La Mousson d’été, Rencontres théâtrales internationales et Université d’été européenne.

La Mousson d’été, Rencontres théâtrales internationales et Université d’été européenne

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À l’Abbaye des Prémontrés, La Mousson d’été fête ses trente ans ! En 2021, Véronique Bellegarde en prenait la direction artistique. Actrice et metteuse en scène, elle était déjà la co-directrice avec Michel Didym, comédien et metteur en scène qui fonda en 95 ce festival exceptionnel qui ne cesse de nous étonner et nous réjouir.

Sur presque une semaine, au cœur d’un monument historique du XVIII ème siècle, aux espaces verts apaisants, se côtoient artistes,  techniciens, étudiants, amoureux du théâtre ou visiteurs de passage, dans un climat bienveillant, avec parfois de vives discussions. Un rassemblement unique en son genre et une occasion rare consacrée au théâtre contemporain, si bien venue en cette fin d’été, juste avant la rentrée !

Chaque jour, le public est invité à découvrir sous des formes diverses: lectures,mise en espace… le paysage bigarré des écritures contemporaines en Europe et dans le monde. Mais aussi à participer à des rencontres professionnelles avec des conférences, comme  Intimités et technologie par Lisa Oufs, pédopsychiatre à l’hôpital Necker à Paris en libre écho aux pièces Nations-unies et Rest/e. Un moment passionnant et instructif qui nous fait accéder à une réception enrichie et approfondie de ces textes…
Au programme, des conversations thématiques, et le soir venu, sous un chapiteau, des cabarets littéraires pensés comme un ensemble de cartes blanches à des artistes, mis en scène par Pascale Henry, Steve Gagnon et David Lescot.

© Boris Didym Cabaret

© Boris Didym Cabaret de Steve Gagnon

Mention spéciale à celui de Pascale Henry, aux dialogues hauts en couleurs sur la pensée, le dire, le non-dit et notre agitation mentale et affective: tout ce qui crée humeurs et tensions dans notre rapport à l’autre et habite notre intériorité. Un cabaret remarquable de sensibilité, esprit et humour, accompagné de morceaux musicaux et chansons, en totale complicité avec la parole et les poèmes de Pascale Henry. Mais nous n’avons pu voir celui de David Lescot  joué en clôture du festival…

Le programme matinal s’adresse aux  quatre-vingt inscrits à l’Université d’été qui étudient les pièces de cette trentième édition, dans les ateliers dirigés par des  auteurs et metteurs en scène comme Nathalie Fillion, Pascale Henry, et par des chercheurs: Joseph Danan et Jean-Pierre Ryngaert qui dirige aussi l’Université d’été.

Temporairement contemporain, une gazette quotidienne dont le rédacteur en chef est Arnaud Maïsetti, est  la joyeuse compagne de cette manifestation et  y sont publiés: programme du jour, interviews, cartes blanches, échos… Cette année, focus sur le théâtre de l’Europe du Nord, avec des autrices comme la Néerlandaise Magne van den Berg, la Norvégienne Monica Isakstuen et la Suédoise Sara Stridsberg dont les  œuvres récentes ont été tout juste traduites par Marianne Segol-Samoy pour les trente ans de la Mousson d’été.

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©x Monica Isakstuen

©x Sarah Stridsberg

©x Sarah Stridsberg

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©x Magne van den Berg

Mais aussi Jon Fosse, père de toute une génération d’écrivains et metteurs en scène scandinaves. Mondialement connu, il a reçu le Nobel de littérature l’an passé, distinction la plus récente obtenue parmi beaucoup d’autres comme le Prix Ibsen en 96. Il est aujourd’hui, avec cet immense auteur, le dramaturge norvégien le plus joué…
Pour Véronique Bellegarde, ici, les écritures dramatiques d’une grande actualité interrogent nos modes de vie, offrent une vision pertinente de la notion de progrès. « Dans plusieurs textes, dit-elle, il y a un regard incisif et peu habituel sur la parentalité, l’instinct maternel et les liens familiaux. »

Grâce à la singularité des relations mises en jeu, certaines pièces ne laissent pas notre conscience en repos et nous mettent en contact, sans détour mais intelligemment,  avec le monde réel et la modernité du XXI ème siècle. Comme Rest/e d’Azilis Tanneau (France), dirigée par Cédric Orain, où est posée la question de: comment vaincre la mort ? Avec une réponse: faire appel à l’intelligence artificielle et laisser finalement place… à un bonheur aliénant et illusoire.

Dans Nations-Unies, Clemens Setz (Autriche) raconte une histoire diffusée sur les réseaux sociaux:  cent trois abonnés payent pour voir un père forcer sa fillette à manger ce dont elle ne veut pas, avec chantage ou menaces bon enfant. Cela permet au couple de gagner de l’argent et chaque moment passé en famille entre les parents et leur fille Aurore, se métamorphose en activité rémunératrice.

Ces pièces, tous remarquablement interprétées, questionnent le public, sensible à l’utilisation non contrôlée des inventions technologiques, à la spectacularisation de l’intime et qui se sent très concerné. Dans  le Lit de mon père (circonstances obligent),  Magne van den Berg (Pays-Bas)  écrit à nouveau sur le thème de la mort et des relations parents/enfants mais dans un tout autre contexte: celles d’une fille et de son père,après leur deuil de la mère et épouse. Ils sont au téléphone: elle vit en ville, et lui, à la campagne. La conversation, souvent interrompue, est reprise au fil des heures ou des jours, mais les mots peinent à sortir … Chacun assume autrement que l’autre cette disparition. Fine et pertinente mise en lecture de David Lescot, comme  l’interprétation de Gilles Gaston-Dreyfus ( Le Père) et  de Noémie Moncel ( La Fille).

 © Boris Didym

© Boris Didym

David Lescot, également musicien, accompagne à la guitare avec subtilité, les passages d’une scène à l’autre. Une intervention judicieuse sur le plan dramaturgique. La musique répétitive entre chaque scène, favorise la progression du texte pour l’essentiel, au rythme d’une parole-action. Au fil des répliques, la tension prend corps et l’histoire se révèle, devenant de plus en plus intense.

D’une Mousson à l’autre, nous retrouvons parfois un auteur découvert l’année précédente. Comme ici l’écrivain, comédien et metteur en scène québécois Steve Gagnon qui nous avait fasciné et ému avec une lecture de Fendre les lacs, qu’il avait lui-même dirigée. De nouveau, il invite le public à découvrir un de ses textes: Genèse d’une révolution sans mort ni sacrifice, mis en ondes cette fois par Laurence Courtois pour France Culture. Une  lecture captivante qui nous a émerveillés par sa poésie : comment faire aujourd’hui une révolution «dans la douceur », pour un monde plus juste?  « La colère, dit Steve Gagnon, n’entraîne-t-elle pas davantage de colère, et le feu, appelant le feu, risquerait bien de mettre en cendre non pas seulement le vieux monde, mais tout le reste, et nous avec lui. »  Cela ressemble à un signal d’alarme…

 © Boris Didym Vertigo

© Boris Didym Vertigo

Encore une belle surprise avec Vertigo de Sarah Stridsberg : morte, Kristina, personnage testamentaire, se trouve quelque part, en dehors de la réalité, regardant une vie passée et celle continuant sans elle. Son existence ressemble à un rêve étrange. Autour d’elle, gravitent tous ceux et celles qui étaient autrefois là. Un labyrinthe de rêves et souvenirs évoquant la vulnérabilité, la brutalité, l’isolement. « Et, comme le dit l’autrice, cet amour immense qu’on a en soi. » C’est aussi pour chacun, une recherche vaine de la lumière.

