Le chant des balles, jonglerie

«  Le chant des balles »,  jonglerie musicale de et avec Eric Bellocq et Vincent de Lavenère, mise en scène de Rémy Ballagué.


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 Ils sont deux, le musicien Eric Bellocq ( théorbe,luth et petits instruments à corde) et Vincent de Lavanère; ils  entrent sur scène en tirant en rond mais en sens inverse trois petits chariots : l’un avec ses instruments, l’autre avec  ses balles et un chistera. Durant une heure, ils ne se parlent pas, la musique est omniprésente comme toujours dans le jonglage, à la différence que cette fois-ci, le musicien est en scène et participe complètement  au jonglage. Les balles obéissent à Vincent de Lavenère, qu’il y en ait trois ou plus: il est là en pantalon noir  flottant, pieds nus: les gestes sont fluides et magnifiques , et le plus admirable est cette aisance et cette maîtrise du geste qu’il possède comme s’il avait toujours eu ce don en naissant. On dirait qu’il  devient le spectateur de sa jonglerie et de sa gestuelle,  dans une sorte de dédoublement . Bien entendu, il y a,  caché,un immense travail corporel et  scénique.
Les moments le plus étonnants: quand il manie, en bon basque, sa chistera et trois balles;  quand, l’un derrière l’autre avec son compère, il joue de sa petite guitare, en se repassant  les balles , comme si c’était absolument naturel. Et le clou du spectacle: cinq sonnailles de vaches descendent des cintres jusqu’à trois mètres de hauteur et Vincent de Lavanère arrive-Dieu sait comment mais lui le sait-  à envoyer une balle juste dans la cloche qu’il faut pour jouer un air tout en continuant à jongler avec les autres… Magique…… Aucun échange verbal, aucune parole mais un regard permanent vers le public qui , tout comme les Egyptiens d’ il y a 4.000 ans, reste fasciné par ce défi aux lois
de la pesanteur. Et il y a quelchantdeballes3.jpgque chose dans cet incessant ballet de balles qui tient d’une métaphore du mouvement des planètes.
De la pure beauté parfaitement en phase avec la musique du 16 ème et 17 ème siècle qui  donne le rythme aux nombreuses figures . On entre dans une sorte de rêve, alors que ce ballet a sans doute à voir avec les mathématiques, puisque nombre de scientifiques dont Jack Boyce, chercheur à Berkeley, sont des passionnés de jonglage, mais les maths et le rêve, ce n’est pas incompatible…
Un seul tout petit bémol: il vaudrait mieux que leur metteur en scène s’abstienne  de leur faire faire les comédiens: même si c’est à de rares moments, cela sonne faux … Mais les enfants comme les parents font un triomphe bien mérité à Eric Bellocg et Vincent de Lavenère. A voir, oui,  et sans aucune réserve, ce n’est pas tous les jours que l’on vous le dira. C’est du vrai théâtre au sens étymologique du terme, et cela va beaucoup plus loin, mine de rien ou mine de tout, que les petites âneries de madame Sophie Perez.

 Le spectacle s’est joué quelques jours au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers qui a bien fait de l’accueillir et continue à se  jouer un peu partout en tournée en France; si vous voulez en savoir plus :  La compagnie  Champ de balles aura prochainement un site auquel vous pourrez vous référer.


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Les sept jours de Simon Labrosse

 Les sept jours de Simon Labrosse , mise en scène de Claude Viala.

 

  Carole Fréchette, il y a un moment que cette dramaturge québécoise est montée régulièrement en France ( Les Quatre morts de Marie, La peau d’Elisa, Jean et Béatrice et bientôt au Théâtre du Rond-Point, La petite pièce en haut de l’escalier. Les Sept jours de Simon Labrosse met en scène un jeune homme qui invite le public à assister à quelques petites tranches de sa vie à lui. Cela commence par une sorte de théâtre dans le théâtre-une fois de plus!- auquel on a bien du mal à croslabrosse166.jpgire, puis chaque jour qui commence, est  ponctué, sur une petite musique de Sanseverino, par la célèbre phrase de la Genèse »  Dieu appela la lumière jour et les ténèbres nuits : « il y eut un soir, il y eut un matin » que chantait autrefois Marie-Claire Pichaud (si, si, essayez de vous souvenir de ce quarante cinq tours assez mielleux des années 60).
  Donc, revenons à ce Simon Labrosse qui possède à la fois une imagination délirante et qui déborde d’énergie. Il propose aux gens qu’il rencontre ses services en tout genre: cascadeur émotif, finisseur de phrases, flatteur d’ego, spectateur de vie ou mieux encore allégeur de conscience. Il veut à tout prix, c’est à dire en faisant payer un peu les gens,  se réinsérer dans la vie active en gagnant leur confiance. C’est,  en fait, des morceaux de sa petite vie avec ses espoirs et surtout ses ennuis ( loyer impayé, fiancée disparue en Afrique,et…) que Simon Labrosse propose au public. Mais le pauvre jeune homme- assez risible et dérisoire- semble condamné à la solitude dans une société qu’il n’intéresse pas, et où « il pleut des briques Il a quand même deux amis: Léo, un poète huluberlu qui voit tout en noir et Nathalie qui, elle, ne rêve que de son avenir personnel.
  C’est parfois drôle, et plein d’invention, parce que le trio Cédric Revollon ( Simon), Hervé Laudière ( Léo) et Léonore Chaix  (surtout , avec un côté nunuche et sotsot qui fait dire qu’elle doit être d’une belle intelligence pour arriver à ce degré d’interprétation; c’est correctement -mais pas plus- mis en scène par Claude Viala qui devrait quand même conseiller à Cédric Revollon de mettre un bémol à ses criailleries. Le temps parait un peu long, et ce qui ferait quelques sketches réussis peine à s’imposer comme véritable pièce. Le public dans l’ensemble ne boude pas son plaisir, mais, bon, désolés,  on reste malgré tout un peu sur sa faim.
  Y aller?  Oui, si vous êtes sensible à l’écriture poétique de Carole Fréchette mais, soyons honnêtes, ce n’est pas une soirée inoubliable, et il a toujours Le monde moderne de Depardon au cinéma, si vous ne l’avez pas encore vu….

