Théâtres politiques (en) Mouvement (s)

Théâtres politiques (en) Mouvement (s), Textes édités par Christine Douxami, de Daniela Maria Amoroso, Christophe Annoussamy, Marine Bachelot, Marion Denizot, Christine Douxami, Julie de Faramond, Michel Fartzoff, Clare Finburgh, Silvana Garcia, Laure Garrabé, Marjorie Gaudemer, Bérénice Hamidi-Kim, Stéphane Hervé, Philippe Ivernel, Shwan Jaffar, Brigitte Joinnault, Héliane Kohler, Jean-Marc Lachaud, Ophélie Landrin, Martine Maleval, Anne Monfort et Serge Nail, Olivier Neveux, Eleni Papalexiou, Dominique Traoré.

Théâtres politiques (en) Mouvement (s) dans analyse de livre 1ere-Couv-Theatres-petiteCet ouvrage présente  de nombreux  concepts et  réalités, des géographies diverses, et cherche ses définitions : théâtre engagé, militant, ethnique, populaire, de résistance ou de dénonciation. Christine Douxami, maître de conférences en Arts du spectacle à l’Université de Franche Comté et chercheuse à l’EHESS s’intéresse particulièrement aux théâtres noirs du Brésil, des Afrique(s), de la diaspora ainsi qu’aux théâtres populaires du monde lusophone, une vingtaine de chercheurs donnent leur angle de vue sur le lien entre théâtre et politique.

La première partie De l’expérience passée aux concepts actuels, traverse le temps. Elle a pour point de départ la tragédie grecque qui, par sa mise à distance de la politique permet « une réflexion sur le politique et sa valeur dans la vie des hommes ».

Puis le XXè siècle déroule ses étapes les plus significatives : sous la IIIè République, le théâtre est outil de propagande pour les militants révolutionnaires qui détournent la censure, avec habileté. Dans les années vingt, en France comme à Weimar, l’agit-prop construit son vocabulaire, l’allégorie en fait partie. Oswald de Andrade, chef de file de la philosophie anthropophage au Brésil, s’en empare.
L’impact de mai 68 sur la création théâtrale en France, qui investit la rue, les usines, les places et les cafés, est ensuite au cœur du sujet. L’après 68 ouvre sur les expressions militantes de groupes amateurs, sur le théâtre d’intervention. La notion d’engagement et l’insertion du vécu y priment.
La dépolitisation du champ social et théâtral transforme ensuite les « dramaturgies du combat » en « dramaturgies du constat » avec l’émergence de nouvelles formes, comme le théâtre du témoignage ou le théâtre documentaire.
Placés sous le signe de la fascination et de la défiance réciproques, les termes de l’échange entre théâtre et politique se déclinent en trois temps : le refus de l’intervention publique au XIXè ; l’appel à l’Etat avec Romain Rolland qui accompagne la naissance du théâtre populaire ; la réconciliation, et l’émergence du concept de théâtre public sous l’égide de Jeanne Laurent qui structure l’intervention publique, dans le respect de la liberté de l’artiste.
La seconde partie, Nouvelles revendications et enjeux artistiques du théâtre politique propose un tour du monde des théâtres engagés et politiques. L’exil, la quête identitaire, la voix des minorités, les revendications, le multiculturalisme, en sont les mots clés.
Les chicanos mexicains, s’inspirent du célèbre théâtre d’intervention El Campesino et développent les méthodes du théâtre spontané, les performances et installations ; ils font revivre les figures légendaires mexicaines et explorent les relations entre Mexique et Etats-Unis. Les formes populaires du Brésil, comme le cavalo-marinho de l’Etat du Pernambuco, au nord-est dont Recife est capitale, témoignent de la tradition spectaculaire jouée par les travailleurs de la canne à sucre qui associent danse, jeu d’acteur et musique ; comme celle de la Samba-de-Roda, de la région de Bahia qui mêle les notions de diaspora africaine et de modernité ou encore comme la démarche du Théâtre du Vertige, qui inscrit ses spectacles dans la topographie de Sao Paulo. La problématique des émigrés indo-pakistanais dans leur recherche d’identité, en Grande-Bretagne et le reflet qu’ils donnent de la société anglaise est évoquée, ainsi que la représentation du terrorisme dont se sont emparés les artistes, en écho au 11 septembre. Le théâtre kurde d’Irak, – hérité du Tazieh, forme rituelle et religieuse – bien ancré dans une tradition théâtrale en mouvement, mène ses combats. Les enjeux des dramaturgies africaines et la question de l’engagement sont posés. Enfin, l’influence du théâtre grec dans la parole pasolinienne, forme rituelle idéale, provocatrice et radicale, sont autant d’éléments rassemblés et nourrissent la réflexion sur le concept du politique dans le théâtre.
De nombreux exemples de pièces, expressions théâtrales et compagnies engagées dans l’énonciation et la dénonciation des oppressions, la défense des libertés, des minorités, des exilés, maillent cet ouvrage de référence qui couvre un champ des plus vastes. Cette belle somme de travail, interroge la subversion et témoigne d’alliances et mésalliances entre l’art théâtral et le politique, dont Piscator et Meyerhold furent les précurseurs. La diversité des formes populaires dont elle témoigne, urbaines et rurales, issues d’espaces géographiques, historiques, politiques et poétiques si différents, parle de démocratisation culturelle. Les périodes agitées sont propices, comme le dit Jacques Rancière, à « une forme de circulation entre les pratiques de la performance artistique et celles de l’action politique ».
Un DVD accompagne la publication : lectures, petites formes et performances sont les traces des travaux présentés lors du Colloque international de l’Université de Franche-Comté qui s’était tenu en avril 2007, sur le thème Théâtres politiques.

 

Brigitte Rémer

Ouvrage publié avec le concours du Centre Jacques-Petit, du Pôle Arts de l’Université de Franche-Comté, du Conseil Régional de Franche-Comté. Editions Presses universitaires de Franche-Comté, Les Cahiers de la MSHE Ledoux,
Collection Normes, Pratiques et Savoirs n°6, et DVD réalisé par Philippe Degaille.

