Les Fausses Confidences de Marivaux mise en scène d’Alain Françon

Les Fausses Confidences de Marivaux, mise en scène d’Alain Françon

La comédie la plus réussie de son auteur qui l’écrit à cinquante ans, un âge déjà avancé au XVIII ème siècle. Créée par la troupe des comédiens italiens à l’Hôtel de Bourgogne en 1737 mais sans doute trop en avance sur son temps-cinquante ans avant la Révolution-elle eut peu de succès mais davantage quand elle fut reprise quelques années plus tard. Les Fausses confidences, une des premières pièces que nous ayons vue, mise en scène par Jean-Louis Barrault avec Madeleine Renaud qui n’avait plus l’âge du rôle mais celui de Marivaux… Et qui avait su séduit nos cœurs de lycéens…. Cette icône du théâtre classique préfigure Le Mariage de Figaro de Beaumarchais, une œuvre aussi mythique. Déjà ici, c’est un valet qui tire les ficelles…
L’argument est simple mais l’intrigue assez compliquée : Dorante, fils d’un avocat, mais pauvre, est tombé amoureux d’Araminte, une jeune veuve très riche qu’il a croisée à l’Opéra. Mais comment faire pour au moins, l’approcher?  Monsieur Rémy, procureur au tribunal, et qui est son oncle, lui a proposé Dorante comme intendant. Et Dubois, l’ancien valet de ce dernier, est maintenant-cela tombe à pic!-employé par Araminte et il fera l’impossible pour que son ancien patron arrive à ses fins.  Plaidant le faux pour savoir le vrai, cassant du sucre sur Dorante pour mieux tromper Araminte…
Ce fin psychologue  semble, comme le dit justement Alain Françon, « savoir ce que les autres ne savent pas encore d’eux-même » et applique une stratégie  fondée sur deux principes:  » Femme tentée: femme vaincue. » Et « Araminte a de l’or et le corps de Dorante vaut de l’or. » Reste à mettre tout en œuvre pour résoudre l’équation et donner du temps au temps, pour que l’un et l’autre,  en accord avec eux-même, puissent vivre ensemble. Un travail que Dubois, en  manipulateur-né, réussira parfaitement.

© Jean-Louis Fernandez

© Jean-Louis Fernandez


La jeune femme accepte d’abord avec confiance ce Dorante qu’elle voit vite d’un assez bon œil. Mais sa mère, Madame Argante, n’a pas le même point de vue et n’apprécie vraiment pas ce jeune intendant sans le sou donc peu intéressant et  elle n’en démordra pas: il a en effet l’intention de protéger les intérêts de la jeune femme… Cette mère autoritaire voudrait bien faire d’une pierre, deux coups: résoudre un litige concernant une terre  et arriver à remarier sa fille avec ce propriétaire: elle éviterait ainsi un procès et caserait Araminte, selon son goût et ses intérêts bien compris à elle.

Marivaux est réaliste et ici, tout est fondé sur le pouvoir de l’argent, et dans une société où les femmes sont mariées par leurs parents, il est essentiel d’avoir une dot importante... Et cela va se compliquer pour Dorante: monsieur Rémy essaye de lui faire épouser Marton, une jeune fille de bonne famille et dame de compagnie d’Araminte. Bien entendu, il refusera aussi sec, disant qu’il est pris ailleurs. Puis Monsieur Rémy lui en propose une autre qui a trente-cinq ans, donc déjà âgée à l’époque mais riche, et dont nous ne saurons jamais rien.
Dorante, lui, offre une bourse à  Lubin,  un valet d’Araminte pas aussi sot qu’il semble, pour le mettre de son côté.
Mais qu’une jeune veuve soit amoureuse d’un simple intendant, fils d’un avocat fauché et veuille se marier avec lui, cela reste choquant dans cette société où la noblesse et l’argent priment. Les choses ont depuis évolué encore que? Voit-on une jeune énarque d’une riche famille du XVI ème  épouser un jeune et brillant prof mais pauvre, et fils d’agriculteurs ruinés?

© Jean-Louis Fernandez

© Jean-Louis Fernandez

Ici, Araminte, dans une scène remarquable de sensibilité, ira enfin vers la table où travaille Dorante et lui prendra les mains, lui avouant ainsi son amour. Surpris tous les deux par l’arrivée de madame Argante. Deux noms qui riment mais dont les personnages sont en conflit ouvert.  Des minutes de pur bonheur théâtral.

Mensonges, fausses confidences, manipulation surtout chez Dubois: hommes et femmes n’hésitent pas une seconde à s’en servir…  Araminte, que l’on sent parfois indécise et pas très sûre d’elle, ment par omission: elle sait que son intendant est amoureux et essaye de faire croire à Dubois qu’il ne lui a rien dit. Lui, l’homme discret en pantalon et chemise noirs mais très vigilant lui souffle le chaud et le froid et fera tout pour que son ancien maître  réussisse à séduire Araminte. Lui, Dorante, instruit par ce manipulateur de haut vol, est bien évasif sur son amour pour elle, alors qu’il en est fou. Monsieur Rémy laisse Marton se duper quand elle croit que Dorante est amoureux d’elle. Comme si Dubois était un peu amoureux par procuration, il a des répliques aussi délicieuses que cyniques et dont Marivaux use en orfèvre., pas loin de celles écrites par Eugène Labiche un siècle après: «Il faut qu’elle nous épouse. »  Anticipant la réplique cinglante de madame Argante: « Qu’il soit votre mari, tant qu’il vous plaira mais il ne sera jamais mon gendre. » Juste avant que Dubois ne conclue, fier de sa réussite: « Ma gloire m’accable. Je mériterais bien d’appeler cette femme ma bru. »

© Jean-Louis Ferrnadez

© Jean-Louis Ferrnandez

Une scénographie très sobre. Côté jardin un couloir vers les appartements d’Araminte, au centre, une sorte d’entrée-salon où se rencontrent  tous les personnages de milieu social et âge différent surtout  Dubois, intendant, M. Rémy, Procureur et le Comte. Et côté cour, un lieu d’où viennent et où travaillent valets, femmes de chambre…  Dans le fond, une balustrade, quelques chaises pliantes suggérant le jardin. Sous peu-trop peu-de lumière et, à la fin, presque dans la nuit. Alain Françon,  pour incarner cette tribu de personnages, a choisi avec le plus grand soin, ses acteurs qui ont eu des formations diverses. Miracle, ou plutôt précision et intelligence remarquables de sa direction.


