Entre vos mains un projet collectif de Marc Lainé, conçu avec les membres de l’Ensemble artistique de la Comédie de Valence

 Entre vos mains un projet collectif de Marc Lainé, conçu avec les membres de l’Ensemble artistique de la Comédie de Valence

 Troisième et dernier volet d’une trilogie,  c’est un spectacle et une exposition à la fois  à mi-chemin entre peinture, sculpture, récit, performance et fondée sur une scénographie en étoile avec six «pavillons» autour d’un plus grand, hexagonal. Le tout conçu par Marc Laisné, créateur et metteur en scène, directeur de la Comédie de Valence et Stephan Zimmerli, professeur d’architecture. Avec des textes de Bertrand Belin, Penda Diouf, Mickaël Phelippeau, Alice Zeniter et Stephan Zimmerli, la voix enregistrée de Yanis Skouta  et avec l’aide de bénévoles de Valence…

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage  Dispositif d’ensemble

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C’est, apprenons-nous dans le préambule, une rétrospective de Mehdi Lamrani, un artiste « médiumnique » qu’on avait pu découvrir dans En travers de sa gorge, un précédent spectacle de Marc Laisné. L’ensemble des œuvres a été faite, dit la feuille de salle, par ce jeune spirite sous la conduite d’artistes aujourd’hui disparus. Une fresque, des « installations »,  un film, une musique, une vidéo de chorégraphie, une grande maquette d’immeuble…
Le tout conçu par les membres de l’Ensemble pluridisciplinaire de la Comédie de Valence. Chacun s’inventant un double fiction-oui, c’est bien une fiction mais non dévoilée dans la feuille de salle- et qui aurait « pris possession » de Mehdi Lamrani. Des œuvres installées selon un parcours très précis à suivre par les visiteurs équipés d’un casque audio et répartis en six groupes de cinq. Avant de se retrouver assis en même temps autour d’une petite salle hexagonale munie de six écrans, avec, au milieu, un ingénieur du son et de l’image assis une table, elle aussi hexagonale, les yeux rivés à plusieurs ordinateurs. «Medhi Lamrani étant seulement, dit Marc Laisné, une sorte d’artisan, de passeur, qui se met au service d’un artiste disparu avant d’avoir pu achever une œuvre. » (…) Un faussaire se cache. Il cherche à disparaître. Son travail doit rester secret, pour que le faux qu’il produit acquierre de la valeur et il assume avoir réalisé toutes ces œuvres sous la conduite de leurs véritables créateurs.
« Mehdi Lamrani, dit Marc Laisné, est donc un personnage fictionnel et des artistes doivent concevoir une œuvre et travailler sur la notion de possession. Mais Bertrand Belin, Penda Diouf, Mickaël Phelippeau, Alice Zeniter et Stephan Zimmerli sont eux des artistes bien réels comme Yanis Skouta qui dit le récit. Ils ont conçu des personnages qui le sont aussi et un professionnel que je ne citerai pas, hésitait sans cesse, m’a-t-il dit, entre réalité et non-réalité, vrai et fiction. Les visiteurs du soir étant r
épartis en cinq groupes qui vont aller dans un des cinq modules-pavillons, ce qui suppose un minutage très précis. Tous sont très silencieux comme s’ils avaient conscience d’entrer dans un autre monde entre hyper-sophistication de cet ovni théâtral et merveilleuse poésie d’humbles objets  du quotidien…

Abdoulaye Saar

Nous entrons dans une petite pièce fermée comme les autres par un rideau. « Né au Sénégal au début des années 80. Il fait des études de journalisme à Dakar, à l’université Cheikh Anta Diop. Il se rêve auteur, mais ses parents le brident dans sa vocation. Malgré leurs échanges réguliers, Abdoulaye n’a jamais cessé d’être impressionné par celle qui incarne tout ce qu’il aspire à devenir : une figure d’artiste libre et engagé.
En septembre 2015, juste avant de repartir au Sénégal, Aminata Zaaria confie à Abdoulaye Saar un manuscrit La Putain amoureuse d’un pèlerin juif. Ce texte devait paraître en 2007, aux éditions L’Esprit des Péninsules, mais ces dernières ont déposé le bilan juste avant sa publication. Aminata demande à son jeune ami de le faire parvenir à différentes maisons pour essayer de le faire publier. Quand il se retrouve avec le manuscrit d’Aminata entre les mains, il est saisi par des sentiments ambivalents. Ce manuscrit lui rappelle cruellement son impuissance à achever ses propres productions littéraires.
Il s’acquitte pourtant de sa tâche et envoie le texte à différents éditeurs.(…)  En février 2016 il apprend la mort d’Aminata des suites d’un diabète non diagnostiqué. (…) Il ne lui a jamais reparlé depuis qu’elle lui a confié son manuscrit. La culpabilité le ronge. Il a le sentiment d’avoir trahi son amie, mais aussi ses propres idéaux artistiques et politiques. On le retrouve noyé dans le canal de l’Ourcq, le 25 janvier 2017 (…) Quelques jours après sa mort, l’esprit d’Abdoulaye Saar s’est emparé de moi pour me faire écrire ce texte, au cours d’une nuit d’insomnie. »
Vrai ? Faux? Irréel? Bien réel?  L’écoute solitaire au casque de chaque récit se fait dans un silence total et nous devenons complices de cette fable…  Les artistes ont donné des pistes et Marc Laisné s’est ensuite fait un plaisir de
les brouiller comme personne.  Et les spectateurs- tous jeunes sans exception, ce qui est rare au théâtre mis à part les séances dites scolaires-écoutent dans un silence impressionnant ce récit pendant les quarante cinq minutes environ de toute la visite. C’est une forme d’hommage que souhaite accomplir ici la dramaturge. Au centre de ce petit lieu, une palette couverte de plastique noir, légèrement inquiétante, avec des textes inédits aussi noirs aux pages non coupées, comme autrefois. Aucune indication écrite ou orale mais les visiteurs hésitent à en prendre un…

 Gavin Donnell

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©x Accrochés au mur une dizaine de polars et à droite, la petite table de travail

Alice Zeniter, écrivaine et metteuse en scène, après Normale Sup’ et la Sorbonne Nouvelle, a fondé la compagnie l’Entente Cordiale en 2013 et met en scène ses textes. Elle collabore avec plusieurs metteurs en scène et dramaturges pour des pièces comme Quand viendra la vague et Hansel et Gretel, le début de la faim. Et elle a aussi écrit des romans dont L’Art de perdre... Dans le petit bureau reconstitué de l’écrivain Gavin Donnell, il y a juste une chaise ancienne pivotante en chêne et sur une table, une machine à écrire avec un feuillet inséré et en partie déjà écrit, et d’autres dispersés qui auraient été, eux, écrits lors de « séances de possession ». Il y a aussi une bouteille de scotch bien entamée et un verre plein…comme dans de nombreux polars
Le texte- belle parodie d’article de magazine-sonne juste: « Ses romans policiers n’ont pas rencontré en France l’immense succès qu’ils ont pu connaître dans le monde anglo- saxon. Ils font pourtant l’objet d’un véritable culte pour une poignée de lecteurs avertis. Outre son indéniable génie littéraire, la fin tragique et mystérieuse de la vie de Donnell, est propre à susciter une véritable fascination. Après quinze ans d’existence recluse sur une île perdue des Hébrides, l’île de Mirhalay, le maître du roman policier finit par tomber, ou par se jeter- les circonstances exactes de sa mort n’ont jamais été élucidées – dans la mer du haut d’une falaise. » Mais la voix nous souffle que  » Donnell a pu écrire le dernier chapitre de son ultime roman, Le Pont des Anguilles… »

Jacqueline Falhère

Un piano, dit d’études, une douzaine de lampes de chevet posée à même le sol, et deux grosses lampes sur des socles.  Le tout dans une pièce étroite, à la fois intime et inquiétante. Le musicien et écrivain Bertrand Belin raconte avec précision au public l’histoire insolite de cette femme de chambre qui, au XIX ème siècle., a été toute sa vie au service de la même famille, Jacqueline Falhère n’avait jamais osé s’approcher du piano, mais est là ressuscitée grâce au médium Mehdi Lamrani et ce petit piano joue tout seul, une de ses œuvres
Là aussi, un texte bien écrit et absolument crédible même s’il y a eu peu de compositrices reconnues dans ce siècle. Sait-on encore  qui étaient Sophie Gail, Marie Jaëll, Louise Farenc? Et, au XX ème siècle, Cécile Chaminade (400 œuvres ! ) ou Germaine Tailleferre, peut-être la seule dont on se souvienne…
«Jacqueline Falhère, nous dit, au casque la voix bien timbrée de Yanis Skouta, a développé une écriture pianistique tout à fait singulière, dont vous entendez en ce moment même quelques extraits et qui consiste en une succession d’arpèges suivis de leurs accords plaqués, jouées avec plus ou moins d’intensité. (…) Je sais avec certitude qu’elle est morte le 9 novembre 1877 à Chatou (Yvelines). Elle devait avoir un peu plus de cinquante ans (…) Elle exerçait depuis vingt ans le métier de femme de chambre. Elle a par ailleurs développé une technique de notation tout à fait singulière, dont vous pouvez découvrir quelques exemples accrochés aux murs de ce pavillon. (…) Elle découpait dans de vieux draps des bandes de tissus aux dimensions exactes du clavier d’un petit piano d’étude, et se couvrait les doigts de cirages de différentes couleurs pour marquer sur le tissus l’emplacement exact de ses suites d’accords plaqués. Une écriture sur le ton de la confession qui, là aussi, sonne juste, même si le système de notation  est un peu…gros mais comme la dame était autodidacte, pourquoi pas?