 


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Le Chasseur et le gibier

Le Chasseur et le gibier, Notes sur le théâtre de David Mamet, traduction de l’anglais de Marie Pecorari.

 

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Dans ce petit livre iconoclaste, Mamet nous met  en garde : « Un certain nombre d’observations et de suggestions présentées dans cet ouvrage pourraient passer pour hérétiques ».
Vingt-six chapitres, séquences, ou articles, appelés
essais, indépendants les uns des autres évoquent d’emblée, le théâtre (Le foyer des artistes, Mettre en scène au théâtre, La culture théâtrale, Le metteur en scène comme illusion), ou sont plus opaques  (La Vrille fatale, Instincts de Chasse, La Cabine de bains). Décodage à la libre appréciation du lecteur…


Russe, Mamet  est venu  étudier et travailler aux Etats-Unis, mais  se réfère à  Stanislavski et sa méthode, ainsi qu’à Meyerhold, et  Tchekov dont il s’est nourri. Il cite aussi son professeur américain Sandford Meisner du Group Theatre, évoque Broadway  dont le public va au théâtre comme on va au parc d’attraction. Pour lui, « L’acteur stanislavskien, l’acteur meisnerien ou l’acteur de la Méthode n’existent pas. Il y a des acteurs (plus ou moins doués) et des non-acteurs ». Il survole en cent dix huit pages l’écriture, la formation, l’acteur, la mise en scène et les publics, sa pensée est dispersée, voire pointilliste. S’il insiste sur la notion de plaisir que recherche le spectateur, il milite pour l’appel à l’imagination, démonte les mécanismes de la construction dramatique, de l’apprentissage, du jeu, du spectacle, sans grande révélation ni véritable argumentation.
Ainsi le parallèle assez nébuleux qu’il fait avec la chasse : « C’est là le paradoxe évident de l’écriture dramatique. Il ne s’agit pas de communiquer des idées, mais plutôt d’inculquer au public les instincts de chasse. Ces instincts précèdent et, dans les moments de stress, se substituent au processus verbal ; ils sont spontanés et plus puissants que l’assimilation d’une idée ». Pour lui, la fable est essentielle et le dramaturge « doit faire en sorte que le public se demande ce qui va arriver ensuite ».

Plus intéressante, sa réflexion sur les liens entre théâtre et tendances totalitaires: il rappelle que Stanislavski vécut sous la dictature du Tsar  puis des Bolcheviks et que « sa capacité à mettre en scène des œuvres douées d’un véritable contenu – c’est-à-dire des œuvres traitant des fondations de la vie humaine : la perte, le désir, la peur, l’avidité, et de leurs conséquences – était limitée par les interventions à la fois réelles et potentielles de la censure ».
Le théâtre doit-il être politique? « Absolument pas, dit-il,  le travail du théâtre, c’est d’enquêter sur la condition humaine. Celle-ci est tragique : nous sommes condamnés par notre nature même ; et comique, nous sommes condamnés par notre nature même, mais la grâce existe ». Sa recension des grandes pièces américaines « qui ont aussi en commun un attachement à la forme dramatique » est bien courte,  ce qui lui permet un mouvement de balancier entre poésies dramatiques et chefs-d’œuvre poétiques.


Pour Mamet, le thème de la formation tourne en boucle : « Au-delà des conseils prodigués à l’acteur (corriger sa diction et sa posture, se tenir tranquille, dire son texte, éviter de gesticuler, et avoir une idée générale de la nature de la scène), un professeur ne peut rien faire et un metteur en scène pas beaucoup plus. Le professeur de l’acteur, après, c’est le public, qui dispensera des leçons rapides, brutales et sans appel ».
Et il insiste : «la majorité des apprentis-acteurs n’apprendra jamais à jouer ». L’acteur sera inné ou ne sera pas. Il reçoit un don « qu’il faut respecter et que, dans une large mesure, il ne contrôle pas ». Son vrai talent et vrai travail « c’est d’habiter – quel que soit le sens qu’ait l’expression pour lui – le rôle. Rester tranquille et dire le texte afin de parvenir à s’approcher de l’objectif indiqué par l’auteur. C’est tout ». L’art de la scène ne s’apprend donc « que sur scène, face à (devant) un public payant ». Le pédagogue conseille aux acteurs « d’enchaîner », de « ne jamais s’excuser lors des saluts », de « ne pas rire, ne pas pleurer », et de…« toujours avoir son portefeuille sur soi ».

Puis c’est au tour du metteur en scène d’être haché menu : « Les acteurs laissés à eux-mêmes sont généralement des metteurs en scène supérieurs à ceux dont c’est le métier, à quelques exceptions près. Pourquoi ? Parce que les acteurs n’oublient jamais ce dont la plupart des metteurs en scène ne prennent jamais conscience : que le but de la mise en scène est d’attirer l’attention du public sur celui qui parle ». La tâche du bon metteur en scène, dit-il, « revient alors à diriger l’attention du public à l’aide de la disposition des acteurs, de la vitesse et du rythme de la présentation ».

Le metteur en scène ressemble davantage à un entraîneur qu’à un chorégraphe, « un malaise autodestructeur s’emparera de l’acteur s’il se lance dans un discours théorique ou alambiqué », et il parle de l’inutilité générale des répétitions. « Telle qu’elle est généralement pratiquée en Occident, la répétition est une forme accoutumante de thérapie de groupe », qui renvoie à la confession collective, aspect essentiel du Parti Communiste américain ». C.q.f.d. : « Je crois que la mise en scène ressemble beaucoup à l’écriture : il s’agit de raconter une histoire. Quand on écrit, on se sert des mots. Quand on met en scène, on se sert des acteurs qui se servent des mots ».


