Suis-je bête ?!, conception et mise en scène de Guillaume Clayssen

Suis-je bête ?!, conception et mise en scène de Guillaume Clayssen

 Bonne question et beau sujet, à forger et à développer dans les lycées et collèges, avant de l’exposer au théâtre: qu’est-ce qu’être bête ? En général, on s’exclame: suis-je bête! au moment précis où on ne l’est plus (on a trouvé la solution cherchée, on s’aperçoit de son erreur ou de son aveuglement…). Mais l’adjectif bête sert plutôt à « traiter“ les autres. Il peut rester anodin, tendre, même, mais a toujours un petit effet humiliant. Le concepteur du spectacle, ex-professeur de philosophie et actuel comédien et metteur en scène, a choisi d’attaquer par l’autre face : l’intelligence. Ça y est, on le sait, mais on a encore besoin de l’apprendre : le Q.I. (quotient intellectuel) mesure l’intelligence sociale, l’intelligence de classe. Autrement dit, il s’appuie sur le capital culturel. On n’a donc pas fini de l’explorer, d’autant que l’intelligence artificielle vient s’en mêler, I.A., de son petit nom.

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Celle-ci nous vaudra un moment savoureux du spectacle : les machines ont-elles une âme ? Une faculté de calcul quasi infinie, certes, mais une âme ! L’irritation de l’humain contre l’impassibilité (intarrissable !) de la machine prouve soit qu’elle n’en a pas, soit qu’elle est particulièrement perverse. Le tout jetant une pierre dans le jardin de Descartes.

On aurait voulu aimer toute la pièce, mais un obstacle nous en empêche : celui que le comédien s’oppose à lui-même. Est-ce prendre une saine distance que de s’installer dans la dérision, si légère soit-elle ? Le refus de s’engager, d’y aller, fait que le spectateur de bonne foi lâche l’affaire au bout d’un moment. Mais, car il existe des mais positifs, Guillaume Clayssen a l’intelligence de n’entrer pas seul sur scène. Il a invité la danseuse et acrobate Louise Hardouin, avec qui il avait déjà travaillé. Et ce n’est pas bête : elle n’illustre pas simplement les propos sur l »intelligence du corps », elle crée de la beauté, du mystère, bref de la poésie. Et se révèle très bonne comédienne quand elle joue l’ado désossée par l’ennui au collège, la prof de math exaspérée par son élève décidément trop, trop bête… Voilà, avec des “mais“ et des “oui, mais“…

 Christine Friedel

Jusqu’au 25 février, Théâtre de Belleville, 1 passage Piver, donnant sur le  94 rue du Faubourg du Temple, Paris (XIème). T. : 01 48 06 72 34.

Le 13 février, Neumünster (Luxembourg).

En 2026 : Scènes Vosges à Epinal (Vosges), du 19 au 21 janvier; Le PALC-Festival les 400 coups à Châlons-en-Champagne (Marne) .
Saison Culturelle de Bischeim (Bas-Rhin), le 9 avril.
13e Sens à Obernai (Bas-Rhin) en mai.

 

 

 

 


Archive de l'auteur

Exposition au Musée Français de la Carte à jouer d’Issy-les-Moulineaux

Exposition au Musée Français de la Carte à jouer d’Issy-les-Moulineaux

 

 

©© Musée Français de la Carte à Jouer Ville d’Issy-les-Moulineaux - David Cochard

© Musée Français de la Carte à jouer Ville d’Issy-les-Moulineaux – David Cochard

Une exposition à l’initiative de son directeur, Denis Butaye, grand passionné de magie, avec une partie de la collection personnelle de Georges Proust qui en assure le commissariat : objets, accessoires, affiches, jouets optiques, automates, matériels de grandes illusions…Serge Dubuc a signé une scénographie volontairement mystérieuse et nimbée de rouge pour les faire ressortir.
Les espaces sont organisés par thématiques et certaines grandes illusions sont accompagnées de leur démonstration en vidéo par leur créateur : Thurston, Harbin… sur trois écrans . Un bonimenteur (l’acteur et magicien Sylvain Solustri, ce jour-là) guide les visiteurs en évoquant les histoires d’Howard Thurston, J.E. Robert-Houdin, Houdini… et présente l’entresort » de La Femme fleur en réalisant avec elle un numéro de divination d’une carte choisie par un visiteur.

 Georges Proust (soixante-dix neuf ans) né à Constantine, se passionna enfant pour la magie et les arts du cirque. Quelques années plus tard, il achète son premier tour au marché à Annecy. Il débute ainsi une exceptionnelle collection. En 71, il fonda le Ring 191, la branche française de l’International Brotherhood of Magicians, réunissant amateurs et professionnels autour de leur passion commune.
Parallèlement, il commence à se produire, accumulant une expérience de scène, tout en développant son style. Il rassemble aussi livres, objets anciens, accessoires de prestidigitation et affiches. En 78, il fait l’acquisition d’une importante collection en Bretagne : objets rares, automates et accessoires d’illusions. C’est le début d’une série d’expositions itinérantes en France et en Europe pour faire partager sa passion.

 À partir de 78, le producteur de cinéma et collectionneur Christian Fechner transforme sa vision de la magie, devenant éditeur et gardien du patrimoine, avec plusieurs ouvrages consacrés à J.E. Robert-Houdin, contribuant ainsi à sa reconnaissance internationale. Sa bibliothèque personnelle compte plus de 68.000 ouvrages, ce qui en fait l’une des plus grandes collections de littérature magique au monde. En 81, Georges Proust fonde l’Académie de la Magie, 47 rue Notre-Dame-de-Lorette à Paris et l’année suivante crée les éditions Georges Proust qui ont publié plus de 150 livres. En 84, son exposition Le Monde Merveilleux des Magiciens présentée à Boulogne-Billancourt, connaît un succès retentissant. Il sera invité en 89 par le KaDeWe grand magasin berlinois,pour y présenter une exposition de 1.500 m2, attirant des milliers de visiteurs et consacrant sa renommée internationale. En 93, Georges Proust crée le Musée de la curiosité et de la magie à Paris, un espace unique en son genre avec une partie de sa collection d’objets et d’automates. En parallèle, il s’investit dans la création de la Maison de la magie Robert-Houdin à Blois, un musée consacré au célèbre illusionniste français, père de la magie moderne.