Maarten Lambrechts et les Facteurs Chevaux

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©x Maquette du phalanstère

Marteen Lambrechts, un architecte d’avant-garde flamand, naît en 1927, à Anvers et part ensuite dans la Drôme vers 1960. Il y ouvre alors un atelier expérimental et utopique réunissant douze architectes autodidactes pour élaborer un projet de phalanstère dans le Vercors, l’Atelier des Facteurs Chevaux (allusion au célèbre palais du Facteur Cheval non loin de Valence!). Il y a une grande et formidable maquette de cette habitation en béton armé sur plus de 60 m au dessus d’une rivière avec,  en partie haute, les fonctions collectives. « A votre gauche, dit la voix, vous pouvez voir un lieu d’assemblée et de culture, au centre des bains, à droite, un réfectoire et une halle. Les habitats idéaux s’accrochent entre les piliers du viaduc. «Le phalanstère » se présente comme une immense architecture hybride, une vision utopiste, à la fois moderniste et vernaculaire, ancrée dans le paysage de la Drôme des collines. (…) Ce projet de viaduc habité n’a jamais eu vocation à être construit. Leur ambition est avant tout conceptuelle et militante. Il s’agit pour les Facteurs Chevaux de poser sur le papier un geste radical, manifeste, qui fera avancer la pensée de l’architecture, de l’habitat et du vivre-ensemble. Malheureusement, la mort prématurée de Maarten Lambrechts dans un accident de voiture coupe court à la belle rêverie des architectes amateurs drômois. »

« Une trentaine d’amateurs non spécialisés mais passionnés, dit Marc Laisné, nous a donné un sacré coup de main pour aider Eve Meyer Hilfiger et Diane-Line Faret à réaliser cette grande maquette.» Sans aucun doute le texte, là aussi gros comme une maison-c’est le cas de le dire…mais on le sait, plus c’est gros, mieux cela passe- est aussi très crédible et artistiquement, Maarten Lambrechts et les Facteurs Chevaux est l’œuvre-phare de ce parcours-spectacle. Et dont Marc Laisné avec Stephan est vraiment heureux et il y a de quoi ! A notre question : « Et après ? « Je suis en pourparlers, dit-il, avec le Palais du Facteur Cheval pour que cette maquette y soit exposée. » Mais cette véritable architecture-sculpture, teintée d’art conceptuel, accompagnée de ce texte-mais fragile comme toutes les maquettes-mériterait vraiment de rejoindre un musée d’art contemporain.

Philippe Lameauckë

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©x Vidéo du danseur

Il y a, projetée sur le mur de contreplaqué, une vidéo de ce danseur et chorégraphe breton né en 1897 à Nantes. Ses parents tiennent la boulangerie du village. «C’est un élément biographique qui a son importance, car vous pouvez repérer dans la chorégraphie présentée des mouvements inspirés par les gestes du fournil, explique Yanis Skouta au micro. Mort à trente-trois ans, noyé dans la Baie des Trépassés en Bretagne où il vivait, cet amateur a composé à partir d’influences écritures et répertoires (dont le traditionnel) mais aussi à partir de mouvements du quotidien, il devient un précurseur de la danse contemporaine. Incarnant Mehdi Lamrani, il pourra enfin achever une séquence chorégraphique sur La Danse des Furies, tirée d’Orphée et Euridice de Gluck.Après tout pourquoi pas? Ce récit a la saveur du vrai surtout à la fin du texte, quand on sait que la bourrée auvergnate a été à l’origine de la danse classique : » Si Philippe Lameauckë a décidé de prendre possession de moi, c’est pour achever l’ultime chorégraphie sur laquelle il travaillait lorsqu’il s’est noyé. Je forme le vœu que cette œuvre que vous venez de découvrir pourra témoigner du caractère singulier et innovant de sa pratique de la danse et permettre, un siècle après, à des spécialistes de découvrir ce qu’il a passé sa vie à inventer sans même oser imaginer que cela pouvait s’apparenter à une quelconque création artistique. »

Zack Soriano

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©x Fresque sur trois murs

Un pavillon où on peut voir sur trois murs une fresque réalisée par Medhi de « celui qui aurait pu être un des peintres néo-expressionnistes les plus importants du XX ème siècle . La Voix nous dit qu’ »Il voit le jour le 13 décembre 1946 à Ciudad Juarez, au Mexique, dans une famille d’ouvriers. Il a neuf ans lorsque sa famille émigre aux Etats-Unis à Houston, Texas, dans le quartier hispanique de Segundo Barrio.  (…)  Il n’a que seize ans, lorsqu’il gagne le premier prix d’un concours organisé par le Musée des beaux-Arts de Houston qui l’encourage à poursuivre une carrière artistique. (…)  En 1966, après seulement un an passé à étudier à New York, il est mobilisé par l’armée américaine engagée dans le conflit au Vietnam. Plutôt que de profiter de sa nationalité mexicaine pour fuir dans son pays d’origine et échapper à la guerre, Zach Soriano décide de s’engager par loyauté envers l’Amérique qui lui a tant donné. Au Vietnam. Son unité (…)  tombe dans une embuscade. (…) Très vite, le rugissement caractéristique des réacteurs des chasseurs-bombardiers F-4 « Phantom » de l’US Air Force mais trop près des troupes américaines, blessant grièvement trois soldats, dont Soriano;  entre la vie et la mort, le flanc et le bras droit criblés de shrapnel,  héliporté par une unité de secours il sera amputé du bras qui lui servait à peindre et à dessiner!
 » Mais les douleurs neurologiques post-traumatiques ne lui laissent aucun répit.(…) Il s’enfonce de plus en plus dans une addiction aux médicaments contre la douleur. À l’hiver 1976, il décède à son domicile des suites d’une overdose. Zacaria Soriano m’a fait réaliser la fresque qu’il n’avait pas pu achever de son vivant. J’ai dû travailler exclusivement de la main gauche. Il m’a fallu près de cinq semaines pour y parvenir. » Là aussi, un savant tricotage entre  récit de guerre à la première personne, sans doute  un peu moins bien écrit que les autres  mais on ne se lasse pas de regarder cette belle fresque superbement dessinée au crayon par Stephan Zimmerli, professeur d’architecture mais qui revendique le fait de n’avoir jamais rien construit, dit Marc Laisné… 

Le Pavillon central  Mehdi Lamrani

Après ce parcours  très bien conçu, les six groupes de cinq visiteurs sont invités à entrer dans ce module central où exerce un ingénieur du son, les yeux rivés sur plusieurs écrans.  Assis autour de cet hexagone, nous  pouvons voir mais pas très! bien la visite d’autres groupes sur six grands écrans de  contrôle  évidemment enregistrée, puisque cette visite quotidienne est terminée.
Nous entendons la même voix nous dire «Je ne suis que la main qui exécute et non l’esprit qui conçoit. Cette phrase n’est pas de moi, elle est du peintre spirite Augustin Lesage, mais je l’ai faite mienne. Lesage est probablement l’artiste dont je me sens le plus proche. Il est même devenu pour moi une espèce de référence absolue. J’ai toujours été fasciné par son histoire. Lesage travaillait dans les bassins houillers du Nord de la France. Un jour, au fond de la mine, il a entendu la voix d’un esprit lui annoncer qu’il devait devenir peintre. Après cette révélation, il a passé le reste de sa vie à peindre sous l’influence de différents esprits : des divinités égyptiennes, sa sœur morte ou même Léonard de Vinci. Son travail a très vite suscité un véritable engouement, notamment de la part de Breton et des surréalistes. Il est aujourd’hui considéré comme l’une des figures majeures de l’Art Brut. Mais la plupart des critiques et des commentateurs de son œuvre n’ont jamais cru à son don de médiumnité. »
Tout ce texte est  exact et ce peintre, vite reconnu, a bien vécu et ses peintures exposées dans les grands musées: cee qui  donne une belle unité à la fin d’Entre vos mains.  Marc Laisné a intelligemment bouclé la boucle.
Le texte est sans doute un peu trop bavard mais nous apprendrons une part d’une soi-disant vérité:  » Tout le monde était persuadé que j’étais le créateur de ces œuvres, même si je m’épuisais à expliquer qu’il n’en était rien.(…) Mon récit approche de sa fin et j’imagine que vous avez deviné quelle va en être la conclusion inévitable : pour ne plus être un obstacle à la reconnaissance des seuls vrais créateurs des œuvres présentées ici, ni exposer ces créateurs au mépris, inconscient ou non, de tous ceux qui jugent mon travail, je n’avais pas d’autre choix que de disparaître. Cette disparition n’est en rien un sacrifice, au contraire elle est le seul aboutissement possible de tout mon travail artistique. Il m’a fallu du temps pour le comprendre et l’accepter. »

Entre les mains mériterait une place au musée du Costume et de la scénographie à Moulins (Allier). Le dispositif a été conçu par Marc Laisné pour être entièrement  démonté et remonté par deux techniciens et  pour être réutilisé au moins  deux fois. Ce souci écologique est assez rare pour être signalé…A part cela, Marc Laisné en est le directeur depuis cinq ans. « Je suis plutôt heureux et nous avons une vraie maison de production, ce qui est plutôt rare.  La Comédie de Valence va fêter son vingt-cinquième anniversaire comme Centre Dramatique National, mais aussi les vingt-cinq ans de sa Comédie itinérante dans la Drôme et la région. Son volume de création théâtrale est important et a, chaque saison, un programme Danse, complémentaire avec celui de Lux- Scène Nationale de Valence qui a, entre autres,  une saison de spectacles chorégraphiques et musicaux… Et  Entre vos mains sera repris l’an prochain  à Lyon et à Rennes  en 2026. »

Philippe du Vignal

Cette exposition-spectacle a été présentée seize fois du 6 au 9 mars, au T2G-Centre Dramatique National, 41 avenue des Grésillons, Gennevilliers (Seine-Saint-Denis). T. : 01 41 32 26 26.