Le public lui : « ne demande qu’à être diverti ». Et Mamet évoque deux conditions qu’il doit remplir pour qu’il y ait échange théâtral réel : (1) venir pour son plaisir (2) payer sa place. Si le public est corrompu (c’est-à-dire influencé par autre chose que sa recherche de plaisir), il n’est pas en mesure de participer à l’échange ». 

Un public d’abonnés est donc  « un public épouvantable. Il est presque toujours sinistre. Pourquoi ? On l’a traîné hors de chez lui, ce qui exclut toute aventure et toute histoire d’amour ».
Quant aux subventions, « logiquement monopolisées par les structures artistiques qui ont une tradition de succès artistique (critère subjectif) et de longévité (critère objectif) », elles « ne sont donc pas attribuées (et ne
peuvent pas l’être) dans les moments de véritable besoin, la période des débuts de la vie productive d’un individu ou d’une structure », elles sont distribuées « par des comités et les membres du comité sont choisis par des comités. Il faut donc trouver un consensus, c’est-à-dire un compromis lié à des choix ».
Mamet parle aussi des équipes d’organisation : « L’argent, aux yeux de l’administrateur et de ses partisans, a été obtenu non pas grâce à l’excellence des spectacles mais grâce aux efforts de l’équipe d’administrateurs. Les fonds attendus serviront donc évidemment à agrandir l’équipe d’administrateurs… En ce moment, dans le monde du spectacle, on assiste à la naissance et au développement de différentes actions : auprès du jeune public, en faveur de la diversité, accompagnement, école de théâtre, etc. Quel rôle est laissé au directeur artistique » ?


Bref, Mamet livre
ses vérités : « L’objectif du théâtre n’est pas d’instruire, de rendre meilleur, de disserter. C’est de divertir ». Fort en arabesques, il tire  très vite la porte sur lui avec une volonté d’originalité radicale qui se transforme, pour le lecteur, en déconvenue et ennui. Et quand il dit que « les prévenances et les manipulations de ces seconds couteaux, les théoriciens – parmi lesquels je m’inclus – qui sont les conducteurs du train mais croient en être les ingénieurs, ne servent à rien », on referme la page et on passe à autre chose.

Brigitte Rémer.

 

Editions de l’Arche, avec le soutien du CNL, mai 2012.

Klaus Michael Grüber

 

Klaus Michael Grüber – Ouvrage publié par le Théâtre National de Strasbourg.

Klaus Michael Grüber  dans analyse de livre Klaus-Michael-Grueber_illustrationAprès la soirée d’inauguration de l’Espace Klaus-Michael Grüber le 17 octobre 2010 à Strasbourg, Julie Brochen, directrice du TNS et Fanny Mentré, metteuse en scène, avec toute l’équipe du Théâtre, décident de publier un ouvrage accompagné d’un CD, illustré par les photos de Ruth Walz, consacré au grand metteur en scène allemand trop tôt disparu (1941- 2008). Lors de l’inauguration, nombre des amis artistes de Grüber se réunissent dans ce lieu portant désormais son nom; une occasion rêvée d’évoquer son travail, ou simplement d’être là pour la soirée de mémoire. Les interventions sont multiples et pertinentes, qu’il s’agisse de théâtre ou bien d’opéra. Que dire de Grüber, si ce n’est qu’il est l’un des grands metteurs en scène de la fin du vingtième siècle européen et du tout début vingt-et-unième, ses mises en scène faisant définitivement référence dans l’histoire du théâtre ? En France, on se souvient avec émotion de Bérénice de Racine avec la mystérieuse Ludmila Mikaël, avec Richard Fontana et Marcel Bozonnet, à la Comédie –Française (1984). Les images inoubliables sont revivifiées par les propos de Jean-Pierre Vincent, de Muriel Mayette, d’Éric Vigner et de Jean-Pierre Thibaudat. On se souvient également du Récit de la servante Zerline d’après Les Irresponsables de Hermann Broch aux Bouffes du Nord (1986) avec l’énigmatique Jeanne Moreau, en petite robe noire, coiffe et tablier blancs. André Marcon joue dans La Mort de Danton de Büchner au Théâtre des Amandiers de Nanterre (1989). Et André Wilms également, qui nous aide à retrouver le temps perdu dans le Faust Salpêtrière d’après Goethe à la Chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière (1975) et dans Le Pôle de Nabokov à la Schaubühne de Berlin (1996). Michel Piccoli quant à lui, a travaillé avec Grüber sur À propos des Géants de la montagne d’après Les Géants de la montagne de Pirandello au CNAD (1998). Les peintres Eduardo Arroyo et Francis Biras évoquent aussi leurs nombreuses collaborations avec Grüber ; de même, le scénographe et costumier Rudy Sabounghi. Quant à Luc Bondy, entre autres collaborations, il a co-produit Roberto Zucco de Bernard-Marie Koltès à l’Akademietheater de Vienne (2001). Et l’acteur allemand Bruno Ganz est un interprète privilégié dans les mises en scène de théâtre et d’opéra : Les Légendes de la forêt viennoise de Ödön von Horvath (1972), Les Bacchantes d’Euripide (1974), Mère blafarde, tendre soeur de Semprun (1995), Le Pôle de Nabokov (1996) et Oedipe à Colone de Sophocle (2003). Peter Stein encore, directeur de la Shaubühne de Berlin de 1970 à 1987, invite Grüber au sein de son équipe artistique, accompagnant les dramaturges Dieter Sturm et Botho Strauss, les comédiens Bruno Ganz, Edith Clever et Jutta Lampe. Enfin, Stéphane Lissner, directeur de la Scala de Milan, invite le metteur en scène allemand au Châtelet de Paris qu’il dirige pour y créer La Traviata, opéra de Verdi, sous la direction de Antonio Papano (1993). On peut lire encore les propos passionnés de Ellen Hammer, metteur en scène, longtemps assistante et dramaturge de Grüber. Pour illustrer l’ouvrage, des photos de Hannah Schygulla, de Angela Winkler, quelques musiques du violoniste et compositeur Ami Flammer, une lettre manuscrite du comédien Otto Sander et de Bruno Ganz. Avec le théâtre pour seul bagage, Grüber va de l’Italie à l’Allemagne en passant par la France où il s’arrêtera enfin, habitant de Belle-Ile-en-Mer, en proximité avec les mouvements de l’océan, les mouvements naturels de l’âme. Son monde est aussi celui de ses amis, les comédiens et les chanteurs, tous humbles mais serviteurs magistraux de la peinture, de la littérature, de la musique, de la philosophie et du théâtre. Un précieux compte-rendu de l’esprit et de l’art vivant d’un maître.