Les lectures mises en espace sont un des points forts de ce rendez-vous entre artistes et un public fidèle ou venu pour la première  fois ! Cette approche  d’une œuvre théâtrale n’a rien avoir avec l’ébauche d’un spectacle. Avec la lecture d’un texte en main, par des acteurs, c’est un objet dramatique en soi mais créé en un temps court de répétitions. Un peu comme des acrobates, ils se mettent en danger.
Cet acte audacieux-imaginé par Lucien et Micheline Attoun en 71- exige du metteur en scène et des interprètes, un travail exigeant et d’une concentration exceptionnelle, qui ne peut se répéter sur la durée. La mise en espace a cette qualité, définie  par Michel Vinaver: « Celle d’une urgence, qui ne laisse passer que l’indispensable, donc une super-légèreté et une super-rigueur. »
Un exercice esthétique sans doute au plus près de l’écriture théâtrale, n’est pas fixé dans une mise en scène, et donc fragile, en pleine ébullition ! À travers cet objet scénique remarquable, apparait en devenir, une mise en scène !  Ce moment poétique, éphémère mais intense est réalisé à chaque fois par des artistes, musiciens, éclairagistes et techniciens hors pair… Une belle fin d’été avec cette nouvelle édition de la Mousson !

Elisabeth Naud

La Mousson d’été a eu lieu du 22 au 28 août, à l’Abbaye des Prémontrés. 9 rue Saint-Martin, Pont-à-Mousson ( Meurthe-et-Moselle). T.  :  03 83 81 10 32.

 

 


Archive de l'auteur

Festival d’Aurillac: Entretien avec Frédéric Fort

Festival d’Aurillac

 

Entretien avec Frédéric Fort

-Vous êtes venu au titre de conseiller pour les arts de la rue à la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (S.A.C.D.) ?

© Philippe du Vignal

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- Oui, mon rôle est de gérer et organiser les dispositifs: Écrire pour la rue, aide aux auteurs et aide à l’écriture dont le financement est assuré par la S.A.C.D.  et par la Direction Générale de la Création Artistique (D.G.C.A.) au ministère de la Culture: elle définit, coordonne et évalue la politique de l’État relative aux arts visuels et au spectacle vivant. Et à ce titre, j’organise les jurys de sélection et les débats.
La S.A.C.D. a voulu reconnaître la singularité des écritures pour l’espace public et les auteurs/concepteurs, et elle les ac
compagne financièrement, favorise leurs démarches dans les lieux et avec des partenaires jusqu’à leur aboutissement
Elle incite aussi aux démarches innovantes. Dix projets au maximum sont retenus par an. La candidature des autrices, auteurs ou responsables artistiques, doit être accompagnée par une structure d’accueil, lieu de création, notamment pour l’espace public.
Par projet lauréat, l’
aide à l’écriture versée par la S.A.CD. est de 1.000 €. Et celle pour l’accompagnement de la démarche d’écriture de 5.700 € est versée par le Ministère de la Culture. Ces aides permettent que les auteurs et leurs collaborateurs artistiques soient rémunérés, comme la recherche documentaire, les éventuels frais de déplacement pour repérage et les collaborations de tout champ disciplinaire.

Le second volet du dispositif est l’aide aux compagnies: 5.700 € pour la création et la diffusion. Ce budget est financé à 100 % par la S.AC.D. et par les festivals de Chalon, Aurillac, et cette année de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise). Comme, par exemple, le spectacle Jouir qui a eu un grand succès ( voir Le Théâtre du Blog). Il faut noter que ces dispositifs peuvent être cumulables la même année. Cela fonctionne bien, avec environ soixante à quatre-vingt dossiers de candidature par an.

- Comment voyez-vous l’évolution du festival d’Aurillac où votre compagnie Hannibal et ses éléphants, a souvent joué?

- Dirigé par Frédéric Rémy, il suit, pourrait-on dire, son bonhomme de chemin et il y a une chose récurrente et  unique: toutes les compagnies peuvent y jouer; cette année, il y en a eu environ six cent!  Dans de nombreux espaces publics de vie au centre ville, comme les places, les cours, etc.  Et il y a beaucoup de spectacles gratuits.

- Vous êtes sans doute très pris par votre fonction mais vous avez sans doute pu en voir plusieurs…

 

©x La Baleine Cargo

©x La Baleine Cargo

- Oui, notamment Jouir dont vous avez rendu compte dans Le Théâtre du Blog. C’est une réalisation que je trouve intéressante à plus d’un titre. Les jeunes interprètes et le musicien ont tous une belle énergie. Et parler en plein air, de thèmes comme l’orgasme et le fonctionnement du clitoris devant un millier de personnes, représente un sacré défi.  J’ai aussi beaucoup aimé Les Furtives par la Balène Cargo, un spectacle demi-ambulatoire sur le désastre écologique avec trois jeunes actrices Clémentine Bart, Sylvie Dissa et Agathe Zimmer. Un autre spectacle sympa : Quartett Buccal avec des textes bien écrits et bien chantés.

- Avec 2.800 représentations par six cent compagnies. La ville d’Aurillac était saturée et son activité bousculée, sans doute à cause de sa programmation à partir du 15 août, par cet événement  à la fois artistique mais aussi social… Cette année, il y a eu environ 220.000 spectateurs soit 40% de plus que l’an passé. Comment voyez-vous l’attrait actuel pour le théâtre, dit de rue, en France?

 

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©x Pierre Mathonier

-Sans aucun doute grâce à la pluralité des formes mais aussi grâce à la F.E.A.R. à Marseille. Cette formation a engendré de nouvelles écritures et aidé les compagnies à sortir des schémas habituels. Et  Pierre Mathonier, maire d’Aurillac, fait tout pour assurer au mieux l’accueil de jeunes spectateurs  et des compagnies. Il y a quelques jours, un homme en vélo a demandé en passant à une compagnie si tout allait bien. C’était lui et ce n’est pas si fréquent!
Dans ce pays devenu assez totalitaire, chaque crise, chaque événement est l’occasion pour laisser les exclus au bord de la route. Aurillac reste, pendant quelques jours,  un merveilleux espace de liberté… avec de nombreux spectacles gratuits.

-Et votre compagnie Hannibal et ses éléphants qui a parcouru et continue à parcourir la France entière?


-J’ai pris ma retraite comme directeur mais je continue à assurer la codirection artistique et la coproduction de nos spectacles. Et je suis l’auteur-adaptateur du dernier, Georgia dont vous avez vu la première à Colombes (voir Le Théâtre du Blog).

