dans une mise en scène cohérente. Je suis inquiet au sujet de la vie que nous menons… »
Autre personnage remarquable; Joséphine (Aymeline Alix), promise au jeune premier et malmenée par ses partenaires. La comédienne vient d’être engagée comme pensionnaire de la Comédie-Française. En deux heures vont se succéder confessions et rêves inaccessibles. Clément Hervieu-Léger porte un regard tendre sur ce concentré d’humanité fragile. Le public ne s’y trompe pas et, aux saluts, est en totale empathie avec artistes. Le metteur en scène va quitter la compagnie des Petits-Champs qu’il dirigeait avec Daniel San Pedro, pour se concentrer à sa fonction : administrateur de la Comédie-Française.

Jean Couturier

Spectacle vu au Théâtre des Bouffes du Nord, 37 bis boulevard de la Chapelle, Paris (X ème). T. :01 46 07 34 50.

Le 14 novembre au Théâtre de Rungis, Val-de-Marne). Le 18 novembre, Espace Jean Legendre, Compiègne (Oise).

Les 3 et 4 décembre, Théâtre de Caen ( Calvados).

La mystique des échauffements au théâtre, la mort d’un enfant, une opération, les vingt-cinq ans de Vincent, Jean-Luc Godard…

La mystique des  échauffements au théâtre,  la mort d’un enfant,  une opération, les vingt-cinq ans de Vincent, Jean-Luc Godard…

 
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Je doute  de la pertinence des échauffements. Il y a longtemps, mon professeur d’expression corporelle au Théâtre Gérard Philipe à Saint Denis, était Jean-Marie Binoche, mime, sculpteur de masques, metteur en scène, pédagogue (1933-2019) et père de Juliette Binoche. J’étais allé le voir jouer et j’ai remarqué que ses fastidieux exercices ne servaient à rien: il n’avait aucune présence sur scène. Et depuis, j’ai toujours noté que l’on pouvait être très bon en échauffements physiques, vocaux, etc. Mais qu’ils n’étaient jamais applicables à la scène. Peter Brook, lui, faisait faire des échauffements frôlant le ridicule: on s’envoyait des ballons ou on jouait à la chandelle. Je lui posais la question. «   On apprend, dit-il, aux gens à jouer ensemble mais c’est tout, c’est ludique et décontractant ».
J’ai vu d’excellents acteurs au bistrot cinq minutes avant de jouer, d’autres pratiquaient des positions de yoga, d’autres enfin chauffaient leur voix en récitant les jours de la semaine. Personnellement,  j’aimais ne rien faire et être présent au moins deux heures avant de jouer, pour me concentrer. Mais une fois arrivé à la dernière minute, cela pouvait être une catastrophe avec des oublis… 

 
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©x Marcel Djondo

La mort d’un enfant, il n’y a rien de pire. Samedi 19 octobre.  Celle du fils de Marcel,  vingt-cinq ans , nous fait du mal. Marcel Djondo, c’est trente ans ensemble. Venu du Togo pour un stage, il  est revenu et a été un de nos Dom Juan et la Nounou dans Oncle Vania etc. Jamais une seule dispute, entre nous. Un jour, cinglante nouvelle.  Kenji (vingt-cinq ans) s’est pendu. La semaine d’avant, disparaissait Irène, encore une proche : cancer généralisé!( ….)

 Le jour où il n’y aura plus d’hier, le jour où il y aura une parfaite égalité entre tous les hommes,  le jour où il y aura de la fraternité, le jour il n’y aura plus de jalousie, le jour où hommes et femmes vivront paisiblement leurs amours, le jour où les enfants pousseront droit et feront des bonnes études. Le jour où il n’y aura plus de travail pénible, le jour où il n’y aura plus d’accident de la route ni de train ni  d’avion, le jour où les pays pauvres deviendront riches et où les plus riches deviendront normaux, le jour où la pollution ne sera plus la pollution.
Le jour où on aura jugulé le réchauffement climatique, le jour où il n’y aura plus de vol de bijoux,  plus de féminicide, plus de mot en -isme,  le jour où il n’y aura plus de guerre. Si ce jour-là arrive, eh! bien il n’y aura plus besoin d’artistes. On n’aura plus rien à dire et peut-être même, faudra-t-il régler de plus graves problèmes, et le mal de vivre dans l’excellence et la perfection.