Véronique hotte

Le théâtre de Kossi Efoui

Le théâtre de Kossi Efoui: Une poétique du marronnage sous la direction de Sylvie Chalaye
«la question de l’espace vide n’est pas une question moderne, elle nous renvoie au corps du conteur». Kossi Efoui

 

Le lancement de cLe théâtre de Kossi Efoui dans analyse de livre Bre numéro spécial de la revue Africultures consacrée au théâtre de Kossi Efoui, a réuni chercheurs et praticiens pour une table ronde autour de l’auteur, au Musée Dapper,
Voisins anonymes, présenté par Le Théâtre inutile (mise en scène de Nicolas Saelens, avec  Ludovic Darras) précédait  un dialogue entre participants. La projection du film Io à Lubumbashi (réalisatio
n : Pénélope Dechaufour et Jeanne Lachèze), l’a  clôturé.
A la base de l’ouvrage, un colloque organisé par Sylvie Chalaye, en février 2010, avec le Laboratoire Scènes francophones et écritures de l’altérité.
Le théâtre de Kossi Efoui : une poétique du marronnage est pour elle une « réflexion autour de l’œuvre du dramaturge togolais, l’occasion d’interroger ce concept de « maronnage créateur«  formulé en particulier par Edouard Glissant, et de revenir sur les débuts des nouvelles dramaturgies d’Afrique et des diasporas ».
Kossi Efoui vit en France depuis vingt ans. Il a écrit quatre romans (dont Solo d’un revenant en 2008, qui obtient l’année suivante le Prix des Cinq Continents et L’ombre des choses, en 2011), des nouvelles et une quinzaine de pièces (dont Le corps liquide en 1998, Volatiles en 2006, Le choix des ancêtres, en 2011). Il obtient le Prix RFI en 1990 pour Le Carrefour. « Le théâtre de Kossi Efoui est une réinvention constante. Les lieux à la fois repliés s
ur eux-mêmes et ouverts à tous les possibles constituent une mise en abîme théâtrale que les processus de ré-écriture viennent accentuer » écrit Bassidiki Kamagaté (Université de Bouaké).
Kossi Efoui définit le « marronnage » comme « la ruse de la raison et la persistance de l’inattaquable en l’homme », comme « un moyen de résistance qui permet de s’évader, de faire la belle, corporellement ». Et il met en parallèle le blues : « Comment se fait-il que le blues, rit ? »
A l’intersection des mondes romanesque, dramaturgique et cinématographique, le ton  de Kossi Efoui frappe. « Le roman est comme un poème », dit Boniface Mongo-Mboussa. Pour Ramcy Kabuya, l’auteur travaille sur la notion de rupture et de « violence en creux ». Il parle de « marronnage institutionnel » car on ne le trouve pas là où on l’attend, sur les thèmes de la pauvreté, la misère, l’exotisme ou la violence, il utilise plutôt la ruse. La violence est feutrée. Il y a de la bonhomie dans son écriture. Son travail sur l’espace théâtral touche au concret, au scénique autant qu’au mental, aux limites. « Rien n’est acquis dit Paul Balagué, il questionne l’espace, le lieu et le récit ».
La référence donnée est celle de Sony Labou Tansi, « une écriture de la désillusion ». L’influence de ce grand auteur congolais est telle qu’on parle d’avant et d’après Labou Tansi. Les deux sont dramaturges. Chez Kossi Efoui, les mémoires sont écartelées, « on est dans des carrefours, des ruines, des endroits défaits » note Mongo-Mboussa.
Les Africains, dans le théâtre, cherchent le message, et la question de la réception est entière. Pour Nicolas Saelens, se pose la question de la représentation. Il y répond, dans le spectacle qu’il a présenté, en introduisant l’objet, la marionnette, la sculpture, en l’occurrence, un manteau sculpture, véritable partenaire pour le comédien. « La réinvention des formes et le déplacement des enjeux qui s’opèrent au sein des œuvres de Kossi Efoui posent avec acuité le problème de la réception des drames africains. Il ressort des différentes problématiques que soulèvent ses œuvres, le besoin pressant de donner d’autres marques aux théâtres africains » dit Edwige Gbouablé, (Université de Cocody-Abidjan).
Sylvie Chalaye parle de la question du corps et de l’espace, du « marronnage » au sens premier, quand l’esclave quitte l’espace de la protection, pour l’ailleurs, pour construire un territoire rêvé. « Le théâtre, dit-elle, permet de convoquer les âmes mortes, les rêves fantasmés, et de vivre ensemble ».
Quatre parties dans cet ouvrage : « Rupture et Subversion, Exil et Errance, Rythme corps et voix, Un théâtre de l’envol » et de très intéressantes photos des pièces  de Kossi Efoui montées en Afrique comme en France. C’est un voyage, une somme de travail, la confrontation de points de vue, et l’entrée dans un univers magique, poétique, subversif et humain.

Brigitte Rémer

La table ronde du 12 mai  était animée par Pénélope Dechaufour, en présence de Kossi Efoui, Nicolas Saelens (metteur en scène), Paul Balagué  et Sylvie-Chalaye( Paris 3-Sorbonne Nouvelle), , Ramcy Kabuya (Université de Lorraine, Université de Lubumbashi), Boniface Mongo-Mboussa (Africultures).

