Faust de Charles Gounod, direction musicale de Louis Langrée, mise en scène de Denis Podalydès

Faust de Charles Gounod, direction musicale de Louis Langrée, mise en scène de Denis Podalydès

Avec les décors d’Éric Ruf, les costumes de Christian Lacroix, les masques de Louis Arène… toutes les fées se sont penchées sur ce Faust qui a reçu, du Syndicat de la critique, le prix Claude Rostand, (meilleure coproduction lyrique régionale et européenne).
Julien Dran (Docteur Faust), Jérôme Boutillier (Méphistophélès), Vannina Santoni (Marguerite) interprètent avec justesse et fougue les rôles principaux. Leurs performances vocales ont ébloui le public de la salle Favart surchauffée malgré la climatisation. Louis Langrée -chemise noire trempée!- est à la tête de l’Orchestre national de Lille avec le merveilleux chœur de l’Opéra de cette ville. Il a a voulu monter dans sa version d’origine, le deuxième opéra le plus joué au monde après Carmen. Et ici, pour la première fois depuis sa création en 1859, avec dialogues parlés et textes chantés. Le travail des musicologues du Palazzetto Bru Zane et du Centre de musique romantique française sont à l’origine de cette renaissance.

© Stéfan  Brion

© Stéfan Brion

Denis Podalydès a réalisé une mise en scène classique et très lisible avec les costumes sobres fin XIX ème siècle de Christian Lacroix. Tonalité sombre et grise, comme si les personnages évoluaient dans l’antichambre de la mort. Il y a seulement au début du quatrième acte, des couleurs chatoyantes, quand démons et damnés se transforment en prostituées, et que le docteur Faust se livre à ses plaisirs dans la nuit de Walpurgis. La scénographie d’Éric Ruf, très mobile, apparait comme un élément  vivant. Il aime montrer les coulisses autour d’un plateau nu comme pour Le Soulier de Satin, avec, ici, un plateau tournant où les techniciens et les deux interprètes accompagnant Méphistophélès mettent en place les éléments de décor. Entre les II ème et III ème actes, sont inversés de hauts châssis représentant l’habitation de Marguerite : un bel effet…
La chorégraphie de Cécile Bon occupe aussi une place importante. La nuit de Walpurgis au dernier acte imposait le corps de ballet de l’Opéra qui, ici, était absent… Mais les danseuses Julie Dariosecq et Elsa Tagawa sont un fil rouge très présent sur ces quatre heures. Denis Podalydès résume bien cet opéra: « Je ne sais plus qui a dit : « Faust, c’est l’histoire d’un infanticide. » Il y a en effet derrière l’histoire fantastique et religieuse, un fait-divers banal et sordide dans une nouvelle qu’aurait pu écrire Gustave Flaubert ou Guy de Maupassant… Un vieil homme, triste mais riche, veut goûter une dernière fois aux plaisirs de l’amour avec une jeune fille pauvre qui sera enceinte de lui. Mais il la quitte… Elle tuera l’enfant et sera condamnée à mort.
On retrouve les grands standards vocaux avec un réel plaisir. Entre autres à l’acte II, quand Faust chante cette cavatine : « Salut ! Demeure chaste et pure. Où se devine la présence d’une âme innocente et divine. »
Au même acte, Marguerite chante l’air immortalisé par la Castafiore, une créature dHergé : «Ah! Je ris de me voir si belle en ce miroir! » Ce spectacle affiche complet mais il serait bien qu’il soit repris et vu par un large public…

Jean Couturier

Opéra-Comique, place Boieldieu, Paris (II ème), du 21 juin au 1er juillet. T. : 0 825 01 01 23.


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Carmen de Georges Bizet par les Voix des Outre-mer à l’Amphithéâtre de l’Opéra Bastille

Carmen de Georges Bizet par les Voix des Outre-mer à l’Amphithéâtre de l’Opéra Bastille

 Nous avons eu le plaisir d’assister à l’un des rendez-vous lyriques proposés cette année par les territoires ultramarins, le 30 juin dernier, à l’amphithéâtre Olivier Messiaen de l’Opéra Bastille. À la magnifique représentation de l’opéra comique Carmen de Georges Bizet, bien sûr, sans le décor où il a été (re)créé en décembre dernier par les Voix des Outre-mer, ce qu’il reste du théâtre-opéra au bas de la montagne Pelée qui le réduisit en cendres, avec la ville de Saint-Pierre et expédia ad patres ses habitants, le 8 mai 1902.