 

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Personnalité incontournable, Georges Proust continue à enrichir sa collection et à promouvoir cet art avec le Musée de la Magie et ses publications. Son parcours témoigne d’une vie animée par la passion de transmettre. Grâce à lui la magie est reconnue comme un divertissement mais aussi comme un art à part entière, avec une histoire, un héritage précieux à préserver et un langage universel, capable de rassembler et faire rêver. Robert Houdin (1805-1871) opéra une révolution : en 1845, il ouvre au Palais-Royal à Paris, le Théâtre des soirées fantastiques, avec des numéros inédits comme La Bouteille inépuisable ou la Suspension éthéréenne. Après avoir fait fortune en quelques années, Il se retire à Blois. Parallèlement, le Théâtre Robert Houdin s’installe en 1853, boulevard des Italiens. Son dernier directeur, Georges Méliès, peintre, magicien et pionnier du cinéma, y montra ses premiers films. Haut-lieu de la prestidigitation, le lieu vit passer les meilleurs illusionnistes français.
Et ensuite des festivals ponctuels attirent le public vers des plateaux de manipulateurs, ventriloques, créateurs de numéros de « double vue », etc.. En France, parmi tant d’autres : Jean Valton pour les cartes  et Marc Albert, Odips, Li King Si, Dany Ray, Keith Clarck, Freddy Fah. Sous des chapiteaux, Yanco, Mireldo, Mir et Myroska, De Rocroy, Al Rex…Aux États-Unis, un jeune magicien prend le nom d’Harry Houdini (1874-1926) en référence à Houdin. Avec sa réputation d’évadé perpétuel, il devient en quelques années le plus célèbre de son pays. L’arrivée du chemin de fer permet à Alexander Herrmann, Chung Ling Soo, Harry Kellar, Howard Thurston, puis Charles Carter, Dante, George, Harry Blackstone… d’aller de ville en ville. Ils se rendront célèbres avec de fastueux spectacles
En Angleterre, la famille Maskelyne, présente dans son Egyptian Hall, des spectacles inventifs jusqu’en 49 avec Jasper, le dernier des Maskelyne. Pendant la seconde guerre mondiale, étaient nés des cabarets où des artistes étonnants présentaient avec un matériel restreint, des numéros de manipulation. L’Anglais Cardini en fut le plus représentatif. Au XIX ème siècle, avec la lithographie, l’affiche se développe et devient le principal support publicitaire et cela jusqu’au milieu du XX ème siècle où radio et télévision s’imposent. De grands imprimeurs et graphistes conçoivent des affiches avec portraits et images de spectacles. Ils suggèrent le merveilleux et s’efforcent de faire rêver le public comme les Français Charles Lévy (1880) Parrot et Cie (1889), Émile Levy, Louis Galice (1900), Harfort (1940). Et Pepermans et Marcy en Belgique, James Hupton en Angleterre, Mercy en Autriche et Adolph Friedlander en Allemagne ont aussi créé de splendides affiches.

 

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A Paris, il y a plusieurs fabricants chez qui se fournissent les professionnels, et les riches amateurs de « physique amusante », toujours à la recherche d’appareils coûteux, somptueusement décorés et souvent fabriqués à la pièce.  Crée en 1808!  la maison Aubert  8,rue des Carmes, Paris (Vème), maintenant Mayette (de la famille de Muriel Mayette, actrice et metteuse en scène) proposait dans son catalogue vers 1853 outre les classiques objets en bois tourné, de nombreux appareils en métal. Ceux de son concurrent Voisin, lui-même magicien, furent aussi très recherchés pour leur raffinement luxueux. A Paris, aussi, il y avait Roujol, Fournay, Devaux, Delion et Couthier et la maison Giroux pour laquelle Robert Houdin fabriqua des automates. Certains en métal peint  typiques du Second Empire  et reconnaissables à leurs décors dorés sur fond rouge ou noir.

 Dans cette exposition, les objets sont regroupés par époque. Come celle de Robert-Houdin  Dictionnaire encyclopédique des récréations et amusements scientifiques (éditions Pancoucke, (1972) Bouteille inépuisable – Quille au verre bleu – Vase à la tabatière – Plateau à apparition – Pistolet, cible et montre par Voisin. La physique amusante : Sacs à apparitions-Boîtes de Physique amusante dont une par Jullien éditeur à Paris, avec tours, coquetiers, gobelets et autres accessoires de magiciens en buis et métal – couvercle de boîte de magie Nouvel apparat d’escamoteur Allemagne – Gravure L’Arracheur de dents.

 La magie en 1900 : La Boule aux foulards – La Cage à apparition – Gobelet à production – Trépied à la carte – Quêteuse – Casserole aux tourterelles – Présentoir à boules – Éventail à apparition de cartes – Miroir représentant un escamoteur – Baguette en métal à apparition de foulards – Vase au millet. Il y a aussi deux formidables «tubes de production» d’Howard Thurston (1869-1936). Peints en noir avec anneaux en laiton à chaque extrémité sécurisant les couvertures en soie noire, et merveilleusement brochées en fil d’or avec dragons et nuages. L’un d’eux, grâce à une illusion d’optique, semble parfaitement vide alors qu’une cache y a été aménagée pour y dissimuler, entre autres, d’innombrables foulards qu’on pourras sortir comme par enchantement.

Les Grandes illusions appartiennent à la magie de scène. Développées au XIXème siècle, elles utilisent un matériel plus imposant et exigent une ou plusieurs personnes aux côtés de l’artiste. Les effets impressionnants, sont faits pour être visibles par un large public. En 1847, Robert-Houdin inaugure La Suspension éthéréenne avec son fils Émile, une grande illusion ingénieuse où le corps humain semble flotter en l’air.
Une chaise, inventée en 1886 par Joseph Buatier de Kolta, fait disparaître instantanément une jeune femme assise et couverte d’un tissu. Vers 1910, Charles de Vere fait apparaître sa fille, lonia l’Enchanteresse, dans un très grand vase qui se transforme en splendide buisson de fleurs.
Le célèbre tour de La Femme sciée est réalisé pour la première fois par le Britannique P.T. Selbit, en 1921 à Londres, avant d’être perfectionné par l’Américain Horace Goldin.  Georges Proust possède une version richement décorée (1923) de La Femme coupée en deux du célèbre Américain Howard Thurston. Une seconde version, plus élaborée, se sépare en deux parties.

 Ici, parmi les Grandes illusions présentées, L’Égyptienne d’après Wolfgang von Kempelen (1734-1804). Le magicien fait apporter, sur un socle semblant avoir un mécanisme compliqué, le buste d’une énigmatique Egyptienne. Chacune des deux parties de cet étrange appareil est trop petite pour contenir une personne vivante. Aussitôt le buste posé sur son socle, on en ouvre les portes : rien à l’intérieur sinon le mécanisme. Dès les portes closes, l’automate s’anime et deux mains sortent du buste et rédigent horoscopes et réponses aux questions posées par le public. L’appareil dissimulant un assistant est dérivé du célèbre Joueur d’échecs, imaginé par von Kempelen.