Il y a dans ces Fausses Confidences, une rare unité de jeu et un diction impeccable pour dire toute la musique de Marivaux. Cela fait un bien fou après une semaine à entendre des textes souvent mal traités… Alain Françon, lui, aime la langue française, la respecte et la fait respecter, loin des micros H.F. et de fumigènes envahissants. Et il traite avec une singulière intelligence scénique les apartés et les silences, ce qui est rare chez les metteurs en scène de Marivaux. Il y a peut-être un léger abus de face public mais qu’importe…

Palme d’or à Georgia Scalliet, en robe longue (voir ci-dessous l’analyse de Christine Friedel) est une fabuleuse Araminte, très crédible dès qu’elle entre sur le plateau, à la fois certaine de sa volonté d’émancipation mais se sachant aussi incapable de ne pas aimer Dorante… Ravie  aussi d’échapper à la fois aux griffes de sa mère et de refuser ce comte que’lle voulait lui refiler. Le jeu de Georgia Scalliet est exemplaire: tout en nuances et sans aucune criaillerie.  Cela fait aussi du bien… Gilles Privat, très souvent sur le plateau, joue Dubois avec sobriété mais est supérieurement  efficace et drôle dans ce rôle pas facile. Pierre-François Garel (Dorante) est aussi juste, malgré un curieux costume peu réussi comme les autres: un des rares points faibles de ce merveilleux spectacle. Ce jeune acteur qui n’a rien des beaux amoureux conventionnels, est très attachant. Dominique Valadié, impeccable, joue avec tout le métier qu’on lui connait cette mère possessive, jalouse, tyrannique. Les autres personnages comme Monsieur Rémy (Guillaume Lévèque) haut en couleurs mais qui ne fait jamais trop, Marton (Yasmina Relil), Lubin (Séraphin Rousseau), Le Comte (Alexandre Ruby), un Garçon Joailler (Maxime Terlin) sont tous crédibles sans exception. Des rôles là aussi tenus avec une grande exigence. Ce spectacle, parfaitement rodé, est un exceptionnel moment de théâtre et, même si vous avez des à-priori sur Marivaux, allez à Nanterre ou Versailles si vous habitez Paris mais des Fausse Confidences se jouent un peu partout aussi en province. Vous ne le regretterez pas.

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 28 novembre; jusqu’au 21 décembre, au Théâtre Nanterre-Amandiers à Nanterre (Hauts-de-Seine).

Du 10 janvier au 12 janvier, Théâtre de l’Empreinte-Scène nationale, Brive (Corrèze).  Les 15  et 16 janvier, Scène Nationale d’Albi (Tarn). Du 22 au 26 janvier, Théâtre Montansier, Versailles (Yvelines). Les 30 et 31 janvier, Opéra de Massy (Essonne). Les 12 et 13 février, Théâtre Saint-Louis, Pau (Hautes-Pyrénées).

Les 25 et 26 février, Maison de la Culture, Amiens (Somme). Du 4 au 6 mars, Le Quai-Centre Dramatique National, Angers (Maine-et-Loire).

Du 8 au 21 mars, Théâtre du Jeu de Paume, Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Du 25 au 29 mars,  Théâtre municipal de Caen (Calvados).

Du 2 au  5 avril, Scène Nationale d’Annecy (Haute-Savoie). Et du 8 au 11 avril,  Centre Dramatique National de Saint-Étienne.

 

La Robe d’Araminte, costume de Pétronille Salomé

Longue robe de satin ivoire, montante, sévère et mensongère. Elle colle au corps d’Araminte* ne cachant que les bras, ne dérobant que les jambes, à moins que dans un mouvement elle ne vienne mouler cuisse, jambe, genou ou cheville. Autrement dit, Araminte, riche, veuve et libre -s’il n’y avait sa mère pour tenter de diriger sa vie- se soucie peu de se montrer et aussi peu de cacher un corps qui a tout pour plaire. Coupée en plein biais – des mètres et des mètres de tissu -, amplifiée de « quilles », triangles de tissus pour élargir le bas d’une jupe sans épaissir les hanches le moins du monde, la robe dit cela : mon corps est à moi, à mes mouvements et à mes humeurs, à mon confort et à ma dignité de grande bourgeoise qui ne se soucie pas de devenir comtesse. Mais je m’en fiche. Ma robe attire et tient à distance, et pourtant mon corps est évident, offert. Mais ça m’est égal. Pas étonnant qu’il faille trois actes à Dorante pour parvenir à déclarer  cet amour attrapé d’un regard sur le grand escalier de l’Opéra, qui l’a conduit ici, dans ce décor indifférent habité par son idole.

©Jean-Louis Fernandez

©Jean-Louis Fernandez

La robe tourne, se vrille, étale sa souplesse laiteuse, fait à celle qu’elle enveloppe un buste presque aussi nu que celui d’une statue, tandis qu’un coup de ciseau vertical laisse entrevoir un éclair de peau dans le dos. Un pli bizarre, à la taille, trahit le défaut qui va permettre toute l’intrigue. Oui, dans le confort de cette robe, il y a une anomalie, une gêne. Ça grigne, comme disait une couturière en chambre. Marivaux ne dit jamais pourquoi Araminte désire l’amour de Dorante – parce que cela va de soi : quand un amour fou, « timbré » comme celui-là vous tombe dessus, il est contagieux, il est irrésistible. Mais ce petit pli, ce couac en couture dit peut-être, ou sans doute : tout ne va pas si bien dans la vie parfaite de la belle veuve, il manque quelque chose, quelque chose crie. Qu’elle cache sous une « indolence » détectée par son entourage, et une indifférence affectée, pauvre cuirasse contres les intrusions diverses qui peuplent la pièce. Robe refuge, robe orgueilleuse : voyez comme je suis belle, et riche. Robe libre. Et pourtant voyez comme j’y suis parfois empêtrée. Robe d’époque : laquelle? Peut-être la fin des années trente du vingtième siècle, avec son léger parfum de fin du monde. Robe dramaturgique, en somme. Arrivera-t-elle à devenir pétale ?

*Le prénom Araminte signifierait « noble », « haute ».

Christine Friedel


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Dans(e) la lumière à la Fondation Groupe E.D.F.

Dans(e) la lumière à la Fondation Groupe E.D.F.

Ce «e» est, comme on dit, inclusif. Dans(e) la lumière est en effet monstration d’œuvres d’art et (dé)monstration de danse vivante. Un corpus créatif dû avant tout à la fée Électricité qui «inspire l’âme et anime les corps », dit Alexandre Perra,  délégué général de la Fondation.
Ce premier rendez-vous, appelé à devenir annuel, installe des œuvres de Bernard Caillaud, Costis, Raoul Dufy, Gun Gordillo, Julio Le Parc, Man Ray, Adalberto Mecarelli et François Morellet qui font partie de la collection. Et Agnès Chemama a programmé jusque fin janvier les chorégraphes Alexandre Fandard et Raphaëlle Delaunay, Carolyn Carlson, Mazelfreten et Jann Gallois, Josette Baïz, Alban Richard, Leïla Ka, Mourad Merzouki, Angelin Preljocaj, Marion Motin, Maud Le Pladec, Léo Lérus et Thomas Lebrun.
Nous avons pu ainsi admirer, entre autres, dix photogravures de l’album de Man Ray Électricité (1931), une commande de ce qui était alors la Compagnie parisienne de distribution d’électricité. Une œuvre à base de rayogrammes ou rayographies, c’est à dire de photos obtenues directement par des objets posés sur du papier et éclairés le temps qu’il faut.
Lunatique neonly, 8 demi-cercles, n° 11 (2004), composition abstraite de François Morellet dessinée avec des tubes fluo courbés, Continuel-lumière (1964), sculpture cinétique de Julio Le Parc, Magique (1993), un coup de foudre artificiel de Costis, Nord (1993, trois figures géométriques basiques sursaturées d’Adalberto Mercarelli, et la ciné-danse serpentine de Loïe Fuller de la maison Pathé, colorée au pochoir en 1905. Toutes ces œuvres valent le déplacement.