*Africultures n° 86, mai 2012; Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle – Laboratoire SeFeA/Institut de Recherches en études théâtrales, éditions de L’Harmattan.

Quoi quoi et Quoique de François Joxe

Quoi quoi et Quoique de François Joxe dans analyse de livre JoxeQuoi quoi et Quoique de François Joxe.

 9782296562912j dans analyse de livreIl y a trois ans, François Joxe avait joué en solo Avant-dernières Salutations où il racontait avec beaucoup de finesse et d’humour son parcours atypique,  notamment comme comédien au Théâtre du Soleil et dans la compagnie Renaud-Barrault puis comme metteur en scène et directeur du Festival de Gavarnie; le spectacle avait connu le succès et  lui avait valu une belle reconnaissance. François Joxe publie aujourd’hui une sorte de dialogue en trois épisodes entre un homme et une femme à trois moments  de la vie: d’abord, à l’âge qu’on disait  mûr autrefois, elle a 45 ans et lui 50.
Ni jeunes ni vieux donc mais avec pas mal d’années de couple derrière eux. Ils ne se sont pas vus  vieillir comme on dit, se comprennent à demi-mots,  se taquinent, se chamaillent. Alors le ton monte et les mots les plus crus volent en escadrille, parfois même assez cyniques. Toujours à propos des mêmes choses mais surtout  des relations homme/femme.

 On les retrouve tous les deux pour le second épisode dansa chambrette à lui; mais flash-back comme on dit en français, ils ont tous les deux vingt ans et déjà percent chez lui les premier symptôme d’une bonne crise de jalousie. Quant au troisième épisode, c’est évidemment le plus grinçant: ils ont tous les deux 70 ans et donc un demi-siècle de vie commune. C’est incontestable mais ils n’arrivent pas vraiment à y croire,  ces parents d’Anne, Justine et Corinne, et d’ un garçon. Cela finit sur un adagio de Schubert, peut-être un peu convenu.
 Reste à mettre en scène ce dialogue à la fois si dénué de prétentions et si raffiné dans l’expression, mais là, François Joxe ne donne aucune recette… Prendre les mêmes acteurs? C’est à la fois plus simple, et terriblement compliqué,  si on ne veut pas tomber dans la caricature, surtout quand il faut passer de 20 ans, que les acteurs n’ont pas  à 70 ans.. Mais l’inverse n’est pas non plus possible.. Ou bien, prendre trois couples à l’âge précisément indiqué dans les didascalies: ce qui n’est pas très évident sur le plan dramaturgique et , en ces temps de rigueur budgétaire, c’est du domaine du pari impossible, surtout quand il s’agit d’une pièce assez courte.
 Pour Quoique, ce monologue pour un acteur reprend le thème de la conférence-souvent utilisé au théâtre- prononcé par un universitaire sur le thème du couple et de la parité homme/femme qui revient aujourd’hui comme un vieux leit-motiv inusable, jusque dans le débat politique. Provocations, cynisme, sarcasmes déclinés en tout genre, l’écriture de ce monologue est du genre plutôt brillant. Ce ne sont pas Les méfaits du tabac évoqués par Tchekov mais ceux issus des malentendus dans les relations homme/femme. On pense à ce fameux dessin de Claire Brétécher où une jeune femme préfère tabasser un beau jeune homme qui vient de lui dépanner gentiment sa voiture, au motif qu’elle le trouve trop exceptionnel pour qu’une autre puisse en profiter. Ce monologue à la Dubillard, un peu long et appuyé parfois,  devrait tout de même faire le bonheur de nombreux apprentis-comédiens…

Philippe du Vignal

Théâtres L’Harmattan. 60 pages.Prix: 10 €

Culture(s) forces et défis du 21ème siècle

 Culture(s) forces et défis du 21ème siècle sous la direction de François Adibi et Christophe Galent

Culture(s) forces et défis du 21ème siècle  dans analyse de livre logoRéinventer un monde habitable: Les acteurs du secteur culturel dont plusieurs collectifs, tous statuts réunis, ont planché sur la refondation des politiques culturelles, en ces temps de rupture, alors que notre système de valeurs et nos expériences, lentement sédimentées, s’effritent.

La première partie, « Des forces de la création… », interroge les filières des industries culturelles (cinéma, musique, audiovisuel, livre et édition) et des biens culturels (spectacle vivant, arts plastiques, arts numériques et patrimoine). Le champ des industries culturelles, entre économie et art, est porteur d’emplois, un certain nombre d’études l’ont démontré. Il demande ajustements et nouvelles régulations pour s’adapter à l’ère du numérique (dont la révision de la Loi Hadopi). Du côté du cinéma, les modes de financements du film français et son soutien aux cinématographies du monde, l’engagement des réalisateurs et producteurs, le cinéma d’auteur, en font sa force et sa fragilité. Le CNC a valeur d’exemple pour la création d’un Centre National de la Musique, contrant la crise de la filière musicale.

Le collectif qui s’exprime pour l’audiovisuel reconnaît le flou des missions et la crise d’identité, dénonce la nomination des PDG par le pouvoir politique et le peu de place laissé au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, parle de redéfinition des missions.

Quant au domaine du livre et de l’édition, les auteurs relèvent le manque de vision stratégique et énoncent cinq grands défis : la pédagogie, l’indépendance (avec une focale sur l’avenir des librairies), l’innovation (et la promotion des partenariats public-privé), les droits d’auteurs, la préservation des œuvres par leur numérisation.

Comme pour les industries culturelles, le recensement des biens culturels entraîne questions et propositions. Le spectacle vivant a longtemps vécu sur l’actif des années Lang, mais sa vitalité s’est tassée, (remise en cause du statut de l’intermittence, baisse des revenus, précarisation de l’emploi). Les mots clés: mutualisation des savoirs, des expériences et des moyens, formation et qualification des acteurs, développement à l’international, financements croisés Etat-collectivités territoriales. La nécessité d’une loi de programmation pluri-annuelle devient indispensable, note le collectif, pour donner aux lieux et aux compagnies, un horizon.