Théâtre de l’Opprimé, rue du Charolais ( métro Dugommier) jusqu’au 28 décembre.

Kolmårdstomten ou le père Noël de Kolmården.

1002811.jpgKolmårdstomten ou le père Noël de Kolmården.

  Kolmården est un village dans les bois à la périphérie de Norrköping, qui était une ville d’industrie textile, (80.000 habitants) située à 150 kilomètres de Stockholm, avec d’anciennes usines  à l’architecture de brique remarquable, reconverties en théâtre, musée du design, boutiques et appartements.
  Le 13 décembre, a lieu la fête de la Sainte-Lucie (où l’on peut assister dans chaque temple à une cérémonie où des jeunes filles blondes, comme on voit dans les films de Bergman, chantent, la tête couronnée de bougies, des chants de Noël). A la même date, de la tombée de la nuit à 15 heures (sic) jusqu’à 20 heures, un étrange rituel draine des centaines de personnes venues en famille, et cela jusqu’au 23 décembre.
  Les voitures roulent dans un bois jusqu’à une aire de stationnement à 2 euros (au profit d’œuvres caritatives), puis  on est invité à monter dans les bois  par des sentiers un peu verglassés, balisés par des dizaines de lanternes à bougie ; mieux vaut être bien couvert, même, si en ville, il fait moins froid qu’à Paris ces derniers jours. Et l’on arrive, après dix minutes d1002799.jpg1002801.jpg1002783.jpge marche (tout se mérite dans la vie), à une installation qui pourrait être imaginée par un artiste contemporain et qui plairait sans doute à Lévi-Strauss, l’auteur de si belles pages sur le modèle réduit : c’est un hameau constitué de petites maisons en bois soigneusement construites avec, d’abord, la maison de la mère Noël qui se repose, installée dans un fauteuil à bascule au seul éclairage des bougies. Il n’y de la place que pour une dizaine de personnes, enfants compris.

 

Un peu plus loin, on pe1002779.jpgut admirer la  piste de départ du grand traîneau du père Noël pour ses tournées du 24 décembre. Les  six rennes,  malheureusement, ne sont pas encore là. Tomten est en fait un vieux personnage mythique chez nos amis suédois :  entouré par sa bande de lutins, il habite sous la maison et protège le bâtiment, les humains et les animaux ;  c’est pour cela que l’on place encore souvent un bol de porridge à leur intention près de la porte d’entrée, au moment de Noël.
    On peut donc admirer, à proximité, l’école des lutins qui, comme toutes les maisons, est juste éclairée par des bougies. Il y a un tableau noir où sont inscrits des noms d’enfants…Et un temple, avec son harmonium et sa chaire, où trône une grosse Bible ouverte et, juste à côté, une petite bouteille de Julmust : un  soda de Noël à base de sucre, houblon et malt, boisson favorite des enfants (50 cl: 1, 50 euro). Et pas besoin d’avoir cinq ans seulement pour ressentir toute la magie des lieux, d’autant plus que la lumière des bougies joue sans cesse sur les planches et les poutres de pin blond. Il y a aussi le dortoir des cinquante deux lutins avec une télévision spéciale sans écran avec un fond de mouches (on dirait chez nous de la « neige ») avec encore une bougie.
  Dans une sorte de petit hangar, il y a enfin une charrette faite d’un tronc  creusé (de pin évidemment) avec des roues pleines montées sur rails, prête à descendre les lutins sous la terre, via une grande trappe. Le clou de cette installation est un puits de quelques mètres qui débouche de l’autre côté du globe terrestre en apportant la lumière solaire qui est la bienvenue le 13 décembre, date de l’ancien solstice d’hiver. Vous êtes sceptique ? Tant pis pour vous, puisqu’on entend même un brouhaha de voix chinoises… C’est bien une preuve, non ?
  Près de là, le père Noël en personne, la cinquantaine, grand et un peu bedonnant (un peu trop d’Aquavit peut-être ?) et les cheveux bien blancs et propres comme tout père Noël respectable, raconte plein de merveilleuses histoires aux enfants près d’un grand feu de bois où leurs papas font cuire des saucisses.
   Vous avez dit magique ? Oui, magique, dans sa simplicité, son respect de l’environnement (mise à part, la nécessité d’y aller en voiture) et sa grande poésie. Et c’est conçu et animé par qui ? Håkan Thornell, un agriculteur du village qui fait tout cela bénévolement, loin des centres commerciaux de Noël, dans le Norrland de la Suède. Grand merci, Monsieur et madame Thornell. God Jul , comme on dit en suédois, à vous et à  tous nos amis lecteurs…

Philippe du Vignal

  Jusqu’au 23 décembre de 16 heures à 20 heures. Quand vous arrêterez votre traîneau à Norrköping, le plus simple ensuite est de demander la route avant la nuit (c’est près de la mer Baltique si vous venez avec votre bateau) mais c’est tout à fait accessible à condition de connaître le chemin. Encore une fois, God Jul…

Mauvais temps

  Mauvais temps , texte et mise en scène de Frédéric Ferrer.

