Festival d’automne : Affaires familiales, conception, écriture et mise en scène d’Emilie Rousset

Festival d’automne :

Affaires familiales, conception, écriture et mise en scène d’Emilie Rousset

Emilie Rousset avait créé avec la même exigence Reconstitution : Le Procès de Bobigny. (voir Le Théâtre du Blog). Histoires de famille: cela ne nous regarde pas, c’est une affaire privée, dira-t-on.  Et le bureau des Affaires familiales -Emilie Rousset nous l’apprend- est tout petit! Les couples en instance de divorce y sont entre eux, avec leurs seuls avocats, ou avocates le plus souvent : ces affaires sont bien moins prestigieuses que les délits financiers et moins encore, bien sûr, qu’au Pénal. Et puis chacun sait, ajouterons-nous, avec ironie. que, par nature, les femmes sont plus qualifiées en ce qui concerne le foyer et la famille…
Pas de solennité, donc, pour ces affaires familiales même si les catastrophes qui amènent ici les justiciables sont aussi parfois sur le chemin du pénal, toujours  avec de lourdes conséquences sociales, trop mal prises en compte par les politiques.

Emilie Rousset a travaillé son sujet en profondeur, avec des dizaines d’entretiens ; elle et son équipe ont rencontré aussi des juristes, avocats, justiciables, femmes et hommes politiques, responsables d’associations…. L’aide à l’enfance, par exemple, comme une grande part des tâches sociales-clés, est délaissée par la puissance publique et confiée en sous-traitance à des associations.
L’enquête dépasse largement les frontières et s’étend à d’autres pays : Espagne, Italie… ce qui, en soi, crée une théâtralité particulière, avec la diversité des langues et l’intervention d’ interprètes. S’y ajoute, et cela donne un relief particulier à l’écriture même de la pièce, la correspondance établie par moments entre le direct du plateau et les brèves séquences filmées. Parfois, cela recouvre parfaitement la scène jouée. Entre autres, dans les jeux de mains qui parlent mieux que les mots… En parallèle et semblables, mais avec d’autres interlocuteurs. Qui est le témoin et l’acteur ? Peu importe, tout est vrai et fait image. Le dispositif bi-frontal ne reproduit pas la scénographie d’un Palais de justice mais favorise une plus grande concentration du public sur le débat en jeu et souligne un élément essentiel : la nécessité de points de vue multiples.

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On en apprend beaucoup sur la bonne volonté des institutions et sur leurs échecs : ainsi, les mères, supposées favorisées quand il y a conflit pour obtenir la garde des enfants, sont en réalité souvent pénalisées par un souci d’égalité entre hommes et femmes. Voire soupçonnées d’avoir manipulé les enfants qui témoignent d’un inceste, ou inculpées de non représentation d’enfant: un délit commis souvent par crainte de le confier à un père maltraitant. Oui, il existe des mères maltraitantes et manipulatrices, mais en quelle proportion? En quoi cela jette-t-il le soupçon sur toutes celles qui se veulent protectrices de leurs enfants? Cette fois, les statistiques ont leur utilité et pointent une interprétation masculiniste du droit.

Outre la question de la garde alternée, le spectacle parle, via les témoignages et enquêtes,de la parentalité homosexuelle, des droits et non-droits des «parents d’intention», de la nuance entre mère porteuse  et mère gestatrice, des vertiges engendrés par les vides juridiques entourant ces situations… On en apprend beaucoup et c’est peut-être la limite de ce spectacle d’une grande rigueur-ce qui n’est jamais un défaut- mais il ne laisse passer aucune sortie de route émotionnelle, si bénigne soit-elle. Le «droit positif» (la loi écrite) traite de situations dramatiques, c’est vrai, et est censé les dénouer avec rationalité. Manque ici un peu de la beauté inutile du théâtre: une grande respiration intempestive. Mais nous sommes  devant un beau et passionnant théâtre-document-plus que documentaire, à voir et à recevoir avec la même énergie, que celle qui nous est ici donnée.

Christine Friedel

Jusqu’au 3 octobre, Théâtre de la Bastille,  76 rue de la Roquette, Paris (XI ème) T. : 01 43 57 42 14.

 


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Vaslav, conception et interprétation d’Olivier Normand

Vaslav, conception et interprétation d’Olivier Normand

 

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En longue robe noire, bijouté, très bien maquillé et coiffé d’un béret de marin à l’indispensable pompon rouge porte-bonheur, Vaslav accueille chaque spectateur comme une ami qu’on n’aurait pas vu depuis quelque temps. Beau jeune homme (enfin pas si jeune que ça, dit-il, avec un panache certain), il a la grâce des danseurs, une voix sidérante de soprano, l’image même de la « jolie femme ». Merci de nous avoir invités.
Il officie généralement dans la troupe de Madame Arthur, le plus ancien (1946) et le plus vénérable cabaret de travestis en France une institution classée au patrimoine festif de Paris. Rita Ora, Bambi, Capucine, Coccinelle… Leur photo et leur nom ont brillé d’un éclat exceptionnel dans Paris-Match avec ceux des têtes couronnées et autres stars. Et aujourd’hui, Vaslav de Folleterre prend la suite à sa façon, avec ce prénom masculin. dans ce seul en scène…