Et, au-delà de la question des méthodes et de l’infrastructure, celle du sens est récurrente : redonner du sens aux actions, c’est-à-dire re-fonder le dialogue entre les artistes et la société, aller vers, travailler hors-les murs, élargir les publics, notamment dans le contexte rural et péri-urbain, dans l’espace scolaire (10% de la population fréquente les salles de spectacle), et se poser de manière permanente, la question, vitale, de la place de l’artiste dans la société.

La consultation lancée au printemps 2011 dans le domaine des arts plastiques, parent pauvre du ministère de la Culture note le collectif interrogé, avait donné espoir aux intervenants de la filière (artistes, directeurs d’institutions, commissaires d’expositions, critiques d’art, galeristes). Elle fut suivie de peu d’effets en termes de propositions, alors même que la demande des publics augmente. Le collectif demande le renforcement de l’action en région par, notamment, la création d’ateliers logements, la promotion des artistes, l’appui sur les acteurs privés, le soutien aux galeries, le développement de l’import-export, tout en remarquant l’absence d’une structure souple à la manière du British Council, pour les échanges internationaux.

Le constat d’une nécessaire évolution des pratiques culturelles due au développement des nouvelles technologies, la notion de création dans tous les domaines, majeurs et mineurs, dont les jeux vidéo, l’art des flux, l’art en réseau (internet et mobiles) qui font aussi partie de la vie quotidienne depuis une quinzaine d’années, l’effacement des frontières entre réel et virtuel, les droits d’auteurs sont  autant de thèmes énoncés dans ce tour d’horizon.

L’ouvrage pose aussi la question de la pertinence, dans le domaine du patrimoine (matériel et immatériel) et celui de la validité scientifique de la restauration. Secteur porteur d’identité et de mémoire, il est difficile à médiatiser et pèse en termes financiers. Ses auteurs proposent de revisiter la répartition des compétences entre Etat, collectivités locales, particuliers, de revoir les niveaux de protection, dans un contexte de développement durable et d’écologie et compte-tenu des enjeux du tourisme.

Une seconde partie… »Aux défis du XXIème siècle… » pose la question du sens, du goût du vivre ensemble et se fait l’écho d’une fraternité retrouvée  : « Un art de la relation émerge, le onzième art , avec une référence à l’éducation populaire, à la société plurielle, au respect des cultures urbaines, à ceux que l’on n’entend pas :gens ordinaires, publics défavorisés, en souffrance. Les auteurs tablent sur le degré d’inventivité des artistes, le travail à l’échelle du quartier, la recherche de nouveaux liens, pour réinventer un espace public et « compenser par le tissage ce que l’économie déchire ».Ils proposent de mettre l’accent sur ce qu’ils appellent une troisième voie qui renvoie aux collectifs d’artistes, aux coopératives.

Une soixantaine d’acteurs culturels ont signé ces « Scénarios de refondations pour une République culturelle et la reconnaissance d’un tiers secteur culturel ». Prise en charge de micro-projets culturels d’initiative citoyenne, reconnaissance d’un espace public où s’ancre le spectacle vivant, prise en compte de l’expérience de terrain par les politiques et dans les instances représentatives, définition d’un minimum social pour les acteurs de la vie culturelle dont le postulat est « de ne pas perdre sa vie à la gagner mais plutôt produire du symbolique pour ne pas mourir », attention des pouvoirs publics au terreau que fabrique la société et ré-orientation des institutions face à la crise, telles sont les propositions les plus fortes…

Les relations Nord-Sud- et Sud-Nord enfin sont envisagées sous l’angle de la conversation des cultures. La diversité deviendrait la question centrale d’un nouvel imaginaire politique dont la clé repose sur la vérité et la réconciliation suite aux colonisations, sur l’équilibre des dispositifs et des actions,. Franz Fanon, Edouard Glissant, font figure de référence dans cette invitation à réfléchir sur une société, la nôtre, dans laquelle la laïcité est ré-affirmée.

Le dernier chapitre, « Une aventure commune », reconnaissant l’héritage de Malraux en son temps, énonce, à partir des éléments collectés par les différents groupes de réflexion, treize mesures dont une loi de programmation pour une action inscrite dans la durée, véritable chemin de fer pour une intervention publique revisitée, un manifeste.
Culture(s) forces et défis du 21ème siècle est un plaidoyer pour la culture, une interpellation pour construire une autre gouvernance et restaurer le lien social, un profil de poste pour le/la prochain/e ministre de la Culture, et des outils pour restaurer notre société fragmentée au sens où Michel Wievorka l’entend, le liant à la crise de l’Etat-Nation. Nous ne sommes pas dans le discours scientifique mais sur le terrain, recentrant le débat sur le sens, le prix des choses sans prix selon Jean Duvignaud, sociologue et poète. Pas d’unité de ton comme l’annonçait la préface, un assemblage où tout est vital, une fierté retrouvée. « Mon Art serait de vivre », disait Marcel Duchamp.

Brigitte Rémer

Editions Altaïr Think Tank cultures médias, coordination éditoriale Le Publieur

 

 

Electr et Prot, Roméo et Juliette du Cosmos

Electr & Prot, Roméo et Juliette du Cosmos, de Georges Bonnaud.