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  D’abord le cadre: imaginez-vous un immense terrain  avec de grandes allées bordées d’arbres et de nombreux pavillons: nous sommes à l’Hôpital psychiatrique de Ville-Evrard à Neuilly-sur Marne au bout du bout de la Seine Saint-Denis. (Rappelez-vous Ville-Evrard: y avait été interné Antonin Artaud avant qu’il n’aille  à Rodez et où a séjourné jusqu’à sa mort Camille Claudel. Où ont été  tournés aussi plusieurs films …)
  La compagnie Vertical Détour que dirige Frédéric Ferrer  a établi ses quartiers dans les anciennes cuisines de l’hôpital: une grande salle voûtée en béton, aussi silencieuse qu’une église ancienne, dont les murs sont couverts de mosaïque jaune foncé. Il y a juste un gradin d’une cinquantaine de places plutôt inconfortable, et une grande  et profonde aire de jeu munie de projecteurs : l’endroit a quelque chose d’étrange auquel doit beaucoup le spectacle.
  Mauvais temps est une sorte de vraie/ fausse conférence sur le réchauffement climatique. Dans cinq lieux différents, des observateurs observent des signes précurseurs ou visibles de ce fameux réchauffement qui fait l’objet de multiples colloques à travers le monde.. comme en ce moment-hasard de la vie-celui qui se tient à Poznan.Il y a, comme cela un scientifique,tout habillé de blanc, qui démontre comme la future catastrophe que va provoquer à terme la rencontre entre les eaux de la fonte des glaciers et celles du Gulf Stream,avec  à moyen terme l’ inondation de la ville de Brest ( cela fait froid dans le dos);  comme le personnage est joué par Frédéric Ferrer, ancien agrégé de géographie, on peut donc se dire qu’il sait ce dont il parle. Ce scientifique parle aussi beaucoup, longuement  souvent avec des des mots vides et creux et  s’écoute parler avec beaucoup de satisfaction. Il y a un côté loufoque peut-être un peu moins réussi avec une secrétaire à lunettes pas très douée qui s’embrouille dans les transparents qu’elle doit projeter. Et des faux multiplex en direct d’un village de la Drôme , de Gand ou du quartier de la Défense à Paris.La parodie est assez réussie, jusqqu’au cataclysme final quand les reporters  finissent par crever l’écran et arrivent sur scène dans une confusion lamentable: Ce dérèglement scénique est évidemment  la métaphore orale et gestuelle du chaos climatique tant redouté par les scientifiques, sauf par Claude Allègre qui n’y croit guère.
 C’est plutôt bien joué par  Maryline Even,Frédéric Ferrer, Maria Montes, Jean-Claude Montheil, Karen Ramage, Stéphane Scoukroun  et… par un malade mental de l’hôpital, Jean-Jacques Baillin.Il n’a jamais parlé mais il circule avec une précision incroyable dans son fauteuil roulant, visiblement heureux d’être sur scène et  d’échapper à un quotidien qui ne doit pas toujours être très gai. cet homme d’une cinquantaine d’années a quelque chose de très attachant et il possède une gestuelle et une présence fabuleuses que pourraient lui envier bien des comédiens professionnels.
  Le spectacle a été créé il y a deux ans et fait l’objet d’une courte reprise;  c’est souvent très drôle, malgré des gags à répétition qui font long feu et des longueurs mais cela invite aussi à une réflexion sur le devenir à nous pauvres humains; sans faire de catastrophisme. Frédéric Ferrer nous y convie avec humour: cela fait toujours du bien par où cela passe; après tout, on n’a pas toujours l’occasion de rire dans le théâtre contemporain…

Philippe du Vignal

 Anciennes cuisines de l’Hôpital de Ville-Evrard à Neuilly-sur-Marne. Encore ce samedi 13 décembre (01-43-09-35-58) et à Saint-Ouen le 4 avril.

 

L’Illusion comique

L’Illusion comique de  Pierre Corneille, mise en scène de Galin Stoev.