Gracieux, drôle et pince-sans-rire, il joue simplement et avec précision de tous ses talents : comédien, danseur, chanteur, non sans laisser filtrer (à peine) le lettré qu’il est aussi. Il va chercher du côté de Jane Birkin, faisant glisser Baby alone presque jusqu’à une voix d’opéra. Une façon de suggérer avec amour à la chanteuse disparue: tu aurais pu aller plus loin, laisser parler ta puissance…
Puis du côté de Jean Genet et de l’homosexualité flamboyante et transgressive avec Le Condamné à mort musique d’Hélène Martin et Marc Ogeret : « un assassin si beau qu’il fait pâlir le jour ». Il nous explique pourquoi « les chanteuses à texte sont traditionnellement vêtues de noir». Mais il ne reprend pas les chansons de Barbara, Edith Piaf au célèbre décolleté en cœur.
Féru de musiques anciennes, il s’accompagne de sa Shruti, boîte à musique indienne portative à soufflets et à anches : une sorte de guide-chant pour ceux qui ont connu cet outil à l’école. Basse continue, bourdon : l’instrument soutient avec modestie le souffle de l’artiste.

Perfectionniste et sincère, Vaslav donne ce qu’il veut et c’est beaucoup… Et il garde une étonnante réserve, à tous les sens du terme. Comme si le vernis parfait qui « finit » son travail de scène protégeait la personne et les futurs spectacles. Olivier Normand travaille, masqué, pour Vaslav, qui lui-même (ou elle-même) reste masqué, en nous offrant généreusement un spectacle raffiné. Où va donc se cacher la mélancolie?Applaudissons.

 Christine Friedel

 Jusqu’au 4 octobre, Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris (VIII ème). T. : 01 44 95 98 00.

Madame Arthur, Le Divan du Monde, 75 bis rue des Martyrs, Paris (XVIII ème). T. : 07 68 78 68 01.

 

Adieu Vassilis Doropoulos

Adieu Vassilis Doropoulos
Cet artiste internationalement reconnu a vécu en France et ses remarquables sculptures ornent les places de nombreuses villes grecques, avait quatre-vingt trois ans. Né en 1942 à Messopotamia, région de Kastoria, il a été élève -diplômé en 72- de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris en 66 (ateliers de peinture de Marcel Tondu et en sculpture de César, Étienne Martin et René Collamarini à qui, en 40, le directeur du théâtre Montparnasse, Gaston Baty, commanda trois cent marionnettes en bois! dont trente sept ont été acquises par la BnF.

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©x Monument de la réconciliation nationale Athènes

Principales expositions de Vassilis Doropoulos: l’une de peinture et sculpture à la bibliothèque municipale de Kastoria en 77, à la galerie Syllogi l’année suivante puis à la galerie Metopi en 96. Puis au musée Nicolas Poussin aux Andelys (Yvelines).E n 85, rétrospective de son œuvre à l’UNESCO à Paris et en 93, En mémoire de ma mère, exposition de sculptures et peintures sous l’égide de l’ambassade de Grèce, à la Maison hellénique de Paris en 2006.
Son œuvre a aussi été présentée dans des expositions collectives: Les Panhelléniques de 71 à 87, à Thessalonique, Capitale culturelle de l’Europe Sculpture grecque contemporaine E.E.T.E., en 97, et Olympia 95. Et il a participé à une exposition en plein air à Olympie antique 95. Et à Paris: au Grand Palais en 69,  à Formes Humaines, Biennale des sculptures contemporaines, à l’Orangerie du Luxembourg …

Vassilis Doropoulos a reçu de nombreux prix au Salon des artistes français, Grand Palais 1969, Prix du portrait Paul Louis Weiller de l’Académie des Beaux-arts en 74,, 8ème biennale des Formes Humaines  au musée Rodin,  Palme d’or des critiques d’art, Paris 1982….
lI est l’auteur  du Monument dédié à G. Lambrakis, Thessalonique (1985), du Monument à la Résistance nationale, Korydallos (1986), du Monument de la Réconciliation nationale en bronze, place Klathmonos à Athènes en 89.  
 
Nektarios-Georgios Konstantinidis 
 

La peur est partout, où que tu sois…

 
 La peur est partout, où que tu sois…
 
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1-La planète nous prépare des chaleurs extrêmes et des inondations monstrueuses. Les maisons se fissurent à cause de la sécheresse! Des paquebots géants polluent comme un million de voitures.

2- Partout il y a des trafiquants et on peut se prendre une balle perdue.
3-La dette de la France est abyssale.
4-On ne trouve pas de remède contre les tiques, ni pour faire reculer la maladie d’Alzheimer. Et on ne sait pas éradiquer les punaises de lit.
5-La pauvreté augmente.
6-L’obésité gagne du terrain et les pesticides accélèrent les cancers de toute sorte.
7-L’intelligence artificielle risque de supprimer des millions d’emplois.
8-On enferme tellement de monde, que les prisons explosent.
9-Paris est envahie par les rats.
10-La France est menacée par la Russie. Les menaces nucléaires sont  de plus  en plus probables. Israël veut éradiquer toute trace de Palestinien.
11-Les commerces des centres-villes se vident, attaqués par les grandes enseignes.
12-Le prochain covid est attendu d’un jour à l’autre.13-Les médicaments commencent à manquer.
14-Les démocraties meurent à petit feu mais sûrement.
 