 

 


Archives pour la catégorie cirque

Exposition Piste ! Clowns, pitres et saltimbanques

Exposition Piste! Clowns, pitres et saltimbanques, commissaires: Vincent Giovannoni, conservateur en chef, responsable du pôle Arts du spectacle au Mucem et Macha Makeïeff, metteuse en scène et créatrice

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Clowns,  saltimbanques, jongleurs… dompteurs d’autrefois, mais aussi de magnifiques costumes, objets, accessoires, toiles peintes, affiches, photos  et roulottes d’habitation. Une exposition à la recherche des circassiens et de leurs spectacles disparus. Nous avons connue Macha Makeïeff, autrice, metteuse en scène, réalisatrice et artiste, peu après 78 quand elle fonda avec Jérôme Deschamps, la compagnie Makeïeff et Deschamps et créa Les Précipitations, puis en 81 : En avant et dix ans après, le célèbre Lapin chasseur au Théâtre National de Chaillot. Elle a fait personnellement visiter aux critiques cette exposition qui a pour thème, le monde fabuleux du cirque où chacun a des souvenirs. Pour nous, cela a été à huit ans, dans un pauvre petit chapiteau à Houilles (Yvelines) avec quelques chevaux et surtout une merveilleuse boule à facettes qui nous avait fait tous rêver, gamins de la proche école communale.  Ici, c’est une vaste et riche exposition avec œuvres et objets appartenant au MUCEM ou à d’autres grands musées (Orsay, Clermont-Ferrand)  ou prêtés par des collectionneurs.

 

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Evocation des Ballets russes,  sculptures dont une Acrobate de Niki de Saint-Phalle mais sans grand intérêt),  des tableaux  de Georges Rouault, Fernand Léger, Marc Chagall… Et surtout Les Saltimbanques (ou L’Enfant blessé), une grande huile sur toile de 224 × 184 cms (1874) de Gustave Doré : de pauvres saltimbanques avec leur enfant mortellement blessé lors d’un numéro de funambule..  Et de Lucien Simon, une belle toile: Bigoudènes devant les tréteaux (1935-1940)Exposition Piste ! Clowns, pitres et saltimbanques dans actualites Et surtout une magnifique collection de costumes, instruments, objets … Comme ces vingt-quatre somptueux manteaux à paillettes de clowns sur des mannequins. Et juste à côté, une magnifique collection tout à fait émouvante de leurs chaussures démesurées -comme celles de Littel Tich- que des circassiens ont offert au docteur Alain Frère. Il a prêté au Mucem quelque cent soixante-dix œuvres de sa prestigieuse collection…

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Et les superbes photos en noir et blanc d’un cirque implanté à Marseille jusque dans les années cinquante. Ou celles en noir et blanc de François Tuffierd Albert et François Fratellini dans leur loge ( 1943). Ou encore  cette merveilleuse image de la trapéziste Pinito del Oro au Madison Square Garden (1954).Il y a aussi l’âne et le tigre-depuis naturalisés-qui jouèrent dans Au hasard Balthazar, un film de Robert Bresson avec, à côté, un extrait où on voit ces animaux se regarder comme des humains,  les yeux dans les yeux.


Modestes mais tout aussi émouvants, sont aussi exposés de véritables instruments de travail comme un sifflet et un tabouret de clown, des trapèzes aux cordes usées, d’anciennes malles à costumes. Et une vraie petite roulotte achetée par Macha Makeïeff.
La République n’a jamais été tendre avec les saltimbanques! Pour preuve  l’affiche (fin  XIX ème siècle) d’un arrêté préfectoral très menaçant envers les saltimbanques qui devaient respecter lieux où se produire et horaires différents l’été et l’hiver. Jules Cordière, ex-élève de Normale Sup qui avait créé en 75 avec Ratapuce-Le Palais des Merveilles, une petite compagnie de rue très souvent verbalisée, avec amende à la clé. Alors qu’il était seulement en équilibre sur une corde molle attachée entre deux arbres du boulevard Saint-Germain à Paris…(Ratapuce, alias Carolyn Simmonds,  fonda ensuite Le Rire Médecin). Plus-que-passé? Passé antérieur? Non, juste après 68, sous le règne du sinistre Raymond Marcellin, alors ministre de l’Intérieur, partisan de l’ordre musclé et devenu célèbre pour avoir fait installer des micros au Le Canard enchaîné!

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Ici, tout sonne juste dans ce parcours. Vincent Giovannoni, le conservateur responsable du pôle Arts du spectacle du Mucem répond avec précision à toutes nos questions et Macha Makeïeff qui, on le voit facilement, a travaillé avec passion et exigence depuis deux ans, explique pourquoi elle a imaginé une sorte de spectacle de théâtre. Sous les belles lumières de Jean Bellorini et les sons de Sébastien Trouvé.  Une sorte de voyage exceptionnel dans les souvenirs et ce qui fait tout le plaisir de  voir toutes ces œuvres, soit issues de grands musées soit-et souvent plus émouvantes- prêtées par des collectionneurs comme Macha Makeïeff ou le docteur Alain Frère…
« J’ai fui, dit-elle avec raison, la simple juxtaposition d’objets pour une zone qui tient du théâtre (comment faire autrement !), du spectacle forain, de ses attractions éphémères. C’est une fois que la fête est passée. M’obsède jusqu’à l’effroi : où vont les spectacles disparus, dans quels limbes ? Mon parti-pris assez maniaque est de ne pas tout montrer, ne pas expliciter le paysage pour laisser opérer la fiction. Avec comme règle du jeu, une géométrie de couleurs et des traces fantomatiques. Les images muettes du cinéma comme art forain. Je mise sur l’intelligence sensible du public, du regardeur, son plaisir à être désorienté dans ces espaces. (…) Une fois le spectacle fini, défait, nous attrape cette forme d’exil, de perdition, corps et bien. Quelle dérive, une fois le plateau vide, une fois que la danseuse de corde a quitté le fil, que le dernier music-hall a fermé, que le clown fait son sac? Quel est ce vertige qui nous prend et ce vide de l’âme, quand la scène, la piste, la loge sont désertées ? Cet après qui me hante, je veux le raconter. Pour qu’il me quitte. Les Choses et les Bêtes qui habiteront l’exposition savent le déclassement, le destin de l’artiste, sa grâce et sa misère toutes liées. Les accessoires poussés dans la coulisse, l’attirail dans une caisse, remisés, éparpillés, hors jeu, ces sublimes objets misérables se prêtent à une autre célébration, après naufrage. »

© Agnès Varda

© Agnès Varda

Et il y a encore de magnifiques images (1952) sur le Cirque de Montreuil et, inédites, du Cirque chinois faites par Agnès Varda

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© François Tuefferd Pinto de Oro

(1928-2019) qui devint la photographe officielle du Théâtre National Populaire. Mais le cirque a été une source d’inspiration fréquente pour le cinéma. Ici, des extraits de films de Buster Keaton qui, on l’oublie souvent, a aussi présenté des numéros en 47 au Cirque Medrano, au Cirque Royal à Bruxelles, de Laurel et Hardy, de Jacques Tati, petit- cousin de Jérôme Deschamps mais aussi un extrait des Ailes du Désir de Wim Wenders quand Damiel découvre Marion, une jeune exilée (fascinante Solveig Dommartin, hélas, tôt disparue), devenue trapéziste dans un cirque.

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©x Farid Chopel

Mais on peut aussi voir Charlie Chaplin, les clowns de Federico Fellini, Toto au cirque de Pier Paolo Pasolini, et cet extrait du Septième sceau d’Ingmar Bergman où il joue aux échecs contre la mort, pour que les saltimbanques échappent à son regard… Macha Makeïeff ratisse large (après tout, pourquoi pas?) et a aussi exposé une grande et belle toile de son fils mais aussi des photos de Jérôme Deschamps et de Farid Chopel: un clin d’œil à ce merveilleux acteur burlesque, disparu en 2008 qui écrivait et jouait avec grand succès dans les années quatre-vingt, ses spectacles comme Chopelia, ou Les Aviateurs avec Ged Marlon. Aussi connu pour avoir joué dans les publicités de Perrier.