Clémentine de Vère (1888-1973), fille du grand artiste anglais Charles de Vère qui avait ouvert en France un magasin d’articles de magie réputé pour leur qualité, débuta en 1910. Son Vase aux fleurs, de style égyptien, se caractérise par son luxe et son élégance. Des assistants y versent de nombreux seaux d’eau puis elle tire un coup de pistolet sur le vase qui se disloque aussitôt, laissant apparaître des centaines de fleurs et une jolie jeune femme.
La Femme-Fleurde Yanco de Jean-Louis Conte (1928-1990). Dans les métiers de la fête foraine, les entresorts sont des baraques où, attirés par un bonimenteur, les gens venaientt découvrir un phénomène unique ou un personnage hors du commun. La Femme-fleur est dérivé du Décapité parlant montré pour la première fois en France vers 1900.
Les goûts du public moderne, les conditions économiques ont fait disparaître ces courts spectacles au profit des manèges, Grand-huit, etc. Le Chaudron de Steens (Fernand Brisbarre (1881-1939) est un numéro dérivé du Pot à lait d’Houdini : on met l’artiste dans un chaudron. Ses assistants et des spectateurs le remplissent d’eau et y fixent un couvercle en métal avec de solides cadenas. Ce chaudron est masqué quelques secondes par un rideau et qui une fois  relevé, laisse  voir Steens assis sur le couvercle du chaudron.

© Sébastien Bazou)

© Sébastien Bazou

 La Chaise à porteurs d’Howard Thurston (1869-1936). Succédant au célèbre Américain Harry Kellar (1849-1922) et connu jusque-là pour être un manipulateur exceptionnel,il présentera un spectacle de grandes illusions : La Femme coupée en deux, La Corde indienne…). Au cours de son fastueux spectacle, Thurston arrive sur une chaise à porteurs. Il descend ,s’avance et se retourne vers la chaise. Le rideau qui l’entourait est levé. L’actrice sort de la chaise vide et s’avance vers le public et fait sa révérence.
Dans son fabuleux spectacle de grandes illusions, il avait intégré Le Panier hindou,un tour  créé en 1865 par l’Anglais John Jack Alfred Inglis (1831-1866). Il enfermait une jeune femme dans un panier qu’il transperçait avec des sabres. Il en ôtait le couvercle et poait un voile sur l’ouverture. Il y montait, entraînant le voile à l’intérieur : la jeune femme s’était volatilisée. Le magicien sortait du panier et enlevait les sabres. Il faisait un geste et le voile se gonflait comme animé par un fantôme. Jack Alfred Inglis arrachait alors le voile et la jeune femme était là, indemne.
Le Sarcophage de Dicksonn (Paul-Alfred de Saint-Génois de Saint-Breucq (1857-1939). Le directeur du théâtre Robert-Houdin, créa ensuite son propre lieu où il présenta ce numéro. Une assistante, costumée en Egyptienne, était enfermée dans un sarcophage et il tirait un coup de pistolet. Aussitôt, il était montré vide et l’Egyptienne réapparaissait parmi les spectateurs

La Femme Zig Zag de Robert Harbin (1908-1978), un de premiers à présenter des numéros à la télévision anglaise, fut un grand créateur. Cette illusion, créé en 53, a été  unee des plus copiées. Tous les professionnels furent mystifiés par cette femme coupée en trois dont la partie centrale se décalait de façon impossible.
Les Tonneaux de Selbit (Percy Thomas Tibbles (1879-1938). Magicien inventif et directeur du périodique mensuel The Wizard (1905-1910), il créa Par le chas d’une aiguille. Il faisait passer son assistante d’un tonneau à un autre, alors qu’ils étaient séparés par une plaque métallique percée d’un trou minuscule.
Ce tour énigmatique, créé en 1924 à New York, bluffa le public et les magiciens de l’époque. Howard Thurston le reprit pendant de nombreuses années dans son grand spectacle d’illusions.

Sébastien Bazou

 

Exposition Magique ! Musée français de la carte à jouer, Issy-les Moulineaux ( Hauts-de Seine) jusqu’au 14 août.


 

 

 

 

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Une dotation de la Fondation Simone et Cino Del Duca pour la jeunesse dans le monde du théâtre

Une dotation de la fondation Simone et Cino Del Duca pour la jeunesse dans le monde du théâtre

 

©Simone Del Duca et Léopold Sédar Senghor, lauréat du Prix mondial Cino  © Archives de la Fondation Del Duca

Simone Del Duca et Léopold Sédar Senghor, lauréat du Prix mondial Cino
© Archives de la Fondation Del Duca

Créée en 75 par Simone Del Duca en hommage à son mari, mécène et grand patron de presse qui a débuté vendeur de romans populaires… En 1928, il fonda avec ses frères une petite maison d’édition spécialisée dans les romans d’amour….  Très vite en 1934, il se lancera dans la bande dessinée à Paris et publiera  Le Journal de Mickey. Vu le succès de la formule, il lancera l’année suivante Hurrah!
La fondation Simone et Cino Del Duca est depuis 2005, abritée par l’Institut de France.
Elle a pour but de faire rayonner, en France et à l’étranger, les arts, les lettres et les sciences et fête donc cette année son cinquantième anniversaire. «Il me paraît essentiel, avait dit Simone Veil, alors ministre de la Santé, à l’inauguration de la fondation en 76, de rappeler que les fondations, et la fondation Simone et Cino Del Duca en particulier, demeurent le lieu d’expression privilégié de la générosité, de l’altruisme et de l’initiative individuelle, comme du sens de la solidarité entre les hommes.
C’est là, me semble-t-il, le plus bel hommage qui puisse être rendu à votre œuvre, Madame, et à la mémoire de Cino Del Duca. »

 Cette fondation  remet par ailleurs chaque année de nombreux prix et subventions, attribués sur proposition de l’Académie française, l’Académie des inscriptions et belles-lettres, l’Académie des beaux-arts, l’Académie des sciences, l’Académie des sciences morales et politiques. Elle attribue chaque année (pour plus de deux millions d’euros) des subventions pour la recherche scientifique et en 2024, quatre Grands Prix, dix Prix et subventions et vingt-quatre soutiens…  Elle lance un appel à candidatures au Prix Del Duca pour la jeunesse. Doté de 50.000 €, il récompense un projet en faveur de la jeunesse et ayant des valeurs de transmission et solidarité, en particulier dans le monde du théâtre. Ce prix est parrainé cette année par Clément Hervieu-Léger, acteur et metteur en scène, sociétaire de la Comédie-Française.