 Mais, comme dit le proverbe russe : « Quand ça va bien, on se plaint, quand ça va mal, on pleure, mais quand ça va très mal, on rit et on fait la fête… Parcourir les réseaux sociaux est édifiant : partout fêtes immenses,humoristes en quantité, festivals mastodontes,terrasses de café joyeuses…
Jacques Livchine co-directeur avec Hervée de Lafond, du Théâtre de l’Unité, Audincourt ( Doubs).
 
 
 

La Disparition de Josef Mengele, d’après le roman d’Olivier Guez, adaptation et interprétation : Mikaël Chirinian, mise en scène de Benoit Giros

La Disparition de Josef Mengele, d’après le roman d’Olivier Guez, adaptation et interprétation : Mikaël Chirinian, mise en scène de Benoit Giros

Les solos ont envahi depuis longtemps le festival d’Avignon et les autres, comme les scènes parisiennes mais sont rarement de qualité. Celui-ci est exceptionnel. Bien adapté du roman par cet excellent acteur qu’est Mikael Chirinian, il raconte la deuxième partie de la vie de Josef Mengele, médecin nazi à Auschvitz, surnommé l’Ange de la mort. Il avait fait des expériences sur les prisonniers, torturé des enfants… Puis après la guerre, avait dû comme beaucoup d’autres dont le sinistre Adolf Eichmann, qui s’enfuira en Amérique latine  après avoir reçu l’aide du Vatican! pour obtenir une fausse identité!  Il vivra surtout en Argentine mais aussi au Brésil et au Paraguay. Poursuivis par les services secrets d’Israël, ils essayeront de sauver leur peau. Ce qu’arrivera très bien à faire Joseph Mengele au début de son exil, réussissant même à créer une entreprise. Juan Peron le dictateur  et sa femme étant peu regardants…

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En fond de scène, un mur où sont accrochés les portraits de dirigeants nazis et celui en neuf exemplaires, de Joseph Mengele et de sa femme qui, restée en Allemagne avec leur petit garçon, demandera le divorce. L’acteur assis sur une chaise blanche embarque le public dans l’histoire personnelle de ce médecin-bourreau, monstrueux qui vécut paisiblement avec sa femme et leur bébé à Auschwitz.  Persuadé d’avoir agi au mieux dans l’intérêt de son pays, il a pourtant envoyé des milliers de juifs à la mort. D’abord protégé par le gouvernement argentin, il ne rencontrera son fils qu’une seule fois. Joseph Mengele aura passé en cavale quarante ans, constamment inquiet, changeant plusieurs fois de pays pour essayer d’échapper à la justice. Vivant treize ans dans une exploitation agricole au Brésil comme ouvrier puis dans une autre, appartenant aux mêmes propriétaires hongrois qu’il a aidés à l’acheter. Mais, un jour, ils le vireront à cause du danger pour eux, s’il venait à être arrêté. Et Joseph Mengele émigrera au Paraguay…

Cet ex-médecin, pourtant déchu de tous ses nombreux titres universitaires, n’a aucun remords, aucun doute sur sa conduite soi-disant scientifique à Auschwitz : il tuait, mutilait ou infectait des hommes, des  femmes et leur bébé avec des virus pour voir ce qui allait suivre. Après quelques années d’errance dans l’Allemagne occupée, Joseph Mengele, arrêté par les troupes américaines, n’est pas identifié comme criminel de guerre et part pour l’Argentine en juillet 49 grâce à d’anciens S S. Il vit à Buenos Aires, sans aucun doute protégé par le régime de Juan Peron et mène la vie toute à fait normale d’homme d’affaires qui gère une entreprise avec un sentiment de totale impunité.
Il reviendra en Europe et rencontra son fils Rolf, auquel on avait dit qu’il était son «oncle Fritz », avant de passer une semaine dans la maison de sa belle-sœur Martha qui était veuve. À son retour en Argentine Joseph Mengele commença à vivre sous son vrai nom et fit venir Martha et son fils, Karl Heinz, un mois plus tard. Ils se marièrent en Uruguay en 58. Mais devenu suspect, il quitte l’Argentine et se réfugia au Brésil pour échapper au moins un certain temps aux agents du Mossad israélien. Mais Adolf Eichmann, lui aussi réfugié à Buenos Aires, sera capturé puis jugé à Tel Aviv et pendu. En 79, Joseph Mengele, lui, mourra noyé sur une plage. Il avait soixante-sept ans.

