D’autres jours viendront, une création du théâtre El Duende
Ils ont donc fui leur pays après le court mandat du président Allende quand s’abattit sur tout le pays, la répression féroce des militaires et du sinistre dictateur Augusto Pinochet. « Cette pièce est l’écho, disent-ils, d’une histoire très personnelle que nous désirons partager avec vous. » Celle d’une compagnie née au Chili, il y a quarante-sept ans. Pierre Richard joua au théâtre Aleph en 96 et 97 dans Meurtre à Valparaiso, un cabaret-polar, puis dans Il était une fois un roi en 1999. Et Adel Hakim, directeur du théâtre des Quartiers d’Ivry, mettra en scène deux pièces d’Oscar Castro. « Nous sommes arrivés en France en qualité de réfugiés politiques avec Anita Vallejo, notre mère et , notre père. (…) Un tournant brutal qui a redéfini notre destin. Pourquoi avons-nous attendu si longtemps pour vous raconter cette histoire ?La réponse nous échappe encore. Mais une chose est certaine : l’impulsion s’est éveillée, et le temps ne saurait effacer le devoir de mémoire. » Sur le plateau, cinq musiciens et dix acteurs-chanteurs-danseurs. Au milieu, un cube noir avec Anita Vallejo au synthé et sa petite-fille, récitante. Au fond, un grand écran où défileront, photos, extraits de films d’actualités particulièrement bien choisis et et très émouvants sur ce qui fut une tragédie nationale pour le Chili: d’abord la joie envahissant les rues à l’annonce de la victoire de Salvador Allende en 1970. A sa quatrième tentative, le candidat de l’Unité populaire était arrivé en tête de l’élection présidentielle avec 36,6 % des suffrages… Mais déjà arrivent les nuages sombres: le président Richard Nixon est contre la politique de gauche de Salvador Allende et envisage de le renverser. Il donnera l’ordre à la CIA de «faire crier l’économie chilienne ». Les avoirs et biens aux États-Unis sont bloqués: « Notre principale préoccupation, c’est le fait qu’Allende puisse consolider son pouvoir et que le monde ait alors l’impression qu’il est en train de réussir. » Mais le Chili est divisé et les Etats-Unis feront tout pour le déstabiliser! Le 11 septembre 73, à neuf heures du matin, sur ordre du général Augusto Pinochet, commandant en chef des forces armées qu’avait nommé Salvador Allende!, le palais présidentiel sera bombardé. Salvador Allende qui se sait condamné, s’adresse une dernière fois aux Chiliens et se suicide avec une kalachnikov que lui avait offert son ami Fidel Castro…. C’est tout cela que raconte sur presque deux heures avec de nombreuses chansons en espagnol et danses, ce spectacle attachant. Mais comment ne pas être partagé: la mise en scène d’Andrea Castro est trop souvent assez approximative: il faudrait revoir entre autres, l’intervention de la jeune actrice- pourquoi a-t-elle un micro H.F. ?- et la balance texte/musique et chants, eux aussi sonorisés à outrance. Il faudrait aussi mieux diriger les acteurs trop statiques, à cause de la table noire où sont assises mère et petite-fille au centre du plateau où elle bloque les déplacements. Et sans aucun doute resserrer l’ensemble qui, vers la fin, a tendance à faire du sur-place. Mais les images comme cette photo des Castro, père mère et enfants, montant l’escalier de l’avion vers la France et les extraits de films sont remarquables. Avec le temps-mais il sera peu joué-le spectacle devrait se bonifier. Une occasion de voir ou revoir une page de l’histoire du Chili, déjà un peu oubliée même si de nombreuses rues et places en France et dans le monde, portent le nom de Salavador Allende. Et aussi une possibilité de visiter un morceau de l’histoire du théâtre contemporain*. Philippe du Vignal Jusqu’au 15 décembre, les jeudis, vendredis et samedis à 20 h 30 et les dimanches à 17 h 30, au Théâtre El Duende, 23 rue Hoche, Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). T. : 01 46 71 52 29. * Recueil de textes tirés du livre sur le Théâtre Aleph: Archéologie d’un rêve-la mémoire et l’exil de Luis Pradenas