Philippe du Vignal

 Date limite des candidatures: 15 février. 23 quai de Conti, (75006) Paris. T. : 01 44 41 44 41.
Le prix Del Duca sera remis le 15 mai, sous la coupole de l’Institut.

Encore une journée divine, adaptation du roman de Denis Michelis, mise en scène d’Emmanuel Noblet

Encore une journée divine, adaptation du roman de Denis Michelis et mise en scène d’Emmanuel Noblet

En 99, François Cluzet jouait avec Valérie Bonneton, Jacques et Mylène de Gabor Rassov, une parodie de boulevard mise en scène de façon délirante et jouissive par Pierre Pradinas. Ici, il est seul en scène mais la folie n’a pas quitté son nouveau personnage, même si elle est beaucoup plus destructrice.
Il incarne avec talent et conviction, un thérapeute mais aussi romancier reconnu, interné à l’hôpital psychiatrique Sainte-Marthe. Un lieu qui rappelle fortement l’hôpital Sainte-Anne où a été interné Antonin Artaud de 37 à  38, avant de l’être à Rodez. Transféré en 46 au centre psychiatrique d’Ivry-sur-Seine, il y est mort deux ans plus tard.

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©Jean-Louis Fernandez

Encore une journée divine a été programmée par Jean Robert-Charrier, nouveau directeur des Bouffes-Parisiens. François Cluzet en un peu plus de vingt ans, est devenu un acteur marquant du cinéma français mais  a gardé son affinité avec le théâtre et occupe très bien le plateau. Jusqu’à nous emporter doucement dans une paranoïa colorée de mythomanie…. Tout au long de la pièce, il dialogue avec le médecin et l’infirmière qui le voient chaque jour, mais en réalité ici, avec le public… «Vous avez encore refusé que je sorte! dit il. Certains dominants n’ont honte de rien. »
Au cours de ces entretiens, on apprend qu’il a un frère Honoré, récemment disparu,  et qu’il est en secret amoureux de son épouse Wendy. Il vient aussi de publier Changer le monde, un best-seller (mondial, du moins selon lui !). «On ne peut plus supporter ce monde, alors il faut agir, littéralement dire tout haut ce que les autres pensent tout bas.» Il essaye de se contrôler mais nous observons sa chute progressive et il nous révèle les vrais motifs de son enfermement. Allant même jusqu’à appliquer sa philosophie de vie particulière à ses patients et voisins de chambre.
François Cluzet est très convaincant et sa fragilité semble bien réelle. Il a une certaine empathie pour ce personnage mais est en fait un grand manipulateur. Une belle soirée applaudie aussi ce soir-là par le président de la République, assis au premier rang de la corbeille…

Jean Couturier

Jusqu’au 18 avril, Théâtre des Bouffes-Parisiens, 4 rue Monsigny, Paris (II ème). T. : 01 86 47 72 43.

 

Adieu Richard Foreman

Adieu, Richard Foreman

Mort le mois dernier à New York, à quatre-vingt huit ans, il avait  créé après avoir obtenu une maîtrise en écriture dramatique à la Yale School of Drama en 1962, le Théâtre ontologique et hystérique. Il  mettra en scène une cinquantaine de ses pièces à New York mais aussi à Paris. Mais Angelface (1968) et Ida-Eyed (1969) passèrent alors inaperçues.

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A partir des années soxainte-dix, il  fut plus reconnu avec, entre autres, Sophia = (Wisdom) Part 3: The Cliffs (1972). Invité par Michel Guy, directeur du Festival d’automne, il créa Le Livre des Splendeurs (1976), Café Amérique (1981). Il réalisa la même année un film  Strong Medicine où jouaient son épouse Kate Manheim et David Warrilow, ce fantastique acteur anglais qui interpréta plusieurs pièces de Samuel Beckett.
Très  influencé par l’œuvre de Gertrud Stein qui voulait instaurer une rupture consciente avec le passé,  Richard Foreman,  nous avait-il dit quand nous l’avons connu  au début des années soixante-dix, cherchait à créer un théâtre visuel et proche de arts plastiques et surtout un autre mode de perception, pas loin d’une quête spirituelle. Pour Richard Foreman, Gertrude Stein « faisait évidemment toutes sortes de choses que nous n’avons pas encore rattrapées. «   Comme elle, Richard Foreman
a beaucoup travaillé sur la déconstruction et un certain minimalisme mais aussi sur la répétition dans le langage scénique. Comme le faisaient en sculpture et en peinture, Don Judd, Robert Morris, Carl Andre, Dan Flavin, Andy Warhol…  La répétition étant chez Richard Foreman à la base d’une sorte de quête spirituelle, à l’image d’Arthur Schopenhauer : »Voilà les hommes: des horloges ; une fois monté, cela marche sans savoir pourquoi ; à chaque conception, à chaque engendrement, c’est l’horloge de la vie humaine qui se remonte, pour reprendre sa petite ritournelle, déjà répétée une infinité de fois, phrase par phrase, mesure par mesure, avec des variations insignifiantes. »