En fond sonore, des grincements de machines créent un climat anxiogène et ont penser aux outillages agricoles produits par la riche société familiale Mengele. La mise en scène est un peu minimaliste mais le spectacle a un très bon rythme; même si Mikaël Chirinian pendant la première partie, reste assis sur une chaise avant de s’asseoir à nouveau en fond de scène sur une autre chaise. Mais le texte bien construit et d’une fluidité remarquable et l’interprétation, sont d’une rigueur absolue.
Ce conteur au métier très sûr, qui a été longuement applaudi, met le doigt sans aucun pathos, là où cela fait mal ! Le texte pose la question: comment un jeune médecin a-t-il pu commettre pendant des années de telles horreurs sans jamais penser en être coupable ? Comment aussi, et au nom de quelle morale, Juan Peron et sa femme ont-ils trouvé juste de protéger plusieurs dizaines de hauts responsables nazis, coupables d’avoir envoyé à une mort atroce, des centaines de milliers de juifs ? Comment croire en ces temps inquiétants pour l’Europe, que de tels comportements n’auront pas lieu à nouveau et que l’Histoire -la petite et la grande- ne se mette à bégayer? Allez voir cette
Disparition de Joseph Mengele. Ce court spectacle vaut bien des cours d’histoire et les nombreux jeunes dans la salle qui n’aveint pas lu le roman étaient ravis d’entendre cette incroyable saga… Une occasion de réfléchir - Le théâtre peut aussi servir à cela  et ce n’est pas un luxe par les temps qui courent- à ce qu’Hanna Arendt, avait écrit  au moment du procès d’Eichmann qu’elle avait suivi sur  la « banalité du mal « , sur l’incapacité de ces hommes à penser et leur manque d’imagination pour se mettre à la place de leurs victimes.  

Philippe du Vignal

Théâtre de la Pépinière-Opéra, rue Louis-le Grand, Paris ( II ème). T. : 01 42 61 44 16.

Festival d’Automne : Jag et Johnny de Laurène Marx, d’après un récit de Jessica Guilloud

Festival d’Automne :

 Jag et Johnny de Laurène Marx, d’après un récit de Jessica Guilloud

 Sous un éclairage contrasté, un micro et une flûte traversière. Une scénographie minimaliste chère à Laurène Marx, avec juste un corps et une voix! Sobriété esthétique comme en réponse à la volonté de faire un théâtre avant tout politique,  à langue  singulière : voir et entendre ceux et celles trop souvent privés de parole et d’écoute.
C’est aussi l’urgence de recréer une forme d’art «sans élitisme», où «les personnes hors-système, dit Laurène Marx, peuvent se réconcilier avec la poésie et le théâtre. » Jag (Jessica Guilloud elle-même) nous livre avec ce récit fragmenté, émouvant et sans détour, le monde où elle a grandi: celui de la classe populaire et rurale blanche. L’histoire de cette jeune femme et de Johnny, son chien, fidèle compagnon, a été racontée à Laurène Marx.
Jag descend du train et sur le quai, sa mère l’accueille. Mais quand on a quitté sa province, pour la grande ville- cela peut arriver à chacun de nous- le retour dans la maison familiale est toujours un choc. La pièce s’inscrit dans un récit autobiographique mais elle le dépasse. Nous allons à la rencontre d’un univers où les classes sociales,  en règle générale, imposent la destinée de chacun. La langue ciselée imagée, la diction rythmée et la grâce corporelle de la jeune interprète éclairent avec poésie son vécu. Sur le plateau nu, elle laisse, avec théâtralité, rayonner le monde populaire de la débrouille, des injustices, des plaisirs simples et authentiques. Mais aussi une certaine pudeur et  la violence, le racisme la pauvreté, le mutisme…
Les thématiques sont ici familiales : la maison où Jag a grandi, son enfance, les anniversaires et les mariages, la culture de la télévision, l’alcoolisme… Des thèmes  abordés de plein fouet et loin d’un esprit politiquement correct, avec une belle insolence ! L’agilité de la comédienne en costume bleu ciel contraste avec un vécu torturé et une vision du monde et des relations humaines chaotiques, souvent plus décevantes que joyeuses…

@Simon Néaumet

@Simon Néaumet

Ce récit intime s’ouvre sur le collectif et devient le témoignage d’une transfuge de classe : « Je veux dire que je parle d’une certaine manière à mes amis bourgeois et que, quand je rentre et mets mon pyjama pour parler à ma grand-mère, c’est un autre langage. C’est la même langue, mais c’est un autre langage.» Tout ce qui structure notre société : les règles morales établies et conventions, le rapport à la maladie, à l’argent, etc. oppose deux classes sociales: celle des modestes et celle des nantis.
L’interprétation et le texte sont justes, sans concession et sensibles. Et le public ressent avec clarté l’espace intérieur, les vibrations de l’âme de Jag et celles du monde extérieur, brutal et de la vie quotidienne. Parfois, la construction est éclatée et on peut s’y perdre. Mais la spontanéité et la finesse du dire -parfaite Jessica Guilloud- et les mots de l’autrice, attisent notre curiosité. Nous sommes à l’écoute, dérangés dans nos convictions personnelles mais heureux !
Jag ne mâche pas ses propos et remet en question, avec un humour féroce, le fonctionnement de notre société et le comportement bourgeois. Avec ce stand-up, Jessica Guilloud ne cherche pas à nous faire rire. Pourtant, nous rions de temps à autre, même si elle est souvent plus proche de la tristesse, de la rage aussi, avec ce témoignage personnel sur le capitalisme et ses conséquences. Laurène Marx, Jag et Johnny racontent notre vie contemporaine intime et socio-politique. Le théâtre sans pareil de Laurène Marx, jeune artiste, nous surprend une fois de plus et nous réjouit. Esprit, émotion et liberté: elle offre ici un spectacle vraiment nécessaire…

Elisabeth Naud

Les samedis jusqu’au 27 septembre, Théâtre Ouvert, 159 avenue Gambetta, Paris (XX ème). T. : 01 42 55 74 40.