Electr et Prot, Roméo et Juliette du Cosmos dans analyse de livre 9782296568754r-193x300Le livre regroupe plusieurs  pièces qui ont pour objet la « vie et la transposition théâtrale d’un électron et d’un proton » : Patience dans l’azur, L’animal de l’aube et Tête à tête. Le couple Electr-Prot représente ainsi le premier atome d’hydrogène léger, évoluant sur scène sous le regard attentif du professeur Lastro et de son assistant Neut (pour Neutron, bien sûr!) … Tout ce beau monde s’évertue à raconter au spectateur les règles scientifiques qui régissent l’univers.
La première pièce est l’adaptation théâtrale d’un ouvrage d’ Hubert Reeves qui porte le même titre Patience dans l’azur et  qui fut créée en 1983. Les autres tirent leur inspiration d’ouvrages scientifiques traitant de l’origine de l’espèce humaine (L’animal de l’aube),  ou du cerveau humain (Tête à tête).
Pour mener à bien son entreprise de vulgarisation scientifique, Georges Bonnaud utilise les outils du cirque : Electr et Prot sont acrobates, jongleurs, avec un jeu fondé sur les techniques du clown. Ces déambulations burlesques sont volontairement en décalage avec le sérieux du discours scientifique, que l’auteur tente d’estomper à grand renfort de jeux de mots.
C’est un peu facile et finit par alourdir la farce; et la simplification du discours par l’élision des pronoms sonne faux. Les dispersions acrobatiques, la bêtise des clowns et leur bouffonnerie agacent et font perdre à la pièce tout fil directeur et toute structure logique. Si bien que le lecteur est vite épuisé. Victimes de répétitions et de déconstructions incessantes, les mots, loin de clarifier le discours, en viennent à perdre leur sens.

La formule a pu-et encore!- fonctionner dans les années 1980, mais plus aujourd’hui.
Le livre rassemble aussi d’autres pièces qui ont le même but de vulgarisation scientifique mais avec d’autres personnages et dans un style qui se veut plus inspiré de la tragédie et du théâtre historique : Dionysos 238, La Mesure en tout droit et Orion lumières.
Mais la méthode reste la même… et n’entraîne pas plus le lecteur!

Elise Blanc

Editions de L’Harmattan 30 euros

Costumes de scènes

A travers les collections du Centre National du Costume de Scène de Claude Fauque.

  En 1930, Nathalia Gontcharova, créatrice de costumes et décors pour les ballets Russes de Serge Diaghilew écrit à propos du costume théâtral : « Le costume et le décor créent tous deux l’aspect matériel et l’atmosphère psychologique de la scène, avant même que se produise le geste de l’artiste ou que se fasse entendre sa voix. Le costume théâtral habille le corps de l’artiste. Il lui permet de créer par le geste, la forme visible du personnage, de son caractère et de son esprit ». Le mot « costume théâtral » apparaît à la deuxième moitié du XVIII ème siècle, il comprend le costume lui même avec ses accessoires, chapeaux, gants, masque, bijoux et chaussures. Le costume de scène est le seul et dernier témoin de  la  vie de l’œuvrCostumes de scènes dans analyse de livre costumee éphémère  sur le plateau.
Après la disparition des grands costumiers  comme la Maison Boyer  en 1994, seules trois grandes institutions en France ont conservé et entretenu leurs costumes. La Bibliothèque Nationale crée en 1976 un département Arts du spectacle,  héritage du fond d’un collectionneur M. Rondel qui avait réuni 800 000 pièces  concernant les Arts du spectacle dont des textes, des photos, des dessins, des maquettes de décors et des costumes.
L’Opéra de Paris créé en 1669 ,a , depuis Napoléon III, un fond de costumes de scène. A partir de 1994 une vraie politique de ses 100 000 costumes  a été instaurée, ceux-ci sont triés, identifiés et conservé et le surplus est mis en vente.
La Comédie Française conserve depuis sa création en 1680 un riche patrimoine de costumes. En 2006 le Centre National de Costumes de Scène (CNCS) est inauguré à Moulins, sous la direction de Martine Kahane et la présidence de Christian Lacroix, qui ont collaboré à ce livre avec Claude Fauque, consultant en musicologie et spécialiste de l’histoire du textile. Ce centre est situé dans les 7000 m2 d’une ancienne caserne classée monument historique, et a pour mission de conserver et donner une nouvelle vie à ce patrimoine de costumes de scène, à travers des expositions permanentes ou temporaires. Le centre regroupe 9000 costumes allant de la deuxième moitié du XIX siècle jusqu’à l’an 2000.
Hormis certaines collections privées, l’essentiel des costumes provient des trois grandes institutions. La Comédie-Française a fourni 671 costumes, la Comédie Française 1438 pièces et l’Opéra de Paris 5000 costumes. Ce livre réparti  non en chapitres mais en Actes et scènes
est consacré à l’histoire du CNCS, à son fonctionnement et à sa collection de    chefs-d’œuvre, avec une riche iconographie, (500 costumes).
Au fil des pages les costumes des grands créateurs s’offre au lecteur, les anciens : Bakts, Wakhevitch, Malclès, Bérard côtoient les plus récents,  de Jean-Paul Gautier à Christian Lacroix. Les petits métiers du textile nécessaire à ces tenues sont aussi présentés. Le CNCS est une belle réalisation qui,  comme le dit, Frédéric Mitterrand est « la revanche de l’éphémère ». Son seul problème est sa localisation et son accès: 
la moitié de ses visiteurs vient de Moulins et de sa région, et il y a une  faible fréquentation des étrangers.
D’où l’intérêt de ce livre très riche qui met à la portée de tous ce patrimoine unique…

Jean Couturier


Editions l’Harmattan, 232 pages, 39 Euros

La Vie va où ?

La Vie va où ? un spectacle à lire et à écouter de Michèle Guigon.

  La Vie va où ? dans analyse de livre guigon_couv Michèle Guigon, on la revoit encore avec bonheur, toute jeunette avec son accordéon plus gros qu’elle, dans les spectacles de Jérôme Deschamps qui avait bien visé quand il l’avait engagée ; quelque vingt cinq ans et deux solos plus tard,  elle  est apparue  au Festival d’Avignon où elle avait fait un tabac (voir Le Théâtre du Blog) puis au Théâtre du Lucernaire.
Avec un nouveau solo aussi grave qu’enjoué, plein de  tendresse , aujourd’hui édité en livre et CD réunis; entre temps-c’était en 2007 -il lui  était arrivé un « petit » pépin: un cancer du sein qu’elle a affronté courageusement comme beaucoup de femmes,  et qui est le fil rouge de son dernier spectacle.