-Et votre compagnie Hannibal et ses éléphants?

-J’ai pris ma retraite comme directeur mais je continue à en assurer la direction artistique et les coproductions de nos spectacles.

 Philippe du Vignal

 https://www.sacd.fr/fr/residences-dauteurs-ecrire-pour-la-rue
 :https://www.sacd.fr/sites/default/files/ecrire_pour_la_rue_reglement_2024.pdf

La Cérémonie d’ouveture de Jeux Olympiques ( neuvième épisode)

La Cérémonie d’ouverture de Jeux Olympiques (neuvième épisode)

 

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Il y a le déjà fameux « Repas des dieux dans l’Olympe » avec Barbara Butch, et Philippe Katrine, comédien et chanteur  en Dyonisos, où certains ont voulu voir une parodie insultante de la Cène… Nous le verrons plus en détail dans l’épisode n° 10 où il chante en collant bleu « To nu ».
Les athlètes ukrainiens qui ont sur la poitrine du jaune avec un fin ruban bleu, sont portés par le courage  de tout un peuple qui défend intelligemment sa terre. Le bateau Dominico illustre la carte des mers du monde: Christophe Colomb et son esprit au-dessus des océans dans toutes les directions.

Où est l’Amérique? Les trois derniers bateaux s’approchent de la passerelle Debilly qui va devenir un des  centres de la cérémonie. Les athlètes australiens en costume vert bleu, au coude à coud, crient, enthousiastes en levant  les bras. Une lumière blanche scintillante veine la passerelle Debilly. Suit le bateau des Etat-Unis avec ses athlètes, pantalon bleu clair et veste bleu foncé,  comme des roseaux pensants et joyeux. 

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Et voilà la France avec, sur ce dernier bateau, un cortège qui crie, chante et danse. Eux aussi se penchent, le sourire est général! La vie peut être belle… Mais cette puissance d’être se prolongera-t-elle dans la société ? Quand on goûte à la vie, c’est peut-être pour toujours.. »Qui a bu aux sources de la vie ? » écrivait Antonin Artaud. Elégance en mouvement, les athlètes français portent  une veste bleu nuit, avec ou sans manches , au col tricolore. Ils exultent,  portés par la lenteur majestueuse  du navire qui se dirige vers la passerelle et dont le ralentissement accentue une joie immense. « Et là, commente Alex Boyon, ils font le plein d’énergie. » Mais nous aussi.

Au passage du bateau la passerelle Debilly, entre le pont d’Iéna et celui de l’Alma ,a été construite pour l’Exposition  universelle de 1900. L’âge de fer se lèvait à Paris, avec aussi la Tour Eiffel, le Grand Palais. Cette passerelle soudain clignote en bleu, blanc et rouge. Tout est électrique :  lumière, couleurs, atmosphère. Le puissance de chacun ne relève pas de l’ubris grec-la démesure-mais d’une fluidité bienveillante.  Cela rappelle les premiers jours de mai 68… Ensuite la passerelle vire au rouge, puis au mauve, saluant ainsi les athlètes. Les étoiles jaunes du drapeau européen tournent autour de la Tour Eiffel bleuissante.

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 Comme elle, la passerelle devient bleue puis orange. Le navire se dirige vers le Trocadéro, via le pont de la Concorde nommé pont de la Révolution de 1790 à 95 mais en 1830, il retrouvera le nom de Concorde. L’architecte avait utilisé des pierres de taille provenant de la démolition de la Bastille:  » pour que le peuple puisse continuellement fouler aux pieds l’antique forteresse ». Teddy Riner, judoka guadeloupéen de trente-cinq ans concourant dans la catégorie des plus de cent kgs lui,  se trouve sur le bateau France. Arrivé, il disparaîtra. Où?

 

En cette fin du XIX ème  siècle, naissent la danse et la peinture modernes qui vont échapper à la représentation.  Paul Cézanne, Claude Pissaro, Claude Monet, Vincent van Gogh, avec la couleur, déforment un peu les objets.  Et va bientôt naître une nouvelle chorégraphie avec Isadora Duncan, et Loïe Fuller qui aménage un véritable studio de cinéma pour danser avec ses longs voiles.

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©x Loïe Fuller


« Elle danse sur un parterre de carrés de lumières », écrivait Laurence Louppe (1938-2012), grande spécialiste de la danse moderne et contemporaine. 

Les interprètes défilent au rythme de la généreuse Leslie Barbara Butch -engagée socialement auprès d’enfants- DJ qui mixe des titres de variétés. Elle figure aussi parmi  les drag-queens: Nicky Doll, Pich, l’étoile du voguing CC Palmer, l’athlète handisport Béatrice Vio, le mannequin transgenre Raye Martigny, la reine de la waacking danse Josepha Madaki, les danseurs Fauve Houtot et Romain Guillermic, Germain Louvet (danse classique), Adeline Kerny et Jr Madrapp (krump), Boys Horipar (breaking).

 

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Il y aussi les Aveyronnais Loïs Aurières et Antonin Cazals, du groupe la Bourrée de Paris.Cette danse traditionnelle d’Auvergne fut à l’origine de la danse classique) et c’est sans doute la seule région française représentée à cette cérémonie… Et clin d’œil de l’Histoire: pas loin de la passerelle Debilly, habitait Laurence Louppe, est morte dans l’Averyon et enterrée dans le Cantal. Elle aurait sans doute bien aimé cet épisode de la Cérémonie!   

Nature engendre tous les corps et surprend et seuls existent les corps singuliers: il n’y en pas de « normal ». Nous sommes tous des énigmes et certains prétendant le contraire, voudraient nous imposer une vie morte-née. Craintifs au plus haut point, ils voudraient qu’on obéisse aussi à leur crainte… Que va-t-il avoir encore lieu sur cette passerelle? « Y en a encore ? avait dit notre fils Tanguy à la projection des premiers dessins animés de Walt Disney à la Cinémathèque française…
( Suite au prochain numéro)

Bernard Rémy

 

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Cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques (huitième épisode)

Cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques  (huitième épisode)

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La naissance du cinéma…Quand le porteur masqué de la flamme regarde Notre-Dame, nous la percevons à travers lui. Chaque navire transportant les athlètes d’un pays, voit et nous voyons aussi, un raccourci d’histoire de leur peuple. L’espace qu’il traverse est de nature cinématographique. Les couleurs des costumes, associées à leurs gestes de joie en renforcent la vision. On passe du coton bleu clair des vestes sans manches haïtiennes, au bleu et blanc d’Israël. L’Italie chante avec ses corps en bleu sombre, l’air brille et la Jamaïque éclate d’un jaune vif traversé par un fin ruban bleu.

