Armando Llamas

À Théâtre Ouvert
Armando Llamas, un auteur pour demain

llamasarmando.jpgParmi de nombreux parcours que Théâtre Ouvert a construit avec des auteurs : Vinaver, Grumberg, Koltès, Lagarce, Minyana, Renaude, etc. il y a celui de 20 ans avec Armando Llamas, disparu en 2003.
Bien que plusieurs de ses pièces aient été montées, de son vivant, par des metteurs en scène importants comme Catherine Dasté, Michel Didym, Philippe Adrien, Stanislas Nordey, surgissant ensuite ici et là sur les scènes, son œuvre s’est trouvée reléguée dans une marginalité. Elle y resterait peut-être sans l’obstination et la fidélité des patrons de Théâtre Ouvert et de quelques amis qui ont œuvré pour la restituer à la postérité et la faire découvrir à la nouvelle génération des metteurs en scène.
Il en est des écritures dramatiques comme des musiques « trop contemporaines » qui heurtent les oreilles, brutalisent nos habitudes, font entendre la dysharmonie des êtres et du monde. La modernité de l’œuvre d’Armando Llamas ne consiste pas dans une adhésion à la mode du jour, ni dans un brassage des clichés nihilistes, ni non plus dans la casse systématique de ce qui existe. Elle est dans sa liberté totale de transgresser toutes les normes en portant un regard impitoyablement lucide sur nos sociétés contemporaines sans jamais se départir d’un humour subversif ni d’une certaine empathie avec ces êtres paumés, agités par des désirs chimériques, en quête d’un sens quelconque.
La soirée autour de l’œuvre d’Armando Llamas, le 14 octobre 2009, organisée par Théâtre Ouvert, était à la fois un hommage et un coup d’envoi pour l’œuvre de cet auteur inclassable, trop indocile, trop extravagant et vulnérable pour penser sa vie et son écriture en termes de carrière.
En ouverture de la présentation des deux volumes publiés par Théâtre Ouvert, une mise en voix par et avec Michel Didym de la dernière pièce achevée de Llamas Comment te le dire ?
Comme pour nous tirer son chapeau, au milieu d’un groupe de personnages conversant sur la terrasse d’un café de l’amour homo ou hétéro, apparaît l’auteur, Tata François, qui dans une vraie fausse conférence, « démonte avec humour les hypocrisies et les absurdités d’un monde toujours actuel ».
Le premier volume de Armando Llamas – Parcours d’auteurs – 20 ans avec Théâtre Ouvert réunit une des pièces les plus importantes d’Armando Llamas Meurtres de la princesse juive et un entretien avec Micheline Attoun réalisé par Olivier Pons.
Dans le second volume deux pièces : Images de Mussolini en hiver et Comment te le dire ? accompagnées d’une traversée de la correspondance qu’Armando Llamas a entretenue tout au long de ces 20 années de compagnonnage avec Théâtre Ouvert avec Micheline et Lucien Attoun et d’un portrait par Olivier Goetz.

Irène Sadowska guillon

Éditions Théâtre Ouvert / Enjeux 2009
15 € chaque volume


Archives pour la catégorie analyse de livre

Louis Jouvet

Louis Jouvet
Un homme de science du théâtre
Les années d’apprentissage
Essai de Paul Louis Mignon

