Festival d’Alba-la-Romaine : Brèves Tempêtes et Furieuse Tendresse
Brèves Tempêtes © Daniel Michelon
Toujours aussi assidu, le public revient chaque année, nombreux et ravi des propositions atypiques qu’offre cet événement voué depuis 2009 aux arts du cirque, sous la gouverne des Nouveaux Nez, une compagnie qui venait alors d’ouvrir La Cascade- Pôle national des arts du cirque, à Bourg- Saint-Andéol.
«Ce festival s’écrit au fil des ans comme un scénario qui met en scène les humains dans un paysage… » dit Alain Reynaud, le directeur du festival et de la Cascade. Les spectacles ont investi les ruines bucoliques du théâtre romain et, au cœur du village, la salle des fêtes, la cour d’école, les places publiques, une prairie au bord de l’eau, jusqu’aux contreforts d’un pic volcanique… « On prend les lieux comme ils sont, avec le moins d’éclairages et de technique possibles», dit Marie-Odile Roux, la secrétaire générale.
Le public peut déambuler d’un lieu à l’autre à la découverte d’Alba-la-Romaine. Parmi ses 1.200 habitants, près de 170 bénévoles, travaillent à l’entrée du parking, à la billetterie, au bar, à la cuisine, ou à l’accueil des artistes et des journalistes qu’ils accueillent chez eux… Ils viennent en appui des équipes professionnelles mobilisées pour une quinzaine de spectacles pendant une semaine, du matin au soir. ».
Ce festival, c’est aussi des spectacles gratuits, (deux par jour) des initiations au trapèze, à la danse, aux échasses, dans un espace convivial: Le Carbunica sous de grands arbres. Au bar, ou à la roulotte des glaces, on paye en carbus, une monnaie du nom d’un antique cépage local.
La programmation s’articule autour du clown, dans le sillage des Nouveaux Nez. « On n’est pas dans l’événementiel mais dans le résultat du travail de territoire à l’année que mène La Cascade, dit Alain Reynaud. Au cirque, il n’y a pas de vedette, et cela touche tout le monde. »
Nous avons pu voir en deux jours neuf spectacles, certains en création mais tous à guichet fermé. Petites formes ou grandes fresques ont tous une dose d’humour. Et si certaines abordent les versants sombres de notre humanité, la bonne humeur reste au rendez-vous. À commencer par les spectacles grand format sous le chapiteau et au théâtre antique.
Brèves tempêtes, mise en scène d’Alain Reynaud et Eric Louis, par le collectif T.B.T.F.
Une création in situ, issue d’une résidence de ce collectif à La Cascade. Du sur-mesure pour le théâtre antique, avec vingt artistes qui ont élu domicile à Bourg Saint-Andéol, sous l’aile protectrice d’Alain Reynaud. Il vient d’ouvrir un espace d’entraînement dans une ancienne chapelle (voir Le Théâtre du blog), dans ce Pôle national-Cirque.
Les artistes se présentent et racontent comment ils se sont rencontrés dans leur quartier, au collège, ou dans des écoles ce cirque, et comment, de fil en aiguille, ils se sont rassemblés pour faire ce spectacle qui scelle leur collaboration. Un historique mis en scène avec grâce, comme une ronde ininterrompue.
Suivront, en une heure vingt, des numéros qui s’enchaînent, se superposent en un mouvement perpétuel. Figures au mât chinois, en solo, à deux ou à trois, avec Mahé Nithardt, Bernadette Favre, Rémi De Carvalho. Se succèdent au cerceau aérien Inès Arabi, et Elisa Bitschnau au trapèze fixe, Mara Procacci ou Réhane Arabi à la corde lisse. Aïna Duc sur tissu est aussi clown à ses heures….
Yannis Gilbert, Justin Collas, Arthur Amouroux et Timothée Aïna Meiffren se propulsent dans les airs et d’autres comme Sophie Nusbaumer, Xavier Mermod, Calou Raisse se livrent à des acrobaties en cascades, mains-à-mains et jeux icariens.