Du 16 octobre au 15 novembre, Théâtre de la Reine blanche, 2 bis passage Ruelle, Paris (XVIII ème). T. 01 40 05 06 96.

Merlin ou la terre dévastée de Tankred DorstMauler et René Zahnd, mise en scène d’Ambre Kahan

Merlin ou la terre dévastée de Tankred Dorst, traduction d’Hélène Mauler et René Zahnd, adaptation et mise en scène d’Ambre Kahan

La grande fresque -assez touffue- du dramaturge et scénariste allemand (1925-2017) est fondée sur l’histoire de la recherche du Graal dans Perceval ou le Conte du Graal, œuvre inachevée de Chrétien de Troie (c. 1150) où il met en scène l’idéal chevaleresque qu’est l’amour courtois… Cela se passe à la cour du  roi Arthur, chef mythique de la résistance des Bretons, quand les Angles et les Saxons envahirent Irlande, Cornouailles, Pays de Galles, Armorique… 
Les personnages: Arthur, Merlin l’Enchanteur, conseiller du roi qui prédit le cours des batailles et entraîne à la quête du Graal, vase mythique, les chevaliers de la Table ronde. Assimilé au calice qui  recueillit le sang du Christ et qui sera déposé au centre de la fameuse table, il marque symboliquement l’instauration du christianisme sur la sorcellerie du monde païen médiéval.
Au début, belle image, on voit la grande épée 
Excalibur fichée dans un rocher et impossible à en retirer. Y arrivera pourtant le futur roi Arthur. Autour de lui, Perceval, les douze chevaliers de la Table Ronde dont Lancelot, figure emblématique de l’amour courtois, Tristan, Gauvain… Mais aussi le Roi Pêcheur, un Ange blanc. Et côté féminin, la fée Morgane, Yseult, Blanchefleur, la dame de Perceval, Guenièvre,  la femme du roi Arthur, séduite par Lancelot, son «beau doux ami», la fée Viviane dont dont Merlin dit l’Enchanteur, tombe amoureux.
L’objet, chez Chrétien de Troie, a une valeur exemplaire comme cette fameuse Excalibur ou
 le bouclier  qu’ offre Viviane à Lancelot et qui le guérit aussitôt de sa fatigue. Et au château du Roi pêcheur, Perceval voit un jeune homme tenant une lance d’un blanc éclatant mais d’où perlent des gouttes de sang. Deux jeunes autres tiennent des chandeliers en or et une jeune fille, un graal, petit vase enchâssé de rubis rouge qui répand une telle clarté que la lumière des bougies en perdent leur éclat.

On peut comprendre que les aventures-amours et guerres-des héros imaginées par Chrétien de Troie, aient nourri, et nourrissent encore, des romans, peintures ( surtout au XIX ème quand on découvrait le Moyen-Age), opéras, comédies musicales, bandes dessinées, jeux vidéo… mais peu de pièces. Jean Cocteau avait créé Les Chevaliers de la table Ronde  en 37; le texte- pas bien fameux- avait été remonté par  Nicolas Briançon en 94. Puis Christian Schiaretti  créa Perceval le Gallois de Florence Delay et Jacques Roubaud.
Ce monde disparu continue à fasciner enfants et adultes. On ne vous détaillera pas cette longue histoire ici racontée sur plus de trois heures et demi… où à la fin,  après une grande bataille, Mordred, 
fils incestueux d’Arthur et de sa sœur Morgane, profite d’une absence du roi pour usurper le trône. Arthur et Mordred s’entretueront à la bataille de Salisbury où mourront aussi les chevaliers de  la Table Ronde. 