©x Le porteur de la flamme la passe à Zinedine Zidane

©x Le porteur de la flamme la passe à Zinedine Zidane

Le porteur masqué court ensuite sur le toit du Musée d’Orsay et entre dans une étrange pièce sur la musique de L’Apprenti sorcier de Paul Dukas. Laquelle va être envahie d’eau! Inexorablement? Ensuite, il se lève et abaisse les manettes d’un cadran, d’habitude, instrument d’aiguillage qui oriente dans l’espace et inscrit des indications temporelles: passé récent, passé lointain, futur et au-delà. Le plus lointain et le plus proche : le cinéma va naître en 1895. Un cadran glisse à l’image et déclenche la mise en place d’une machinerie au rouge métallique (comme l’a fait Jean Tinguely avec Le Cyclop, une sculpture de vingt-deux mètres de haut aux grandes roues en fer, dans un bois près de Milly-la-Forêt (Essonne).

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Les frères Lumière: Auguste (1862-1934) et Louis (1864-1948) inventent le cinéma avec, à la fois, les prises de vue et la projection des images capturées. Georges Méliès, leur  exact contemporain (1861-1938) crée Le Voyage dans la Lune (1901) inspiré du roman De la Terre à la lune de Jules Verne. Et Riciatto Canudo (1877-1923), poète, philosophe et théoricien du cinéma, invente la formule: septième art. Relié au premier des arts, l’architecture, avec, selon lui, la nécessité d’une Maison des images. Une maison, selon Gilles Deleuze, filtre le cosmos quand il frappe à la porte : « Et non seulement, la maison ouverte communique avec la paysage, par une fenêtre ou un miroir, mais (…) la plus fermée est ouverte sur un univers. » (…) Celle de Claude Monet se trouve sans cesse happée par les forces végétales d’un jardin déchaîné, cosmos aux roses. » Ici, c’est le Musée d’Orsay et la montgolfière, avec le porteur masqué à son bord, va monter  jusqu’au cosmos où l’attend…

 

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Henri Langlois (1914-1977) qui a fondé en 36, la Cinémathèque française avec Georges Franju, Jean Mitry et Raoul Auguste. Le monde entier passe sur la Seine avec les bateaux des athlètes… Rappelons que les réalisateurs de tous les pays envoyèrent leurs films à la Cinémathèque française! Et Henri Langlois fut le premier à rendre hommage à Buster Keaton, alors un peu oublié… 

Le Musée d’Orsay est situé à Paris ( VII ème) dans l’ancienne gare d’Orsay que, vers 1975, desservaient encore certains trains qui s’arrêtent maintenant tous gare d’Austerlitz. Devant le Porteur de flamme, un écran tombe du ciel et y est projeté le court mais célébrissime film des frères Lumière L’Entrée d’un train en gare de la Ciotat (1896). A la première projection, dit-on, les spectateurs sursautèrent de frayeur. 

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Ici, le train crève littéralement l’écran et la musique de L’Apprenti sorcier traverse toute la séquence de la naissance du cinéma qui n’a rien, elle, de catastrophique. Hiatus entre le son et l’image. Le Porteur masqué passe par la trouée sur l’écran qu’a provoquée le train lancé à toute vitesse et il se retrouve sur un ponton où se tient immobile un ballon avec une nacelle. Le noir et blanc du personnage résonne avec celui du milieu traversé, alors que  le noir et blanc du cinéma muet se diffuse au dehors. Tout s’inverse : ce qui était projeté, alors se met à projeter…

Le Porteur masqué enjambe la nacelle et allume le feu propulseur… Le ballon s’envole en oscillant, puis monte vers les nuages d’un blanc intense et, très vite,  se retrouve dans la nuit étoilée. Il passe à proximité d’un écran où est projeté La Lune borgne de Georges Méliès et va dans l’infiniment grand… »Infiniment éloigné de comprendre les extrêmes, disait Blaise Pascal, la fin des choses et leur principe sont invinciblement cachés dans un secret impénétrable, également incapable de voir le néant d’où il est tiré, et l’infini où il est englouti. »

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Alice Guy (1873-1968) fut la première réalisatrice de films (plus de mille!) et le 25 mars 1895, elle assiste avec son patron Léo Gaumont à la présentation du Cinématographe des frères Lumière. Jean-Luc Godard distingue le documentaire avec les frères Lumière, et la fiction avec Georges Méliès. Mais il y eut aussi Alice Guy et son imagination débordante (des bébés  naissent dans les choux). Elle atteint à la grandeur dans l’histoire du cinéma. Sa statue dorée apparait au cours de la cérémonie d’ouverture. Souvenirs, souvenirs…

Bernard Rémy

Remerciements à Nicolas Villodre, Anne-Marie Chaulet, Virginie Aubry, de la Cinémathèque de la danse (1981). à la Cinémathèque française Mais aussi à Patrick Bensard qui en fut le directeur et la cheville ouvrière. Et à Denise Luccioni, membre fondatrice.

Jeux Olympiques: trampoline, gymnastique rythmique, breaking…

Jeux Olympiques: trampoline, gymnastique rythmique, breaking…

 «Jeux Olympiques, Paris Superstar » Libération et « Notre meilleure vie» L’Equipe  11 août. « Merci » Le Parisien, 12 août. «Paris un si bel été ». Cette réussite ne peut pas être sans lendemain ! Le Monde, 13 août.
Ainsi titraient ces quotidiens à la fin des Jeux Olympiques,  avant le début des Jeux Paralympiques, le 28 juillet. Cette quinzaine est arrivée comme un ballon d’oxygène dans un pays au bord de la dépression et la flamme Olympique s’est élevée chaque soir comme un témoignage d’espoir. Nous avons découvert une cérémonie d’ouverture atypique et quoi qu’on en dise, unique au monde (voir Le Théâtre du blog).

On a tout écrit sur cette grande fête: la folie joyeuse et communicative des spectateurs, la bienveillance sans accroc des services de sécurité, la propreté de Paris, la réussite de nos athlètes dont certains sont devenus des stars en quelques minutes, la disponibilité exceptionnelle des bénévoles, le bon fonctionnement des transports en commun, etc. Le monde entier a été surpris. «Paris 2024, dit le sociologue Jean Viard, sera désormais une référence, comme l’a été l’Exposition universelle à Paris en 1900.»

Pour la cérémonie d’ouverture et l’ensemble des épreuves, la composante artistique a été une réussite. En ouvrant le bal avec, comme autrefois au théâtre, les trois coups, ici frappés par un ancien champion de la discipline : Dan Carter, Billie Jean King, ou par une personnalité: Thomas Pesquet, Omar Sy… A chaque début de session, le public entendait en français et en anglais : «Comme au théâtre en France, nous allons frapper les trois coups. »

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On sait maintenant ce que signifie le mot: brigadier, pour désigner ce fameux bâton frappeur. Qui a eu cette belle idée ? Sans doute, Thomas Jolly, le metteur en scène de cette cérémonie d’ouverture, ancien élève de l’Ecole du Théâtre National de Strasbourg. Les monuments de Paris, la Tour Eiffel, les Invalides, le pont Alexandre III, le Grand Palais (rénové sous la direction de Didier Fusillier) sont aussi devenus de véritables décors où avaient lieu certaines épreuves. Le public a découvert les caractéristiques de ce que nous aimons dans un spectacle où se crée la joie ou la peur et se réveillent les émotions mais qui restera éphémère… Comme un rêve, nous pouvons revoir par le canal des médias mais jamais le reproduire. Les gens de théâtre le savent bien: une représentation est toujours unique…

Certaines épreuves avaient une couleur artistique majeure évaluée avec des notes par des jurys. A l’Arena de Bercy, les épreuves de trampoline qui tenaient de ballets aériens, rappelaient la rigueur du travail de Yoann Bourgeois et de ses artistes. L’équipe française de natation artistique a eu son ballet libre, chorégraphié par Mourad Merzouki, même si elle est arrivée quatrième.