Vous avez encore un peu de temps mais surtout ne ratez pas cette formidable exposition. « Une expérience intérieure, dit aussi Macha Makeïeff que je veux partager. Il faut à tout ce chaos, une règle du jeu, un tempo, une géométrie des couleurs et une fantaisie insolente sans laquelle tout resterait inerte. » Pari gagné.  Encore une fois, ne ratez pas cette exposition, une de celles-et c’est rare-qu’on a envie très envie de revoir…

Philippe du Vignal

Jusqu’au 12 mai, Mucem, Promenade Robert Laffont Marseille (II ème) .  T. : 04 84 35 13 13.

 
   
   

 

Biennale internationale des arts du cirque à Marseille et en région Sud

Biennale internationale des arts du cirque à Marseille et en région Sud

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©x A La Belle de mai

Sixième édition de ce festival  hivernal  Archaos, Pôle National Cirque, implanté à Marseille depuis 2001, accompagne la création, la diffusion et la pratique des arts du cirque contemporain. Dirigé par Raquel Rache de Andrade, Guy et Simon Carrara, le Pôle national cirque Archaos a créé  il y a dix ans cette Biennale qui a lieu les années impaires en janvier et février, avec un programme réparti sur cinquante structures culturelles de la région Sud, Côte d’Azur et à Marseille.
Une belle initiative, avec une mutualisation des ressources pour mettre en lumière la création circassienne aux différentes expressions.  Cette année Archaos a  voulu privilégier les artistes femmes, connues ou moins connues. Le tout sous la houlette des élus, entre autres, Benoît Payan, maire de Marseille.

Un ensemble de spectacles  à l’organisation impressionnante mais aussi des Rencontres professionnelles réunissant des centaines d’artistes internationaux. Les chapiteaux abritent des spectacles, à la fois exigeants et populaires, notamment sur la grande plage du Prado à Marseille. Pour maintenir le lien avec le public et assurer une présence continue du cirque tout au long de l’année, le Pôle national Cirque Archaos a lancé en 2016 l’Entre 2 BIAC sur un mois entre janvier et février, les années paires, avec une version ciblée sur le seul territoire de Marseille-Métropole. Devenus événements essentiels, la BIAC et l’Entre 2 BIAC contribuent au rayonnement culturel de cette immense ville mais aussi de cette région très peuplée.

Présentation du riche programme  de la BIAC par la directrice Rachel Rache de Andrade dans le beau petit chapiteau  du Magic Miror,  en toile rouge et aux colonnes plaquées de longs miroirs. Sur le parquet, une colonne carrée en verre synthétique d’environ quatre mètres de hauteur et ouverte au sommet.

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Alice Rende,  une jeune acrobate brésilienne, va y entrer par une trappe en bas. Pendant les vingt minutes de Passages, nous allons la voir de près confinée dans cet espace étroit. Elle va réaliser ascension et descente des parois en se contorsionnant mains et pieds nus, sans aucun accessoire.
Montant jusqu’à une barre en haut puis se laissant couler jusqu’en bas, elle réalise  aussi des figures acrobatiques en pliant et dépliant son corps, comme le ferait un pantin. manipulé. Alice Rende arrive même à se maintenir à mi-hauteur, comme suspendue.  Puis elle chute, se rétablit gracieusement et rechute… Cet exploit physique étant bien entendu préparé avec le plus grand soin. Et cette-apparente-imperturbabilité a des  côtés philosophiques. « La suspension, écrivait Sextus  Empiricus ( II ème siècle après J.C.) est l’état de la pensée où nous ne nions ni n’affirmons rien. Quiétude, c’est la tranquillité et la sérénité de l’âme. »
Ici, aucun art de l’illusion: la performance d’Alice Rende, bien réelle, est à la fois physique mais aussi sonore: on entend, bien sûr amplifiées, le bruit des mains et de pieds contre le plexiglas. Les risques pris sont limités mais cette exercice anti-gravité et d’une rare beauté, a quelque chose de merveilleusement fascinant

Biennale internationale des arts du cirque à Marseille et en région Sud dans actualites
Yongoyély, création collective du Baobab Circus, direction artistique de Kerfalla Camara, mise en cirque et scénographie de Yann Ecauvre

Ce spectacle  a été coproduit par le Centre culturel franco-guinéen, avec le soutien du Fond de développement des arts et de la Culture en Guinée. Avec Kadiatou Camara, Mamadama Camara, Yarie Camara, Sira Conde, Mariama Ciré Soumah, M’Mah Soumah, Djibril Coumbassa, Amara Tambassa, Mohamed Touré. Soit six acrobates-danseuses et chanteuses, deux porteurs et un voltigeur, tous remarquables…

 

© Thomas O'Brien

© Thomas O’Brien

Après  Yé !  qui avait connu un triomphe exceptionnel à la Scala à Paris et en Europe, ce cirque revient avec ce nouveau spectacle où la virtuosité acrobatique est mise au service d’une œuvre qui se veut féministe. Yongoyély a pour thème l’indépendance de toutes les Africaines. 
Jean-Marc Coppola, adjoint à la Culture de Marseille, dit quelques mots de bienvenue. En même temps, on entend déjà les bruits incessants d’une ville africaine: motos, camions, voitures, mêlés à des brouhahas de conversations. Sans doute ceux de Conakry, la capitale. Et par moments, un texte en voix off qu’on entend mal, dit  tout  l’espoir d’une vie meilleure pour ces femmes courageuses et parfois encore soumises à l’excision dans ce pays de quelque treize millions d’habitants en pleine mutation.
Colonisé par la France depuis 1883, il fut un des premiers, grâce à Sékou Touré  à acquérir son indépendance  en 58 ! Alors nouveau Président de la République, De Gaulle, exaspéré, n’avait pas été spécialement élégant! «Mais laissez-le donc, bouffer ses bananes et ses cacahuètes. »  Sékou Touré, devenu président, échappera à plusieurs attentats destinés à le remplacer par un autre… choisi, lui, par De Gaulle! Sans doute fomentés par des barbouzes français sous la houlette du sinistre Jacques Foccart, secrétaire général de l’Élysée aux affaires africaines et malgaches, de soixante à soixante-quatorze. Cet ancien résistant dévoué à De Gaulle utilisait sans aucun scrupule toutes les méthodes criminelles pour étouffer les oppositions. Le camerounais Félix-Roland Moumié avait été assassiné et les commandos de Foccart entraînèrent des opposants guinéens à développer un climat d’insécurité pour renverser Sékou Touré. Ils introduisirent aussi de gros paquets de faux billets pour déséquilibrer l’économie. Vive la France!

 

Mais Yongoyély n’a pas la puissance de de Baobab Circus. Cette bande de circassiens- femmes et  hommes-sont virtuoses: acrobatie, tours humaines, voltige, sauts périlleux au sol, ou absolument stupéfiants sur une longue perche tenue par deux hommes. Dans un sorte de chorégraphie, sont ici repris des numéros de barre russe, de chambrière (long fouet qui claque  utilisé par les dresseurs de chevaux non montés), mât chinois, portés acrobatiques, main à main, voltige, saut périlleux au-dessus de parpaings ou sur des perches. Brillantissime…Mais aussi des  chants a cappella par les six femmes et danses traditionnelles. Tous ces numéros d’une rare qualité enthousiasment le public qui les a chaleureusement applaudis.
La mise en scène signée Yann Ecauvre, bien conventionnelle, n’est pas du bois dont on fait les perches ni les flûtes: jets de fumigène sans raison comme souvent dans le théâtre actuel, nombreuses répétitions de numéros, chants souvent criés, murs de parpaings dangereux, manque de rythme, scène vide par moments, mélange texte/cirque mal assumé: cela fait quand même beaucoup d’erreurs… qui pourraient être corrigées. Restent ces magnifiques interprètes…


© Pierre Gondard

© Pierre Gondard

Soleil et mistral samedi après-midi à la Friche de la Belle de mai, ancienne manufacture de tabac, accueillaient gratuitement-ceci explique aussi cela-une foule de spectateurs dont de nombreuses familles avec enfants. A l’extérieur, on retrouve Chloé Moglia  qu’on a pu voir à Dijon (voir Le Théâtre du Blog) et entre autres, au festival Paris Quartier d’été. Cette danseuse, chorégraphe et acrobate dirige la compagnie Rhizome et a développé la suspension, un art, disons, d’acrobatie poétique, voire philosophique: elle évolue lentement pour évoquer la «conscience d’être mortel, mais la saveur d’être en vie aussi. »
« Ma pratique, dit-elle, plutôt que se fonder sur des figures spectaculaires dont je me cogne au demeurant, malgré un rapport indéniable au risque et au danger, englobe la pensée et la rêverie en portant une attention amoureuse au monde qui élève l’acuité. »

Féministe convaincue, elle n’apprend son art qu’à des femmes. Dans Rouge merveille qu’elle a créé cette année, Mélusine Lavinet-Drouet dans cette discipline circassienne maintenant reconnue. Cette artiste installe la structure mais fait semblant d’avoir du mal avec le mode d’emploi et  prie une spectatrice de l’aider…
Elle a juste un sac qu’elle accroche puis se suspendra aux branches d’une sorte d’arbre. Et elle se met ensuite des ailes d’ange en métal. De belles images même s’il est parfois difficile de tout voir de cette performance à cause d’un très nombreux public. La rançon du théâtre de rue…

© Pierre Gondard

© Pierre Gondard

Il y avait aussi Soka Tira Osoa, un court mais beau  spectacle avec une funambule sur une musique rock-jazz  dans une scénographie bi-frontale. « Si tout part du sol, pourquoi ne pas imaginer une traversée qui partirait d’ici avec vous ? Et si nous tirions ensemble cette corde pour voir jusqu’où cela nous mène ?  Soka Tira Osoa est un espace propice à la rencontre et à l’entraide. » Les artistes de la compagnie Basinga mettent tous les corps de métiers à cette même place d’artiste et cet exercice de  funambule est aussi fondé sur notre fragilité et sur notre possibilité à les surmonter. » La funambule tombera mais remonte sur le fil avec un autre balancier…
Dans un espace à l’intérieur, trois acrobates espagnols -deux femmes et un homme-jouaient avec et sur des chaises. Mais vu l’affluence de plusieurs centaines de spectateurs, on ne réussissait qu’à les apercevoir,  donc impossible de rien vous en dire…

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Et il y a eu aussi au Mucem, la présentation d’une formidable exposition sur le cirque En piste ! Clowns, pitres et saltimbanques par Macha Makeieff et Vincent Giovannoni, conservateur en chef, responsable du pôle Arts du spectacle, commissaires  dont nous vous reparlerons.