Il voulait, dans la lignée d’Antonin Artaud, « nettoyer » l’expression théâtrale et créer une tension des relations dans l’espace. Richard  Foreman était  assis sur le devant de la scène et dos au public, régisseur bien visible de ses créations: Classical Therapy ou A Week under the Influence... Le Théâtre  ontologique et hystérique qu’il avait fondé, a sans aucun doute aussi été influencé par le cinéma expérimental et très jeune, il avait été proche du réalisateur d’avant-garde  George Maciunas.
Il avait une position ambigüe sur le texte au théâtre qu’il voyait la fois comme accessoire mais parfois répété par un ou plusieurs interprètes sur un ton neutre. Leurs  mouvements étaient d’une grande précision et ils opéraient eux-même, les
déplacements de praticables pour modifier le plateau, en profondeur ou en hauteur.
Les changements d’éclairage chez Richard Foreman étaient lents ou parfois violents
. Et les enregistrements sonores, pour la plupart, ceux de bruits urbains: klaxons, sirènes, sifflets et  de courts extraits musicaux, entre autres de jazz et des phrases sans lien, ce qui ne veut pas dire sans importance. Pas loin de John Cage, lui aussi influencé par Gertrud Stein, créant sonorités et répétitions, manipulant les mots de la vie quotidienne et considérant  les bruits comme une possible musique. Inédit à l’époque et courant aujourd’hui, comme toute véritable avant-garde…
Richard Foreman aura participé au renouvellement  de la perception visuelle et de la notion de temps sur une scène. Ensuite, loin d’être marginal, il recevra trois Obie Awards pour la meilleure pièce de l’année et quatre autres Obies pour la réalisation  et de nombreux autres prix…
Il est aussi théoricien de son propre théâtre et d
ans ses Manifestes hystériques ontologiques 2 et 3, il dit vouloir: «Atteindre le pré-conscient: écarter la personnalité. Faire que les actes de la pièce ne soient pas l’objet d’une visée, mais qu’ils soient isomorphes avec le pré-conscient et sa richesse.En d’autres mots, des actes qui à chaque occasion évoquent la source-plutôt que des actes (comme dans la vie quotidienne) qui choisissent un objet au désir et qui, en isolant cet objet de tout champ constituant, sont les vrais moyens par lesquels nous nous coupons de la source. »
Ses pièces étaient sans doute inégales mais Richard Foreman était un vrai chercheur et même si son nom ne dit déjà plus rien aux jeunes metteurs en scène actuels, il aura apporté au théâtre contemporain, en particulier  français, un élargissement considérable des moyens d’expression et un audace qui n’était pas un luxe ! Bien des spectacles aujourd’hui, même si leurs créateurs comme le public ne le savent pas, ont été influencés par son travail réalisé à une époque où le théâtre américain d’avant-garde, souvent proche des arts plastiques et de le performance, connaissait un âge d’or… mais surtout en Europe.
Avec, entre autres, les travaux des créateurs que nous avons connus: ceux silencieux ou presque de Bob Wilson à ses débuts, Meredith Monk et ses spectacles musicaux dehors ou dans le salles, le Living Theater de Judith Malina et Julian Beck, Peter Schumann, fondateur du Bread and Puppet Theatre qui jouait dans les rues de New York avec de grandes marionnettes devenues célèbres et qui avait un but politique mais aussi
le Wooster Group de Richard Schechner, le Ridiculous Theater de John Vaccaro et ses pièces musicales avec travestis qui ont beaucoup inspiré, entre  autres, des metteurs en scène comme Jérôme Savary. Et encore des artistes comme  Stuart Sherman et ses interventions-en solo et volontairement anodines- dans les rues de New York. Richard Foreman  était sans doute un créateur à part mais faisait aussi partie de cette grande famille artistique.
Merci, Richard.

Philippe du Vignal

Richard Foreman (abécédaire) d’Anne Bérélowitch, préface de Bernard Sobel, metteur en scène et ancien directeur du Centre dramatique national de Gennevilliers, est édité chez  Actes Sud-Papiers.

Exploits de Rasmus Lindberg, traduction du du suédois de Marianne Ségol-Samoy, chansons de Bernard Cavanna, mise en scène de François Rancillac

Exploits de Rasmus Lindberg, traduction du suédois, de Marianne Ségol-Samoy, chansons de Bernard Cavanna, mise en scène de François Rancillac

Cet auteur et metteur en scène suédois de quarante-quatre ans a écrit Dan Då Dan Dog (Le Mardi où Morty est mort, une pièce publiée aux éditions Espaces 34 et créée en 2013 au Fracas-C.D.N. de Montluçon par François Rancillac. Publiée aussi aux éditions Espaces 34, Plus vite que la lumière, a été sélectionnée pour la Mousson d’été 2011. Depuis 2008, cet auteur et metteur en scènen associé au Norrbottensteater à Luleå, est aussi professeur de mise en scène au Conservatoire national supérieur de cette ville suédoise.
Dans cette courte pièce, on assiste au repas d’anniversaire- cinquante ans-de la maman de la jeune Josefine. Mais elle  lui dit ses quatre vérité et va quitter le restaurant grec. Enfin libre, prête à vivre sa vie mais toute à sa joie, imprudente, elle se  fera écraser par une voiture! Deux actrices, témoins de l’accident, incarnent  Josefine, adolescente attardée, Jonny, son frère ectoplasmique et sa copine Katja, Maman au bord de la crise de nerfs, Papa désabusé et May-Lott, la vieille tante sous prozac. Elles passent d’un personnage à l’autre et l’auteur voudrait nous faire  revivre cette folle soirée! Mais il faut arriver à suivre…

 

© Isabelle Girard

© Isabelle Girard

C’est du moins le scénario imaginé par l’auteur mais les dialogues sont inconsistants  et la dramaturgie sous des aspects contemporains, assez pauvrette… Et nous ne sommes pas arrivés à entrer dans cette piècette.  Les cinquante minutes arrivent à passer grâce à Léna Bokobza-Brunet et Christine Guênon, excellentes actrices, remarquablement dirigées par François Rancillac. Grâce aussi à la très intelligente et poétique scénographie de Raymond Sarti qui a imaginé ce restaurant grec en en dessinant à grands coups de feutre noir, ses meubles et accessoires accrochés aux murs.  C’est drôle et fou comme un bon dessin humoristique.
On ne se lasse pas d’en admirer les détails, entre autres, cette porte à axe central, ou les quatre gyrophares bleus sortant soudain des murs ou encore cette table dessinée avec ses assiettes et verres apparaissant du sol carrelé, prestement relevée par les actrices. Cerise sur le gâteau d’anniversaire, le décor a été construit par le lycée professionnel Jules Verne à Sartrouville (Yvelines). La conception du son la régie étant assurées sur le petit plateau par  Florian d’Arbaud.  Que demande le peuple?

Philippe du Vignal

Collège Henri Barbusse, Bagneux (Hauts-de-Seine), les 3 février à 14 h 30. Et le 4 février à 14 h 30,  lycée Maurice Genevoix, Montrouge (Hauts-de Seine). Le 18 février à 10 h et 14 h 30, lycée Simone Weill; le 19 février à 10 h et 20 h , M.J.C. Montchapet et le 20 février à 14 h 30 et 20 h, au Crédit Agricole, Dijon (Côte-d’Or).

Le 8 avril à 14 h 30 et 20 h 30, Théâtre du Casino d’Evian et le 19 avril à 20 h,  salle du stage de Perrignier; le 10 avril à 14 h 30 et 20 h, M.J.C. de Douvaine (Haute-Savoie).
Du 14 au 18 avril, en itinérance, avec le Théâtre de l’Union-C.D.N. de Limoges (Haute-Vienne).