© Jean-Claude Carbonne

© Jean-Claude Carbonne

Nous avons assisté à une des séances d’après-midi destinées aux associations et aux scolaires où était invitée Josette Baïz avec le groupe et la compagnie Grenade. En première partie, deux danseurs de la compagnie nous ont offert au rez-de-chaussée un florilège de solos et duos de chorégraphes néo-classiques et modernes, entre autres: Maurice Béjart et William Forsythe.
Le morceau de bravoure, Room with a view, une chorégraphie de (La) Horde (Marine Brutti, Jonathan Debrouwer et Arthur Harel), dans la magnifique salle au deuxième étage, interprétée avec brio par les adolescents du groupe Grenade: Théo Brassart, Jade Roux, Lison Szymkowicz, Chloé Deplano, Thelma Deroche-Marc, Lou Goutron, Lilith Orecchioni, Victoire Chopineaux, Bérénice Rieux, Jossilou Buckland, Arthur Vallière, Marius Iwasawa Morlet, Hector Amiel, Tristan Marsala, Roman Amiel, Victor Lamard-Paget, Sarah Kowalski et Emma Grimandi.
Sur une bande originale. techno signée Rone, les adolescents passent par différentes phases affectives et autant d’expressions et actes les signifiant : de l’apathie, à la marche alentie et à l’agitation à tous les sens du terme : nerveuse, houleuse, politique. Ce mimodrame, en forme de psychodrame, peut diversement être interprété par les spectateurs et les acteurs, comme soulèvement de la jeunesse, exercice militaire, comportement grégaire ou réaction pavlovienne….
Par l’effet de répétition de la musique et du geste (nombreux portés renouvelant le vocabulaire chorégraphique), la petite troupe bourrée d’énergie a fini exsangue, béate, émue aux larmes.

 Nicolas Villodre

 Espace Fondation E.D.F. 6 impasse Récamier Paris (VII ème) . T. : 01 40 42 35 35.

 

Le Dernier Voyage (Aquarius) texte et mise en scène de Lucie Nicolas

Le Dernier Voyage (Aquarius) texte et mise en scène de Lucie Nicolas

Le collectif 71, fidèle à sa ligne documentaire, nous invite à suivre la dernière mission humanitaire de l’Aquarius. Une épopée qui a défrayé la chronique : du 8 au 18 juin 2018, le navire erre de côte en côte, dans l’attente d’un port « sûr » où débarquer les six-cent vingt-neuf migrants recueillis à son bord.

Avant le départ, l’équipage se présente, détaillant les fonctions de chacun. Il y a trois équipes : les membres de l’ONG citoyenne SOS Méditerranée – qui affrète le navire -, les soignants de Médecins sans frontière, et les marins, dirigés par un capitaine. On compte aussi des journalistes : témoins des actions humanitaires, ils en sont les relais essentiels. « Sauver, protéger, témoigner », tels sont les objectifs de SOS Méditerranée. «  J’ai fait la Hongrie, Calais, la Grèce…, il me manque quelque chose qui se passe en mer », déclare un reporter du New-York Times.
Une scénographie artisanale et astucieuse plonge le public au cœur de l’action. Une armée de micros – chacun représentant un personnage – et un fouillis de câbles orange délimitent le pont du bateau où s’activent trois comédiens accompagnés d’un musicien. Saabo Balde, Jonathan Heckel et Lymia Vitte interprètent, à eux trois, des dizaines de rôles, dans l’univers sonore créé par Fred Costa. Bruitages divers, annonces et ordres au porte-voix alternent avec ses solos de saxophone. Les effets lumineux sont produit à vue par les comédiens : selon les besoins, ils allument une loupiote, règlent les projecteurs, s’équipent de lampes frontales…

L’alerte est donnée : deux embarcations en détresse sont signalées au large de la Libye, dans les eaux territoriales italiennes ! Le navire se précipite à la rescousse- il faut entre trente-huit et quarante-huit heures pour les atteindre. Une fois sur zone, les Zodiacs Easy 1 et Easy 2 sont lancés.Le temps que les sauveteurs arrivent, on peut suivre dans la pénombre le périple des migrants : des éclats de paroles nous parviennent, des bribes d’histoires comme on en a souvent entendues…

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Le premier groupe de rescapés est rapatrié sans problème sur l’Aquarius. Mais le second canot pneumatique s’est dégonflé : panique à bord, cris, pleurs. Les gens se disputent les gilets de sauvetage en nombre insuffisant. Il faut « saisir, hisser, poser » les femmes et les enfants d’abord, au risque de chavirer sous la pression de ceux qui s’agrippent aux embarcations.

Quand, après bien des péripéties, les naufragés sont enfin rassemblés sur l’Aquarius, il faut soigner les blessés, certains brûlés par l’essence mêlée à l’eau de mer, d’autres en détresse cardiaque et tous en état de choc, malgré la joie d’être sains et saufs. Sur les 629 rescapés, on compte 123 mineurs non accompagnés, 11 enfants, 7 femmes enceintes. « Vous êtes ici en sécurité, nous allons en Italie, restez calmes… », lancent les comédiens.

sans compter le refus de Matteo Salvini, alors ministre de l’Intérieur, d’accorder l’asile, obligation qui, en vertu des traités européens, incombe à l’Italie. La mise en scène reconstitue le bras de fer administratif et politique qui suivit : échanges dans toutes les langues entre les autorités portuaires et les navigateurs, tweets des services de communication du bateau… On entend les tergiversations des différents pays, quant à ouvrir leurs ports aux migrants, notamment, en France, les déclarations d’Emmanuel Macron, Éric Ciotti, Marine Le Pen… Un branle-bas médiatique !

Le spectacle nous embarque dans cette Odyssée mouvementée, à la rencontre de ses nombreux protagonistes. Lucie Nicolas a mené l’enquête : « J’ai retrouvé ceux qui étaient à bord durant ces quelques jours : marins-sauveteurs, rescapés, médecins, journalistes… (…) Des hommes et des femmes ordinaires qui ne se considèrent pas comme des héros.  » Le collectif 71 signe ici un documentaire au plus près du réel, sans sensiblerie, conçu comme un concert de paroles, sons et musique. Il rend concret le travail des humanitaires plus que jamais nécessaire en ces temps où les États referment leurs frontières. SOS Méditerranée continue sa route, mais à bord de l’Ocean Vicking: Gibraltar, puis Panama, ont retiré à l’Aquarius son pavillon, sous la pression du gouvernement italien et sans réaction de l’Union Européenne, malgré 30.000 vies sauvées en deux ans et demi.

« Nous ne pouvons accepter que des milliers de personnes meurent en mer sous nos yeux sans rien faire. Notre action de sauvetage en mer répond à un impératif moral et légal », dit Sophie Beau, directrice de SOS Méditerranée. Depuis 2014 plus de 30.500 personne ont perdu la vie en essayant de traverser la Méditerranée sur des embarcations de fortune. Depuis 2016, SOS Méditerranée en a sauvé 40.962». Il faut suivre cette épopée qui, espérons-le, continuera sa tournée. Avis aux programmateurs. En attendant nous recommandons un autre spectacle, mettant en scène l’Ocean Viking : Esquif (à fleur d’eau) ( voir Le Théâtre du Blog)

 Mireille Davidovici

Vu le 25 novembre à la MC 93, 9 boulevard Lénine, Bobigny (Seine-Saint-Denis). T. :  01 41 60 72 72.