    Corneille n’a que 29 ans ,quand il écrit cet » étrange monstre« , pour reprendre sa propre expression mais il a déjà écrit plusieurs comédies et tragédies mais pas encore Le Cid.
  Pridamante a sans doute fait trop de reproches à son fils qui, comme tous les fils, a envie de prendre sa liberté, et disparait. Le magicien Alcandre va, eillusionls.jpgn bon magicien qu’il est, lui montrer la vie que mène ce Clindor, devenu valet  de Matamore, une espèce de vantard. Clindor est amoureux d’Isabelle , et  tue son rival Adraste. Isabelle,désespérée, arrive à le faire sortir de prison…A  Pridamante, soulagé, le magicien Alcandre va lui montrer ce que devient son fils deux ans après.
  Et le pauvre père voit son fils déclarer son amour à Isabelle… qu’il prend pour une princesse.  Des hommes de main tuent Clindor et Isabelle est amenée auprès d’un prince amoureux d’elle. Mais Pridamante , effondré,  voit son fils et d’autres garçons se partager de l’argent. En fait, tout cela n’est que fiction du théâtre, puisqu’en réalité Clindor est devenu comédien. La pièce, ici rapidement résumée( qui comporte nombre d’actions secondaires), se finit par l’apologie du théâtre et du métier de comédien.
  L’Illusion comique est d’une grande virtuosité: pas d’unité de lieu: nous sommes à en Touraine, puis à Bordeaux et enfin à Paris; Pas d’unité de temps non plus, puisque entre les deux derniers actes, il y a deux ans qui passent mais la construction de la pièce est exemplaire et Corneille se révèle être un  excellent dialoguiste. La pièce est à la fois  simple comme une bulle de savon,  et très compliquée  dans ses multiples chatoiements de scènes secondaires. A côté des histoires d’amour, il y a aussi l’ombre de la mort qui plane sans cesse:  » Je veux perdre la vie en perdant mon amour, dit Isabelle. Comme écho,  » Je meurs trop glorieux, puisque je meurs pour vous, déclare Clindor.  » La peur de la mort me fait déjà mourir »…Cela pourrait être dans Le Cid. La pièce tient à la fois de la pastorale avec ses scènes de séduction , de disparitions, de brouilles et de retrouvailles mais Corneille est allé aussi butiner du côté de la commedia del arte avec ce personnage haut en couleurs qu’est Matamore, personnage vantard et vivant  dans ses fantasmes.
  Fiction/ illusion/ réalité de la vie quotidienne: Corneille sait brouiller les pistes avec une maîtrise exceptionnelle et se révèle être un scénariste hors pair: il y a déjà dans l’action de cette pièce  un côté bande dessinée qui fascine souvent les apprentis comédiens. Probablement, autant que la gamme incroyable des sentiments des personnages qu’en fin psychologue et connaisseur de l’âme humaine, Corneille sait faire vivre devant nous. Cherchez l’erreur: pas la peine, il n’y en a pas
  Et les dialogues laissent présager ceux des tragédies qui suivront: tout y est dit: goût du pouvoir, intelligence, sarcasme, impatience, ironie, duplicité et inconstance de l’amour, prise de conscience que l’on commence à aimer, insensibilité, séduction, jalousie, sympathie et amitié,chaînes du mariage ( souvent forcé à l’époque), regrets sur quoi l’enfer se fonde ( comme disait Apollinaire) , plaisirs de l’amour libre mais aussi peur de la mort qui vient nous chatouiller régulièrement avec, pour finir, une petite piqûre de rappel: l’argent existe bien  comme réalité sociale, et personne ne peut y échapper semble nous dire Corneille…
  Le dernier grand thème de L’Illusion comique est l’amour du théâtre et de la fiction comme lieu poétique, et son corollaire: le théâtre dans le théâtre qui était déjà un thème connu à l’époque mais qu’il traite avec beaucoup d’humour. Bref, tout y est: le texte est à la fois, pétillant et drôle, et écrit dans une langue savoureuse et magnifique…
   Maintenant, venons en à la mise en scène de Galin Stoev, metteur en scène bulgare, qui a déjà beaucoup sévi en France et à la Comédie-Française. On comprend bien ce qu’il a voulu faire au départ: renoncer au décor de la grotte traditionnel et couper une bonne partie du texte pour que cela dure deux heures sans entracte au lieu de trois avec entracte.  Pour ce faire, Il a commencé par faire une belle erreur: encombrer le plateau d’une scénographie qui semble avoir déjà servi pour une pièce de Botho Strauss et qui  oblige les comédiens à de bizarres déplacements. C’est une sorte de  cage, éclairée le plus souvent par des tubes fluorescents,assez laide,  en contre-plaqué noir et en  verre, avec quelques portes , et un escalier en tubes inox qui ne sert pas jamais… Les costumes sont contemporains: complets cravate, pantalons gris et tee-shirts, deux robes rouges identiques pour Isabelle et  Lyse sa suivante, et le magicien est lui, en pantalon de cuir noir..
  Quant à la direction d’acteurs, elle est du genre faiblard pour ne pas dire plus: le pauvre Hervé Pierre ( par ailleurs, excellent acteur) qu’on entend souvent à peine, semble s’ennuyer et les  autres comédiens, laissés à eux-même, souvent face public ( Galin Staev doit penser que cela fait moderne) , débitent leur texte plus qu’ils ne l’interprètent vraiment , sans le  savoureux phrasé de la langue cornélienne et  ont donc bien du mal  à être convaincants. Seul, s’en tire Denis Podalydès dans Matamore: brillant, drôle, énergique, il s’empare du texte de Corneille avec beaucoup d’intelligence et d’ humour , et ce sont bien les rares moments réussis d’une mise en scène qui n’en est pas autre chose qu’un  habillage de pacotille. Quand on repense à la fabuleuse mise en scène de Strehler, ce n’est pas sombrer dans la nostalgie mais on se dit que vraiment,ici,il y a eu une erreur de tir… Décidément, Muriel Mayette, l’administratrice de la Comédie-Française n’aura pas eu de chance ces derniers mois: après la lamentable affaire de Bobigny, une bien triste Illusion comique…
  En fait ,tout se passe comme si Galin Staev s’était amusé, sans scrupule aucun, à décaper cet immense texte  et à fabriquer une sorte de maquette pour son seul plaisir à lui, sans trop penser au public; au final, cela donne un spectacle assez prétentieux ( du genre, vous allez voir ce que vous allez voir quand je modernise  ce pauvre Corneille) ,un peu branchouille ( Lyse nettoie les baies vitrées, Matamore grille une cigarette,etc.. ) et assez insipide, puisqu’on entend  mal le texte de Corneille. La moindre des choses aurait été au moins de diriger les acteurs et de donner toute sa puissance d’évocation poétique à cette langue formidable. Mais, comme il y a quand même une justice en ce bas monde, Corneille, a résisté à l’entreprise de ce jeune metteur en scène qui a voulu faire joujou avec sa pièce, et c’est bien comme cela. Tant pis pour la Comédie-Française mais c’est vraiment dommage pour le public….
 A voir : oui, si vous voulez vraiment que votre fils ou votre fille adolescent prenne en grippe le théâtre, et en particulier celui de Corneille, sinon ce n’est vraiment pas la peine de perdre une soirée, la vie est courte surtout quand il fait froid.