Philippe du Vignal

 

Jusqu’au 9 février à Marseille et dans toute la Région Sud. T. : 04 91 55 61 64.


La Scala, Paris (X ème) du 12 février au 2 mars. Scène de Bayssan, Béziers, ( Hérault), le 8 mars. Dieppe Scène nationale (Seine-Maritime) ,le 22 mars. Centre Culturel Jacques Prévert, Villeparisis (Seine-et-Marne), le 25 mars. Théâtre Le Reflet, Vevey (Suisse),  le 30 mars.

Théâtre du Passage, Neuchâtel (Suisse) les 2 et 3 avril. Points Communs-Scène nationale de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise), les 5 et 6 avril. L’Avant-Seine, Théâtre de Colombes ( Hauts-de Seine) le 8 avril. Théâtre de Rungis (Val-de-Marne) le 10 avril.

Festival des sept Collines, Saint-Étienne (Loire) le 28 juin.

 

 

 

Un Contre un , mise en scène et chorégraphie de Raphaëlle Boitel (pour jeune public)

Un Contre un, mise en scène et chorégraphie de Raphaëlle Boitel (pour jeune public)

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©Tristan Baudouin 

On retrouve ici le style épuré de cette artiste dont nous avions dernièrement apprécié Horizon, créé in situ dans les jardins du Palais-Royal. Et surtout La Chute des Anges (2018) qui sera encoe tournée la saison prochaine.  Ici, à sa recherche esthétique, se mêle la légèreté désinvolte des acrobates Alejandro Escobedo et Juliet Salz remplaçant Marie Tribouilloy, légèrement blessée.

Dans un cône lumineux, quatre mains se cherchent, se trouvent, se fuient… Les doigts, étranges petits personnages, courent le long de barreaux verticaux, comme sur une portée de musique, au rythme d’un quatuor à cordes présent sur scène. Cette danse agile est le prélude aux chassés-croisés permanents des interprètes.

Raphaëlle Boitel se réfère au mythe d’Orphée et Eurydice, mais nous voyons surtout une jeune femme insaisissable fuyant son amoureux. Le quatuor à cordes Clément Keller, Sarah Tanguy, Eléna Perrain et François Goliot  accompagne leurs retrouvailles e leurs séparations avec la partition à fois grave et mutine d’Arthur Bison. 

Les lumières denses créées par Tristan Beaudoin sculptent l’espace: les corps des acrobates et des musiciens apparaissent et disparaissent dans les profondeurs mystérieuses des clairs-obscurs. Une longue échelle sera tour à tour : agrès les menant vers les hauteurs, barreaux d’une prison, praticable à clairevoie…

Alejandro Escobedo, sur les traces de sa partenaire fantomatique, va fouiller un portant garni de costumes, seules taches colorées dans cet univers noir et blanc… A l’issue d’un corps à corps acrobatique, Juliet Salz nous offre un dernier solo aérien, avant de s’évanouir à jamais, laissant à son amoureux sa robe blanche…

Ce duo poétique de cinquante minutes a été créé en 2020 avec une musique enregistrée . Aujourd’hui le spectacle s’étoffe de la présence du quatuor complice des interprètes. Fait encore défaut une certaine cohésion mais on retrouve avec plaisir l’univers de Raphaëlle Boitel et de son équipe, entre cirque, danse et théâtre et qui a avait été salué il y a neuf ans avec son premier opus L’Oublié(e), pièce qui a donné son nom à la compagnie. A découvrir …

 Mireille Davidovici

 Le spectacle a été présenté du 26 au 30 décembre, au Théâtre Silvia Monfort, 106 rue Brancion Paris ( XV ème) T. 01 56 08 33 88.

Avec musique enregistrée : Le 8 mars, Espace Brémontier, Arès (Gironde) ; les 10 et 11 mars, Centre culturel Michel Manet, Bergerac (Dordogne)
Et avec musique en direct du 14 au 16 mars, Théâtre National de Nice (Alpes-Maritimes).

TRASH ! conception de Gorka Gonzalez et Jony Elias


TRASH ! conception de Gorka Gonzalez et Jony Elias

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© Jean-Louis Verdier

En scène, quatre percussionnistes en vêtements de travail et casques de chantier dans un décor évoquant une décharge publique. Chargés du tri des ordures, ils récupèrent et détournent de  leur usage  tout ce qui peut produire du son. C’est musical, drôle et entraînant.

On réalise vite qu’il s’agit de musiciens au solide métier. Doués d’une étonnante inventivité, Gorka Gonzalez, Miguel Angel (Micky) Pareja Bruno Alvez et Frank Mark utilisent bidons, sacs plastiques, ustensiles, caisses à outils, pneus…  Des bouteilles de gaz vides deviennent, sous leurs baguettes, des steel-drum et, avec un ballon de basket, Gorka Gonzalez – fondateur de Trash-  improvise un solo à couper le souffle. Avec des bouteilles plastiques accordées selon la gamme, ils interprètent un extrait de la Lettre à Elise de Beethoven et du Cancan d’ Offenbach. Une série de numéros ludiques et bien orchestrés, exécutés à un rythme d’enfer.


Les bouteilles de gaz vides deviennent sous leurs baguettes des still drums. et sur un ballon de basket, Gorka Gonzalez improvise un remarquable solo. Sur des bouteilles en plastique accordées selon la gamme, les musiciens  interprètent un extrait de La Lettre à Elise de Ludwig van Beethoven et du Cancan de Jacques Offenbach. Des numéros ludiques et bien orchestrés, jexécutés à un rythme d’enfer.

C’est drôle et ces artistes espagnols franchissent allègrement l’obstacle de la langue par des  borborygmes, onomatopées, gromelots, conférant ainsi au spectacle une visée internationale.

Le public est largement invité à participer. Pour le plus grand plaisir des jeunes et des plus petits qui chantent, répondent et trépignent. Même si les plus âgés n’adhèrent pas à tout, voire trouvent certains moments un peu racoleurs, il s’agit là d’un excellent spectacle à voir en famille à l’occasion des fêtes de fin d’année.

La  compagnie et son spectacle éponyme ont été créés en 2021  en coproduction et au sein de la compagnie Yllana installée à Madrid. Cette dernière, fondée en 1991, s’est spécialisée dans le spectacle sans parole  musique, pantomime, acrobatie. Elle a réalisé ou produit trente-sept spectacles, diffusés dans quarante-huit  pays, en majorité hispanophones. Elle  conçoit des événements et des animations (Carnaval de Madrid, camps d’été culturels).Elle revendique ainsi 16. 000 représentations et dispose de quatre écoles de théâtre.

Jean-Louis Verdier

Jusqu’au 28 janvier, 13 ème Art, place d’Italie, Paris (XIII ème)

Le 2 février, Franconville (Val-d’Oise) ; le 3 février, Soissons (Aisne) ; le 9 février, Vizille (Isère) ; le 10 février, Brignais (Rhône).

Le 14 mars, Mérignac (Gironde) ; le 16 mars, Plaisir (Yvelines).

Le 19 avril, Queven (Morbihan) ; le 27 avril, Plaisir-du-Touch (Haute-Garonne).

Le 3 mai, Sélestat (Bas-Rhin).

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Festival d’Alba-la-Romaine 2023 ( suite et fin ) Les Josianes, Stek, À tiroirs ouverts, Voyage sur place

Festival d’Alba-la-Romaine 2023 ( suite et fin)

Les Josianes

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Les Josianes © M.D.

Chez Josiane, un café-restaurant avec une façade provençale, c’est gag à gogo. A l’étage, quatre filles courent d’une chambre à l’autre et se montrent aux fenêtres, tels des pantins surgis d’un castelet.
Elles dansent sur La Valse à mille temps de Jacques Brel et s’échappent de la maison en escaladant le mur en rappel…. Elles n’ont pas froid aux yeux et Nuit d’une demoiselle, une chanson coquine de Colette Renard devient leur credo face à l’oppression masculine qu’elles dénoncent comme les premières féministes: leur modèle. Elles nous font rire avec les déclarations machistes d’un avocat, tout en grimpant à la corde lisse, en se tenant en équilibre sur une main et en voltigeant.