Du 4 au 22 décembre, Esquif (à fleur d’eau) texte et mise en scène d’Anais Allais Benbouali Théâtre de la Colline paris XXe

 

Adieu Jany Gastaldi

Adieu Jany Gastaldi  

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La comédienne est morte est morte mercredi à soixante-seize ans. Antoine Vitez, disparu lui, il y a déjà trente-quatre ans, avait mise en scène quinze fois-ce qui est très rare-son ancienne élève au Conservatoire national et nous l’avions vue, jeune dans Les Quatre Molière en  77, puis dans tous les grands classiques qu’il avait montés, dont Mère Courage, Electre, Andromaque, Hamlet… Mais aussi et surtout,  à sa création au festival d’Avignon dans Le Soulier de satin où elle était une magnifique Dona Musique.

Elle joua aussi sous la direction d’Alain Françon, dans Chambres de Philippe Minyana et Petit Eyolf d’Ibsen. Et de Christian Schiaretti dans Par dessus bord de Michel Vinaver. Charles Tordjman, Brigitte Jaques, Adel Hakim la mirent aussi en scène comme  Marc Paquien, au Théâtre de  la Tempête dans Les Femmes savantes, il y a douze ans.

Ce fut son dernier rôle sur une scène. Jany Gastaldi joua aussi au cinéma, notamment chez Claude Lelouch… Nous nous souvenons bien d’elle: mince, pas très grande, elle avait une  belle présence et une voix chantante, une grâce inimitable de lancer sa réplique avec une diction parfaite. Mais aussi une gestuelle bien à elle, sans doute initiée par Antoine Vitez. Toux ceux qui l’ont vue, ne l’ont jamais oubliée.

Philippe du Vignal

La cérémonie pour Jany Gastaldi aura lieu lundi 9 décembre à 15 h 30, salle de la Coupole au cimetière du Père Lachaise, Paris ( XX ème).

Trois petits cochons-les monstres courent toujours,texte et mise en scène de Marion Pellissier

Trois petits cochons-les monstres courent toujours, texte et mise en scène de Marion Pellissier

A l’origine, un célèbre conte remontant au XVIII ème, revu et corrigé depuis, notamment par Walt Disney en 1933;  Trois pourceaux vont quitter leur famille pour construire leur maison, le premier  en paille, le deuxième en bois et le troisième, en  briques et ciment, chacun pour se protéger du loup. Celui-ci mangera les deux premiers petits cochons mais tombera dans la marmite du troisième et y mourra ébouillanté.  Bruno Bettelheim dans sa Psychanalyse des contes de fées montre que ce conte doit apprendre aux enfants à ne pas s’amuser tout le temps et à être vigilant. Soit une version populaire du célèbre: Souviens-toi de te méfier, du philosophe grec Epicharme.

« Ce spectacle, dit l’autrice, ne sera pas un spectacle jeune public. La part d’enfance se retrouve dans le ludisme de l’acteur, et la part plus sombre du conte, comme c’est le cas de la mythologie, révèle de grandes figures dramatiques qui ravivent des sentiments archaïques ou du moins universels de l’Homme. (…) Le conte est ici un outil pour tisser deux trajectoires. La première est le lien qu’établit une fratrie face au mal. La pièce ne gardera que les étapes du conte. Des frères et sœurs se divisent ou se rassemblent face à leur rapport au danger. L’ainé est terrifié par le loup, c’est comme s’il se préparait depuis toujours à la confrontation(…) Face à cette menace, chaque membre de la fratrie cherchera comment vivre, quoi bâtir, comment se positionner face au danger, comment fabriquer ou déconstruire un monstre.
La seconde trajectoire est une narration sous-jacente, qui suivra la fable et évoquera la représentation elle-même, les liens entre les acteurs, les techniciens, leurs litiges, leur tendresse, leurs difficultés dans la pièce, leur solitude et leur émoi face à l’expérience de la scène, à leurs vies d’artistes. »

© La Raffinerie

© La Raffinerie

La trame de ces Trois petits cochons-les monstres courent toujours dont nous avons raté les vingt cinq premières minutes à cause du mauvais entretien des voies SNCF:  un affaissement de terrain entre Bayonne et Toulouse… Si nous avons bien compris, cela se passe dans une famille de musiciens, les Cochon, un père et une mère qui chante dans un cabaret mais qui va mourir. La fille aînée s’occupera de son père et veillera sur ses frère et sœurs. Il y a aussi un loup prédateur qui va semer la terreur.

Et la compagne du fils, un documentariste, le metteur en scène du spectacle. A la fin, nous verrons le Père seul dans un E.P.H.A.D.  et que son fils vient voir… Mais le propos est loin d’être clair. Nous aurons aussi droit aux répétitions d’un spectacle avec bribes de conversation entre acteurs et techniciens… Tous aux abris! Le théâtre dans le théâtre, un procédé qui remonte au XVI ème siècle, a été mille fois vu et sous toutes les formes! Merveilleusement entre autres, chez William Shakespeare, Molière, Marivaux, Pierre Corneille, Luigi Pirandello… Et aussi dans les comédies musicales : logique puisque la première, dit-on, aurait été réalisée par des acteurs-chanteurs-danseurs étrangers en panne de contrat à New York. Mais ici, cela fait flop!

Marion Pellissier voudrait que « la frontière entre la fiction et le réel soit nébuleuse, comme dans un rêve »… Côté nébuleux, nous sommes servis: jets de fumigène réguliers et  pénombre en permanence. Et les stéréotypes du théâtre contemporain fleurissent : arrivée des acteurs par la salle, criailleries, déménagement incessant d’éléments scéniques, grossissements vidéo de visages et de personnages dans une voiture, lumières rasantes, micros H.F., mixages du genre : une cuiller de fable, une cuiller de vaudeville, un soupçon de cinéma nouvelle vague, etc. Mais textuellement mal foutu et sans véritable unité.

Bref, ce tissage entre conte/théâtre dans le théâtre et fiction /réalité peut difficilement fonctionner! Marion Pellissier revendique pourtant avec un certain aplomb : «le mythe prend une nouvelle dimension ». Mais cela fait pschitt ! Et très vite, l’ennui s’installe et sans aucun espoir…
Ce qui aurait pu à la rigueur, être une espèce de pastiche en une heure et quelque, ne tient pas la route sur plus de deux heures et demi sans entracte, à cause surtout d’une dramaturgie prétentieuse et de dialogues bien minces .Yasmine Berthoin, Charlotte Daquet, Julien Derivaz, Steven Fafournoux, Morgan Lloyd Sicard et Sabine Moindrot font le boulot avec précision, mais, de «procédé ludique et ode aux artistes», il n’y a ici, pas plus que de beurre en broche comme disaient nos grand-mères. Un critique doit toujours être indulgent quand il y a des erreurs et qu’il n’y pas eu beaucoup de temps de répétition mais il y a des limites et le spectacle a bénéficié, en plus, d’un grand plateau comme on en trouve peu. Désolé, mais à ne pas recommander.

Philippe du Vignal

Spectacle créé et vu le 19 novembre au Théâtre de la Joliette-Scène conventionnée, 2 place Henri Verneuil, Marseille (II ème). T. : 04 91 90 74 28.

Du15 au 17 janvier, Théâtre Jean Vilar, Montpellier (Hérault). Du 21 au 23 janvier, Théâtre Daniel Sorano, Toulouse (Haute-Garonne).

Les 3 et 4 février,Théâtre de Châtillon (Hauts-de-Seine). Du 7 au 9 février, Le Cent-Quatre, Paris (XIX ème).