9782355160776.gifAdolescent, Paul Louis Mignon a vu Louis Jouvet au cinéma et au théâtre, puis après 1945 l’a fréquenté en tant que critique de théâtre. Sa fascination pour le grand homme n’a pas pris une ride. Il nous offre aujourd’hui un essai sur les années d’apprentissage de l’art, voire de la science du théâtre, de Jouvet durant son compagnonnage avec Jacques Copeau, directeur et fondateur du Théâtre du Vieux Colombier.
Paul Louis Mignon trace, étape par étape, le parcours de Louis Jouvet jusqu’à son départ, en 1922, du Vieux Colombier, nourrissant son essai de faits, d’anecdotes, de citations, d’extraits de correspondance de Jouvet avec Jacques Copeau et d’autres.
Alors qu’il suit le vœu de ses parents en faisant des études de pharmacie, Jouvet devient un des principaux animateurs du Groupe d’Action d’Art qui lance en 1907 la revue La foire aux chimères et organise des spectacles. Louis Jouvet y débute comme comédien amateur et devient en 1908 le directeur du Théâtre d’Action d’Art, constitué par le groupe. Les mots d’ordre du manifeste de ce théâtre « l’œuvre est souveraine, la scène appartient au seul poète » et « faire vibrer les foules populaires à des beautés que les critiques de l’élite leur avaient défendues », guideront toujours la démarche de Jouvet.
Son don du bricolage et son refus du naturalisme l’amèneront à ce qui est la base et le principe de son travail théâtral : l’artifice est la vérité du théâtre.
Il entre chez Charles Dullin pour apprendre le métier de metteur en scène, puis en 1913 il rejoint Jacques Copeau qui vient d’inaugurer le Vieux Colombier. Jouvet y devient le régisseur général, fonction dont il dira « un valet de chambre du théâtre ».
La guerre – Jouvet et mobilisé comme infirmier au front – n’interrompra pas sa complicité avec Copeau qu’il suivra en 1917 aux États-Unis, à New York, où, avec les comédiens du Vieux Colombier ils créent The New French Theatre au Garrick Théâtre. Louis Jouvet s’affirme comme « grand architecte et mécanicien de l’univers théâtral ».
À son retour en France en 1919 il se sent de plus en plus à l’étroit au Vieux Colombier de Jacques Copeau, son maître. La séparation est inévitable. L’apprentissage est achevé, il prend sa liberté, mais en quittant le Vieux Colombier il écrira « si je le quitte c’est peut-être afin de rester plus près de lui ».
Écrit dans un style concis, clair, et savoureux cet essai se lit comme un petit roman d’aventures. On espère qu’il s’agit d’un « roman-feuilleton » en quelque sorte, car l’histoire s’arrête en 1922. On attend impatiemment la suite.
Une chronologie de Louis Jouvet, la bibliographie et une iconographie : photos, dessins des décors, complètent cet excellent ouvrage.

Irène Sadowska Guillon

Louis Jouvet
Un homme de science du théâtre
Les années d’apprentissage
par Paul Louis Mignon
Éditions de l’Amandier, 2009,135 pages, 15 €

Danses et identités

 Danses et identités
de Bombaimage.jpgy à Tokyo

  Comme le fait justement remarquer Claire Rousier qui a assuré la coordination de cet ouvrage, que sait-on en France de l’histoire de la danse en Asie et de ses évolutions? Pourtant c’est une lapalissade, il y a bien, comme en Occident, des types de danse tout à fait différents, même si nous connaissons davantage en Europe le butô, quelques danses de cour et les ballets de la Chine maoiste, ce qui est tout de même un peu court. …
  Et ce n’est pas pour rien que le premier texte de cet ouvrage collectif est signé par une danseuse pakistanaise  Sheema Kermanidont le pays a interdit aux femmes de se produire dans les spectacles de danse classique,en public, sur scène ou dans les medias, à cause de la quête d’identité culturelle voulue par le gouvernement  qui s’est méfié de l’art de la danse. Ce que soit dit en passant, n’est nullement condamné par le Coran.  Avec pour ligne idéologique, la religion islamique, et malgré l’influence des  Bhutto, père et fille,  morts assassinés, les arts du spectacle sont considérés comme hautement subversifs au Pakistan. D’autant plus que l’Etat a mis en place une série de lois  contrôlant la vie des femmes, de leur habillement jusqu’à  leur sexualité. Sheema kermani explique qu’elle essaye de remettre en cause les idéologies dominantes d’un patriarcat qui abuse de son pouvoir, l’essentiel étant pour elle de redonner  la vie à des formes anciennes aussi bien que d’en créer de nouvelles
  Il y aussi un chapitre tout à fait intéressant sur la danse contemporaine au Japon, dont on sait toute l’influence qu’elle a pu avoir en Occident et  qui, selon Uchino Tadashi, a été marquée par les années 60 d’abord puis par les années 90; la     première période  post-coloniale où,  rappelons-le, les Japonais explorèrent des territoires neufs comme l’art de la performance,  comme celles de Hijikata dès la fin des années 50. Et c’est la forme de danse dite detarame qui donna naissance au butô.La seconde période qui parait très importante et qui marque aussi un tournant fut celle de la fin des années 90 avec deux catastrophes, un terrible séisme à l’Ouest du pays et l’attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo, qui eurent des répercussions sur l’ensemble de la vie japonaise. C’est à cette époque que naquit la danse dite contemporaine qui n’appartenait ni au butô, ni à la danse moderne, et que se répandirent les concepts de « subjectivité mince « théorisés par Sakurai Keisuké. Et l’auteur de cet article fait remarquer que cette nouvelle danse, conçue comme exploration du mouvement et du corps, apparait dans une époque de flux , de chaos et /ou de transition sociétale.Le national  semblant totalement absent de cette nouvelle danse, ce qui ne signifie pas, ajoute-t-il, qu’elle ne soit pas nationaliste…
  Sunil Kothari étudie dans un remarquable chapitre la contribution d’Uday Shankar ( le frère du célèbre musicien de sitar)  aux nouvelles orientations de la danse indienne qu’il enseigna et montra aux Parisiens des années 30, puis aux Américains. avant son retour en Inde où il créa un centre culturel dans l’Himalaya, et où il chercha à émanciper la danse indienne, tout en se référant  aux grands maîtres des styles classiques comme le bharata natyam,( étudié dans un autre chapître par Avanthi Meduri) le kathakali, le manipuri ou la kathak. La danse contemporaine indienne se trouve actuellement influencée par les medias électroniques et traverse une phase de mutation comme dans les pays occidentaux mais  revendique son identité.
  Il y a également un article sur le ballet Chinois pendant la révolution culturelle tout à fait précis, et un autre sur l’art de la chorégraphie taïwanaise. Bref , ce livre de témoignages mais aussi de réflexions critiques, permet de mieux aborder la danse sur le continent asiatique et,de voir combien elle a pu jouer sur notre façon à nous Occidentaux de concevoir la danse , mais aussi de mieux percevoir son  évolution pendant la dernière moitié du XX ème siècle. Que l’on soit spécialiste ou non de la danse contemporaine, ce livre permet de faire le point et de réviser bien des idées reçues….