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Mettre en scène tous ces personnages était une belle idée pour un travail de sortie d’école. Mais l’équation est toujours difficile à résoudre quand il faut réussir à faire travailler une quinzaine d’apprentis-comédiens, en leur donnant un ou des rôles qui leur conviennent et mettre chacun en valeur. Ce qui n’est pas le cas ici! Et sur une durée acceptable pour le public: élèves, enseignants de l’école, amis et familles et quelques professionnels venus «faire leur marché ».
Opération ratée! La réalisation d’Ambre Kahan atteint le degré zéro de l’écriture scénique avec un catalogue fourni des stéréotypes actuels: lumière crépusculaire, jets de fumigènes pendant tout le spectacle (pour nous, déjà les troisièmes en trois représentations !),  micros H.F. (la pire des choses pour faire débuter de jeunes interprètes), musique sous le texte (vieux truc facile et usé), percussions électroniques, abus de voix off, criailleries permanentes, éclairages stroboscopiques (ici, même pas signalés!), anciens sièges de salle où attendent les acteurs qui ne jouent pas : vieux truc aussi usé…. Tous aux abris!
Et il y a de graves erreurs: adaptation faiblarde, dialogues banals et pas clairs qui sentent l’impro à quinze mètres et que n’aident même pas sur un écran haut perché, de courtes phrases résumant les points essentiels de l’histoire… Mais peu visibles quand on est dans les premier rangs, à cause des fumigènes!, anachronismes faciles et vulgaires comme une pseudo-utilisation du G.P.S., costumes et sans unité et très laids (entre autres, des pantalons en toile plastique noir!), grande table ronde encombrante au centre de scène et gênant la circulation, manque évident de direction: certains ânonnent parfois leur texte, scène  érotique dans l’ombre et peu crédible, manque de rythme en permanence, combats mal réglés. Bref, le compte n’y est pas et l’ensemble distille un bel ennui sur plus de deux heures trente! Comment résister? A côté de nous, tout un groupe de jeunes spectateurs sommeillait et à l’entracte, a quitté la partie… Nous avons  hésité à en faire autant!
Le  texte du second volet nous a paru légèrement plus clair et mieux construit et, à l’extrême fin, il y a une image de guerre réussie. Mais c’est bien tout…  On va nous dire que nous ne sommes pas tombés sur le bon jour mais au théâtre il n’y a pas d’excuses. Qui, au Centre Dramatique National de Limoges, a avalisé ce projet? Ce travail de fin d’études aurait dû le rester et n’être jamais présenté comme spectacle payant! Mauvaise image pour l’Ecole du Théâtre de l’Union. Et le public des Plateaux Sauvages mérite mieux que cette réalisation assez prétentieuse et vraiment  approximative… 

Philippe du Vignal   

Jusqu’au 26 septembre, Les Plateaux sauvages,  5 rue des Plâtrières, Paris ( XX ème).  T. :01 83 75 55 70 .

La pièce est publiée en français sous le titre Merlin ou la terre dévastée, traduction d’Hélène Mauler et René Zahnd,(L’Arche, 2005)

 

Festival d’automne à Paris. Faustus in Africa, mise en scène de William Kentridge (en anglais surtitré en français)

Festival d’automne à Paris.

Faustus in Africa, mise en scène de William Kentridge (en anglais surtitré en français)

Trente ans après sa création, l’artiste  William Kentridge et la Handspring Puppet Company reprennent ce spectacle hors-normes: à fois une relecture de Goethe et une pièce surl’actualité sud-africaine. Au lendemain de l’abolition de l’apartheid, les acteurs et marionnettistes avec William Kentridge, artiste peintre venu du théâtre, ont créé entre 1992 à 2001, quatre spectacles.
Sur le plateau de grands bibliothèques, et au-dessus un écran avec les, projections fixes et animées de remarquables dessins de cet artiste. On peut ainsi voir le safari d’un Faust, cupide et corrompu dans une Afrique coloniale -représentées par des cartes géographiques aussi dessinées- dont il consomme toute la richesse.

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C’est aussi une évocation de la politique de l’actuelle Afrique du Sud, mise en scène avec des marionnettes un peu en dessous de la taille humaine, somptueusement manipulées par Eben Genis, Atandwa Kani, Mongi Mthombeni, Wessley Pretorius, Asanda Rilityana, Buhle Stefane et Jennifer Steynqui jouent aussi certaines séquences. Avec un travail d’une qualité très supérieure, le spectacle qui a souvent été joué est irréprochable et on prend un singulier plaisir à voir ces marionnettes plus vraies que des humains, notamment les musiciens d’un fabuleux orchestre qui passe en file indienne plusieurs fois, ou cette admirable femme en longue robe grise…

Mieux vaut avoir révisé l’histoire de l’Afrique du Sud et ses connaissances en anglais: le surtitrage est très rapide! Le spectacle est remarquablement réalisé et la musique a été écrite par le multi-instrumentiste canadien James Phillips et le compositeur sud-africain Warrick Sony. Mais on a souvent l’impression de rester extérieur à ce qui se passe sur le plateau et il y a un déluge d’informations assez nuisible! Ce que Sénèque avait déjà remarqué:«l’abondance de livres disperse ». Edgar Morin l’appelle d’une belle expression: « nuage informationnel ».
Ici, il y a
 les belles marionnettes fascinantes, les manipulateurs-acteurs sont très présents et pas dissimulés en costume noir, comme dans le bunraku japonais, les superbes images dessinées fixes et en mouvement, l’indispensable lecture du surtitrage… Cela fait beaucoup et nuit à notre capacité de compréhension de l’histoire qui nous est contée…
Et c’est vraiment dommage. Mais ici l’art de la marionnette atteint un niveau inégalé, sauf par la grande artiste norvégienne
Yngvild Aspeli (voir Le Théâtre du Blog).

Philippe du Vignal


Le spectacle a été joué du 11 au 19 septembre, au Théâtre de la Ville, place du Châtelet, Paris (IV ème),.

Comédie de Genève (Suisse), du 29 octobre au 1er novembre. Coronet Theatre, Londres (Grande-Bretagne), du 5 au 16 novembre.