 

Bienvenue ailleurs, pièce pour comédiens, percussions et choeur d’adolescents, texte et mise en scène d’Aurélie Namur

Bienvenue ailleurs, pièce pour comédiens, percussions et chœur d’adolescents, texte et mise en scène d’Aurélie Namur

En exergue de ce texte, «La pensée la plus profonde aime la vie la plus vivante.», une phrase du grand Holderlin (1799): c’est plutôt bon signe. Aurélie Namur écrit ses pièces après avoir fréquenté les milieux concernés et ici, elle pose la question de l’avenir des adolescents qui fêteront leurs vingt ans en 2030, et certains auront des enfants vers 2040. Peut-on encore changer notre mode de vie énergivore sans violence ou avec ? Quelles valeurs transmettre dans un univers aussi bousculé?
Ce sont les thèmes que l’écrivaine traite, parfois en filigrane dans cette pièce en trois épisodes : Fragment 1/Sara par sa mère: Ici une très jeune fille va se révolter. « 
Peu après le Méga feu, ce fut Noël, dit Camila. Le matin du réveillon, ma fille but juste un verre d’eau. – Mais… tu ne manges rien – j’ai dit ?- J’ fais une grève de la faim. – Mais… c’est Noël !- Autant que ce soit efficace. – Une grève pour quoi ? – Taxer la spéculation. On est des milliers à faire ça. Je suis pas toute seule.- Qui ça «on»? » Ma fille haussa les épaules… jusqu’à sa chambre. J’ignorais à quel point il était trop tard, mais je savais déjà qu’elle avait gâché Noël. »
Sara, seize ans, découvre les images des immenses feux qui embrasent
les forêts et blessent les kangourous. Un an plus tard, elle va fuguer. Ses proches essayent de comprendre les traces qu’elle a pu a laisser.
Le texte s’ouvre donc par un récit de Camila sur la dernière année passée avec sa fille qui veut abolir le monde actuel. Mais on ne sait plus bien, si c’est la mère ou Sara qui nous parle. Et Aurélie Namur en joue: « Déployer les rapports entre une adolescente et sa mère, me permet d’évoquer, de manière déroutante et concrète, les deux stratégies de l’écologie radicale : confrontation ou résistance au monde (…) et celle de la sécession, qui refuse de s’épuiser à combattre un adversaire qui fera tout pour ne pas perdre : c’est la voie du « faire sans », retirant au monde, en l’ignorant, sa raison d’exister.

Dans Fragment 2 : Sara par Aimé, dézinguée, il est plus question d’environnement et de révision drastique  des modes d’agriculture: «Chaque week-end, je suis venu sur zone, dit Aimé, comme Sara, j’étais fasciné par cet endroit où on repensait tout, où on expérimentait tout! La construction, le maraîchage, le langage, les modes de gouvernance ! C’était ça, la beauté !
Et la semaine, je continuais mes cours d’archi. Sauf qu’un matin-j’avais commencé la révision des partiels, je me rappelle… Le décret d’expulsion a été publié : la ZAD allait être dézinguée. Les fics ont installé des caméras partout : finies les cabanes : option défense. La peur nous gagnait. Tout s’est précipité. » (…).

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En interlude, il y a aussi un très beau moment chorégraphié: une quinzaine de filles et quatre garçons, tous élèves de l’option: théâtre du lycée Jean Monnet à Montpellier, dansent sur la seule musique très forte des percussions, seuls ou à plusieurs, très joyeux avec une belle présence, comme pour pallier l’absence de Sara.
Enfin, dans Fragment 3/Sara par Pauline Qui la connait, cette vie qu’on mène, il y a un beau dialogue sur la chasse entre Aimé et Pauline, l’amie de Sara: -Ce matin-là, j’étais hagarde, Je lui demande : « Elle est où, Sara! ?Aimé (en montrant la besace) Ce lièvre qui pend à ta besace, là, tu l’as tué / Donc…plus fort que moi, ce matin là, je dis. Pauline: C’est pas un lièvre c’est un lapin. Aimé: Tu l’as tué, donc maintenant, il est à toi, c’est ça ?! Elle est où, Sara ? Aimé:  Pourtant, c’est un animal sauvage… pourquoi il serait à toi ? Pauline:  J’ai eu envie de le frapper, ce matin-là… Aimé: Tu ne crois pas qu’il faut la laisser tranquille, un peu ? Pauline : Qui ? (soudain plein d’espoir) Sara ? Aimé : la Nature. Pauline: C’est lse règles de la chasse. Aimé: Tu l’as tué ou quoi? (…)  Aimé : C’est toi qui peux me tuer, avec ton fusil. J’ai peur, devant chez moi, tu trouves ça normal Devant chez moi, j’ai peur, / tu trouves ça normal. Pauline: Tu la planques. Aimé  (soudain calme) Pose ton fusil. Pose ton fusil. (Elle finit par poser son fusil. (pour lui-même) Je déteste les chasseurs. »

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Aurélie Namur apporte un commencement de réponse : le théâtre serait peut-être un lieu de questionnement et de transmission… il est ici question de vie, ou plutôt de la survie d’humains qui n’ont pas fait grand chose pour sauvegarder leur planète et que leurs descendants accusent de crime mais eux aussi prennent l’avion et roulent en voiture électrique sans état d’âme. Se pose cette question: comment envisager un monde autrement que tel que nous le connaissons ? Comment se raconter autre chose quand ce qui existe, est détruit ?

Un conflit générationnel? Et à écologie radicale, problème résolu? Non, ce serait trop simple, semble nous dire Aurélie Namur. Comment mettre en place une écologie radicale sans renoncer pour autant à un confort indéniable, à une meilleure alimentation grâce au froid, etc.. Et cela tout en protégeant la faune, l’environnement et en vivant ensemble. Mission impossible? Les nouvelles générations n’ont pas d’autre choix que prendre en compte les enjeux économiques de la transition vers une neutralité carbone, donc sans émissions de gaz à effet de serre.

Le texte d’Aurélie Namur est parfois inégal mais elle a l’art-pas si facile- de mettre le doigt là où cela fait mal, sans en rajouter et en dirigeant bien ses acteurs. Ce Bienvenue ailleurs s’apparente à un théâtre-récit soutenu par des percussions, plus qu’à un théâtre documentaire. Sara est une figure absente/présente et si nous avons bien compris, la Mère, Aimé et Pauline, l’amie de Sara témoignent à sa place.
Le sol rouge vif met en valeur lithophone, vibraphone, timbales…. Rien de réaliste ici ; une lumière pour dire la maison de la mère, une banderole traversant le plateau nu pour signifier une ZAD et ensuite sur un tulle, une belle reproduction d’un paysage d’arbres de C.D. Friedrich, légèrement éclairée par derrière.
Les percussions permettant selon la metteuse sen scène de «rendre perceptibles les essoufflements, les acmés comme si le cœur de Sara battait en direct. » Ce qui est moins sûr.
Mais en trois volets, cette quête d’un ailleurs collectif est bien jouée par Pierre Bienaimé, Noémie Guille et Aurélie Namur. La metteuse en scène a visé juste et les lycéens regardaient attentivement dans un silence impressionnant cette représentation d’après-midi. C’est aussi bon signe…

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 21 novembre au Théâtre Jean Vilar, Montpellier (Hérault).

Le 13 décembre, Théâtre Jérôme Savary de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault).

Du 17 au 20 décembre, Le Parvis Scène nationale de Tarbes (Hautes-Pyrénées).