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Le 24 octobre. 9 h 30.  à l’hôpital Saint-Joseph  à Paris.  Je suis stressé, mon cœur bat trop vite. Je suis sur la table d’opération et l’anesthésiste repère une arythmie du cœur. Donc, stop. « Monsieur, il y a risque d’AVC et on remet donc la pyéloplastie à plus tard. On me remet une nouvelle sonde JJ et on ne prend pas de risque. Opération courte mais réveil très long. J’étouffe après deux heures d’attente, trois heures d’attente, quatre heures d’attente. Je dois aller consulter le cardiologue au plus vite. On me prévient:  un AVC arrive assez rapidement si je ne prends pas des anti-coagulants ou si on ne me met pas un stent.  Le 25 octobre, je vais récupérer chez ma sœur Ketty à Meudon. L’escalier, un chemin de croix mais enfin rencontrer du monde, cela fait du bien. Nous allons voir Nouvelle Vague au cinéma, le « making off « d‘A bout de Souffle de Jean-Luc Godard. Etait-il vraiment comme cela pendant les tournages?  Si c’est vrai,  c’est incroyable. Il a toujours été un de nos maîtres.
 
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Les vingt-cinq ans de Vincent, notre petit-fils. Le soir, on fête son anniversaire avec des plats indiens. Sympa. Vincent est tromboniste dans l’orchestre de l’Opéra de Paris et ailleurs. Son père est très fier. Il est encore au C.N.S.M. et son professeur lui dit:  » Tu as la technique mais il te manque la Culture » Alors, il est allé voir La Mouette à la Comédie-Française, et a ouvert un livre d’Arthur Schopenhauer. (…)  La Vie est derrière moi, cela c’est sûr et certain: derrière moi…

Jacques  Livchine, co-directeur avec Hervée de Lafond, du Théâtre de l’Unité à Audincourt ( Doubs).
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

FAUSTX, adaptation, mise en scène et conception de Brett Bailey

FAUSTX, adaptation, mise en scène et conception de Brett Bailey

 Deux Faust sud-africains joués à quelques semaines d’intervalle, celui, historique, de William Kentridge au Théâtre de la Ville ( voir Le Théâtre du Blog et celui de Brette Bailey à Nanterre. Tous les deux sont aussi artistes, et quels artistes ! En août dernier, à l’invitation du Kunstfest de Weimar où se trouvent la tombe de Goethe et celle de Schiller,  Brette Bailey a mis en scène son Faust, révélant, au-delà de l’évidente universalité du mythe, la force d’actualité du poème.
Il était une fois, donc, un savant lassé et déçu qui joue sa dernière carte : accepter l’aide de Méphistophélès, l’envoyé du Diable. La proposition : il accèdera à toutes les connaissances, de omni re scibilic(en plus de son propre capital-savoir), à toutes les jouissances, mais en échange de son âme, le jour où il se sentira satisfait et comblé. Ce qui n’arrive jamais, sinon, chez Goethe, par l’intercession de Marguerite (voir le premier Faust) que Bailey ne reprend pas dans sa mise en scène. « Toujours plus », désir sans fin, envie d’avoir envie propre à la chanson populaire et, au XIX ème siècle croissance exponentielle et accélération…
Cela commence par une image qu’on pourrait qualifier de « brechtienne » : les ouvriers du spectacle sont alignés face public, dans leurs vêtements de travail un peu à l’ancienne. Puis on découvre un Faust d’âge mûr, rêveur, accroupi au premier plan, au centre, comme dans une image pieuse. Il mettra un masque, que porte déjà son acolyte un peu facétieux, l’envoyé du diable, à son service le temps du « pacte ».
Tout le spectacle se déroule ainsi, comme un livre d’images pour enfants dont on tournerait les pages, en alternance avec des moments de cinéma. Du vrai cinéma, pellicules rayée et sauts d’images, mais vrai piège qui se dénonce lui-même avec l’affichage d’un « message d’erreur » envoyé par l’ordinateur présent sur le plateau. Une note d’humour en passant…

 