 

Philippe du Vignal

 

Comédie-Française, salle Richelieu, jusqu’au  21 juin 2009 ( en alternance)
 

Une Histoire du monde

Une Histoire du monde, cabaret apocryphe, texte et mise en scène de Jean-François Mariotti.

  Cela se passe à Ménilmontant , au Studio de l’Ermitage, une salle à tout faire avec un bar dans le fond , une petite scène de cabaret, et quelques rangées de chaises en plastique même pas attachées au mépris de la loi.. Cette Histoire du Monde, Jean-François Mariotti l’a voulu aux antipodes « d’une quelconque vérité universitaire »;on a envie de lui dire: heureusement…  Cela correspond, dit-il, à une volonté de » comprendre comment nous autres, générations qui vivons au début du XXI ème siècle, pouvons survivre à à cette lourde histoire qui nous précède, comment nous la digérons, comment nous en escamotons la pesanteur par le rire, l’irrévérence, la farce, la grimace ».
  Le propos est un peu prétentieux mais le spectacle mérite mieux que cela, même si, le texte, n’est pas très intéressant: souvent racoleur, facile et surtout trop bavard. Il s’agit d’une sorte de cabaret avec des sketches et des chansons, relatant à la moulinette les « grands moments » de l’histoire du monde occidental: tout y passe depuis la Genèse, et la création de l’homme avec Adam et Eve, les amours de Marc Antoine et Cléopâtre,, la Peste noire du 14 ème siècle, l’assassinat d’Henri IV… par Marat,  la rencontre d’Hitler en fauteuil roulant avec Staline et Franco, le soulèvement des esclaves haïtiens ,les amours de Kennedy et de Marylin Monröe au mieux avec Jackie qu’elle embrasse sur la bouche, etc.. Cela se termine par une sorte de mise à mort emblématique du théâtre. Cela a un côté bande dessinée et fait souvent penser au Magic Circus de Jérôme Savary, quarante ans après! Comme quoi, c’est avec les vieilles casseroles que l’on fait  les meilleures soupes….
  Jean-François Mariotti a su s’entourer d’une bande de treize copains comédiens , flûtiste et pianiste qui savent vite créer une espèce de complicité avec une salle  jeune et  amicale; il faut dire que qu’ils ont chacun un solide métier( et l’on sait que le cabaret est une rude école où il faut savoir jouer et chanter dans un espace restreint). Et ils le font tous très bien, même si la distribution est inégale. Et il y a  d’excellents moments, comme ces trois jeunes femmes  en guépière rouge et bas noirs qui chantent en choeur:  La Carmagnole puis Maréchal, nous voilà…. ou les retrouvailles à la fin d’Adam et Eve, justes couverts de leur feuilles de vigne. C’est le plus souvent assez drôle,mais pas vraiment  impertinent et irrévérencieux comme le voudrait l’auteur et metteur en scène; disons que l’ensemble est, à coup sûr,trop long,trop vite écrit et manque de rythme : il y a une série de fausses fins qui plombent la vraie fin un peu bâclée..
  Malgré tout, cela passe, grâce encore une fois, au savoir-faire des comédiens et à la maîtrise dont sait faire preuve Jean-François Mariotti pour  diriger toute cette bande. Les petits cochons de la télévision publique/ publique ou publique/privée ,ou privée (on ne sait plus trop)  le mangeront sans doute un jour mais, en tout cas, Jean-François Mariotti prouve qu’il est  à l’aise dans ce type de spectacle, comme il l’avait été dans le passé avec …Claudel. C’est toujours fort bon signe quand un jeune metteur en scène n’hésite pas à passer d’un registre à l’autre.
  A voir? Oui, si voulez découvrir une des tendances d’un théâtre marginal sans doute mais qui draine un public jeune et fidèle qui ne boude pas son plaisir mais, attention: le spectacle ,dit évolutif, ne bénéficie pas d’une programmation régulière .. (Mariotti crée aussi à intervalles réguliers une sorte de cabaret inspiré de l’actualité avec des pièces comme Gabegie ou Thermomètre à usage unique): à suivre donc mais  mieux vaut consulter avant le site de la compagnie:www. une-histoire-du-monde.com

 

Philippe du Vignal

Le Projet RW

  Le Projet RW d’après La Promenade de Robert Walser, par le collectif Quatre ailes., mise en scène, scénographie et images de Michaël Dusautoy.

