1664, conception et interprétation d’Hortense Bellhôte
1664, conception et interprétation d’Hortense Bellhôte
Elle est déjà là assise au bord la scène. Au fond, projetés de nombreux portraits du XVII ème siècle et au centre, le logo 1664 de la brasserie fondée… cette année-là par un certain Jérôme Hatt à Strasbourg, devenue Kronenbourg… Cette conférence-spectacle a été créée en 2022 par cette performeuse-historienne de l’art, autrice d’un beau Oubliés de la Révolution française (voir Le Théâtre du Blog). Ici, elle emmène le public au château de Vaux-le-Vicomte qu’elle connait bien: elle y a consacré un master en histoire de l’art. Hortense Bellehôte fait aussi le portrait d’une jeune femme de vingt-deux ans qui lui ressemble physiquement. Assez portée sur l’alcool, le tabac et la dope, elle est figurante en 68 dans Start the Revolution without me, un film d’Orson Welles qu’il tourna… à Vaux-le-Vicomte.
Elle nous parle de ce château exceptionnel et de ses jardins-dont Louis XIV était jaloux- construit entre 1657 et 61 par Nicolas Fouquet, surintendant des Finances qui y fait travailler Le Vau pour l’architecture, le peintre Le Brun pour la décoration de vestes et nombreuses pièces en enfilade et Le Nôtre pour de magnifiques jardins et invite entre autres Molière et La Fontaine.
En 61, il reçoit Louis XIV et six cent courtisans à une fête somptueuse, avec jets d’eau, feux d’artifice et une comédie-ballet Les Fâcheux de Molière. Mais accusé de malversations et d’enrichissements suspects par Colbert, il sera condamné en 1664 à la confiscation de ses biens et emprisonné à vie à la forteresse de Pignerol où il mourra vingt ans plus tard.
Hortense Bellhôte nous raconte tout cela avec une grande maîtrise et en projetant de nombreuses images qu’avec un vidéo-projecteur, elle envoie sur grand écran, au plafond et sur les côtés du théâtre En permanence, Nicolas Fouquet peint par Charles Le Brun, nous regarde d’un air malicieux. Aidée par Lou Cantor et Béatrice Massin*, Hortense Bellhôte nous parle aussi de danse baroque avec de nombreux dessins d’époque très précis sur les mouvements à faire. De loin, tout cela peut être vu comme un peu foutraque mais pas du tout, cette ex-professeur d’histoire de l’art, à la fois précise et drôle, va plus loin qu’avec un simple cours. En s’aventurant aussi sur le terrain de sa vie personnelle et de ses relations avec son père…à la limite de la confession mais tout en nuances et par petites touches, histoire d’en dire assez mais jamais trop… Un spectacle intelligent et souvent brillant.
Mais l’autrice aurait pu nous épargner ses nombreux appels aux spectateurs; ceux du premier rang, couverts par ses soins de grands tissus, claquant en rythme des mains. On se croirait, vu l’âge moyen du public, à une animation dans une maison de retraite et c’est dommage. Mais si Hortense Bellehôte joue près de chez vous, allez-la voir, cela vaut le coup…
Philippe du Vignal
Spectacle joué au Théâtre de l’Atelier, place Charles Dullin, Paris ( XVIII ème).
* Voir le très bon catalogue de l’exposition sous la direction de Laurence Louppe: Danses tracées : dessins et notation des chorégraphies, Centre de la Vieille-Charité, Marseille (1991).