Du 20 au 22 mai, collège Marie Curie, avec le Théâtre du Garde-Chasse, Les Lilas (Seine-Saint-Denis).

 

 

La Peur de François Hien, mise en scène d’Arthur Fourcade et François Hien

La Peur de François Hien, mise en scène d’Arthur Fourcade et François Hien

Le texte a été lauréat de l’Aide à la création de textes dramatiques-Artcena et des journées des auteurs de Lyon 2021. Cela se passe dans le milieu de la prêtrise et de la hiérarchie catholiques. Le Père Guérin a subi des pressions pour ne pas témoigner contre l’évêque de son diocèse, suspecté d’avoir couvert les actes sexuels de plusieurs prêtres sur des enfants

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Terriblement seul, le père Guérin est pris dans des contradictions impossibles à résoudre. Avec, en toile de fond, la peur de toute puissante institution catholique dont on connait la faculté à mettre en place une redoutable omerta. Comme l’ont révélé plusieurs affaires récentes qui ont inspiré cette pièce, entre autres, l’attitude de l’évèque et cardinal Barbarin, qui n’avait pas signalé les abus sexuels de  Bernard Preynat un prêtre de son diocèse de Lyon. Condamné puis relaxé, il avait ensuite démissionné.
Ou encore au siècle passé en 58, la sordide histoire de Guy Desnoyers, curé d’Uruffe (Meurthe-et-Moselle) qui avait tué Régine Fays, une ouvrière de dix-neuf ans, enceinte de huit mois. Puis il avait récupéré le fœtus viable d’une petite fille, l’avait baptisé-on a des principes!- et l’avait aussi tué. Aux Assises, il avait sans doute échappé à la peine de mort grâce à l’intervention de René Coty, alors président du Conseil… Il écopa de vingt-deux ans de prison avant de bénéficier d’une liberté conditionnelle et d’être pris en charge par un couvent à Plouermel… La sainte église catholique française, a un lourd passé jamais vraiment reconnu mais bien réel… Jusqu’aux viols commis par l’abbé Pierre, connus de sa hiérarchie et du Vatican. ..

Dans cette pièce,François Hien  a repris des éléments  de Soutanes et des hommes du sociologue Josselin Tricou  et des écrits  de James Alison, un théologien anglais homo et des témoignages recueillis par l’association La Parole libérée après l’affaire  Barbarin. Ici, e père Guérin a conclu un accord avec le cardinal Millot. Il a été privé de paroisse, quand sa hiérarchie découvert qu’il avait une relation homosexuelle et devenu le confesseur des prêtres dont le père Grésieux qui avouera ses viols,attouchements….  Il dénoncera ces faits devant la Justice mais le cardinal Millot qui les avait cachés, lui proposera une nouvelle paroisse contre son silence. Et le père Guérin pourra à nouveau dire la messe comme avant .
Mais Morgan, une victime de Grésieux, se permet de parler devant tous, à la fin de chaque messe pour critiquer durement le père Guérin.. qui l’invitera pourtant le  dimanche à déjeuner. Ce qu’il accepte.  François Hien, loin de tout manichéisme, essaye de voir clair sur l’homosexualité que n’a jamais accepté l’Église, alors que nombre de ses membres étaient et sont, eux, homosexuels.
On voit aussi un jeune Marocain, amant d’un prêtre qui l’a emmené en France, en continuant à vivre plus ou moins avec lui et l’évèque de la région.Les viols et abus sexuels au sein de l’église catholique ne datent pas d’hier mais, pour François Hien qui ne veut pas tomber dans un quelconque manichéisme, chacun, fragile, a, au-delà de la croyance religieuse, surtout peur «de voir bouger le fragile édifice existentiel grâce auquel on tient debout.»

Un texte pas facile qui se balade entre passé et présent. La dramaturgie a parfois du mal à suivre et il y a quelques creux mais la mise en scène et la direction d’acteurs, toute en nuances, de François Hien et Arthur Fourcade, est exemplaire. Comme la scénographie très rigoureuse.: une longue table et quelques sièges.Tous les acteurs sont très crédibles et il n’y a aucune prétention ni criaillerie et parfois même, une certaine distance. Il y a vraiment dans cette Harmonie Communale, une belle intelligence de jeu chez Arthur Fourcade (le Prêtre), Pascal Cesari ( le Jeune), Estelle Clément-Bealem (la sœur du Prêtre),  Marc Jeancourt (l’Evèque) et Ryan Larras (le Jeune Marocain). Il ne fait pas très chaud, il pleut souvent mais ce travail de haut niveau mérite largement l’effort pour aller jusqu’à la Cartoucherie…

Philippe du Vignal

Jusqu’au 16 février, Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes. route du Champ de manœuvre. Métro : Château de  Vincennes+navette gratuite. T. : 01 43 28 36 36.

Le texte est publié aux éditions Théâtrales.

 

 

 

PAR VINCENT BOUQUET

 

prêtre d’une paroisse, choisit de ne pas témoigner contre son évêque qui a été accusé de ne pas avoir dénoncé un crime de pédocriminalité. Il va subir les interpellations chaque dimanche chez lui de Morgan, un jeune homme en colère qui’i invite chque dimanche à déjeuner et qui lui dit avoir été victime d’abus sexuels par des prêtres ou religieux catholiques. Un dialogue ciselé autour d’une grande table de ferme.Il y a aussi évoqués ici d’autres personnages, comme la sœur du

Le Menteur de Pierre Corneille, adaptation et mise en scène de Marion Bierry

Le Menteur de Pierre Corneille, adaptation et mise en scène de Marion Bierry

C’est la reprise d’un spectacle créé il y a deux ans au Théâtre de Poche-Montparnaasse ( voir Le Théâtre du Blog). Cette dernière comédie (1644) du grand auteur est au programme du baccalauréat de Première, toutes options confondues.  Ce qui expliquait l’affluence lundi dernier, devant les portes du Théâtre de la Scala.  Sa grande salle (560 places) était pleine à craquer et l’impatience sensible. Mais une fois le rideau levé, le jeune public a été remarquablement attentif. Très joli décor, signé Nicolas Sire : deux façades symétriques pourvues d’ouvertures où apparaissent et disparaissent les têtes de personnages qui ne nous ont pas encore été présentés. Bel éclairage. En toile de fond aux tons pastel, un ciel changeant…