© Jean Couturier

© Jean Couturier

Les prestations des équipes féminines de gymnastique rythmique n’avaient rien à envier à celles de certaines grandes compagnies de danse. Et nous nous souviendrons longtemps de la performance de l’équipe italienne aux costumes rouge et noir, sur la musique de Carmen de Georges Bizet.
Seul le breaking, place de la Concorde, a eu une destinée éphémère. Classée épreuve sportive à la place du karaté uniquement pour Paris 2024, elle est passée presque inaperçue. Né dans les fêtes du Bronx à New York et issue de la culture hip-hop dans la rue vers 1970, le breaking a acquis ses lettres de noblesse en France au début du XXI ème siècle avec les chorégraphes nommés à la tête d’institutions: Kader Attou, directeur du Centre chorégraphique national de La Rochelle de 2008 à 2021. Anne Nguyen, grande représentante de cette danse depuis 2005, a animé un atelier de hip-hop à Sciences Po Paris. Mourad Merzouki, directeur du Centre Chorégraphique de Créteil et du Val-de-Marne et d’autres font partie de cette mouvance. Seul sport à avoir affiché complet au début des réservations sans que l’on sache pourquoi mais dont les épreuves sur deux jours, n’ont pas marqué ces Jeux! Ce courant artistique, pourtant populaire, est resté confidentiel…
Dans l’article du Monde du 13 août, une bénévole disait: « Je me sens en congé de moi, en congé de ma vie, cela fait un bien fou.» Probablement, ce fut un été particulier pour beaucoup…. Il reste des places pour les Jeux paralympiques et vont à nouveau servir d’écrin à ces athlètes, les mêmes lieux emblématiques.

 Jean Couturier

 

 

 

Festival d’Aurillac Jouir, mise en scène et écriture collective dirigée par Juliette Hecquet

Festival d’AurillacJouir, mise en scène et écriture collective dirigée par Juliette Hecquet 

Nous n’avons pas pu rendre compte des spectacles de ce festival comme nous le souhaitions. Mais cette manifestation avec Chalon, reste une des plus emblématiques du théâtre, dit de rue, qui, en fait, se passe surtout sur des places, cours d’école, dans des stades…
La compagnie Notre Insouciance créée il y a cinq ans, dit « vouloir aller à la rencontre du public et surprendre celles et ceux qui ne se pensent pas spectateurs et spectatrices de théâtre. Mue par une volonté de création collective avec des artistes pluridisciplinaires (théâtre, musique, danse et audiovisuel), elle dit aussi « s’inscrire dans un croisement entre la recherche artistique contemporaine et des enjeux sociétaux: les spectacles sont pensés pour investir l’espace public et des espaces non dédiés au spectacle vivant pour favoriser l’échange et le partage. On sait pas où on va mais on essaye quelque chose . »

 © x Les acteurs de la compagnie Notre Insouciance

© x Les acteurs de la compagnie Notre Insouciance

Ici, ce spectacle en une heure vingt, mené par Juliette Hecquet, récemment sortie de la FAIR-AR, centre de formation aux arts de la rue à Marseille, se joue Place des Justes  dans le vieil Aurillac, juste derrière la belle église Saint-Géraud. Une pelouse mais ni scène ni praticables sauf quelques caisses pour la récolte des pommes, quelques micros sur pied ou à la main, une tente blanche pour abriter le synthétiseur et son interprète qui est aussi acteur avec un camarade et cinq actrices.  Devant quelque huit cent spectateurs! Jouir est gratuit: ceci explique peut-être aussi cela…

Le thème : certains aspects du sexe ( surtout le désir pour l’autre) mis au grand jour avec questions-réponses en complicité avec le public. Jouir a sans doute été inspiré par le succès mondial qu’avait été Les Monologues du vagin de l’auteure américaine Eve Ensler, une pièce créée en 96 à Broadway avec trois actrices, chacune d’âge différent. Et à Paris, quatre ans plus tard dans une mise en scène de Tilly.  Une pièce iconique du féminisme contemporain, traduite en 46 langues et mise en scène dans plus de cent trente pays!
« Selon une étude récente du magazine Santé +, 75% des hommes affirment avoir un orgasme à chaque rapport sexuel, contre 33% des femmes. Cherchez l’erreur… En revisitant le Comedy club, le genre du documentaire théâtral et du cabaret musical, dit Juliette Hecquet, ce spectacle est une invitation à se poser collectivement la question du désir et de la jouissance : pourquoi existe-t-il un écart orgasmique? Quels modèles de plaisir existent-t-ils et pouvons-nous (ré)inventer? Comment pouvons-nous en parler autour de nous ? Et surtout, est-ce si important de jouir ? »

Ici, se succèdent de courts monologues: récits intimes, témoignages documentaires, chansons mais aussi appels à participer -trop fréquents et un peu racoleurs du genre: ça va Aurillac? Oui, hurle le public assez jeune comme le plus souvent à Aurillac et prêt à soutenir  les acteurs de la compagnie Notre Insouciance: Camille Dordoigne, Emma Evain, Juliette Hecquet, Cécile Leclerc, Joseph Lemarignier, Arthur Raynaud et Florie Toffin.  Visiblement  très aguerris, gestuellemment et oralement, au jeu en plein air même le plus souvent sans micro et devant plus de neuf cent personnes, ils savent  retenir l’attention et faire rire… Mais grossière erreur, le festival d’Aurillac n’avait pas limité la jauge!

Et comme c’était gratuit, un trop nombreux public a envahi toute la pelouse autour de l’espace de jeu. Cela dans des conditions plus que limites, côté sécurité! Mais les acteurs ont continué à jouer frontalement comme prévu! Ils auraient pu au moins en tenir compte et faire l’effort d’élargir le champ de jeu… Mais non! Résultat : même en arrivant trois quarts d’heure avant, impossible de bien se placer pour entendre le texte! Il faudrait donc revoir ce spectacle dans des conditions beaucoup moins approximatives. A suivre. 

Philippe du Vignal

Spectacle joué du 14 au 17 juillet, place des Justes, Aurillac.

Histoire d’un Cid, variation autour de la pièce de Corneille par Jean Bellorini et la troupe du T.N.P.

Histoire d’un Cid, variation autour de la pièce de Corneille par Jean Bellorini et la troupe du T.N.P.