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Brett Bailey a tenu, semble-t-il, à rendre hommage à la germanité, en particulier avec les musiques de Franz Schubert, Gustave Mahler, Wolfgang Amedeus Mozart même s’il n’a pas composé de Faust…Mais aussi et surtout, à l’Afrique. Où il trouve la plus belle création de masques, coiffures, bijoux, tous « chargés » qui porteront le mythe. On n’oubliera pas une Hélène parée comme une déesse, à dix mille lieues géographiques et mythiques de l’Hélène européenne, ni les masques sur les pièces de monnaie, les profils de médaille des rois (l’Empereur, dans le texte original).
Tiens, la monnaie : parlons-en. Le duo infernal de l’homme « augmenté » et de son « coach », arrose les rois de  questions sur la fausse monnaie (allusion à l’invention du papier-monnaie et à la faillite de Law, au XVIII ème siècle), tandis que Faust s’évade pour faire un enfant à Hélène (accélérons le récit !).. C’est Euphorion auquel le metteur en scène donne le masque d’Elon Musk. Et bien sûr, cela fonctionne: le mythe de Faust a trouvé son incarnation contemporaine : l’homme qui veut tout inventer, tout maîtriser, agrandir le monde, étendre le capitalisme financier au système solaire, voire plus loin , offrir aux privilégiés une vie infiniment prolongée, et le Diable sait quoi….
Voilà un très beau spectacle qui en dit beaucoup avec peu de mots et peu d’effets mais puissants, grâce à l’art du masque, à la matière et à sa profonde mélancolie, même sur la tête du facétieux diablotin.

 Christine Friedel

Jusqu’au 1er à novembre à 18 h et le 2 à 15 h,Théâtre de Nanterre-Amandiers, 7 avenue Pablo Picasso, Nanterre (Hauts-de-Seine). T. : 06 07 14 81 40 ou 06 07 14 47 83. 

Peu importe de Marius von Mayenburg, traduction et mise en scène de Robin Ormond

Peu importe de Marius von Mayenburg, traduction et mise en scène de Robin Ormon

Cet écrivain allemand (cinquante-trois ans) aussi traducteur, notamment de Sarah Kane, est dramaturge pour le théâtre de la Schaubühne à Berlin et ses pièces ont été créées,  entre autres, par Thomas Ostermeier. Depuis une vingtaine d’années, ses pièces sont maintenant bien connues en France,comme L’Enfant froid, créée par Christophe Perton (2005), Eldorado par Olivier Lopez (2008).  Mikaël Serre a mis en scène Parasites (2004) et deux ans plus tard L’Enfant froid, puis Cible mouvante. Visage de feu a été créée par Alain Françon en 2001… On avait pu aussi voir cette année Le Moche, mise en scène d’Aurélien Hamard-Padis ( voir Le Théâtre du Blog) Ou Plastiques.

 

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Cela se passe un dimanche soir chez Simone et Erik. Elle travaille dans le secteur automobile et lui, dans l’édition. Les enfants sont couchés, tout est paisible, ou apparemment… sinon, il n’y aurait pas de pièce. Simone revient d’un voyage professionnel avec un cadeau enveloppé dans du papier doré. Mais assez vite, le dialogue entres les époux révèle les non-dits..
Et les phrase d’abord banales, ont quelque chose d’ironique. Une guerre larvée va commencer… Et sans doute est-ce la fin d’une relation amoureuse dans ce couple, jusque là, uni et les reproches commencent à pleuvoir (classique!).
Lui admet mal qu’elle s’absente.


Simone admet tout aussi mal qu’il le lui reproche, alors qu’elle fait vivre la famille et qu’elle n’a en rien à se justifier. Mais où tout d’un coup cela s’inverse dans ce couple. Marius von Mayenburg sait y faire et brouille les cartes avec habileté… On sent qu’ il n’y a aucune issue possible… Sur la petite scène, de nombreux cadeaux enveloppés dans de beaux papiers. ( Mais il y en a trop et cela pollue la vision et ne facilite pas le jeu des acteurs.) Robin Ormon a su recréer cette situation tendue où lui s’occupe de la maison et elle gagne l’essentiel de l’argent pour faire vivre la famille.   Assane Timbo, excellent incarne avec une grande précision, ce mari toujours sous tension toujours sous tension et Maryline Fontaine est aussi juste dans son personnage mais elle boule trop souvent son texte et on la comprend mal surtout quand elle est dos au public.