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  Quelques mots sur Robert Walser ( rien à voir avec Martin Walser, auteur allemand,  bien vivant lui,  dont nous avions parlé récemment à propos d’une mise en scène de Julie Timmermann). Donc Rober Walser est Suisse, comme Jean-Luc  Godard…Né en 1878 à Bienne, il fit vingt-cinq métiers pour vivre et écrire des romans, dont le fameux Les Enfants Tanner (1906), La Rose, etc.. et des  » dramolettes  » comme Blanche-Neige, une espèce de féroce mise en abyme du conte des frères Grimm et nombre de poésies. Il séjourna à Berlin et fit l’admiration de -excusez du peu- Kafka, Musil et Benjamin… Revenu en Suisse, il fut placé dans un hôpital psychiatrique dont il s’échappa le jour de Noël 56; et on le retrouva mort comme un poète: d’épuisement dans la neige, son chapeau près de lui…. Il y a 52 ans de cela; souvenez-vous: Daniel Mesguisch et Thierry Lhermitte,  poussaient leurs premiers cris; Staline prônait la réunification de l’Allemagne et l’affaire de la famille Dominici, accusée d’un crime horrible, faisait la une des journaux…

 Beaucoup des écrits de Walser ne furent retrouvés qu’après sa mort et traduits de l’allemand assez récemment, ce qui explique qu’il soit encore peu connu en France. La Promenade est un court récit, une sorte de journal poétique de la vie quotidienne » Un jour, l’envie me prenant de faire une promenade, je mis le chapeau sur la tête et, plantant là les écritures et les revenants, je quittai en courant le cabinet de travail ou de fantasmagorie pour dégringoler l’escalier » ... Tout est déjà annoncé dans ces quelques lignes d’un récit où les situations sont banales, les personnages juste esquissés mais qui  constitue, adapté par Evelyne Loew, un formidable tremplin à la fabrication d’images poétiques d’une grande pureté, dans la tradition des silhouettes en carton découpé (chères à Nicolas Bataille, décédé le mois dernier. I découvrit et le premier mit en scène Eugène Ionesco.

Il y a des villages de montagne, un petit train, un cirque, des maisons anciennes, des enfilades d’enseignes: bottier, crémier, gantier; il y a aussi des ombres humaines et une sorte de poète le plus souvent installé sur une chaise et une table suspendues en l’air, un libraire qui entre assis sur une table couverte de livres de toutes les couleurs, une jolie cantatrice trapéziste, une mégère de la bonne bourgeoisie avide de gâteaux, un gros fonctionnaire.  C’est à la fois souvent drôle, et répétons- le, d’une poésie fabuleuse…

Le collectif Quatre ailes est sans doute plus à l’aise dans la fabrication de ces images auquel il a donné toute son intelligence scénique, que dans la prise en charge du texte lui-même. Mais tout s’enchaîne, comme par miracle: on sent bien qu’il y a, derrière, un solide travail de compagnie. Le spectacle mériterait sans doute une meilleure direction d’acteurs : cela crie parfois beaucoup et sans raison mais les choses devraient se caler au cours des représentations. Si vous cherchez un spectacle court (une heure dix) d’une belle poésie capable aussi d’attirer des enfants (à partir de sept ans sans doute), allez-y. Par les temps qui courent, ce n’est pas si facile à trouver…

 Philippe du Vignal

 Théâtre des Quartiers d’Ivry, à Ivry-Sur-Seine (Val-de-Marne)  jusqu’au 19 décembre;  et le 22 et 23 décembre au Vingtième Théâtre, 7 rue des Plâtrières, Paris (XX ème)

 

Le Suicidé

Le Suicidé de Nicolaï Erdman, mise en scène de Volodia Serre.

 

  L’auteur ( 1902-1970) est peu connu du grand  public en général mais assez apprécié par les jeunes metteurs en scène qui s’emparent souvent du Mandat  que le célèbre Meyerhold lui avait commandé en 1925 et qui connut un beau succès. En 1928, Erdman écrivit le Suicidé mais la pièce ne reçut pas l’autorisation de la censure soviétique malgré l’intervention de Stanislavski et de Gorki, et Staline assigna l’auteur à résidence.
  L’histoire est à la fois simple et ultra-compliquée dans ses dérives. C’est une sorte de vaudeville délirant, où chaque petit fait de la vie quotidienne tourne vite au cauchemar: tout son entourage est  convaincu que Sémione va se suicider, alors qu’il n’en est rien,malgré son délire personnel et l’horreur qu’il ressent face à l’absurdité de la vie de ses  concitoyens au destin broyé par l’effroyable machine stalinienne;  il faudra expliquer à ce malheureux Sémione le pourquoi de tant d’absurdités, pourquoi le destin individuel n’a aucune importance en face de l’avenir radieux de la grandiose Union soviétique.
  La pièce ressemble, à s’y méprendre parfois, à du Labiche,  qu’Erdman admirait beaucoup mais ,en plus grinçant encore; c’est drôle et chaque réplique fait mouche même si, au bout du bout du grotesque,   on sent , pratiquement à chaque seconde, que la mort est au rendez-vous, impitoyable et loufoque à la fois, puisque l’individu ne compte presque plus…. Comme dans La Cagnotte de Labiche, le pauvre Sémione est harcelé par une bande de profiteurs impitoyables.. Bref, le comique ne fait pas bon ménage avec le politique , dont il est une sorte d’antidote, ce qui n’a sans doute pas dû faire plaisir à Staline Et, en effet, on peut imaginer la puissance explosive des dialogues de Nicolas Erdman à l’époque, puisqu’ils restent aussi virulents, quelque 80 ans après;  sans doute parce que son texte touche à la place de l’individu dans la société et à la mécanique même du pouvoir stalinien qui, hélas, a fait ses preuves ailleurs sur la planète.
  Le texte, brillamment traduit  par Markovicz, est  d’une férocité impitoyable! Il faudrait tout citer:  » Dans les minutes de création, en général, j’exigerai un silence relatif ». (Comme le disait un célèbre homme politique français:  » Pour mes discours, écrivez ce que vous voulez, mais laissez -moi les adjectifs »). Ou «  Un homme qui n’a pas de pantalon , c’est comme un homme qui n’a pas d’yeux ». Ou encore cet improbable réplique «  Je téléphone aussitôt au Kremlin » en demandant le plus haut responsable. C’est d’une drôlerie et d’une férocité qui fait le plaisir d’une salle comble.
  Volodia Serre  a eu raison de  raccourcir le texte, qui dure tout de même plus de deux heures- et c’est quand même parfois long; c’est bien dommage mais le jeune metteur en scène  s’est  perdu  dans sa direction d’acteurs- assez médiocre et qui casse le rythme. Il a cru bon de mettre les dix premières minutes dans l’obscurité presque intégrale et il  fait crier ses comédiens  au mépris évident d’une efficacité bien comprise ( on se demande parfois ce qu’il a a pu apprendre de ce côté-là au Conservatoire!) .  Comme le plateau exigu et mal foutu du Théâtre 13 et la scénographie   n’arrangent pas les choses, les acteurs ont du mal à s’en sortir ( mis à part Catherine Salviat qui joue la belle-mère avec brio et  Alexandre Steiger / Sémione.).
  A voir, à ne pas voir?  Oui, si vous voulez découvrir un texte  brillant et  drôle- bien mis en valeur par la musique au piano de Jean-Marie Senia- mais encore une fois qui aurait demandé une mise en scène plus maîtrisée. Non, si vous exigez un peu plus du théâtre. Enfin, une salle comble comme celle du Théâtre 13, cela mérite d’être souligné, même si la couleur des cheveux  du public reste, une fois de plus, des plus grisonnantes… ce qui n’est pas bon signe quant à l’avenir du théâtre, mais bon, même en période de crise, et donc de diminution budgétaires conséquentes pour la création, il y a parfois des miracles…..