Le 13 février,Théâtre de Pézenas (Hérault).

 Les 13, 14 et 15 mars,Théâtre du Grand Rond, Toulouse (Haute-Garonne).

Les Oiseaux sont faux, par la compagnie Le Schmilblik mise en scène de Maëlle Puéchoultres

Les Oiseaux sont faux, par la compagnie Le Schmilblik mise en scène de Maëlle Puéchoultres

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Cette compagnie au fameux nom imaginé par Pierre Dac concernant un objet qui «ne sert absolument à rien et peut donc servir à tout car  rigoureusement intégral », est un collectif d’artistes.
Maëlle Puechoultres l’a rejoint, après des études théâtrales, une thèse sur le théâtre indien qu’elle va bientôt présenter, une formation au conservatoire de Versailles et un stage à la Manufacture de Lausanne…
Depuis 2021, elle travaille sur ce spectacle qui a pour thème les théories du complot et leur infiltration dans les consciences.

Hervé, un veuf d’une cinquantaine d’années, au curieux visage : nez pointu et yeux très en fente (ce lui donne un regard à la fois proche et lointain, comme ceux des acteurs masqués du théâtre balinais qui ont aussi inspiré, entre autres Ariane Mnouchkine, Omar Porras… Le jeune acteur  porte en fait un demi-masque qui le vieillit de quarante ans (superbe réalisation de Gabriella Lopez): ce dont on ne s’aperçoit pas tout de suite. Hervé, sans doute pas très riche, vit seul, dans une maison de banlieue dont il a aménagé le garage en atelier pour y bricoler paisiblement:une grande armoire métallique soigneusement repeinte en bleu avec des étagères, un établi où il y a un marteau, quelques outils et des jouets comme de petits wagons en bois et objets accumulés là depuis longtemps. Juste à côté, un rayonnage avec des livres. Et deux tables au piètement en X, l’une où il y a son ordinateur et une lampe ancienne de bureau, et une autre avec encore des objets sans aucun usage précis mais à la valeur inestimable pour celui qui les possède…. « Entre la poubelle et l’éternité  » disait Tadeuz Kantor: quarante ans après sa mort, il reste, fait rare, une source d’inspiration pour de nombreux jeunes créateurs comme  Maëlle Puechoultres. L’univers qu’elle crée ici avec ces meubles et objets n’est pas loin du sien. En fond de scène, un grand écran.
Hervé répare jouets et autres objets mais consacre la majeure partie de son temps à collectionner des appeaux, notamment celui de la mésange charbonnière à cravate et calotte jaune et au plumage vert. Mais aussi à en montrer leur fabrication sur internet:  »
Pour cet appeau, je vais donc utiliser du buis, qui est un bois qui résonne bien, très léger. Là, pour la vidéo, je l’ai déjà façonné afin que ce soit plus rapide, mais je vous ferai une deuxième vidéo où je vous montre comment bien utiliser le tour. On peut aussi le tailler à la main d’ailleurs, puis poncer ensuite, mais ça, ça dépend des méthodes. » « L’appeau: entre l’humain et l’environnement » dit Maëlle Puechoultres.

© Gabriella Lopez

© Gabriella Lopez

Il a recueilli un oisillon et l’a mis dans un carton où il lui donne la becquée. C’est son seul compagnon: « Voilà, voilà, ah! bah! ça va mieux maintenant hein ? On est mieux ? On est bien. Oui. on est bien tous les deux. » Il appelle très souvent sa nièce Mathilde,  une étudiante en bio-acoustique dont il est très proche. Pour parler, ou plutôt entendre sa voix. Véritable communication, ou illusion? « Ça va ma chérie et toi ?- Oui oui ça va écoute. Bon j’ai pas compris, c’est quoi cette histoire de fleurs ? Tu es encore allé au cimetière? – Non, je t’ai dit; j’y vais plus au cimetière. - Ben pourquoi tu veux des fleurs ? -Ben pour la Toussaint, je me suis dit quand même… -Ah oui… ben si tu veux… je veux dire moi j’ai pas besoin de ça… »

Hervé la voit assez souvent, enfin quand elle peut…  Accro à You tube, il échange des  messages avec des inconnus. Il tombe aussi sur un article d’Hubert Reeves, grand amoureux des oiseaux récemment décédé, puis sur une émission où en 2013, ce vulgarisateur présente un livre sur l’écologie…. Les réseaux sociaux et les sites n’ont plus de mystère pour Hervé et de multiples informations lui arrivent en flot continu.  Il partage aussi ses enregistrements d’imitation d’oiseaux et est conscient des catastrophes écologiques qui se profilent à l’horizon comme la hausse du niveau de la mer, les forages désastreux pour les poissons, la disparition des oiseaux marins…
Mais n’est-il pas dupe que ses nombreux petits tours sur  internet bouffent une énergie considérable? Il est aussi très attiré par les techniques de manipulation et les systèmes de surveillance et qu
and il découvre des articles parlant de la soi-disant élimination d’informateurs chez Total, il appelle Mathilde… très inquiète pour son oncle.

Les commentaires signés d’un pseudo fleurissent et nous les voyons s’afficher sur un grand écran fabriqué avec deux matières et rappelant celui des ordinateurs. Hervé semble isolé, las et paumé. Sa nièce le comprend de moins en moins et le mettra en garde. On voit se fissurer l’identité de cet homme plus tout jeune,  à cause de cette addiction à l’écran de son ordinateur qui reste pourtant son seul moyen de communication avec un mobile pour appeler Mathilde ( Pauline Crépin)..
Tout son univers quotidien semble partir en quenouille, comme souvent dans le théâtre d’Eugène Ionesco et i
l se sent remis en cause, au plus intime de lui-même. Des cris d’oiseaux deviennent envahissants. Hervé arrache la webcam et l’écran devient bleu. Il enferme son ordinateur dans le placard mais des plumes en sortent.  Les tables et le rayonnage se disloquent, les objets et les livres tombent partout et Hervé essaye de se protéger avec les plateaux des tables et sur l’écran, s’affiche un message menaçant: Erreur Système: veuillez patienter pendant que nous rétablissons  la surveillance. Toute résistance serait préjudiciable. »

Obsédé par le monde qui l’entoure, il partira dans un délire verbal répétitif:  « Moi j’ai jamais fait de mal à personne j’ai jamais rien pris à personne j’ai toujours écouté ce qu’on m’a dit dans les endroits où l’on regarde vers les choses plus hautes alors ces gens là qui me disent tout ça je les trouve injustes car elles ne me parlent jamais en face elles disent tout ça dans mon dos elles ne m’aiment pas en fait et si elles ne m’aiment pas c’est leur faute, et si c’est leur faute et que je peux être sûr que moi je n’ai rien fait de mal et qu’il y a d’autres gens dans le monde qui n’ont rien fait de mal et qui peuvent m’expliquer pourquoi je n’ai rien fait de mal et que ce sont eux qui sont en tort et si ce sont eux les autres qui sont en tort contre nous. « Un remarquable monologue… A la  fin, Hervé est en proie à un encombrement général de son atelier: les piètements des plateaux se brisent brusquement, et tout se passe comme les objets devenaient autonomes : tout bascule et l’emprisonne.