 Le spectacle reprenait les costumes et les rappels de motifs et de couleurs des plaids, des fichus, des foulards et des madras antillais qui tiennent des tartans écossais et irlandais ; et la même distribution lyrique ; et une troupe de danseurs traditionnels ; avec cependant, par-dessus le marché, si l’on peut dire, l’excellent orchestre du Théâtre de… Rungis dirigé par Laurent Goossaert, complété par deux chorales d’enfants provenant de la banlieue parisienne. Rappelons que, depuis sa création en 2019, le Concours des voix des Outre-mer, fondé par Fabrice Di Falco, contre-ténor de renommée internationale originaire de Martinique et Julien Leleu, contrebassiste de jazz, a permis la révélation d’artistes extrêmement talentueux. En 2024, le public a pu découvrir, entre autres, Axelle Saint Cirel (Prix du jury 2023), qui a interprété La Marseillaise lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques et Luan Pommier (Lauréate 2020), qui a interprété piano-voix l’hymne des Jeux paralympiques. La troupe formée par Fabrice di Falco et Julien Leleu va donner à Avignon, du 6 au 10 juillet, un autre opéra, Porgy and Bess de George et Ira Gershwin.

 Pour ce qui est de Carmen, opéra en quatre actes de Georges Bizet avec un livret d’Henri Meilhac et Ludovic Halévy tiré de la nouvelle de Prosper Mérimée, les versions ne manquent pas. Citons-en quelques-unes : les ballets de Kassian Goleïzovski (Carmen suite, 1931), Ruth Page et Bentley Stone (Guns and Castanets, 1939), Eugene Loring (Carmen Jones, 1943), Roland Petit (1949), Alberto Alonso (Carmen Suite, 1967), John Cranko (1971), Alfonso Cata (Douce Carmen, 1975), Antonio Gades (1983), Peter Darrell (1985), Karine Saporta (1991), Mats Ek (1992), Dominique Boivin (1992), Francisco Sedeno (Carmen Graffiti, 1995), Amedeo Amodio (1995), Thierry Malandain (1996), Matthew Bourne (The Car Man, 2000), Abou Lagraa (2024).
Nombre de cinéastes ont été fascinés par l’héroïne, d’Arthur Gilbert (1907) à Mark Dornford-May (2006, U-Carmen eKhayelitsha), en passant par Gerolamo Lo Savio (1909), Jean Durand (1911), Stanner E.V. Taylor (1913), Lucius Henderson (1913), Charlie Chaplin (Burlesque on Carmen, 1915), Cecil B. DeMille (1915), Raoul Walsh (1915), Ernst Lubitsch (1918), George Wynn (1922), Jacques Feyder (1926), Raoul Walsh (1927, Loves of Carmen), Cecil Lewis (1931), Lotte Reiniger (1934), Florián Rey (1938, Carmen, la de Triana), Christian-Jaque (1945), Charles Vidor (1948, Les Amours de Carmen), Otto Preminger (1954, Carmen Jones), Tulio Demichelli (1959, Carmen de Grenade), Carmine Gallone (1962, Carmen 63), Carlos Saura (1983), Francesco Rosi (1984). Compte n’étant tenu ni des réalisateurs télé ni des auteurs ou autrices de vidéodanse ou de vidéo-art comme, par exemple, Geneviève Hervé (1983, Cattiva Carmen).

© N.V.

© N.V.

Pour leur version, Fabrice Di Falco et Julien Leleu, ont procédé à quelques changements dans le livret, situant l’action non à Séville mais aux Antilles, transposant le rituel ou spectacle de corrida en fête de carnaval, enrichissant les paroles de répliques en langue créole – l’opéra dit comique n’implique pas que l’œuvre soit nécessairement une comédie mais qu’à la musique et au chant s’ajoutent des dialogues parlés. Et, à ce propos, nous avons trouvé les interprètes hommes particulièrement convaincants comme comédiens tandis que les femmes nous ont paru remarquables sur le plan de l’art lyrique.
Tous ont ainsi pu être mis en valeur, d’une façon ou d’une autre, que ce soit le ténor Paul Gaugler (Don José) : le baryton Dmytro Voronov (Escamillo), Juan José Medina (Le remendado), le baryton Auguste Truel, (Morales), la soprane Livia Louis Joseph Dogué (Mikaela), la soprane Axelle Rascar Moutoussamy (Frasquita), la soprane Ève Tibère (Hermancia), Ludivine Turinay (Mercedes) et, surtout, l’exceptionnelle Marie-Laure Garnier dans le rôle-titre.

Le niveau artistique est remarquable. Nous avons eu en tête, par moments, la version métisse du Carmen Jones de Preminger mais aussi et surtout l’adaptation sud-africaine, entièrement black cast, avec ces dames bien en chair, signée par le metteur en scène Mark Dornford-May. Grâce à l’apport dramaturgique de Richard Martet, aux scènes carnavalesques de la troupe de danseurs, à la mise en scène et aux lumières de Julien Leleu, aux interventions spirituelles résumant l’action contées en français classique et en créole par Fabrice Di Falco, nous n’avons pas senti les deux heures que dure tout de même cet opéra. La salle, conquise, a longuement rappelé les artistes.