Chez Marion Bierry, metteuse en scène avignonnaise, le théâtre est affaire de famille. Elle est issue d’une lignée de metteurs en scène. Et la tradition se poursuit. Son fils Alexandre interprète ici Dorante, le rôle- titre,  son frère Stéphane joue Géronte, un des deux pères nobles. Thème de la pièce : le retour à Paris d’un jeune homme ravi d’avoir quitté sa province, Poitiers, où il poursuivait des études de droit. À peine arrivé dans la Capitale, au jardin des Tuileries, il entreprend de conquérir deux belles. Il leur tient, enfin surtout à l’une d’elles, des discours de pure imagination. «Vous extravaguez.», lui dit son Valet Cliton. Ivre de vantardise, Dorante provoque les pires quiproquos mais les demoiselles ne sont pas en reste. Un rival vient se mêler de l’affaire. Tandis que les jeunes badinent avec l’amour, les pères, préoccupés de leur descendance, tentent de  les marier…

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Le Menteur est une comédie mais les jeunes spectateurs ont fort peu ri: en cause: la langue du XVII ème, tellement éloignée de la leur, même si ce texte est étudié en classe.  Et la diction des acteurs, malheureusement peu nette, surtout pour une si grande salle. Seul, Alcippe, le malheureux rival de Dorante, articule bien. On attend en vain la musique de l’alexandrin, sa scansion. D’où une fâcheuse impression de monotonie, car la langue est l’arme qui permet au Menteur de se sortir de toutes les situations.
Il aurait fallu aussi, pour obtenir plus d’effets comiques, avoir recours à des gags visuels, marquant les rebondissements et les retournements de situation.
Marion Bierry a choisi un autre parti-pris:  moderniser la pièce tout en conservant les costumes du Grand Siècle (façonnés par Virginie Houdinière et Laura Chenea). D’une comédie sur l’homme baroque, soucieux de paraître, confondant imaginaire et réel, elle a voulu faire un divertissement musical qui ne dépayserait pas le public d’aujourd’hui. D’où des airs de Johann Strauss, de Jacques Offenbach, et des intermèdes chantés par les comédiens eux-mêmes. Las ! il aurait fallu quelques bons cours supplémentaires de chant, car les voix, maigrelettes, ne portent absolument pas. Néanmoins, l’astuce du verfremdungseffekt  (effet de distanciation) brechtien a pris: les lycéens battaient des mains à chaque rengaine, Y’a d’la joie l’emportant largement à l’applaudimètre.
Les comédiens chantent médiocrement mais bougent bien. Chacun « s’en tire avec grâce», comme le dit l’épilogue, glissant et se faufilant dans ce jeu de cache-cache avec soi-même. Un véritable ballet ! Quant à Alexandre Bierry, beau gosse et menteur en titre, quelle prestance !

 Nicole Gabriel

Jusqu’au 7 avril, Théâtre de la Scala, 13 boulevard de Strasbourg, Paris ( X ème). T. : 01 40 03 44 30.

 

Adieu, Dimitris Kollatos

Adieu, Dimitris Kollatos

Décédé chez lui à Athènes avant-hier, il avait quatre-vingt sept ans. En 56, encore étudiant, il avait publié un recueil de poèmes.  Trois ans plus tard, il fonde le Théâtre expérimental de poche et met en scène La Cantatrice chauve d’Eugène Ionesco, Fin de partie de Samuel Beckett et La Chambre d’Harold Pinter. En 1961, il met en scène Iphigénie en Taureau d’Euripide à Paris avec Marietta Rialdis. Cette réalisation reçoit d’excellentes critiques. L’Express la qualifiant de « printemps du théâtre français ». En France, il épouse l’actrice Arlette Baumann, avec qui il aura deux fils Alexandre et Alkis. Puis, il réalise un premier court-métrage, Athena Chi Psi Xi Xi, primé au festival de Thessalonique.

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En 66, son premier long métrage La Mort d’Alexandre, ne reçoit aucun prix officiel mais trois de la critique et est un succès commercial: pour Manos Hadjidakis, « Dimitris Kollatos est le premier dramaturge du cinéma grec.»Pendant la Junte des colonels, il s’installe en France où il fonde le Théâtre de l’Art et met en scène plus de vingt pièces, dont La Femme de Socrate, avec sa femme. En 72, il réalise le film Symposium, sur l’amour et l’homosexualité et en 77, il réalise un moyen métrage La France de Giscard, une critique acerbe de la politique menée à l’époque.

Après la chute de la junte, il revient en Grèce en 75 et crée des pièces audacieuses: entre autres, Sodome et Gomorrhe et Les Armateurs, qui font sensation. Son œuvre prend alors un caractère politique et militant et ses spectacles dénoncent la corruption politique et les inégalités sociales. Dimitris Kollatos s’est battu pour défendre les droits des enfants atteints d’autisme, comme son fils Alkis disparu il y a cinq ans. En 88, il avait réalisé un film autobiographique La Vie avec Alkis, avec Alexandre Kollatos qui a reçu une mention spéciale pour sa performance.
En 2014, il réalise Dionysos présenté au festival du film à Thessalonique, où il mettit l’accent sur la crise dans notre pays. Dimitris Kollatos a laissé une empreinte inoubliable sur le cinéma et le théâtre grecs. Son travail, dans le domaine artistique et social, l’a consacré comme un des artistes les plus intransigeants de sa génération.

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Le Misanthrope de Molière, mise en scène de Georges Lavaudant

Le Misanthrope de Molière, mise en scène de Georges Lavaudant

Ce metteur en scène des plus expérimentés, a à son actif, de remarquables et nombreuses réalisations en tout genre-et a été aussi entre autres, directeur de l’Odéon. Nous avons encore en mémoire Palazzo Mentale de Pierre Bourgeade que nous avions vu à la Maison de la Culture de Grenoble en 77, et l’année suivante Maître Puntila et son valet Matti de Bertolt Brecht, puis  en 90, Platonov d’Anton Tchekhov. Et combien d’autres… Plus récemment, Hôtel Feydeau, d’après Georges Feydeau  et L’Orestie d’Eschyle.

Il monte ici, sauf erreur,  pour la première fois une pièce en vers et en alexandrins et pour la première fois aussi, une de Molière. Sur le grand plateau de la salle Jean-Claude Carrière au Domaine d’Ô à Montpellier, plus de salon de Célimène mais un très beau châssis sur roulettes avec vingt-sept miroirs rectangulaires, en partie désargentés et une porte, au centre. Sur un sol noir parsemé de petits flocons blancs. On doit être en hiver à Paris: une scénographie de son fidèle Jean-Pierre Vergier. C’est une remarquable œuvre d’art contemporain: de nombreux artistes se sont intéressés au verre dont Bill Violla, Ernest Pignon-Ernest, Anish Kapoor…Et à ses débuts, Annette Messager.