Philippe du Vignal

Editions du Centre national de la Danse

Yano, un artiste japonais à Paris

Yano, un artiste japonais à Paris de Chantal Aubry.


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 Chantal Aubry, qui a dirigé longtemps la rubrique culture du quotidien  La Croix a cherché et réussi à faire une sorte de portait / biographie d’Hideyuki Yano ( 1943-1988), qu’elle a découvert , quand il arriva à Paris dans les années 70, après qu’il eut quitté le Japon pour faire des études aux Etats-Unis, puisqu’il avait échoué à entrer à l’université dans son pays. Il parla donc rapidement anglais et comme beaucoup de jeunes japonais, il eut donc une double culture à la fois orientale et occidentale. C’est, au début des années 60 que naquit  la danse butô  qui s’appuyait sur les concepts de libération du corps et d’érotisme transgressif , mais , comme le rappelle  avec juste raison, Chantal Aubry,cette danse populaire théâtralisée et populaire  inspira  beaucoup Yano , même s’il prit ensuite  ses distances. Et il passera ensuite à la performance et à la mise en scène avec le Théâtre rituel qu’il fondera en 70.
  Chantal Aubry, dans deux excellents chapitres, retrace l’itinéraire de ce créateur dans ce qu’elle appelle la lumière du japonisme qui a commencé en France il y a déjà plus d’un siècle. Yano débarquer  en 73 dans un pays qui venait  de connaître cette lame de fond que fut 68 et que révéla le festival de Nancy avec, entre autres, nombre de créateurs américains dont Bob Wilson, mais aussiTadeusz Kantor, Pina Bausch et, bien entendu, le très fameux Kazuo Ohno. qui doit friser les 102 ans.  Yano  rencontra à Paris Elsa Wolliaston et Susann Buirge. C’est quelques années plus tard que les Français découvriront le fameux Eloge de l’Ombre de Tanizaki Junichiro et  Rivière Sumida de Yano qui fut créé dans le studio de Jacqueline Robinson. C’est dire que l’ époque fut particulièrement féconde pour le théâtre comme pour la danse contemporaine.
  Il y a aussi de très belles pages sur la découverte du nô , les  écrits de Zeami qui enchantèrent nos années de Sorbonne, et les marionnettes bunraku  , et les débuts du groupe Mâ , sous la direction de Yano, qui fut dans doute l’un des premiers à mélanger des danseurs issus de continents et de culture très différents. Chantal Aubry analyse ensuite les spectacles de Yano, notamment Flux-Sape en 77, avec Lila Greene et Sidonie Rochon, Géo-Chorégraphie IshtarImpair Aka écarlate,La trilogie de Salomé et Tammuz duo d’amour avec Elsa Wolliaston, pour ne citer que les plus connus.
  L’ouvrage est à la fois précis, solidement documenté, bourré de belles photos( d’Anne Nordmann en particulier) et de dessins, et très riche de  lexiques et notes en tout genre. lI permet aussi de  connaître ou de vérifier ses connaissances sur l’époque qui fut celle de Yano, et même s’il  a toutes les apparences d’une thèse bien écrite ,il se lit comme Millenium…
  Artiste aussi discret qu’ exemplaire, Yano n’a sans doute pas eu, sa vie durant, la reconnaissance qu’il aurait méritée, sans doute parce que ce fut loin d ‘être un carriériste et qu’il ne fréquenta guère les milieux institutionnels.En tout cas, le grand mérite du livre de Chantal Aubry est de réparer cette erreur et de lui redonner vie.