Elle et lui sont comme à bout de souffle, usés par le temps qui les a changés… sans leur demander leur avis. A la toute fin, un téléphone sonne longuement mais personne ne décrochera et on ne saura jamais la suite. Pas de grand choix possible. Séparation du couple annoncée, ou accord de paix bancal -chacun faisant des concessions- qui aurait au moins le mérite d’exister, pour retrouver un quotidien supportable…  Comment arriver à continuer à vivre ensemble? Seule possibilité: gommer indifférence, rancœur, amertume, regrets, fermeture sur soi-même et l’auteur sait habilement nous renvoyer à nous-même… C’est le grand mérite de cette pièce et une bonne occasion d’aller retrouver ou découvrir cet auteur.  Dans la montagne de spectacles approximatifs, le plus souvent adaptés de romans, il y a  d’heureuses exceptions comme cet Peu importe avec la peinture d’un  couple actuel, faite avec lucidité et un certain humour..

Philippe du Vignal

 Jusqu’au 4 janvier, La Scala, 13 boulevard de Strasbourg, Paris (X ème). T : 01 40 03 44 30.

Les textes de Marius von Mayenburg sont publiées sont publiées par L’Arche Editeur.

La Honte ! Une célébration tragi-comique à visée universelle et cathartique de Léa Roblot et Élise Roth

 La Honte ! Une célébration tragi-comique à visée universelle et cathartique de Léa Roblot et Élise Roth

 Qui n’a pas éprouvé la honte dans sa vie ? Personne ! De cet état d’humiliation, faut-il rire ou pleurer? Et comment regarder en face un sentiment ? À partir d’une enquête et de nombreux témoignages; Léa Roblot et Élise Roth se saisissent avec aplomb et humour de cette sensation universelle. Un désir aussi, pour elles d’interroger la honte qui, aujourd’hui, semble être un affect majeur de notre époque. Si « le ridicule ne tue pas », il met mal à l’aise et parfois avec une violence inimaginable. On passe du climat d’une foire, à celui du cirque et de spectacles de télévision, avec ces actrices d’une énergie et d’une audace incroyables…

© Marie Charbonnier

© Marie Charbonnier

Des expertes, Laurence et Estelle, veulent éradiquer la honte en organisant une cérémonie haute en couleurs. Il est honteux, disait Saint-Augustin, «d’être sans honte », Laurence rétorque : « Mais nous répondons ceci : il est glorieux de l’assumer!) Ce duo clownesque, nous délivre de cet état destructeur et humiliant. Elles font de ce sentiment qui isole, un sentiment qui unit. Elles s’adressent au public comparable à une assemblée :« Pourquoi vous êtes là ? Pour entendre la honte d’autrui, c’est si jubilatoire ! » La diversité des situations, des plus banales aux plus loufoques, nous enchante : de la salade entre les dents, ou quand on vous regarde acheter du papier-toilette, comparer les prix et finalement le voler… Ou plus élégant : Phèdre, dans la tragédie de Jean Racine, aime d’un amour interdit Hippolyte, son beau-fils. Son désir la dépasse, mais pour s’affranchir de sa honte, elle s’empoisonne et meurt.

Le public s’identifie avec plaisir, aux récits parfois extravagants mais bien réels, tous issus d’un travail d’enquête fait par les metteuses en scène. Et nous devenons les témoins de la lutte des personnages avec leur propre honte. À l’image d’un cabaret humoristique et participatif, les séquences comiques, situations absurdes, chansons, danses, adresses au public, animent ici avec une théâtralité sensuelle et expressive, la célébration de la honte. Et cela agit comme une thérapie pour combattre un état psychologique absurde et toxique pour chacun. On peut être agacé par certaines situations trop attendues, pas toujours des plus drôles ou subtiles. Mais la poésie, le rire et l’interprétation l’emportent et en sortant du théâtre, le public se sent soulagé de sa propre honte et libéré du regard de l’autre !

 Elisabeth Naud

 Jusqu’au 16 novembre, Théâtre de La Reine Blanche, 2 bis passage Ruelle, Paris ( XVIII ème ). T. : 01 40 05 06 96.

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