Le Bourgeois gentilhomme d’après Molière, mise en scène de Bastien Ossart
Le Bourgeois gentilhomme d’après Molière, adaptation et mise en scène de Bastien Ossart
Nombre de pièces de notre dramaturge national sont des comédies-ballets dont ce célèbre Bourgeois-Gentilhomme. Molière y peint un brave homme vaniteux mais peu cultivé et fasciné par la Cour et la noblesse. On lui fait croire, moyennant des prêts d’argent dont il ne reverra jamais la couleur, qu’on a cité son nom auprès du roi Louis XIV… Alors naïvement obsédé à réussir son ascension sociale, il prendra des cours de danse et chant mais aussi de langage. Et il découvre avec ravissement qu’il parle en prose dans cette scène on lui apprend à bien dire: «Marquise, vos beaux yeux d’amour. Tout aussi naïf, il veut séduire une belle jeune femme qu’il invite chez lui à un somptueux repas. Mais là il a encore tout faux: son épouse, bien entendu, découvrira le pot aux roses.
Et histoire de montrer qu’il est enfin devenu le personnage important qu’il a toujours rêvé d’être, ce M. Jourdain veut aussi marier sa fille Lucile au fils du grand Mamamouchi turc qui lui demande sa main. Bien entendu, échec sur toute la ligne: déguisé ce mamamouchi est en fait l’amoureux de Lucile…Des scènes farcesques mais que, vu les coupes, les jeunes spectateurs qui étaient là, doivent avoir du mal à suivre.
Le metteur en scène-qui joue Monsieur Jourdain- a fait glisser le peu qui reste de la pièce, vers une mini-comédie musicale, avec référence, au début, au fameux Cabaret de Bob Fosse quand les acteurs chantent en groupe: « Bienvenue chez le Bourgeois gentilhomme, Wilkomen ». Une comédie musicale autrefois superbement montée en 86 par Jérôme Savary qui avait aussi mis en scène Le Bourgeois Gentilhomme (en 81 puis en 96) et dont on retrouve ici le chapeau-citrouille coiffant M. Jourdain). Il y a quelque chose ici du Grand Magic Circus, la troupe mythique fondée par Jérôme Savary mais hélas, sans la folie et la véritable impertinence qui avaient fait son grand succès… il y a déjà un demi-siècle.
Et cela peut fonctionner? Non! Ce Bourgeois Gentilhomme « d’après Molière et adaptation » (Bastien Ossart met des gants!) est sans aucune saveur: l’action est résumée et ficelée à la va-comme je te pousse. Il en a gardé les seules scènes-cultes mais jouées façon TGV, entre intermèdes dansés et chantés en groupe face public.
Et les personnages ne sont plus que l’ombre d’eux-même. Pour dire quand même le XVII ème siècle, on met un peu de Lully… Le tout, assez fluide mais sans originalité, tombe à plat et il faut se pincer pour rire aux gags: le public sourit…
Les maquillages blancs tiennent de ceux des clowns et pour les costumes, Bastien Ossart a voulu faire dans le burlesque et un soi-disant décalage mais raté, ils sont d’une rare laideur, comme les perruques caricaturales en plastique avec un clin d’œil à la B.D. ,que les acteurs décrochent en fond de scène et se mettent à vue, façon Brecht du pauvre…Ils ont tous une excellente diction et font un travail précis. Mention spéciale à Benoît Martinez (Covielle) et à Liven Liang-Gelas (Lucile et Dorimène) qui ont une remarquable gestuelle.
Mais ici, le compte n’y est pas: « Si vous aimez l’humour qui sort des clous, foncez, on n’a pas de freins. » dit assez prétentieusement la note d’intention. » Et ce « moment de légèreté » (sic) fait plutôt dans le lourd et l’approximatif. A part un court moment plus proche de la performance où les six acteurs semblent broder ensemble un texte en chœur qui a peu à voir avec celui du Bourgeois Gentilhomme, on reste sur sa faim.
Bref, ce n’est pas la peine de « foncer » au Lucernaire, sauf pour aller savourer dans l’excellente mise en scène de Philippe Person, La Ménagerie de verre de Tennessee Williams (voir Le Théâtre du Blog).
Philippe du Vignal