 

Spectacle vu le 30 juin à l’amphithéâtre de l’Opéra Bastille, Place de la Bastille, Paris (XII ème ).

Clap de fin du Théâtre de l’Unité (suite) La dernière Nuit unique, une proposition du Théâtre de l’Unité, création de Jacques Livchine, Hervée de Lafond

Clap de fin du Théâtre de l’Unité (suite)

La dernière Nuit unique, une proposition du Théâtre de l’Unité, création de Jacques Livchine et  Hervée de Lafond

© Jean Couturier

© Jean Couturier Jacques Livchine

Ici, nous avons tous plein de souvenirs et d’émotions avec le Théâtre de l’Unité, vu son ancienneté et son originalité et que Jacques Livchine et Hervée de Lafond ont fondé en 72 avec Claude Acquart, scénographe.
Premier contact avec cette compagnie hors-normes : un article élogieux de Jean-Pierre Thibaudat dans Libération en juillet 80 sur La Femme Chapiteau et La 2 CV-Théâtre au festival in d’Avignon. Toujours au in de 92, nous découvrons L’Avion devant le musée du Petit Palais, un choc visuel comme l’avait été ici La Véritable Histoire de France par le Royal de Luxe. Encore en études théâtrales sous la direction de Robert Abirached à Paris X-Nanterre, nous avions choisi de faire un D.E.A. sur cette troupe iconoclaste: Hervée de Lafond et Jacques Livchine venaient d’être nommés directeurs de la Scène Nationale de Montbéliard, rebaptisée par eux: Centre d’Art et de Plaisanterie. Une aventure de neuf ans qui nous permettra de participer aux créations de Dom Juan et Terezin.

Ici, le Théâtre de l’Unité invite le public à vivre un ultime voyage avec cette Nuit unique de 23 h à 6 h du matin. Créée il y a huit ans, elle est interprétée par Julie Cazalas, Ludo Estebeteguy, Fantazio, Catherine Fornal, Mélanie Collin-Cremonesi, Hervée de Lafond, , Charlotte Mainge, Léonor Stirman et Marie Leïla Sekri, et Jacques Livchine avec sa chienne Titania.  A une spectatrice qui lui dit : «C’est original. » il lui répond : «Non, ce n’est pas original, mais originel: en Extrême-Orient et au Moyen-Orient, il existe en effet des spectacles nocturnes de sept heures ou plus, voire onze heures. Et, en France, les mystères du moyen-âge duraient parfois quelques semaines. Il s’est passé quelque chose quand on a parfois réduit les spectacles à quatre-vingt minutes, comme chez Jerzy Grotowski… Quand vous fatiguez un comédien, il devient meilleur. Mais vers cinq heures du matin, vous verrez dans quel état, il sera! Pas prouvé qu’il soit meilleur !
Ici, un préalable : «On va essayer de vous endormir ». C’est le point de départ de ce voyage… Inutile de résister. «Mourir, dormir : dormir, rêver peut-être! Ah, voilà le mal ! Dans ce sommeil de la mort, quels rêves aura-t-on, dépouillé cette enveloppe mortelle ? » disait Hamlet Les spectateurs sur des transats ou tapis de sol, avec couette et oreiller qu’ils ont apportés, vont dormir, écouter, regarder, rêver… Chaque heure, le même motif musical va rythmer cette nuit, suivie d’une parole de chaque artiste. Sur des thèmes comme l’amour, la mort, le rêve, le cauchemar… Avec, entre autres,  des textes de Marcel Proust, Blaise Cendrars, Henri Michaux, Arthur Rimbaud….