Ambroise Donnier tourne sur son mono-cycle et Timothée Vincent dans sa roue Cyr. L’élégant Ricardo S.Mendes jongle avec ses balles jaunes et l’amusant Juri Bisegna Minder avec ses chapeaux dont il coiffera ses camarades.
Ici, personne ne cherche à tirer son épingle du jeu et tous échangent leurs pratiques, dansent, chantent, se succèdent au piano ou à la batterie… Il se passe toujours quelque chose de joyeux et poétique sur le plateau construit en format panoramique le long du mur d’enceinte romain. Pendant que certains travaillent, d’autres prennent du repos en composant de jolies scènes d’ensemble, attablés en fond de scène ou assis sur un canapé.
Ces chassés-croisés, solos, duos, trios et scènes de groupes dans une grande fluidité, sont portés par une énergie commune revendiquée : « Nous nous réunissons avec l’envie d’explorer les arts vivants. De culture, disciplines et formations différentes, nous mettons en commun nos connaissances et parcours au profit de la création. »Au sein du collectif T.B.T.F., existent plusieurs entités avec différents projets artistiques. Ces brèves tempêtes soulèvent un vent prometteur.
Furieuse Tendresse, mise en scène de Sara Desprez et Angelos Matsakis, par le Cirque Exalté
Furieuse Tendress © Cirque exalté
Portés acrobatiques, danse, BMX flat-land, jonglerie, trapèze ballant: annonce la nouvelle création du Cirque Exalté. Sous la houlette d’un cycliste déguisé en coyote sur une B.M.X. (Bicycle Moto Cross), une meute tourne autour du chapiteau, au dos des spectateurs, sur une coursive spécialement conçue…
Ce mouvement circulaire imprègnera tout le spectacle. En piste, l’homme-coyote sur sa monture fait des équilibres, sauts et retournements sur des repose-pieds à l’arrière du vélo et sur la fourche avant. Et ses partenaires se rassemblent pour des portés acrobatiques très audacieux. Sarah Desprez et Maria Jesus Penjean Puig s’envolent sur les épaules de leurs porteurs, avec sauts et puissants mains-à-mains… Angelos Marsakis jongle avec grâce, tout en tournoyant, jupe et cheveux au vent.
Une voix demande : « Connectez-vous au sauvage qui est en vous. » Placé sous le totem ambivalent du coyote, ce spectacle, accompagné par la musique répétitive de Romain Dubois veut être «un rituel inventé de toutes pièces par des gens qui prennent le temps de fêter leur vulnérabilité, pour toujours se souvenir qu’elle fait partie de leur humanité.»
L’animal souvent appelé chien sacré par les premières nations d’Amérique est, selon la mythologie, rusé et farceur. Il a mis la pagaille dans les étoiles au moment de la création du monde et est aussi un puissant sorcier et guérisseur.
Foutoir Céleste porte bien son titre: Sara Desprez sur son trapèze ballant s’envole au firmament du chapiteau. Toujours plus haut, toujours plus risqué. « J’ai peur d’avoir peur d’avoir peur d’avoir peur.», dit-elle après cette performance qui nous a donné des frissons.
Une cérémonie giratoire où s’enflamment les énergies jusqu’au paroxysme et qui célèbre un cirque où chacun affronte le danger et ensemble le partage, entre artistes et avec public.
Le Cirque Exalté, fondé en 2009 par Sara Desprez et Angelos Matsakis est installée au Mans et ici, c’est leur quatrième création, après Complètement Swing ! (2010) Furieuse Tendresse (2014) Coyote ( 2018) et Amants (2020). Àne pas manquer.
Mireille Davidovici
Festival d’Alba-la-Romaine du 11 au 16 juillet.
Foutoir Céleste, les 15 et 22 septembre, Village de cirque, Pelouse de Reuilly, Paris (XII ème)
La Cascade, Pôle national Cirque, 9 avenue Marc Pradelle, Bourg Saint-Andéol. T. : 04 75 54 40 46