À qui appartient Le Cid, cette tragi-comédie? À tous les élèves de quatrième qui l’ont étudiée rituellement et à tous ceux qui ne l’ont pas fait. La pièce est riche de vers devenus proverbes : «A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. », « Je suis jeune, il et vrai, mais aux âmes bien nées, la valeur n‘attend pas le nombre des années. » « Ô rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie. »
Corneille jeune encore écrit cette pièce qui remporta un immense succès. Même si un lycéen de seconde à qui était posée la question :  «Connaissez-vous Le Cid de Corneille ? » a pu répondre : « Oui, je connais le site de Corneille, le chanteur. », le succès, inscrit dans une culture française globale, dure toujours…

Le parti pris: raconter une histoire invraisemblable à laquelle on veut croire mais avec la profondeur des vers de Corneille. En un mot : rafraîchir un texte classique ancien, non par l’ajout d’ornements contemporains mais en le secouant vigoureusement pour mieux en faire apparaître les saillies et la jeunesse. Jean Bellorini et son équipe ont sabré parmi les personnages secondaires : tant pis pour le Roi de Castille! Sa fille, l’Infante, assumera très bien sa fonction.
Quant aux gentilshommes de la Cour, on n’a pas besoin d’eux : ni le public, ni les personnages, ne croit aux chances d’un Don Sanche, que ce soit à l’épée ou pour le cœur de Chimène, devant un Don Rodrigue, même prêt à mourir. Exit donc le rival.
Mais l’adaptation fait la part belle à cette Infante (en général, un peu oubliée), amoureuse malheureuse de Rodrigue, et à son propre conflit : amour ou devoirs royaux ? Puis-je épouser un sujet, si glorieux soit-il ? Réponse : hors de question, Rodrigue aime Chimène, et ne se mariera avec personne d’autre. Elle aura alors l’honneur et la gloire de favoriser l’union de ces  jeunes premiers et de sacrifier -non sans peine- un amour qui ne peut exister.

La force et la jeunesse de la pièce, est là, dans la radicalité des sentiments : amour absolu, honneur absolu, vengeance absolue. Mais dépendance totale aux valeurs et à la domination des pères. D’où le « conflit cornélien » et sa dialectique : amour, honneur, mais pas d’amour possible sans honneur, et la mort choisie comme remède à tout. Mais parler de la mort avec un tel appétit, n’est-ce pas la plus belle preuve de vitalité ?
On voit surgir les comédiens devant la magnifique façade Renaissance du château, silhouettes d’aujourd’hui, décontractées, comme dans une salle de répétition ou une école de théâtre- vivement colorées par Macha Makeïeff, et c’est l’Infante (excellente Karyll Elgrichi) qui ouvre le spectacle.

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Après tout, Le Cid est assez célèbre par ses récits. Cela le fait commencer d’une façon assez enfantine, et puis vient Corneille, au naturel, sans passer par une réécriture à la Georges Fourest et son  parodique : « Qu’il est joli garçon, l’assassin de papa ! »)
Puis devant le beau château en pierre, se gonfle une fragile et énorme forteresse, un de ces jouets collectifs qu’on voit apparaître et disparaître sur les aires de jeux, terrain instable et ludique des amours et des rebondissements de la pièce. Enorme contraste et appel à la modestie: devant tant de grandeurs, nous ne faisons que jouer…

François Deblock, Rodrigue adolescent, mène le jeu, distribuant en écho au public, les citations fameuses, et  s’offrant aussi le luxe d’interpréter Le SOS d’un terrien en détresse (une chanson de la comédie musicale Starmania, avec quatre octaves, au moins !). On la reçoit comme un cadeau : à lui-même, au public et à un Rodrigue, pas si inoxydable qu’il le croit.
Merci également à Cindy Almeida De Brito, parfaite Chimène, forte et réactive, à Federico Vanni, qui joua dans le Tartuffe italien de Jean Bellorini, capable de revêtir en toute simplicité (et humour) la collerette de la confidente sur le costume trois pièces de Don Diègue. Lui aussi nous offre une chanson, accompagné par Clément Griffault et Benoît Prisset, aux percussions délicates et claviers sensibles. Mais on aimerait bien que le programme indique les interprètes!
La soirée est douce, aux couleurs de soda et fait penser qu’il faudrait peut-être que les pères cessent de manger leurs enfants, ce qu’ils font, hélas! dans les meilleures familles : les Capulet et Montaigu, les Schroffenstein. Et qu’en disent les mères ? Cette Histoire d’un Cid illustre ce qu’on attend d’un Théâtre National Populaire: appel à une culture commune, au sérieux d’un classique monté avec invention et humour. Que demande le peuple ?

Christine Friedel

Château de Grignan (Drôme), tous les jours (sauf dimanche) à 21 h, jusqu’au 24 août. T. :  04 75 91 83 65.

À Pondichéry, le Théâtre Indianostrum en danger Une lettre de son directeur Koumarane Valavane

À Pondichéry, le Théâtre Indianostrum en danger, une lettre de Koumarane Valavane, son directeur

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Nous avons découvert cette troupe aux Francophonies de Limoges en 2018, quand elle y créa Chandala l’impur, une adaptation de Roméo et Juliette qui nous avait enchantés. Avec cette histoire d’amour contrarié entre un intouchable et une jeune Brahmane, l’auteur revisitait les formes traditionnelles du théâtre indien à l’aune de la modernité, pour dénoncer la violence du système de castes.
Trois ans après, Flying Chariot(s) (L’Epopée tragi-comique de la droiture), nous avait aussi convaincus: un lanceur d’alerte sacrifiait sa liberté à la vérité, mais dans cet acte, il trouvait une autre forme de liberté (voir Le Théâtre du blog).

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Koumarane Valavane nous alerte aujourd’hui: le Théâtre Indianostrum, qu’il a fondé en 2007, est menacé de disparition. Installé depuis douze ans dans un ancien cinéma français, la salle Jeanne d’Arc - d’où son nom complet: Indianostrum Pathé-Ciné Familial- , il doit quitter les lieux pour cause de spéculation immobilière. Le projet initial de ce dramaturge franco-indien, ancien membre du Théâtre du Soleil: donner un statut social et professionnel aux membres de la troupe et inventer un mode de financement permettant une démarche artistique exigeante. Il avait invité en 2015 Ariane Mnouchkine et son École Nomade. Sont nés de ces échanges, plusieurs spectacles, dont Une Chambre en Inde par le Théâtre du Soleil (voir Le Théâtre du blog).

 Mireille Davidovici

 

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Dans la nuit, au milieu du néant…

Voici le corps de la mère, marchez, courez, sautez, dansez comme un enfant, la scène-mère vous accueillera, protégera, inspirera… Débute ainsi une séance de travail au théâtre Indianostrum, 7 rue Romain Rolland à Pondichéry. Nous y sommes depuis le 1 janvier 2012 et nous en serons chassés le 31 août 2024. Pourquoi ? Parce que les artistes ont toujours été traités ainsi…

A Pondichéry, cette salle de cinéma et de théâtre de l’époque coloniale, quasi abandonnée, est un don de la France à l’église, située dans le white town, ancien quartier français devenu un haut lieu du tourisme. Le curé  digne d’un roman de Victor Hugo, nous a alors accueillis, protégés, bénis. Nous y avons construit une cuisine, un gradin et une scène et nous nous sommes mis à faire du théâtre sans relâche : la scène-mère a accouché de centaines de comédiennes et de comédiens et elle a été témoin de prestigieuses rencontres entre les artistes indiens et les artistes du monde entier. Musique, chant, récit, bref, ce théâtre a fait son travail : élargir la conscience individuelle et collective à travers des récits lumineux.