Cette « création circo-dansée pour quatre artistes de confession féminine » se décline au pluriel. Dans leurs disciplines respectives, mais avec un brin de nostalgie pour les suffragettes historiques et un regard aigu sur les luttes d’aujourd’hui qu’exprime leur dernière chanson : Canción sin miedo (La chanson sans peur) de Vivir Quintana, une apologie des femmes qui se soulèvent au Mexique… Des filles de Sonora aux femmes armées du Chiapas, contre les viols et féminicides. « Soy Claudia, soy Esther y soy Teresa. Soy Ingrid, soy Fabiola y soy Valeria. Soy la niña que subiste por la fuerza. Soy la madre que ahora llora por sus muertas. Y soy esta que te hará pagar las cuentas. Justicia ! Justicia ! Justicia ! (…) NOS QUEREMOS VIVAS ! Que caiga con fuerza, el feminicida » (Moi, je suis Claudia, je suis Esther, et Thérésa. Je suis Ingrid, Fabiola, et Valeria. Je suis la jeune fille bat. Je suis la mère qui pleure ses mortes. Je suis celle qui te fera payer la facture. Justice ! Justice ! Justice ! Nous voulons vivre: A bas les féminicides.)
La compagnie Josianes est née en 2020, quand le cirque croisa le chemin de la danseuse Julia Spiesser. Elle réunit des artistes, venues chacune d’un pays différent et qui, intrépides, se battent pour leurs idées
en affirmant leur féminité.

Stek par le collectif Intrepidus

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Les clowns sont souvent tristes mais ceux-ci n’ont pas de vague à l’âme. Clochards célestes tout droit surgis d’une grande poubelle, en beaux diables multicolores, ils n’ont pas peur de se cogner à la vie.
Et quand ils tombent, ils se relèvent illico pour mieux s’étaler ou se prendre dans la figure, le couvercle d’une poubelle qu’ils trimballent partout comme une malle aux trésors, à la recherche du stek.
Ce graal est  à griller sur un barbecue trouvé dans une décharge, décor de cette comédie foutraque qui finit par des glissades carnavalesques sur le plateau inondé par maladresse. Pantalons trop courts et vêtements trop longs en haillons ne les empêchent pas de se bagarrer  ou d’être complices quand il s’agit de partager la nourriture.
Analia Vincent, la seule fille du clan, n’a pas froid aux yeux face aux jongleurs Ottavio Stazio et Mario De Jesus Barragan et au clown Léo Morala. Intrépidus, ce nom de collectif va comme un gant à cette fine équipe de cascadeurs sortis de l’école du Lido à Toulouse. Rire garanti. Et petite émotion, quand ils enterrent leur costume de clown, comme une relique d’un autre âge….

Comedia Bonita de et par le duo Bonito

Un spectacle musical nous entraine dans l’intimité d’un couple où l’amour à la longue dérape en petits agacements mutuels. Lui s’énerve quand, avec son accent espagnol, elle déforme les mots.
Et elle est dépitée quand il refuse de répondre à ses câlins en public… Qui aura le dessus? Ces petits différends scellent une complicité inoxydable entre la dynamique Raquel Esteve Mora qui, après l’école Jacques Lecoq, a rejoint Les Nouveaux Nez et l’imperturbable Nicolas Bernard, un des fondateurs de cette compagnie de clowns. Avec des chansons écrites sur mesure aux paroles agiles à la Raymond Devos, un chien savant rigolo et patient tiraillé entre ses deux maîtres, le duo Bonito expert en gags physiques et verbaux, nous amuse et nous émeut. Du clown comme on aime.

 

A Tiroirs ouverts, de et avec Quentin Brevet, mise en scène de Johan Lescop

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A tiroirs ouverts © Patricia Lopez

Quelques planches, une table, des tabourets. L’artiste examine, dubitatif, ce décor de fortune planté sur une petite estrade. Un mobilier qu’il déplacera au gré de ses jongleries, pour infléchir les trajectoires et rebonds des balles capricieuses.

Les objets ne lui obéissent pas toujours et le plateau regorge de chausse-trappes. Maladroit de nature, il trébuche mais se rattrape… En fond sonore, quelques notes qu’il joue sur une clarinette pas toujours obéissante, elle aussi. Mais pour finir, ce solo jonglé et burlesque nous réserve la surprise d’un équilibre précaire parfaitement réussi…

Quentin Brevet compose un personnage de rêveur éveillé poétique et séduisant, mais sous ses airs benêts d’une grande dextérité

 

Voyage sur place de et par Alain Reynaud, mise en scène d’Alain Simon

Dans ce « solo théâtral et autobiographique », l’acteur-clown quitte Félix Tampon, son personnage de scène, pour nous raconter ses souvenirs d’enfance à Bourg Saint-Andéol dont il est parti pour y revenir avec, «d’un côté, avec la casquette de directeur de la Cascade et de l’autre,  avec un chapeau de clown».

Ici, il se fait conteur et nous fait partage la saveur d’une enfance heureuse à l’ombre bienveillante de ses parents qui tiennent une menuiserie au quartier de Tourne et qui ont ouvert un cinéma pour meubler leurs loisirs. »
« C’était avant l’invention de la pédagogie, avant l’ère Dolto », dit-il, en évoquant la sévérité du père, la rigueur des instituteurs… Attiré depuis toujours par les flonflons de la fanfare et les paillettes des majorettes, il devient tambour dans l’harmonie municipale et éprouve son premier  « grand trac » avant de jouer « le roulement des morts », à la cérémonie du 11 novembre. Il se voit déjà en clown : « Je voulais être un personnage. » Et il le deviendra.
Sans effets de manche mais avec malice, Alain Reynaud nous emmène dans la France profonde des années soixante-dix, avec ses souvenirs où chacun trouvera une part d’enfance…

Mireille Davidovici

Comedia Bonita  le 30 juillet, Un dimanche en été, à Porcieu-Amblagnieu (Isère).

Festival d’Alba-la-Romaine, du 11 au 16 juillet.

La Cascade, Pôle national-Cirque, 9 avenue Marc Pradelle, Bourg Saint-Andéol. T. : 04 75 54 40 46.

Festival d’Alba-la-Romaine 2023 : Brèves Tempêtes et Furieuse Tendresse

Festival d’Alba-la-Romaine : Brèves Tempêtes et Furieuse Tendresse

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Brèves Tempêtes © Daniel Michelon

 Toujours aussi assidu, le public revient chaque année, nombreux et ravi des propositions atypiques qu’offre cet événement voué depuis 2009 aux arts du cirque, sous la gouverne des Nouveaux Nez, une compagnie qui venait alors d’ouvrir La Cascade- Pôle national des arts du cirque, à Bourg- Saint-Andéol.

«Ce festival s’écrit au fil des ans comme un scénario qui met en scène les humains dans un paysage… » dit Alain Reynaud, le directeur du festival et de la Cascade. Les spectacles ont investi les ruines bucoliques du théâtre romain et, au cœur du village, la salle des fêtes, la cour d’école, les places publiques, une prairie au bord de l’eau, jusqu’aux contreforts d’un pic volcanique… « On prend les lieux comme ils sont, avec le moins d’éclairages et de technique possibles», dit Marie-Odile Roux, la secrétaire générale.
Le public peut déambuler d’un lieu à l’autre à la découverte d’Alba-la-Romaine. Parmi ses 1.200 habitants, près de 170 bénévoles, travaillent  à l’entrée du parking, à la billetterie, au bar, à la cuisine, ou à l’accueil des artistes et des journalistes qu’ils accueillent chez eux… Ils viennent en appui des équipes professionnelles mobilisées pour une quinzaine de spectacles pendant une semaine, du matin au soir. ».
Ce
festival, c’est aussi des spectacles gratuits, (deux par jour)  des initiations au trapèze, à la danse, aux échasses, dans un espace convivial: Le Carbunica sous de grands arbres. Au bar, ou à la roulotte des glaces, on paye en carbus, une monnaie du nom d’un antique cépage local.

La programmation s’articule autour du clown, dans le sillage des Nouveaux Nez. « On n’est pas dans l’événementiel mais dans le résultat du travail de territoire à l’année que mène La Cascade, dit Alain Reynaud. Au cirque, il n’y a pas de vedette, et cela touche tout le monde. »
Nous avons pu voir en deux jours neuf spectacles, certains en création mais tous à guichet fermé. Petites formes ou grandes fresques ont tous une dose d’humour. Et si certaines abordent les versants sombres de notre humanité, la bonne humeur reste au rendez-vous. À commencer par les spectacles grand format sous le chapiteau et au théâtre antique.

Brèves tempêtes, mise en scène d’Alain Reynaud et Eric Louis, par le collectif T.B.T.F.

 Une création in situ, issue d’une résidence de ce collectif à La Cascade. Du sur-mesure pour le théâtre antique, avec vingt artistes qui ont élu domicile à Bourg Saint-Andéol, sous l’aile protectrice d’Alain Reynaud. Il vient d’ouvrir un espace d’entraînement dans une ancienne chapelle (voir Le Théâtre du blog), dans ce Pôle national-Cirque.