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©Marie Clauzade

Ce châssis, parfois retourné, laissera voir, accrochée à des cintres, une trentaine de robes longues. Et rien ici qui puisse faire penser à un salon bourgeois: ni lustre, ni meuble ni siège-les acteurs restant toujours debout-sinon à un moment, assis sur des chaises tubulaires d’école passées au brou de noix et à la fin, une petite chaise rouge pour la seule Célimène.

Eric Elmosnino n’est pas le jeune Alceste qu’on connait. Cheveux poivre et sel, en smoking et nœud papillon un vrille, mais aussi coléreux, insupportable et fascinant, voire attachant amoureux de Célimène. Ici les autres acteur-moins les actrices-n’ont pas l’âge du rôle: sans doute un parti-pris de mise en scène chez Georges Lavaudant. René Loyon avait lui aussi monté un Misanthrope avec seulement des acteurs âgés (voir Le Théâtre du Blog), ce qui donnait une dimension intéressante à la pièce. De toute façon, Molière ne donne pas d’autre indication que: la scène est à Paris. On saura de Célimène seulement à la fin, qu’elle a vingt ans: Acaste et Clitandre, les petits marquis, ont, eux, sans doute entre vingt et trente ans comme Arsinoé une amie de Célimène ou Eliante, sa cousine, Alceste ou Philinte (François Marthouret) aux beaux cheveux blancs  (quatre-vingt un ans), grand acteur notamment chez Peter Brook ..

Et va commencer la scène de rupture entre Alceste très en colère-mais l’acteur agite trop et sans arrêt les bras- et son grand ami Philinte: «Je n’y puis plus tenir, j’enrage, et mon dessein/Est de rompre en visière à tout le genre humain. Se présente alors, un certain Oronte (Aurélien Recoing), assez pathétique: en complet noir avec une longue écharpe blanche, qui et après avoir essayé sans succès de flatter Alceste, va  lui réciter, très content de lui, un sonnet qu’il a écrit. Il veut aussi absolument avoir son avis sur ce que lui, pense être un chef-d’œuvre. Exaspéré, Alceste qui ne supporte plus la suffisance du bonhomme et lui dira, avec de moins en moins de précautions oratoires, que son sonnet est bon à mettre au cabinet. Quand arrive la jeune veuve Célimène (Mélodie Richard), avec laquelle Alceste, très jaloux ,entre autres de Clitandre, veut mettre les choses au point sur leur relation. Et elle  répondra avec élégance : « Le bonheur de savoir que vous êtes aimé. » à cet amoureux  qui lui a déclaré: « Mais moi, que vous blâmez de trop de jalousie,/Qu’ai-je de plus qu’eux tous, madame, je vous prie? « 

On retrouve cette suite de scènes à l’écriture magistrale et bien connues. Alceste, toujours aussi amoureux de Célimène mais exaspéré par elle, avouant simplement: « Morbleu, faut-il que je vous aime. » Cet Alceste a aussi un penchant pour la douce et belle Eliante (Anysia Mabe)… Bombes à confettis, musique de twist et Célimène va alors régler ses comptes en se moquant allègrement de personnes connues devant Acaste (Mathurin Voltz) et Clitandre (Luc-Antoine Diquéro), de petits marquis aussi ridicules que prétentieux la belle et intelligente Eliante, Basque  le serviteur de Célimène, (Bernard Vergne) et Philinte, toujours conciliant et plein de bonne volonté pour arranger les choses.
Et aura bientôt lieu la célèbre et remarquable scène où Arsinoé et sa cousine Célimène vont se livrer  à une guerre sans pitié… En victime expiatoire, assise sur une petite chaise au siège en velours rouge, elle sera confrontée par les petits marquis aux lettres cinglantes qu’elle envoie. La jeune Célimène humiliée mais lucide,  rappellera  à Alceste que « la solitude effraye une âme de vingt ans et qu’elle n’a pas du tout l’intention  de le suivre s’il s’en va seul, dans la campagne:  » Moi, renoncer au monde avant que de vieillir.  Et dans votre désert, aller m’ensevelir! »
Célimène estime avoir bien encore l’âge et le droit de s’amuser dans les salons parisiens  et de séduire  et/ou être séduite… Elle finira par rompre avec cet Alceste, toujours aussi coléreux et jaloux. Il n’a toujours pas compris qu’il avait commis une erreur grossière en étant toujours aussi exigeant, brusque et contrariant. Du coup, il aimerait bien récupérer la belle Eliante mais trop tard là aussi il avait déjà perdu: elle ira filer le parfait amour avec son ami Philinte avec lequel il s’est brouillé.

Un curieux Misanthrope tiré vers la noirceur jusque dans les costumes (à part la robe de Célimène dont le haut est en partie blanc) et vers une certaine « modernité » , par Georges Lavaudant. Avec, comme toujours, un  étonnant art de l’image scénique. Mais pourquoi avoir choisi des acteurs-hommes plus âgés que leur personnage? Pour introduire une certaine distance? Et ce grand plateau, avec ce châssis de verre sans doute trop imposant, convient mal à cette pièce qui demande plus d’intimité. Elle gagnera sans doute en force sur la scène de l’Athénée à Paris… où  Louis Jouvet ressuscita L’Ecole des Femmes de notre grand dramaturge. Et dont Christian Bérard réalisa la célèbre et double scénographie dont on peut encore voir la maquette dans le hall du théâtre.
En cette quatrième représentation, il y avait souvent des baisses de régime, entre autres chez Mélodie Richard qui semblait souvent ailleurs et peu à l’aise comme ses autres camarades, avec la diction de l’alexandrin; seuls  sont impeccables Anysia Mabe et Eric Elmosnino. Ce respect de l’alexandrin n’a visiblement n’a pas été le principal souci de Georges Lavaudant… Dommage, la langue avec ces vers à la rare élégance de Molière, Corneille ou Racine, plus de trois siècles après, reste encore actuelle, à quelques exceptions près mais …à une seule condition: que l’ensemble des acteurs la servent impeccablement. Comme, entre autres, chez Brigitte Jaques-Wajeman. Au moins, ici on entend très bien Eric Elsomino et son Alceste est d’une grande vérité. De là, à vous conseiller ce spectacle intéressant mais à la mise en scène et à l’interprétation trop inégale? Il faut espérer qu’il se bonifiera…

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 28 janvier à la  Cité européenne du Théâtre, Domaine d’O, Montpellier (Hérault).

Du 12 au 30 mars, Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet, Paris (IX ème).

 
 
 
 
 
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