 

Marius, texte et mise en scène de Joël Pommerat

Marius,  texte librement inspiré de Marcel Pagnol, écriture et mise en scène de Joël Pommerat

 Il met rarement en scène une pièce d’un autre auteur. C’est donc ici une expérience théâtrale singulière quand il adapte la célèbre pièce, premier volet de la trilogie marseillaise de Marcel Pagnol créé en 1929 au Théâtre de Paris, avec Raimu, Pierre Fresnay et Fernand Charpin. L’année suivante, Alexandre Korda en tira un film avec ces mêmes acteurs. Puis ont suivi au théâtre d’abord Fanny (1932) et sar (1936).
Ce Marius est né en prison où le théâtre est en général absent: mais depuis onze ans, Joël Pommerat dirige des ateliers à la Maison centrale d’Arles avec des « longue peine » et a réalisé ce projet en collaboration avec Caroline Guiela Nguyen. En 2014, Jean-Michel Gremillet, directeur de la Scène nationale de Cavaillon, lui  avait proposé de rencontrer Jean Ruimi, détenu à cette Maison centrale: il avait écrit une pièce qu’il voulait mettre en scène et dont l’histoire est celle de prisonniers qui mettent au point une machine à voyager dans le temps.
C’est à ce moment là qu’il rencontre Joël Pommerat: «Au bout de deux heures de conversation, dit l’auteur et metteur en scène, j’étais tenté par une expérience différente de ce que j’avais fait jusqu’alors, un désir très fort de théâtre, quelque chose de singulier.» Ils vont travailler ensemble à la prison, et comme il l’avait promis à Michel Galera, Ange Melenyk et Jean Ruimi: «Quand vous serez dehors, on reprendra le spectacle. »

 

©AgathePommerat Fanny

©Agathe Pommerat.      Fanny

« Ce n’est pas la prison, dit Joël Pommerat qui n’avait jamais travaillé dans cet univers, qui m’a décidé à accepter ce projet mais cette rencontre humaine et artistique. (…).  Bien sûr, elle n’est pas indépendante de l’enfermement. Cette intense volonté de faire du théâtre que j’ai perçue chez Jean Ruimi, contenait ce que le contexte de l’emprisonnement fait à l’humain, aux relations, à la nécessité d’un temps, d’un espace, d’une nouvelle scène. »

Le choix de la pièce s’est fait après un travail de recherches et d’improvisations, en collaboration avec une quinzaine de détenus, à partir de plusieurs scènes de William Shakespeare mais aussi de Marcel Pagnol. Après six mois, un détenu a proposé Marius. La décision était prise ! Mais il ne s’agissait en aucun cas de répliquer sur scène, avec la langue de Pagnol, l’histoire dramatique d’origine. Ne pas trahir la pièce, mais la réécrire. « Prendre toute liberté, dit Joël Pommerat, avec l’œuvre originale, tout en lui restant fidèle ». Ici, la trame reste donc identique à celle du Marius original mais il a inscrit la mise en scène et la langue dans un contexte autre que celui du texte (1930). L’unique espace, sans prétention, est celui d’une  boulangerie à Marseille avec quelques tables, un lieu du quotidien où les habitués du quartier se retrouvent… Un petit commerce, au climat à la fois mélancolique et poétique où va prendre corps une histoire humaine et intemporelle d’une rare intensité…

 Marius  aime son père César, un homme tendre et bourru à la fois. Et il est amoureux de Fanny, une jeune coiffeuse du quartier qui est aussi vendeuse de coquillages devant la boulangerie-salon de thé de César. Mais il se sent aussi irrésistiblement attiré par la mer. Situation tragique et folle pour cet homme en pleine force de l’âge! Comment prendre le large, découvrir le monde sans provoquer l’immense chagrin d’êtres aimés comme son père et Fanny.
Joël Pommerat a réécrit le célèbre et magnifique drame existentiel de Marcel Pagnol et il nous offre un univers réaliste et sensible à la fois, rare dans ses créations. Une véritable surprise  d’une grande qualité théâtrale, interprétée par une troupe d’interprètes hors du commun. Dans cette mise en scène, seules la montée du son, la musique, toujours remarquablement choisie, ou à la toute fin, les noirs -emblématiques de Joël Pommerat et créés par Eric Soyer, souvent accompagnés de voix- rappellent son art habituellement plus sophistiqué, déroutant et où l’étrange  se fond avec la réalité. 

 

© Agathe Pommerat

© Agathe Pommerat

Le rythme soutenu, avec, côté cour, les entrées et sorties à chaque changement de situation, produit un effet comique. Les bruits de Marseille enrichissent le réalisme de la mise en scène et donnent un souffle dramatique puissant à l’histoire. Les costumes reflètent parfaitement le milieu social dechaque protagoniste très différent des autres mais aussi leur tempérament, leurs rêves, espoirs et folies. Le jeu de Bernard Travers à la fantastique présence (Pannis), à la fois suffisant et drôle, est en contraste total avec la personnalité torturée de Marius (Michel Glera). Jean Ruimini, incroyable d’humanité, est un excellent César.
Le spectacle dégage une profonde émotion et met en lumière la beauté du texte de Marcel Pagnol! Joël Pommerat, touché par la simplicité et l’intelligence du récit, laisse éclater avec émotion et subtilité les questions profondes que lui suggère Marius: «Qu’est-ce que réussir sa vie ? L’amour est-il possible? Le désir de fuite est-il raisonnable? L’amour d’un père est-il toujours bon ?» Accompagné de professionnels et anciens détenus qui ont appris en prison à être comédiens, il fait ici resplendir un récit universel…

 Elisabeth Naud 

Jusqu’au 28 septembre, Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt,  Paris (VIII ème). T. : 01 44 95 98 21.