Comme l’indique le titre-un peu mystérieux- de la pièce, les oiseaux seraient-ils faux? Le vrai et le pas vrai, le langage oral et écrit, le réel et l’artificiel, le réchauffement climatique à cause de la vie urbaine et la nature, les humains et les oiseaux, la solitude et les dizaines de millions de personnes en contact par internet mais invisibles… Des thèmes et des codes que Maëlle Puechoultres met en scène avec  une grande efficacité, sans utiliser la vidéo de façon conventionnelle comme on le voit partout (grossissements, etc.). Ici, elle  joue constamment sur un réel des plus ambigus. Hervé tape sur son clavier mais ce qui s’affiche est aussi les réponses qu’il obtient aussitôt… Mais quand il téléphone à sa nièce, une véritable actrice qu’on ne voit pas, lui répond. Cette voix qui pourrait être enregistrée, est bien là…  D’où un certain vertige et le spectacle a fasciné les lycéens de Mantes-la-Jolie, ce soir de première.   

Un peu lent à décoller, la réalisation est encore  brut de décoffrage et il y a de petites erreurs de jeu mais quelle intelligence scénique! Et Maëlle Puechoultres a su s’entourer de toute une solide équipe: jeu (Clément Mariage), costumes et masque ( Gabriella Lopez) son (Isia Delemer), lumières et vidéo (Lucas Collet) scénographie (Ernest Welisch)…  Ici, un plateau habituel avec des accessoires et un masque, ce qui est rare! Mais Maëlle Puechoultres sait  aussi utiliser un langage contemporain, celui de l’informatique appliquée à un spectacle. Et elle maîtrise parfaitement l’espace et le temps théâtral, ce qui est aussi rare. Si vous le pouvez, allez voir ces Oiseaux sont faux (une heure). Le Collectif 12 a bien visé, en lui offrant une résidence pour cette création. Il faudra suivre de près cette très jeune autrice et metteuse en scène…

 Philippe du Vignal 

Spectacle créé les 14 et 15 novembre au Collectif 12, friche André Malraux, 174 boulevard du maréchal Juin, Mantes-la-Jolie (Yvelines). T. : 01 30 33 39 42. 

Lilas en Scène, Centre d’échanges et de création des arts de la Scène, 23 bis rue Chassagnolle (Seine-Saint-Denis), les 6 et 7 décembre. T. : 01 43 63 41 61.

 

 

 

Ouasmok ? Texte et mise en scène de Sylvain Levey

Ouasmok ? texte et mise en scène de Sylvain Levey 
 
Ce premier texte, très souvent récompensé et adapté au théâtre, fut édité en 2004 dans la collection Jeunesse aux Editions théâtrales. Régulièrement monté, il n’a rien perdu de sa vivacité.  Cette fois, il a pris ses quartiers d’automne à la Scène Maria Casarès à Poitiers. Ouvert depuis un an, ce site patrimonial rénové-les anciennes écuries d’une caserne-propose tout au long de l’année: goûters, apéro-dîners et brunchs-spectacles. Le cadre, beau et chaleureux, invite à la découverte et au partage d’univers artistiques. Ouasmok ? évoque la jeunesse d’aujourd’hui et le rapport entre les garçons et les filles face au sentiment amoureux dans ses premiers émois, mais aussi leur quotidien complexe et agité dans ce passage tout proche, à l’âge adulte. Ce  moment et son paysage à la fois merveilleux et perturbé, a bien changé. De nouvelles questions interrogent ici ce lien. Léa serait la représentante d’un nouveau monde, et Pierre, le représentant de l’ancien qui essaye encore de se maintenir. 
 
© Joseph Banderet

© Joseph Banderet


Pour la première fois, Sylvain Levey s’empare de la mise en scène : «Pendant longtemps je m’en suis senti incapable. A bientôt cinquante ans, je me sens finalement prêt à assumer ce rôle.»
Pari réussi. Issus de la promotion 2020 de l’Ecole du Théâtre National de Strasbourg Théo Salemkour et Léa Sery sont formidables de vérité et de charme  dans ce spectacle ludique et d’une grande finesse. Rien ne manque, et pour l’ensemble du public, cet univers dramatique prend toute sa tension.

Les très jeunes ne saisissent sans doute pas toute la subtilité de la fiction mais sont fascinés par les éléments scéniques et la gestuelle des interprètes. Les jeunes, eux, se sentent concernés par la relation qui se crée et qu’ils ont peut-être déjà vécue. Et les adultes ont là, une vision originale qui en dit long et sans détour, sur l’amour, la séduction, la vie conjugale, le foyer, et autres thèmes parfois graves. La force théâtrale réside notamment dans la structure de la pièce et sa temporalité: ces amoureux vont vivre en une journée ce que les adultes traversent en plusieurs mois ou années : rencontre, mariage, enfants, divorce et même suicide. Tout un programme ! 

Leur histoire est évoquée en accéléré, à travers sept tableaux représentant ces séquences de la vie tous très inventifs, grâce aussi à une scénographie astucieuse et ludique: comme le clocher qui devient leur appartement, aménagé avec des objets du quotidien, ou d’autres plus surprenants. Au centre du plateau, un grand socle rectangulaire blanc devient un espace de jeu. Et selon les différents moments, viendront prendre place accessoires et mobiliers divers de temps à autre éclairés par un, deux ou trois lampadaires légers et graphiques. Les objets, hétéroclites et symboliques mais parfaitement choisis, la musique, et les éclairages donnent à ce spectacle, un souffle dramatique d’une grande subtilité.  
 
Nous suivons les étapes de l’existence autant imaginée que vécue par ce couple, Pierre, douze ans, et Léa, onze ans, en classe de cinquième. Leurs tempéraments opposés ne vont pas faciliter leur rencontre et la dure réalité prendra le dessus. Mais l’univers de la fiction, son écriture très rythmée d’une intense poésie et d’une résonance contemporaine, l’ingéniosité de la mise en scène réalisée avec peu de moyens, transfigurent la violence de la vie et ses déceptions. Ils offrent dans cette traversée sentimentale au quotidien de Pierre et Léa et de leurs utopies, une beauté, un entrain qui nous touche et nous interroge… Le public est fasciné! Rien d’enfantin dans cette évocation mais une perception délicate et lucide du monde actuel envahi par les nouvelles technologies  et où les parents, souvent absents, sont débordés.
Le spectacle est plein d’humour, romantisme et gravité aussi et Sylvain Levey pose un regard d’une forte sensibilité sur la jeunesse et le passage à l’âge adulte, son mal-être, ses découvertes et rêves, sa perception du monde. Un moment exquis de théâtre pour  toutes générations confondues, à ne pas manquer.

Elisabeth Naud 

Nos Matins intérieurs ,mise en scène de Nicolas Mathis,conception musicale deChristophe Collette

Nos Matins intérieurs ,mise en scène de Nicolas Mathis,conception musicale deChristophe Collette

Programmé à la Grande Halle de La Villette, en ouverture de Nuit du Cirque qu’organise Territoires de Cirque*, ce spectacle exceptionnel mêlant intimement jonglage et musique, prouve, une fois de plus, la grande richesse du cirque de création. Des cubes empilés, déplacés, éparpillés, disposés en labyrinthe, constituent le terrain de jeu du quatuor Debussy et des dix jongleurs du collectif Petit Travers. Les balles blanches fusent dans l’espace, en tout sens, à jets continus, rattrapées et relancées, ballet perpétuel, sur des airs d’Henry Purcell et Marc Mellits. Christophe Collette et Emmanuel Bernard (violons), Vincent Deprecq (alto) et Cédric Conchon, (violoncelle) jouent et se déplacent avec la même grâce que les circassiens.