  Aucun décor, juste un tabouret et son fidèle accordéon fétiche; pendant une heure et quinze moments de texte, musique et chansons, Michèle Guigon dit les choses de sa vie chamboulée avec un style bien à elle; d’abord,  son enfance heureuse dans l’Est de la France. Et puis sa terrible rencontre avec la maladie ; les mots sont crus et la frappent en plein visage:  » Vous préférez chimio ou ablation d’abord? » et,  en bonne connaisseuse  de la langue française,  elle tique évidemment sur le mot malheureux du spécialiste : « préférer » et ajoute lucidement:  » Ah! Tu parles d’un choix! Ils sont où les avantages, on ne sait même pas si un des deux tickets est gagnant. (..) Alors… Qu’est-ce que je suis capable de supporter : perdre les cheveux d’abord ou perdre le sein d’abord?
 Cela ne l’empêche pas de nous parler, avec beaucoup d’humour et une grande pudeur, de sa conscience de vieillir, et  du sentiment de la perte, avec,  en vrac:  les illusions, les amis, les dents… Ou, sans aucun état d’âme, de ce que l’on ne dit jamais: le goût très métallique dans la bouche que donne les médicaments de la chimio. mais Michèle Guigon  nous raconte aussi qu’elle a encore plus apprécié les petits bonheurs de la vie quotidienne après avoir été à deux doigts de la quitter.
Comme le texte de La Vie va où est remarquablement écrit, dans une langue à la fois précise et savoureuse, que la diction est vraiment impeccable, on ne se lasse pas d’écouter le récit de ce voyage intérieur, aussi intelligent que plein d’émotion et de tendresse. Et dont,  c’est  garanti, les élèves de cours de théâtre ne tarderont pas, avec raison, à s’emparer…

Philippe du Vignal

Editions Camino verde   82 rue du Chemin vert 75011 Paris.  20€

L’Épreuve

L’Épreuve dans analyse de livre h-20-2660243-13238701251-300x248L’Épreuve, mise en scène d’Agathe Alexis, et Les Acteurs de bonne foi, de Marivaux, mise en scène de Robert Bouvier

Dans ces deux courtes pièces très souvent jouées, le “marivaudage“ se révèle particulièrement cruel, sous la légèreté de la comédie. Et d’autant plus qu’on est dans cette légèreté. On connaît les deux arguments : Lucidor, disons un très riche fils à papa, tombe amoureux d’une “petite-bourgeoise de village“. Et réciproquement.
Aucun obstacle, sinon la peur de n’être aimé que pour son argent, ce qui lui fait mettre sa bien-aimée à l’ épreuve en lui offrant successivement pour époux son valet déguisé en riche “homme du monde“, puis maître Blaise, paysan pour le moins girouette du côté où soufflent les écus.
Douleur et pleurs d’Angélique, délices de Lucidor : ça a marché, elle m’aime pour moi-même. Mais comment se remettre d’une épreuve si rude ? La fin heureuse laisse trop de blessures…
Blessures sans gravité dans Les Acteurs de bonne foi, puisqu’elles ne touchent que de « petites gens », la servante Lisette, le paysan Blaise, une Madame Argante de province. Mais Angélique et Eraste ? Madame Amelin feint de briser leur mariage, parce que Madame Argante aurait refusé de lui donner la comédie : et leur souffrance à eux ? On peut imaginer que cette “femme du monde“ y a pensé, comme à une épreuve, au-delà de son divertissement. C’est possible…

Ici Marivaux s’amuse de l’impossibilité parfois à démêler le vrai et le fictif, quelque part du côté du Paradoxe sur le comédien. Surtout, il nous donne à voir, sous l’illusion de l’amour et du jeu, l’inconciliable partage entre la Cour et la campagne, entre le jeu des apparences et la sincérité naïve. Mais peut-être avons-nous une lecture trop grave de Marivaux, et ne s’agit-il  seulement que  du côté cour et du côté jardin : ce n’est que du théâtre. Tout est bien qui finit bien, donc, à condition de pouvoir oublier les cicatrices. Ce n’est pas à l’auteur de comédies de raconter la suite de l’histoire, mais était-il nécessaire de recourir à une chorégraphie un peu laborieuse pour cela ?
Pour cette co-production franco-suisse, Gilles Lambert a dessiné une scénographie impeccable, avec une verrière séparant le salon de la campagne, des costumes joyeusement anachroniques faisant de l’œil aux jupes ballonnées des années soixante mais offrant aux garçons de belles vestes damassées XVIII ème siècle. Les deux mises en scènes s’enchaînent en une belle complicité. Les comédiens sont justes et efficaces. Robert Bouvier fait un Lucidor opaque (jeu d’antiphrase sur le nom du personnage), plus timide que pervers, puis un Blaise droit dans ses bottes. Guillaume Marquet saute allégrement et en finesse du premier maître Blaise à l’amoureux Eraste, Franck Michaux, de Frontin à Merlin, garde avec brio le même emploi de valet futé, actif et sans trop de scrupules, les filles (Natahlie Jeannet, Sandrine Girard et Nathalie Sandoz) ont ce qu’il faut d’énergie et de charme.
Mention particulière à Marie Delmarès, Angélique exigeante, entière et touchante. Honneur aux deux mères, Maria Verdi, mère grondeuse et mesquine dans L’Épreuve, fondue d’amour pour sa fille dans Les Acteurs de bonne foi, et Agathe Alexis, délicieusement méchante, toute à son plaisir de voir son petit peuple de village lui donner, sans le savoir, la comédie, et de tenir entre ses doigts délicats et pointus l’amour des jeunes gens.

On a lu dans Les Acteurs de bonne foi, un manifeste de la vérité du théâtre et de sa nécessité. Sans lui prêter autant, prenons la pièce comme un très intelligent divertissement. C’est déjà beaucoup…

Christine Friedel

Théâtre de l’Atalante, jusqu’au 29 décembre. T: 01 46 06 11 90

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