Théâtre du Passage, Neuchâtel (Suisse), les 22 et 23 octobre.

Théâtre de Cornouaille, Scène nationale de Quimper (Finistère) du 25 au 28 novembre.

Le Grand R, Scène nationale de La Roche-sur-Yon (Vendée), du 2 au 4 décembre; La Passerelle, Scène nationale de Saint-Brieuc (Côtes d’Armor), du 9 au 11 décembre.

Théâtre National de Bretagne, Rennes, du 6 au 23 janvier et Le Canal, Théâtre du Pays de Redon (Ile-et-Vilaine), les 29 et 30 janvier. 

L’Empreinte, Scène nationale de Brive-Tulle, Brive-la-Gaillarde (Corrèze)  du 5 au 7 février.

Anthéa, Antipolis, Théâtre d’Antibes (Alpes-Maritimes) du 31 mars au 2 avril. Théâtre du Beauvaisis, Beauvais (Oise), les 28 et 29 avril.

Les Quinconces- L’Espal, Scène nationale du Mans (Sarthe), les 5 et 6 mai.

Les Célestins, Théâtre de Lyon (Rhône), du 27 mai au 6 juin.

 

 
 
 

Journées Européennes du Patrimoine: Rosa chez Nicolas Flamel, de et par Jean-Marie Lehec

Journées Européennes du Patrimoine:

Rosa chez Nicolas Flamel, de et par Jean-Marie Lehec

L’Hôtel de Ville de Paris, incendié par les Communards en 1871, puis reconstruit en style Renaissance de 74 à 82 par les architectes Théodore Ballu et Édouard Deperthes,  est le lieu des institutions municipales depuis… 1357. Il s’ouvre chaque année au public à l’occasion des Journées Européennes du Patrimoine (déjà, la quarante-deuxième…). L’entrée, bien entendu gratuite, était sur inscription obligatoire mais il y a eu des milliers de visiteurs. Au programme:  la visite des nombreuses salles de réception, du bureau de la Maire, de la bibliothèque,  de la salle du Conseil, etc..
On pouvait y rencontrer les conservateurs, restaurateurs, historiens de la Ville qui parlaient de leur métier. mais aussi les artisans qui entretiennent ce gigantesque bâtiment : les serruriers, horlogers, tapissiers, etc….
Dans la grande cour, des archéologues, tailleurs de pierre, marbriers, sculpteurs, ébénistes, menuisiers font des démonstrations de leur savoir-faire souvent transmis de père en fils. Des médiateurs de l’École du Louvre commentaient les nombreuses fresques et sculptures.
Il y a aussi deux expositions : l’une consacrée au patrimoine parisien et l’autre à l’histoire de l’Hôtel de Ville. Et une autre, consacrée aux directrices de théâtre, lesquelles, juste après la deuxième guerre, étaient alors, rappelons-le plus nombreuses que les hommes.

 

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Cela se passe dans une grande et haute salle avec fresque, un peu tristounette avec chaises pliantes trop bien alignées comme pour une conférence. On aurait rêvé d’une meilleure scénographie… Côté jardin, il y a une grande image sur écran de cette tour Saint-Jacques qui a inspiré Jean-Marie Lehec. Sous le regard amical de la statue du très jeune Turenne, nommé en 1660, Maréchal général de Louis XIII, puis de Louis XIV, Jean-Marie Lehec a repris dans une haute salle de réunion, ce bon solo qu’il avait créé l’an passé en plein air dans le jardin de la Tour Saint-Jacques.  Malgré le bruit sourd de la circulation, il était déjà prometteur mais a gagné en intensité.

L’acteur (chaussures pointues dorées, perruque blonde sous un large chapeau noir, longue chemise rose brillant, pantalon et veste noirs sans manches) retrace tout un pan de l’histoire d’un Paris méconnu, riche en anecdotes. Celui exactement où nous marchons aujourd’hui dans ce quatrième arrondissement mais où nos ancêtres ne se retrouveraient pas! Il y avait des sortes d’abattoirs boulevard Sébastopol, des champs riches en légumes à la Porte Saint-Martin, travaillés par des centaines d’ouvriers contre le seul gîte et couvert et un grand cimetière, là où est maintenant le square des Innocents.
Gestuelle et diction exemplaire, Jean-Marie Lehec raconte tout cela avec humour et charme, faisant bien le lien entre passé et présent, en à peine une heure. On pense aux phrases magistrales de Saint-Augustin: « Quand nous racontons véridiquement le passé, ce qui sort de la mémoire, ce n’est pas la réalité même, la réalité passée, mais des mots, conçus d’après ces images qu’elle a fixées comme des traces dans notre esprit en passant par les sens. » Rosa chez Nicolas Flamel, parfaitement rodé, mériterait d’être repris. Avis aux directrices et directeurs des petits théâtres parisiens…

Philippe du Vignal 

Spectacle vu le 20 septembre, à l’Hôtel de Ville, Paris ( IV ème). T. : 01 42 76 40 40. 

 

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