 

Philippe du Vignal

 


Théâtre 13, jusqu’au 14 décembre inclus.

De l’omme

texte, musique et mise en scène de Jacques Rebotier

  De l’omme est le troisième volet du Cycle de l’homme ( 1 contre les bêtes,( prologue) 2 La tragédie de Pluto  et 4 La Revanche du dodo .Cela fait presque une dizaine d’années qu’on a découvert ce théâtre protéiforme associant des collages de texte, des musiques,  des images fixes,des vidéos, des projections de phrases , le tout dans une joyeux capharnaüm … orchestré de main de maître. Et ce  volet du cycle n’échappe pas à la règle.dodo9.jpg
  L’omme, à ce que l’on comprend, est sous la surveillance d’une triste bande de Pères Noël qui se sont emparés du pouvoir pour couvrir  la planète de sang, avec pour compagnons/ complices/témoins de cette énorme fête à la bêtise qu’est devenu Noël, le Grand Saint-Nicolas, un chirurgien déjanté,  Marion une marionnette à taille humaine, et surtout Léon, une espèce de chien-robot qui ,de temps à autre, intervient pour commenter la situation. Il y a aussi des barquettes  et des morceaux de viande accumulées, (parfaitement obscènes au sens étymologique du terme car projetées sur grand écran ou flottant dans l’air) sorties tout droit d’un catalogue de supermarché, plusieurs caddies dont un surdimensionné et  rempli de gros ballons,etc… Et l’on y parle d’anatomie, de sexe, de moyens de reproduction, de l’univers, celui des hommes et celui des bêtes, bref de tout ce qui peut encombrer un cerveau humain, quand il se met à en parler!
 Comme le dit Jacques Rebotier, tout y passe dans « cette encyclopédie médiévale écrite au vingt deuxième siècle, par un papillon, ou une grenouille, ou un dodo… ». Cette revue loufoque où sont convoqués  des jeux sur le langage, des images et des graphismes tout à fait poétiques- qui font souvent penser aux collages de l’excellent Roman Cieslewicz- , pour mieux dire  l’espèce de folie de surconsommation, de suicide collectif qui s’empare régulièrement du monde, surtout au moment des fêtes.
   Il y a des idées fabuleuses  dans ce spectacle  ( on vous les livre en vrac):  un être humain en bougie qui, petit à petit, se consume; ce n’est qu’une image mais qui fait froid dans le dos malgré la flamme qui danse sur l’écran, ou bien ces photos pornos projetées à toute vitesse,et qui servent de base à une loterie, cette fausse déclaration des droits de l’homme aussi absurde  que juste, une ballade en train dans un paysage enneigé qui défile derrière les épaules du conducteur,métaphore d’un monde qui court à sa perte, ou  ces déclarations péremptoires: Les bêtes se battent comme des sauvages »,  » le monde appartient à Dieu et à l’ome qui se lève tôt« , ou cette dernière petite phrase pour la route en guise de moralité finale:  » Si vous n’avez pas envie que le monde vous appartienne,si vous avez envie que le monde n’appartienne à personne, restez couchés ».
 Rebotier, à petits coups de griffe et sans avoir l’air d’y toucher, dit finalement et avec plaisir, beaucoup plus de choses sur l’aventure humaine, sur les animaux, sur le corps humain et sur notre rapport au  monde, que le texte assez  bavard à prétention métaphysique d’Ordet ( voir le blog d’hier)
   Certes, le spectacle ne va pas sans à- coups, sans baisses de rythme dans les enchaînements, surtout vers la fin, et tout n’est pas d’égale valeur,( une petite séance d’élagage n’aurait pas fait de mal), même si le jeu des comédiens, les chansons , la musique et la mise en place restent jusqu’au bout d’une grande rigueur. Quelle vitalité,  quelle absence totale de prétention, quelle  envie de donner du plaisir en  jouant avec les mots et les images sans jamais être vulgaire, avec des vidéos tout à fait justifiées et une scénographie signée Virginie Rochetti , aussi intelligente que subtile ! (Madame Sophie Perez pourrait y prendre de la graine…)
 Cela fait du bien de voir  que la France d’aujourd’hui, trop souvent empêtrée dans un suivisme et un conformisme de bon aloi qui risque de perdurer, possède au moins un Rebotier  qui sait  marier,  avec beaucoup de sensibilité aux êtres et aux choses, les fondamentaux , comme on dit maintenant, du théâtre aux  arts plastiques. Cela fait aussi du bien de voir aussi un public, dont la couleur de cheveux n’ a pas encore viré au gris, comme un peu partout dans les autres salles, ne pas bouder pas son plaisir..
  Y aller ? Oui, absolument,si le spectacle passe près de chez vous…