Le réveil majestueux de ce lieu mythique a attiré la vénérable mouche qui aime faire grossir son portefeuille. Elle a un plan bzzz prospère et fantastique : une salle de réception. Dégageons le théâtre, démolissons le patrimoine et oublions nos valeurs et nos principes… Nous avions tenté de résister face aux bonnes manières de nous déloger : répandre des rumeurs, appeler à l’aide le Pouvoir et user d’intermédiaires : les vénérables gardiens de notre Démocratie. Oui, ce lieu appartient à l’église, c’est indéniable! Alors le gouvernement de Pondichéry, le consulat et les notables nous ont dit ceci : allez planter vos tentes ailleurs. Un rappel douloureux du sort ancestral de l’artiste : errer

Ironie du sort, notre théâtre est entouré d’une école, d’un cimetière, d’une église et d’un hôpital. Pourrions-nous fermer un de ces lieux sans penser à une alternative ? Les élèves se battraient pour leurs savoirs, les malades pour leurs soins, les fidèles pour leur Esprit, les morts pour leur paix… Est-il alors insensé de vouloir sauver un théâtre ? Oui, ce lieu où notre intelligence, notre corps, notre esprit, notre âme et notre inconscient vibrent au son d’un récit et ceci depuis des millénaires. Bien sûr, on peut vivre sans musique, sans chant et sans théâtre, croyez-moi, c’est comme vivre sans soleil, dans la nuit au milieu du néant. La lueur ? Un conte, un mythe, une légende ou la capacité humaine à remplir le vide de désirs, d’émotions, de sens et de la beauté.

Le repli sur soi est le nouveau poison. Un théâtre au centre de la cité où l’énergie de la parole fait de nous tous un être plus ouvert, plus sensible, plus curieux, plus éclairé, en est l’antidote. Vous me comprenez ? Qui d’autre que l’Église peut mieux saisir le pouvoir du Verbe ? Personne ne nous entend dans la cacophonie touristique de la rue Romain Rolland…

Moi, artiste impuissant aux gestes éphémères, je me soumets à ceux qui nous chassent d’ici, je quitte la ville qui ferme son théâtre et je demande pardon à Jeanne d’Arc de l’abandonner aux bulldozers. Enfin, je déclare que notre scène-mère mourra le 31 août.
Cher public, je te convie à ses funérailles qui auront lieu du 16 au 30 août. Il y aura du chant, de la musique et du théâtre : des mots pour pleurer, des rythmes pour se consoler et des gestes à partager. Ne vous inquiétez pas, nous vous épargnerons nos plaintes, rêves inachevés, élans brisés, espoirs anéantis. A partir du 1er septembre, dans l’obscurité, le silence s’en chargera…

Koumarane Valavane, directeur du Théâtre Indianostrum

 

La Cérémonie des jeux Olympiques ( septième épisode)

La Cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques ( septième épisode)

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Le bateau surélévé de la Ville de Paris glisse devant la Conciergerie… mais comme s’il touchait à peine l’eau: à sa proue, la mezzo-soprano Marina Viotti, en rouge et blanc, chante dans le vent et la pluie: Ah! ça ira,  puis La Habanera de Carmen de Georges Bizet, en habitant le même volume sonore que le groupe « métal » Gojira. « Entre « métal » et opéra, il n’y a qu’un pas », dit celle qui fit partie du « métal » Lost Legacy. Et la mezzo-soprano guadeloupéenne Axelle Saint-Cirel chantera plus tard sur les toits du Grand-Palais, la Marseillaise.

Le bateau de la Ville de Paris porte une chanteuse et l’Histoire, celle résumée par  Fluctuat nec mergitur ( Battue par les flots mais ne sombre pas), sa devise * à laquelle renvoie le vent et la pluie accompagnant la chanteuse…. Ce bateau figurait déjà en 1210 sur le sceau de la corporation des « marchands d’eau » qui furent à l’origine de la municipalité parisienne. Les branches de chêne et laurier expriment les actes de bravoure des citoyens. Le rouge et le bleu,  eux, apparurent un siècle plus tard, quand  Etienne Marcel, prévôt des marchands, fit revêtit à ses partisans des chaperons rouge et bleu. La devise devient celle de Paris en 1853, sur décision du baron Haussmann, préfet de la Seine.Blason_de_Paris

Nous avons tous rêvé de nous projeter  et de vivre parmi les gens d’une époque. Il y a une histoire des faits et gestes, comme celle des corps, de la marche. Mais quand elle vient à nous, sous forme de sons et de couleur ? Les guitares et la batterie du groupe Gojira, le rouge et blanc de la mezzo-soprano chantant Carmen, la façade ocre-beige de la Conciergerie composent un tableau vivant où visuel et sonore expriment la profondeur de champ du passé.. L’histoire populaire se lève: corps de sensations  redonnant vie aux perspectives temporelles, comme plus tard, avec Barbara Butch et Philippe Katerine jouant à l’Histoire. (voir épisode suivant).  Hommage en passant à l’historien Patrick Boucheron…                                                                     
« Formi, formidable »… un extrait de la chanson de Charles Aznavour chante Aya Nakamura. Un air enveloppe un autre, le malaxe et en naît parfois un langue étrangère, purement sonore, comme en invente la chanteuse, notamment dans Djadja.

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Sur le pont des Arts,premier pont métallique, ( 1801)  Aya Nakamura, en mini-jupe dorée signée Christian Dior et bottes à lamelles, sort de l’Institut, accompagnée par des danseuses en pantalon tout aussi doré. Un des sommets de la cérémonie… Au début, la Garde républicaine se présente sur quatre rangs, dans une immobilité impressionnante.  Mais on sent une décision, une volonté en train de mûrir. Cette masse ordonnée ne s’identifie pas à son apparence mais s’expose  étrangement telle un accumulateur d’énergie. Beauté de cette concentration …

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Au même moment, l’ensemble d’Aya Nakamura varie les ondulations avec puissance mais il n’écrase personne. La distance entre les deux groupes atteint le maximum (le costume un peu ringard de la Garde républicaine, après un siècle et demi pourrait être redessiné par un grand couturier. Qu’en pense Emmanuel Macron qui a son avis sur tout… et son contraire? ) La Garde Républicaine  marche au pas, vers le groupe d’Aya Nakamura qui se déhanche et  chante en glissant fugitivement sa main sur ses seins et son sexe, signe de la culture rap », notamment Djadja (2018), un succès mondial… accompagnée par soixante musiciens de la Garde républicaine et trente-six choristes du Chœur de l’armée française.