  Il existe très peu de documents visuels sur les spectales de Yano, à part un film conservé à la Cinémathèque de la danse sur Hana Cristal-Fleur mais Chantal Aubry,  avec l’aide du Centre national de la Danse, est en train de numériser un certain nombre d’extraits de ses spectacles . Elle signale aussi que , le 9 mars prochain ( mieux vaut prévoir, ce n’est que dans neuf mois si vous comptez bien!), aura lieu au Musée du Jeu de Paume une soirée en l’honneur de Yano.


Philippe du Vignal

 Editions du Centre national de la danse; prix 28 euros; d’accord , ce n’est pas donné mais si vous voulez connaître Yano et son époque, c’est incontournable.

L’invention du théâtre public

L’invention du théâtre public
du Vieux-Colombier à la Comédie de Saint-Étienne
La scène natale, Le public a bien joué ce soir, Jean Dasté, et après ?
Trois pièces pour raconter par Évelyne Loew et François Rancillac

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Le théâtre public français, subventionné, décentralisé, un luxe que de nombreux pays nous envient, un acquis qui va de soi aujourd’hui au point qu’on a oublié son histoire. Les jeunes comédiens ignorent souvent l’histoire du théâtre public, secteur dans lequel ils travaillent pour la plupart.
Les parcours des auteurs de l’invention du théâtre public du Vieux-Colombier à la Comédie de Saint-Étienne, héritiers de cette histoire, sont profondément ancrés dans la décentralisation : Évelyne Loew rejoint en 1977 le Théâtre du Campagnol de Jean-Claude Penchenat et François Rancillac fait ses armes au Théâtre du Peuple à Bussang, avant de codiriger avec Jean-Claude Berutti la Comédie de Saint-Étienne.
L’enjeu de leur livre était de transmettre, en passant par la forme dramatique et en convoquant sur scène les pionniers du théâtre public et de la décentralisation, de raconter l’épopée de leur combat, leur utopie d’un théâtre d’art populaire qui a transformé radicalement en France l’art théâtral, son rapport au public et à la société. Ils proposent une approche non pas d’écrivains ou d’historiens mais de praticiens du théâtre ayant l’expérience du sujet, qui restitue non pas des figures abstraites, mais des humains à la fois exceptionnels et fragiles, intransigeants et hésitants, montrés dans le quotidien de leurs combats, dans les rapports de travail parfois conflictuels.
Trois pièces, au départ indépendantes, qui retraçant les trois épisodes fondateurs du théâtre public depuis Copeau et le Vieux-Colombier de 1911 à Jean Dasté et au TNP de Jean Vilar disparu en 1971, forment un continuum.
La scène natale d’Évelyne Loew, écrite pour les Rencontres Jacques Copeau à Pernand Vergelesses, met en scène l’aventure de Cocteau et ses filiations avec Dullin et Jouvet dont les pratiques étaient des écoles irremplaçables.
Dans Le public a bien joué ce soir,  Évelyne Loew convoque en scène autour de Copeau, ses proches collaborateurs et acteurs essentiels de la gestation d’un théâtre décentralisé : Agnès Copeau, Léon Chancerel, Jean Dasté, Marie Hélène Copeau, Marguerite Cavadaski, Madeleine Gauthier, Jean Villard-Gilles.
Dans Jean Dasté, et après ?,  écrite en 2004 , pour le centième anniversaire de la naissance de Jean Dasté, François Rancillac s’attache à dégager de l’intérieur les valeurs éthiques, artistiques et politiques qui ont fondé le CDN de Saint-Étienne et à évaluer sans nostalgie cet héritage, ce qui en reste et ce qu’on en a perdu en cours de route.
Un débat autour du projet et de la démarche de Jean Dasté où se confrontent, entre autres,  des expériences, des témoignages, les points de vue d’Edmond Michelet, Ministre de la Culture de l’époque, de Roger Planchon, de Louis Jouvet, de Jean Vilar, de Pascal Ory…Que fait-on aujourd’hui de cet héritage ? Jean Dasté, et après ? est une tentative « pour répondre à ce malaise ambiant, mon propre malaise de directeur de théâtre », explique François Rancillac. Écrites à partir d’enquêtes, de documents d’archives, de correspondances, de témoignages, ces trois pièces qui tiennent de la fiction documentaire, offrent une vision infiniment plus sensible et plus profonde , que ne pourraient le faire un essai historique. Ces visionnaires ont été les  constructeurs d’un théâtre exigeant et populaire qui forme les spectateurs en dialoguant avec eux.  Les auteurs du livre interrogent le théâtre public d’aujourd’hui qui, menacé par les impératifs du marché, se laisse tenter par les compromis, en  oubliant souvent ses enjeux fondamentaux.