Les artistes se présentent et racontent comment ils se sont rencontrés dans leur quartier, au collège, ou dans des écoles ce cirque, et comment, de fil en aiguille, ils se sont rassemblés pour faire ce spectacle qui scelle leur collaboration. Un historique mis en scène avec grâce, comme une ronde ininterrompue.
Suivront, en une heure vingt, des numéros qui s’enchaînent, se superposent en un mouvement perpétuel. Figures au mât chinois, en solo, à deux ou à trois, avec Mahé Nithardt, Bernadette Favre, Rémi De Carvalho. Se succèdent au cerceau aérien Inès Arabi, et  Elisa Bitschnau au trapèze fixe, Mara Procacci ou Réhane Arabi à la corde lisse. Aïna Duc sur tissu est aussi clown à ses heures….
Yannis Gilbert, Justin Collas, Arthur Amouroux et Timothée Aïna Meiffren se propulsent dans les airs et d’autres comme Sophie Nusbaumer, Xavier Mermod, Calou Raisse se livrent à des acrobaties en cascades, mains-à-mains et jeux icariens.
Ambroise Donnier tourne sur son mono-cycle et Timothée Vincent dans sa roue Cyr. L’élégant Ricardo S.Mendes jongle avec ses balles jaunes et l’amusant Juri Bisegna Minder avec ses chapeaux dont il coiffera ses camarades.

Ici, personne ne cherche à tirer son épingle du jeu et tous échangent leurs pratiques, dansent, chantent, se succèdent au piano ou à la batterie… Il se passe toujours quelque chose de joyeux et poétique sur le plateau construit en format panoramique le long du mur d’enceinte romain. Pendant que certains travaillent, d’autres prennent du repos en composant de jolies scènes d’ensemble, attablés en fond de scène ou assis sur un canapé.

Ces chassés-croisés, solos, duos, trios et scènes de groupes dans une grande fluidité, sont portés par une énergie commune revendiquée : « Nous nous réunissons avec l’envie d’explorer les arts vivants. De culture, disciplines et formations différentes, nous mettons en commun nos connaissances et parcours au profit de la création. »Au sein du collectif T.B.T.F., existent plusieurs entités avec différents projets artistiques. Ces brèves tempêtes soulèvent un vent prometteur.

Furieuse Tendresse, mise en scène de Sara Desprez et Angelos Matsakis, par le Cirque Exalté

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Furieuse Tendress © Cirque exalté

Portés acrobatiques, danse, BMX flat-land, jonglerie, trapèze ballant:    annonce la nouvelle création du Cirque Exalté. Sous la houlette d’un cycliste déguisé en coyote sur une B.M.X. (Bicycle Moto Cross), une meute tourne autour du chapiteau, au dos des spectateurs, sur une coursive spécialement conçue…
Ce mouvement circulaire imprègnera tout le spectacle. En piste, l’homme-coyote sur sa monture fait des équilibres, sauts et retournements sur des repose-pieds à l’arrière du vélo et sur la fourche avant. Et ses partenaires se rassemblent pour des portés acrobatiques très audacieux. Sarah Desprez et Maria Jesus Penjean Puig s’envolent sur les épaules de leurs porteurs, avec sauts et  puissants mains-à-mains… Angelos Marsakis jongle avec grâce, tout en tournoyant, jupe et cheveux au vent.

Une voix demande : « Connectez-vous au sauvage qui est en vous. » Placé sous le totem ambivalent du coyote, ce spectacle, accompagné par la musique répétitive de Romain Dubois veut être «un rituel inventé de toutes pièces par des gens qui prennent le temps de fêter leur vulnérabilité, pour toujours se souvenir qu’elle fait partie de leur humanité.»
L’animal souvent appelé chien sacré par les premières nations d’Amérique est, selon la mythologie, rusé et farceur. Il a mis la pagaille dans les étoiles au moment de la création du monde et est aussi un puissant sorcier et guérisseur.

Foutoir Céleste porte bien son titre: Sara Desprez sur son trapèze ballant s’envole au firmament du chapiteau. Toujours plus haut, toujours plus risqué. « J’ai peur d’avoir peur d’avoir peur d’avoir peur.», dit-elle après cette performance qui nous a donné des frissons.

Une cérémonie giratoire où s’enflamment les énergies jusqu’au paroxysme et qui célèbre un cirque où chacun affronte le danger et ensemble le partage, entre artistes et avec public.

Le Cirque Exalté, fondé en 2009 par Sara Desprez et Angelos Matsakis est installée au Mans et ici, c’est leur quatrième création, après Complètement Swing ! (2010) Furieuse Tendresse (2014) Coyote ( 2018) et Amants (2020).  Àne pas manquer.

Mireille Davidovici

Festival d’Alba-la-Romaine du 11 au  16 juillet.

Foutoir Céleste
, les 15 et 22 septembre, Village de cirque, Pelouse de Reuilly, Paris (XII ème)

La Cascade, Pôle national Cirque, 9 avenue Marc Pradelle, Bourg Saint-Andéol. T. : 04 75 54 40 46

Escapade, soirée théâtrale hors-les-murs par Bonlieu -Scène nationale d’Annecy

Escapade, soirée théâtrale hors-les-murs par Bonlieu-Scène nationale d’Annecy

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Manolo Théâtre du Centaure © M. D.

Une échappée belle au bord du lac, imaginée par l’équipe de Bonlieu et Les Jardins EnChantés dirigés par Blaise Merlin.  Avec une trentaine d’artistes, musiciens, circassiens, chanteurs… dans les vastes jardins de l’Europe, face au lac. Sur les pelouses et sous les lampions suspendus aux arbres centenaires, des tables accueillent les familles en pique-nique.
Plus de six mille personnes ont assisté à cette soirée gratuite qui clôt la saison théâtrale et ouvre l’exposition d’œuvres contemporaines en plein air Annecy Paysage, tout l’été dans les parcs.

Cette version plus modeste de La Grande Balade du Semnoz en 2020 (voir Le Théâtre du blog), se déroule en partie dans les frondaisons où des musiciens perchés sur des nacelles, donnent un concert. Hissés dans les branches avec cordes et poulies, ils jouent à tour de rôle pour éviter la cacophonie et nous emmènent dans des univers sonores contrastés :les étonnantes polyphonies, chants, et percussions des Pygmées Aka  du Congo alternent avec les solos lancinants de kora du Sénégalais Abdou Kouyaté, et les airs soufis du Palestinien Abo Gabi.

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Chant pygmées Aka © Yannick Perrin

Mais aussi le Trio Unio de Grenoble avec Armande Ferry-Wilczek (chant), Juliette Rillard (chant) et violon), Elise Kusmeruck (chant et violon).
Les mélodies grecques et orientales de Dafné Kritharas et Paul Barreyre, les chants flamenco de Paloma Pradal (Espagne), le duo occitan Duò Lavoà Lapò  de Manu Théron et Damien Toumi, les chants d’Italie du Sud par Eléonora Petrulli, et le chanteur basque Julen Achiary..

Nous avons aussi vu Manolo, l’acteur-centaure sur son cheval noir au bord du lac, suivi par le public surpris et par Anwar Khan, le percussionniste du Rajahstan qui l’accompagnait dans son récent spectacle Animal.

 

Nous avons aussi retrouvé aussi Les Filles du Renard Pâle, cette fois pas sur un fil mais dans une roue giratoire où Noa Aubry tourne élégamment, accompagnée par Johann Guillon à la guitare.

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Les filles du renard pâle© Yannick Perrin

Cet agrès fait partie du prochain spectacle de la compagnie en résidence de création à Annecy, troisième volet de la trilogie de la funambule Johanne Humblet, artiste associée à Bonlieu depuis 2021. Après Résiste et RespireRévolte ou Tentatives de l’échec, mettra en scène cinq artistes, circassiennes, danseuses et musiciennes : elles iront jusqu’au bout quitte à échouer, et à recommencer inlassablement pour suivre le fil de la liberté « face à la déraison, gangrène sociale, y a-t-il d’autres possibilités ? Et si elles vont jusqu’à l’effondrement, ce sera le poing levé ! »

 

Nous assistons aussi à Desorden, une performance de dix-huit minutes duo pour patins à roulettes batterie. Justine Berthillot, juchée sur des rollers luminsecents élégante sous des éclairages violets, se lance, après quelques tours de pistes apaisants, dans des figures acrobatiques et équilibres précaires. Elle glisse, chute après de grands écarts périlleux, mais se relève avec grâce, sous l’impérieux diktat du batteur Xavier Roumagnac. Révolte et soumission se succèdent chez Justine Berthillot sous l’emprise de la musique, mais elle aura le dernier mot, quand les sons et mouvements se fondent en une commune énergie. Une artiste à suivre.

 Ce menu de qualité invitera-t-il les gens à entrer dans la Scène Nationale ? La prochaine saison a été programmée par Salvador Garcia, avant de quitter Bonlieu après vingt-six ans à sa tête, et par Géraldine Garin qui en assure la direction par intérim. En attendant une nouvelle nomination l’année prochaine….

 Mireille Davidovici

 Le 8 juillet, dans le cadre d’Annecy-Paysage.

Bonlieu-Scène nationale, 1 rue Jean Jaurès, Annecy (Haute-Savoie) T. : 04 50 33 44 11.