Funambule de la chanson, elle sait y faire pour tirer des lignes entre sa syntaxe, mélodieuse et heurtée à la fois, et la langue de Molière qui est aussi celle de Charles Aznavour. Cette artiste francophone la plus écoutée au monde ajoute des inventions verbales enrichies d’argot avec ici, des extraits de Djadja : Je suis pas ta catin, ta daronne, En  catchana Bobby tu dead ça,  Je suis pas ton plan B, Le jour où un se croit, faut pas Tchouffe.« 

« Elle donne beaucoup à la vitalité de la langue française », dit Thomas Jolly, metteur en scène de la cérémonie. Des membres de la Garde républicaine esquissent des mouvements d’épaule avec leurs saxophones et trompes de chasse. Ils quittent peu à peu leurs quatre rangs puis se dispersent et autour du groupe d’Aya Nakamura, se reforment  en un cercle irrégulier, accentuant le va-et-vient des bras. Comme ces  « bands » de Noirs américains à la Nouvelle-Orléans, ce va-et-vient se transforme en danse pour certains, les autres jouent de la trompette, genoux pliés et imperceptiblement, passent du rang militaire, à une posture rythmique. La distance maximum entre la Garde républicaine et Aya Nakamura s’abolit dans un espace éclaté, fraternel. Les contrepoints se multiplient et aux ondulations de la chanteuse, correspondent les balancés des Gardes.

On a les larmes aux yeux quand on voit chez eux naître de nouveaux gestes avec un passage de l’intime,  au public. A la beauté d’Aya Nakamura, répond celle des Gardes républicains, devenant autre, grâce aux danses et à voix de la chanteuse. 

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Régulièrement, la Garde républicaine, Branche de la Gendarmerie nationale assure des missions d’honneur et de sécurité au profit des plus hautes autorités de l’État et des missions de sécurité au profit du public. Elle concourt également au rayonnement culturel de la France avec ses formations musicales et spéciales. Elle présente au public, son savoir-faire et son excellence, toujours très remarquées: entre autres,  la fanfare à pied du régiment de cavalerie, le quadrille des baïonnettes et démonstrations équestres…
Marion Maréchal  (femme politique d’extrême droite et nièce de  Marine Le Pen)  se précipite le 27 juillet sur X et ose déclarer : « La Garde républicaine a été humiliée, forcée à danser sur du Aya Nakamura, la laideur générale des costumes et des chorégraphies. On cherche désespérément la célébration des valeurs du sport et de la beauté de la France au milieu d’une propagande woke aussi grossière. » Sans commentaires. 

Le lendemain, réponse cinglante de Frédéric Foulquier, chef de la musique: « C’était incroyable pour nous et la rencontre entre ces deux mondes s’est très bien passée ». La musique de la Garde républicaine, rattachée au 1er régiment d’Infanterie, habite la caserne Babylone à Paris (VIIème) où sur le fronton est aussi inscrite: Fluctuat nec mergitur.  Bornes du temps pur…

Bernard Rémy

*Un restaurant porte le nom: Fluctuat nec mergitur, 18 place de la République. Selon le chef-cuisinier d’origine vietnamienne, la marie de Paris, après les attentats qui frappèrent le Bataclan et des terrasses de café, a insisté pour que le restaurant prenne ce nom, alors que ce n’était pas le projet initial. Un signe public à Paris, de la résistance à l’oppression violente..

 

La Cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques (sixième épisode)

La Cérémonie d’ouverture des Jeux  Olympiques (sixième épisode)

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Le Porteur de la Flamme, en noir et blanc, court  masqué  et saute sur les toits.  Une image qui participera de la cérémonie de clôture avec, à un moment, un paysage de figures lumineuses sur fond noir, à la limite de la visibilité. Il ouvre une porte et entre dans un atelier où il esquive les obstacles. De nombreux travailleurs en salopette  penchés sur des tables, fabriquent avec couteaux, ciseaux, longues aiguilles, les malles élégantes qui transporteront les médailles.
« Hommage à l’artisanat, au savoir-faire. » dit Daphné Bürki. Le porteur masqué enfile les couloirs du Théâtre du Châtelet et tombe sur une répétition d’une comédie musicale Les Misérables avec tambours, fusils et baïonnettes,  le visage des acteurs criant la révolte. La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix se change en tableau vivant. Sur fond  des vestiges de combats, se lèvent des hommes à la chemise  d’un blanc éclatant. Leurs cris deviendront des chants pour surmonter la peur de mourir.

© capture de France 2

© capture de France 2

Se pose une question très moderne: comment passer des mots de Victor Hugo, des couleurs d’Eugène Delacroix, à un autre médium, au chant et la musique? Le porteur masqué entre à la Monnaie de Paris et ne cesse de se détourner de son but; la vasque. Il révèle l’activité des lieux nécessaire à l’organisation des Jeux Olympiques. Mieux, il intègre virtuellement dans son bras et dans la flamme, les éléments constitutifs de cette Olympiade. Elle  devient  un concentré des Jeux. Et les derniers porteurs accomplissent deux gestes en un: ils allument la vasque et la courbe de leur bras délivrent les germes des Jeux Olympiques. D’où est venue  cette joie grandiose,  le lendemain du 27 juillet ?

A la Monnaie de Paris,  coule l’or olympique avec 5.084 médailles,  après un passage dans une cuve en ébullition.  Selon Héraclite, philosophe  du fleuve, le feu assure la circulation entre les trois éléments: l’eau, l’air  et la terre. Surgit plein écran, une figure sidérante. A une fenêtre de la Conciergerie, la reine Marie-Antoinette en robe rouge éclatant comme les joues et les ongles. Elle porte sur ses cuisses, sa tête décapitée aux yeux écarquillés, chantant le fameux air révolutionnaire: « Ah! ça ira »! Ce n’est pas la Reine qui chante, mais la voix un peu fêlée d’une « Amazone, tricoteuse « . Une de celles qui participèrent aux premières journées révolutionnaires.

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A la première vision , nous avons d’bord ri. Puis, un malaise s’installa. Ce n’est pas un cadavre : très maquillée, pommadée de rouge, et en belle robe rouge, la Reine apparaît. Cet instant ne présente-t-il pas une contre-image, traçant un hiatus avec la cérémonie toute entière, multipliant les figures de la joie. Paul Virilio parle d’une « esthétique de la disparition »  Ici, ce serait peut-être une « esthétique de l’horreur ». La dérision affaisse la pensée. C’est un mauvais moment à passer. Mais aussitôt, la joie revient et touche au sublime.

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Gojira, le groupe heavy metal déclenche un orage  sonore. Placés sur des balcons de la Conciergerie, ses interprètes (guitares électriques, batterie…) interprètent:  « Ah! ça ira ».
Ils se creusent, se relèvent vivement, Is se plient et continuent un des secrets de la cérémonie et  la dépense diffuse un surcroit d’énergies subtiles


©Bernadette Szabo

©Bernadette Szabo

 Un des secrets de cette cérémonie très réussie: une sur-dépense d’énergies subtiles.  Et, à la surface de ce volume sonore grandiose, la voix d’une femme en  rouge et blanc, à la proue d’un  navire qui semble glisser sur la Seine. Derrière elle, s’élève une colonne de petites lamelles brillantes. Le bois du (XII ème siècle!) du bateau est le passé, l’âme de Paris et résonne avec la colonne scintillante des temps modernes. Un étrange et familier navire…

 

Bernard Rémy

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