Une préface de Catherine Dasté et un entretien avec Évelyne Loew et François Rancillac introduisent cette traversée des démarches exemplaires  pour fabriquer le théâtre de demain. Des cahiers de photos et une postface de Christophe Allwright complètent cet ouvrage.

Irène Sadowska Guillon

L’invention du théâtre public
du Vieux-Colombier à la Comédie de Saint-Étienne
Trois pièces pour raconter d’Évelyne Loew et François Rancillac
Éditions de l’Amandier, Paris, 2009, 236 pages, 18 €

Le théâtre de rue, Un théâtre de l’échange, Textes réunis par Marcel Freydefont et Charlotte Granger

Quelque 300 pages, donc une somme retraçant à la fois l’histoire du théâtre de rue en France avec une partie d’entretiens souvent passionnants ( Michel Crespin, le fondateur du Festival d’Aurillac qui a déjà vingt deux ans), Jean-Marie Songy qui a succédé à Crespin  et retrace avec beaucoup de lucidité l’évolution de l’histoire du théâtre de rue, en particulier sous l’influence aussi discrète qu’efficace de Jean Digne. Il met notamment en garde les jeunes compagnies qui, dit-il, doivent penser à être avant tout à être pertinentes dans le fond et dans la forme, et surtout à ne pas s’empêtrer dans l’héritage. Et on le sent un peu inquiet contre  une certaine institutionnalisation…. Au risque de le décevoir, comment ne pas voir que, malgré une fraîcheur certaine, Aurillac est déjà devenu, dans un tout autre style, le cousin du Festival d’Avignon, et en a vite reproduit les structures, avec un off qui aurait accueilli cette année quelque 400 compagnies; le Festival possède maintenant des lieux fermés comme des chapiteaux et s’est développé, mais plutôt dans le bon sens; heureusement, la ville n’a pas les possibilités d’accueillir un festival plus de quelques jours, ce qui le met à l’abri de propositions culturelles plus classiques et d’une inévitable main mise de l’Etat, puisqu’il y faudrait beaucoup d’argent.   Il y a aussi un bon entretien de Freydefont avec Jean-Luc Courcoult, le metteur en scène du déjà presque légendaire Royal de Luxe qu’il a créé avec Didier Gallot-Lavallée et Véronique Loève, qui s’est baladé un partout dans le monde entier depuis les années 8O. ( Je me souviens de lui avoir donné des vêtements de 1900 pour un de leurs premiers spectacles).
  Dans une deuxième partie,Marcel Freydefont a rassemblé  nombre de témoignages  qui permettent de se faire une idée plus juste ce de ce qu’on appelle le théâtre de rue,  notamment à l’étranger avec un bon historique du Festival d’Aurillac par Charlotte Granger,  deux articles sur le théâtre de rue en Allemagne, en Belgique,  ou au Mali par Adama Traori. A retenir également , en fin de volume, une réflexion très riche, à la fois sociologique et esthétique d’Emmanuel Wallon qui rappelle avec raison que, si le monde a changé, les outils de discernement entre l’idée et ses imitations, la distinction entre des degrés de vraisemblance,des nivaux d’interprétation, des plans de représentation, tout cela n’a guère bougé depuis Platon et Aristote. Et les créateurs de théâtre de rue ne peuvent faire l’économie de ce genre de réflexion.Si le théâtre de l’Unité, dirigé par Jacques Livchine et Hervée de Lafond a eu un parcours aussi exemplaire, en particulier dans le théâtre de rue, c’est bien que toutes leurs créations ont fait l’objet d’une dramaturgie préalable très poussée.
  Bref, on l’aura compris: ce numéro de la revue Etudes Théâtrales de Louvain-la-Neuve restera pendant encore de longues années un ensemble de réflexion incontournable; c’est un peu cher: 27 euros ,mais cela vaut largement le coup.

Philippe du Vignal

 

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