Le Petit Garde rouge de Chen Hiang Hong, mise en scène de François Orsoni

 Le Petit Garde rouge de Chen Hiang Hong, mise en scène de François Orsoni

L’auteur est avant tout peintre, et c’est un bonheur de le voir illustrer le récit de son enfance, porté par un comédien et deux danseuses. Une enfance en Chine, dans une famille fruste mais heureuse, jusqu’au moment où survient la Révolution culturelle (1971). Il a huit ans  et, à l’école, il arbore un foulard rouge et brandit le petit livre rouge de Mao Tse Dong. Mais sa vie va être bouleversée : son père est envoyé en camp de rééducation, à la grande tristesse de sa mère et de ses grands-parents…

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Alban Guyon raconte avec sobriété cette autobiographie aux anecdotes familières mais sans jugement sur l’Histoire. Et les dessins de Chen Hiang en disent plus que le texte. Sur grand écran, maisons, arbres, oiseaux, fleurs, chat, sœurs, écoliers, grands-parents et parents naissent par petites touches de pinceau ou grand traits d’encre de Chine, noire ou de couleur. Lili Chen et Namkyung Kim, sœurs de l’auteur, avec une chorégraphie évocatrice, nous transportent dans l’Empire du Milieu vers les années soixante-dix avec ses opéras révolutionnaires, hymnes patriotiques, sons et odeurs. Grâce aux bruitages d’Éléonore Mallo, nous suivons le jeune garçon dans la rue, à l’école, dans un parc ou parmi les poules de la grand-mère, égorgées par les gardes rouges…

Sans prétention, cette adaptation au théâtre du livre Petit garde rouge doit sa saveur à la simplicité du texte et à la pureté des calligraphies. Ici, aucun misérabilisme, ni parti-pris idéologique. Une histoire fluide qui finit par un moment poignant où l’artiste, après le  comédien, prend modestement la parole pour dire la suite : le collège, l’Académie centrale des Beaux-Arts à Pékin ; puis, en 1987, l’Ecole des Beaux-Arts de Paris. Ce peintre est aujourd’hui reconnu et son œuvre a fait l’objet de nombreuses expositions. Parallèlement, il écrit et illustre à l’encre de Chine sur papier de riz, des albums pour la jeunesse publiés à l’École des loisirs. François Orsoni a découvert l’artiste en 2008 et mis en scène, avec lui et selon les mêmes principes, Contes chinois.

«J’ai envisagé le projet comme un moment de partage, dit Chen Hiang Hong. Je crois qu’il est de mon devoir de transmettre ce récit aux jeunes générations, afin qu’elles puissent mieux comprendre la Chine d’aujourd’hui et cet épisode qui a durablement marqué le XX ème siècle. Je vois aujourd’hui cela comme une mission à la fois politique et humaniste et le théâtre permet cela, bien au-delà du livre.»
Il ne faut pas s’attendre à une fresque sur la Révolution culturelle mais petits et grands auront le plaisir d’entendre, et surtout de voir, une belle histoire.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 18 juin, Théâtre du Rond Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris (VIII ème). T. :01 44 95 98 21.

Le 3 juin : ateliers parents/enfants à partir de cinq ans. Bruitage animé et danse traditionnelle chinoise… Et le 6 juin, rencontre avec l’historienne Annette Wieviorka, autrice de Mes années chinoises.

Circusnext : lauréats 2023

 Circusnext : les lauréats 2023

Sous la direction à Paris de Cécile Provôt, ce dispositif international fête Circusnext fête ses vingt ans. Anciennement Jeunes Talents Cirque fondé par Fred Cardon et labélisé par la Commission européenne, il a été mis en place pour soutenir le cirque contemporain en effervescence… Deux décennies à accompagner des artistes venus de partout et incontournables comme Baro d’Evel, Camille Boitel, Galaktik Ensemble, Alexander Vantournhout… Et bien d’autres qui ont conquis les pistes de cet art hors classe. Circusnext  doit bientôt s’installer à la Ferme Montsouris, un nouveau lieu de la Ville de Paris consacré au cirque. Une promesse de belles découvertes.

Un jury de professionnels et artistes des nations partenaires a, en février 2022, sélectionné sur dossier parmi cent dix-neuf artistes, trente-six qui ont bénéficié de laboratoires dans cinq pays d’Europe. Parmi eux, douze finalistes ont eu droit à une coproduction et à des résidences dans les lieux membres de Circusnext Plateforme en Europe. A l’arrivée, quatre projets de spectacles sont présentés sous un format de vingt minutes: des travaux en devenir mais suffisamment aboutis. Dans leur singularité, ils témoignent de l’être au monde des artistes. Poétiques, politiques, drôles ou étranges, ils ont tous un fort potentiel qui convaincra sans doute les lieux de résidence ou diffusion de les accueillir pour peaufiner leur travail,  et pour ensuite les programmer.

Cá entre nós par la compagnie Doisacordes

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© Christophe Reynaud de Lage

Encordés, accordés, désaccordés, le Chilien Roberto Willcock et le Brésilien Thiago Souza se livrent à un jeu de pouvoir avec pour accessoire de longues cordes: qui entravera l’autre ou lui échappera ? L’un veut dominer mais l’autre réussit à s’esquiver. Par de savantes manipulations de leurs agrès, avec des nœuds qui se font, se défont ou coulissent, ils sont d’une grande précision au sol comme dans les airs.

De violent à ludique, ce numéro dit les rapports de force mais aussi un essai d’équilibre pour nouer des relations autres… Cá entre nós : une expression brésilienne impliquant une confiance, que l’on peut traduire par : « cela reste entre nous”. Ces artistes qui se sont connus à l’École nationale de cirque du Brésil, ont installé leur compagnie à Barcelone en 2022 : cette première création sera finalisée dans deux ans. Avec un savant jeu de lumières, une sobriété gestuelle, une construction cohérente et une solide maîtrise corporelle, un beau duo en perspective…

Masha par la compagnie Palimsesta

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© Christophe Reynaud de Lage

 Étrange dispositif : une étroite piste revêtue de graisse où deux silhouettes, torse nu et se font face. L’homme massif, la femme frêle, à genoux ou assis sur le sol luisant d’une scène bi-frontale, glissent l’un vers l’autre puis reculent ou pivotent. Nous les voyons donc de profil. Cette progression lubrifiée semble d’abord aisée, voire agréable, mais quelques difficultés surviennent rendant alors toute avancée impossible. «La graisse glisse de nos corps sur le sol : faire un pas en avant implique le risque de glisser» disent Andrea Rodriguez de Liébana chercheuse circassienne, enseignante et architecte et Sergio González, à la fois travailleur social et artiste.

Avec cette première collaboration commencée en 2021 et au résultat prévu pour 2024 ils veulent:« Fournir une histoire critique sur l’annulation du sujet, à travers les nouvelles formes de capitalisme. ».Masha, construit sur la tension entre burlesque, et tragique, met en évidence de façon très fine, dans cette proximité, les tactiques de corps adverses pour rester debout et continuer. En faisant observer de près ses tentatives pour aller vers l’autre et dépasser les difficultés, Masha exprime la force vitale qui anime les individus.

 Fora d’Alice Rende

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Christophe Reynaud de Lage

 Enfermée dans une haute et étroite cage de verre face à un miroir, la contorsionniste va essayer d’en sortir. « Fora » signifie dehors, en portugais, catalan, occitan, sarde… Comment échapper à cette prison aux murs lisses ? Colère, rage et désespoir n’y feront rien. Alice Rende avec des reptations spectaculaires apprivoise l’espace et se hisse après plusieurs glissades hors de ce cercueil transparent, métaphore de la condition féminine et de l’aspiration à en sortir.

Encore faudra-t-il s’habituer à la liberté et une fois dehors rejeter l’aliénation qui habite encore son corps. Ce que nous réserve la seconde partie de cette puissante et élégante narration corporelle. Fora verra le jour à la B.I.A.M., à Marseille, l’hiver prochain. Ce sera le deuxième solo d’Alice Rende, italo-brésilienne formée à l’Ecole Nationale de Cirque du Brésil, puis à l’Ecole Supérieure des Arts du Cirque de Toulouse où elle avait créé son premier solo: Passages.

 Le Repos du guerrier d’Édouard Peurichard

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© Christophe Reynaud de Lage

Ce Français, acrobate, jongleur et lanceur de couteaux, va nous parler de son parcours lié à ses spectacles mais aussi de ses expériences en « cirque adapté», une pratique utilisant le cirque comme moyen pédagogique ou thérapeutique. Né en milieu hospitalier pour aider les handicapés, cette pratique s’ouvre aujourd’hui à un public plus large dont des jeunes en rupture. Son but : retisser les liens sociaux.
Petite démonstration avec un spectateur, ici un adolescent souriant. Édouard Peurichard montre, comment établir des liens de confiance à partir de situations déstabilisantes… Mais rien de pédagogique dans ce solo humoristique où son auteur nous fait voir le cirque sous un jour nouveau. Le repos du guerrier  sera finalisé le 1er octobre prochain à la Grainerie à Toulouse.

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 25 mai au Théâtre de la Cité Internationale, 17 boulevard Jourdan, Paris (XIV ème) T. : 01 85 53 53 85.

www.circusnext.eu

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