©Blandine Soulage

©Blandine Soulage

Être ensemble, voilà ce qui importe quand on jongle au rythme des instruments : mouvement et musique en parfaite synchronie. De cette harmonie naissent d’étonnantes images. Eyal Bor, Julien Clément, Rémi Darbois, Amélie Degrande, Bastien Dugas, Alexander Koblikov, Taichi Kotsuji, Carla Kühne, Emmanuel Ritoux, Anna Suraniti se déploient vivace, lento, vivace…, en rangs serrés ou en farandole, tout en s’envoyant des volées de balles. On les retrouve là où on ne les attend pas, toujours sur le qui-vive, à guetter l’objet qui leur tombe du ciel. Quelques solos acrobatiques émaillent ces scènes de groupe. Quand, aux balles, succèdent des bâtons, les circassiens défient la gravité, les portant sur leur front, ou se les lançant au risque de les faire tomber. Ce qui n’arrive jamais.

© Blandine Soulage

© Blandine Soulage


Les lumièresd’Arno Veyrat font merveille sur ces belles compositions scéniques impulsées par la musique. Le Quatuor Debussy impose tempo, vitesse, durée des séquences : « la musique nous déplace, et fait chanter nos gestes », disent les acrobates qui prennent parfois le temps de l’écouter.
Les fantaisies baroques de Purcell engendrent des gestes déliés, sur une grande variété de tempos.
En contraste, les compositions de Marc Mellits, inspirées du rock ou de la musique répétitive actuelle, offrent un paysage sonore entre mélancolie et rudesse: le son voyage d’un instrument à l’autre, comme bâtons et balles entre les mains des jongleurs.

Il arrive aussi aux artistes de prendre la parole. Ces brefs instants où chacun se dévoile s’insèrent avec grâce dans l’économie générale de Nos matins intimes. Une belle traversée visuelle et musicale proposée par des artistes virtuoses. En vingt ans, Petit Travers, fondé par Julien Clément et Nicolas Mathis, a développé un répertoire de neuf pièces, jouées à travers le monde. Le collectif, installé en 2014 à Villeurbanne, a mis en place un espace de travail : l’Établi, salle de répétition, lieu de stockage et bureaux. En plus de Nos matins intérieurs, quatre pièces du répertoire sont en tournées (Pan- Pot ou modérément chantant, NUIT, Encore la vie et S’assurer de ses propres murmures et quatre courtes pièces: Formule, Ornements, Fragments et Dehors.

En trente ans, le Quatuor Debussy a joué aux quatre coins du monde. Il a obtenu la Victoire de la musique1996 et enregistré plus de trente disques (intégrale de Chostakovitch, musique française, américaine, jazz, musique actuelle, comptines…) Il est aussi un habitué des scènes de danse avec Maguy Marin, Anne Teresa De Keersmaeker, Wayne Mac Gregor, Mourad Merzouki…., de théâtre ou de musiques actuelles, tout en enseignant au Conservatoire de Lyon et animant des ateliers pédagogiques auprès de personnes âgées, enfants détenus, malades…. Il organise depuis 1999 une Académie d’été, dans le cadre de son festival Cordes en ballade en Ardèche.

 

Mireille Davidovici

 Jusqu’au 1er décembre, La Villette, Espace Chapiteaux, Parc de la Villette ( cotée Porte de la Villette) Paris XlX e T. 01 40 03 75 75

 *Fondée en 2004 dans l’élan de l’Année des Arts du cirque, l’association Territoires de Cirque rassemble aujourd’hui soixante-deux structures – dont les quatorze Pôles Nationaux Cirque – engagées dans le soutien à l’émergence, la création et la diffusion du cirque.

 

Les Dernières Geishas, mise en scène et interprétation de Shingo Ôta et Kyoko Takenaka

Festival d’Automne à Paris

 Les Dernières Geishas, mise en scène et interprétation de Shingo Ôta et Kyoko Takenaka

Le mot japonais geisha signifie : «personne pratiquant l’art» et dépositaire de la tradition. Danse, musique (tambour et instruments à cordes), chant, poésie, calligraphie, maniement de l’éventail… une geisha doit avoir toutes ces compétences. Contre rémunération, elle tient souvent compagnie et distrait les riches hommes daffaires, à l’occasion de banquets, cérémonies du thé ou événements prestigieux.

Les premières ont été des hommes mais, au XIX ème siècle, cette profession devient exclusivement féminine. Jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale, elles étaient très nombreuses, notamment à Kyoto. Puis, leur nombre a diminué et il en reste environ cinq cents. Leur formation commence à l’adolescence et dure cinq ans. Aspect physique codifié: visage maquillé en blanc, lèvres en rouge vif, cils et sourcils en noir, chignon traditionnel sophistiqué, semelles compensées de bois, kimono en soie aux caractéristiques variant selon l’âge. L’amalgame entre geisha et prostituée traîne à tort dans l’imaginaire des Occidentaux….
Le cinéaste et comédien Shingo Ôta, et l’actrice Kyoko Takenaka ont rencontré ces femmes qui continuent de faire vivre cette culture. Ils ont suivi leurs cours et répété leurs danses, et ont joué dans les banquets traditionnels. Nous les retrouvons sur scène en kimonos appartenant à Hidemi, la dernière geisha de la station thermale de Kinosaki. La pièce a été jouée sous une forme plus courte, au Japon, dans les villes où il y a encore des geishas, comme Kyoto et Kanasawa.

© Pierre Grosbois

© Pierre Grosbois

Pour ces représentations, les artistes ont ajouté des extraits des vidéos réalisées quand ils sont allés dans les écoles de geishas. Ils montrent en particulier, leurs répétitions avec Hidemi, qui est venue les rejoindre aux saluts. Après une partie proche d’un théâtre documentaire, Kyoko Takenaka interprète une danse gracieuse, Itako dejima, puis Shingo Ôta, joue une performance plus virile, Yakko-san, un moment bouleversant les codes traditionnels et qui fait basculer le spectacle vers une représentation plus iconoclaste.

La comédienne veut édicter de nouvelles règles pour la geisha: entre autres, s’assoir un peu durant la cérémonie et manger les restes du banquet pour éviter le gaspillage alimentaire. Ces artistes se lancent aussi dans une danse illustrant deux moments emblématiques de la victoire japonaise aux Jeux Olympiques de Tokyo ! La musique du guitariste Kazuhisa Uschihashi qui les accompagne, s’inspire de l’ambiance sonore des banquets traditionnels.

On retient de cette pièce, un touchant travail de mémoire sur le monde perdu de l’ancien Japon. Comme le dit justement Shingo Ôta, dans un beau monologue: « On dit que nous mourons deux fois. La première, quand notre corps s’éteint. La seconde, quand notre existence disparaît de la mémoire de celles et ceux qui sont restés. » ( …) «Grâce au travail de transmission de mes prédécesseurs, les codes de la danse traditionnelle sont parvenus jusqu’à nous. Je les remercie de nous faire revivre, par leur savoir, les paysages et les coutumes des anciens. »

 Jean Couturier

 Spectacle joué du 15 au 19 novembre, Maison de la Culture du Japon, 101 bis quai Jacques Chirac, Paris (XV ème). T: 01 44 37 95 95.

 

 

 

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