Philippe du Vignal

Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis,pour les autres parties du cycle, encore jusqu’au 7 décembre; et La Revanche du Dodo ,que nous n’avons pu encore voir, se joue du 16 au 19 décembre au Centre dramatique régional de Tours, puis du 21 au 23 janvier au Théâtre Universitaire de Nantes.

RAPPEL IMPORTANT

  Le Théâtre de bouche de Ghérasim Luca ( le plus grand poète français, parce que roumain,disait avec intelligence Gilles Deleuze), mis en scène par Claude Merlin , et dont nous vous avions rendu compte il y a trois semaines, se joue encore au Théâtre Le Colombier à Bagnolet ( Métro Gallieni) le 16,17,18,19 décembre à 20h30 et le 20 décembre à 16 h et à 20 h 30, puis au Picolo , 58 rue Jules Valès à Saint-Ouen,(Métro Porte de Clignancourt).
  Courez vite lire tout le bien qu’on en avait dit ( le blog du 14 novembre)

Ordet

  Ordet ( La Parole) de Kaj Munk, traduction et adaptation de Marie Darieussecq et Arthur Nauziciel, mise en scène par Arthur Nauziciel.

 

On connaît, bien sûr, le fameux film (1955) que  Carl Dreyer adapta de l’oeuvre de Kaj Munk,(1925) auteur dramatique et pasteur luthérien qordet.jpgui avait pris position en faveur d’Hitler  dans les années 30 puis avait combatu l’antisémitisme et appelé les Danois à la résistance, avant d’être assassiné par la Gestapo.
Cela se passe donc au Danemark: le vieux Morgen Borgen dirige avec énergie une grande exploitation rurale. Son fils aîné Mikkel a pour épouse Inger, et ils ont deux filles. Le second fils, Johannes étudiant en théologie, est en plein délire mystique et se prend pour le Christ. Quant à Anders, il est amoureux d’Anne, la fille de Peter Skraeder le tailleur, responsable d’une secte religieuse rivale, et qui ne veut pas de ce mariage. Inger, enceinte, perdra son bébé en accouchant et mourra peu après. Morgen et Peter finissent par se réconcilier. Et Johannes qui s’était enfui, ressuscite Inger que l’on a déjà mise dans un cercueil…
Comme le dit Arthur Nauziciel, Ordet n’est pas une pièce religieuse mais une sorte de suspense métaphysique. Une expérience. Un entre-deux monde. C’est un objet théâtral étonnant qui pose la question de la croyance. La pièce est très bavarde: on y traite de la vie, de la mort ,de la condition humaine, de la foi, du rapport que nous avons au monde visible, du miracle physiologique, alors que nous le savons tous impossible.
Alors, comment dire cela au théâtre? Arthur Nauziciel a pris courageusement le parti d’un certain minimalisme, voire d’un
e certaine sécheresse: peu de lumières, une scénographie épurée (mais bien laide et ratée) de son ami Eric Vigner, une directions d’acteurs au scalpel. Et il  a demandé à l’excellent ensemble Organum ( Marcel Pérès, Mathilde Daudy et Antoine Sicot) de soutenir par leurs voix a capella les dialogues de cette pièce  écrite assez vite et qui manque singulièrement de construction dramatique. Dreyer avait compris que des images d’une force incomparable devaient  absolument  servir d’appui logistique à ce si l’on voulait exprimer l’angoisse métaphysique des personnages de Kaj Munk; il avait aussi bien compris que 120 minutes y suffiraient largement.
Autant dire tout de suite que ces presque trois heures théâtrales sont vraiment estoufadou- et assez  ennuyeuses- comme on dit en Provence. Heureusement, Nauziciel a su s’entourer d’ une distribution irréprochable avec, entre autres:  Pascal Grégory( le vieux Morgen) qui est presque en permanence sur le plateau, Catherine Vuillez ( Inger) , Xavier Gallais ( Johannes) et Jean-Marie Winling ( Peter le tailleur). C’est du solide, du cousu main et on retrouve chez Nauziciel l’exigence fondamentale de Vitez qui fut son maître. Reste à savoir s’il était bien utile de monter cet  objet théâtral qui ,de mémoire, n’est jamais joué, ou bien il aurait fallu en faire une véritable adaptation, au lieu de laisser filer les dialogues, quitte à y glisser de temps à autre quelques petites répliques un peu faciles, histoires d’ éveiller l’attention du public.
A voir ? Oui, si vous ne craignez pas les tunnels bavards, longs et mal éclairés et si vous aimez bien les miracles finaux; non, si les bavardages métaphysico-religieux vous ennuient au plus haut point: dans ce cas, ne venez pas dire qu’on ne on vous aura pas prévenu….

Philippe du Vignal

Théâtre des Gémeaux à Sceaux ( le spectacle a été créé au dernier Festival d’Avignon) jusqu’au 7 décembre.

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