© Jean Couturier

© Jean Couturier

Mais un fil rouge lie le récit émouvant du voyage d’Hervée de Lafond au Vietnam où elle a vécu enfant et des scènes-hommages à ces mythes du théâtre, ici reconnaissables: Pina Bausch, Tadeusz Kantor… Une hôtesse de bord nous dit avec cet humour caustique cher au Théâtre de l’Unité: «Nous sommes au regret de ne pouvoir vous communiquer notre destination car elle est secrète, ni le pilote ni moi-même ne la connaissons. Nous voyageons sans boussole, grâce au pilote automatique. Combien de temps durera notre vol ? Quelques heures, des semaines, des mois, des années ? A l’arrière de l’appareil, nous disposons d’une petite entreprise de pompes funèbres avec un four crématoire. Chaque passager trouvera au dos du fauteuil devant lui, une encyclopédie destinée à tuer le temps, une enveloppe contenant une liste de fausses identités et un manuel de suicide amusant. Nous vous souhaitons une excellente tempête et beaucoup d’agréables secousses. »
Nous ne pouvons citer chaque moment de cette nuit et notre papier est empreint d’une douloureuse nostalgie. Dans un de ses récents billets (voir Le Théâtre du Blog), Jacques Livchine a écrit : «Hervée et moi, maintenant à de plus de quatre-vingt ans, métastasés et cabossés, nous sommes sur le point de transmettre notre outil à un trio chargé de poursuivre l’œuvre entreprise. Ce sera l’Unité 2 .»  L’Unité 1 va disparaître et nous avons assisté, comme l’a dit Hervée de Lafond «au dernier spectacle et aux derniers instants d’un troupe.  »
En ce petit matin d’été à l’Avant-Seine de Colombes, nous vient à l’esprit le titre de films: Salut l’artiste d’Yves Robert (1973) avec Marcello Mastroianni et Françoise Fabian. Et Nous nous sommes tant aimés d’Ettore Scola, sorti l’année suivante. Salut, les artistes…

Jean Couturier

Cette ultime Nuit unique a eu lieu du 28 au 29 juin, à l’Avant-Seine Théâtre, 88 rue Saint-Denis, Colombes (Hauts-de Seine). T. : 01 56 05 00 76. 

 

Vertige, conception de Rachid Ouramdane, en collaboration avec Nathan Paulin, musique de Christophe Chassol

Vertige, conception de Rachid Ouramdane, en collaboration avec Nathan Paulin, musique de Christophe Chassol

Rachid Ouramdane collabore à nouveau avec Nathan Paulin, un funambule qui aime travailler dans des sites prestigieux : la Tour Eiffel, le Palais des Papes à Avignon, le Pain de Sucre à Rio-de-Janeiro. Il a engagé sept funambules pour dormir avec lui sur des câbles tendus à plus d’une vingtaine de mètres de hauteur,. Comme ces animaux les paresseux. Bien  avant que ce spectacle d’une heure commence. La musique de Christophe Chassol, interprétée par lui même, par Mathieu Edouard et Jocelyn Mienniel, est accompagné par le chœur d’enfants de la maîtrise de Radio France. S’y associent des dizaines d’acrobates au sol, habillés en blanc.

© Quentin Chevrier

© Quentin Chevrier


Pour une deuxième représentation, ils feront corps avec les spectacles de La Nuit blanche. Et avec un mélange de musiques nouvelles, traditionnelles et des chœurs. A la tombée de la nuit, le Grand Palais a un aspect féerique… Le public allongé sur des tatamis ou assis dans les gradins, regarde souvent vers la coupole et cela nous rappelle les grandes heures des Arts Sauts où nous étions sur des transats. Au rythme de la musique, sur des câbles tendus, les huit artistes créent un ballet aérien en nous en faisant oublier sa dangerosité. Des deux grands escaliers, arrivent le chœur et les acrobates au sol qui rejoignent le terre-plein central et entament des figures individuelles ou en groupe.

Il y a un très beau beau moment, quand un fildefériste vient toucher la main d’une acrobate montée du sol grâce à une pyramide humaine. En haut des grands escaliers d’honneur, une constellation d’étoiles en vidéo fait écho à l’ancien Planétarium au Palais de la découverte voisin.
Les figures acrobatiques se succèdent… Un moment calme de poésie aérienne, loin des rugissements du public aux compétitions d’escrime et de taekwondo ici même, il y a déjà un an.


Jean Couturier

Spectacle créé du 6 au 8 juin, Grand Palais, 3 avenue du Général Eisenhower, Paris (VIII ème). T. : 01 44 13 17 42.

 

Grand Palais d’été

Grand Palais d’été

Des chiffres qui donnent le vertige… . Le Grand Palais avait été construit en 1894 en seulement trois ans! La grande nef: un structure de 6.000 tonnes d’acier, plus que la Tour Eiffel- soit un total de 8. 500 avec le Palais d’Antin. 10% en a été remplacé pendant une première phase des travaux et la surface de la structure de 110.000 m 2, a été repeinte avec soixante tonnes de vert léger réséda fournies par l’entreprise Ripolin! comme à l’origine. Surface au sol : 13. 500 m2 . La verrière, de toute beauté, est la plus vaste en Europe: 17.500 m 2! a, elle, été remplacée. D’où une exceptionnelle lumière zénithale…

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Le ministre de la Culture et de la Communication Renaud Donnedieu de Vabres, avait voulu qu’au lieu d’en confier gestion et programmation à des organismes privés, on mette en place un « établissement public», ce qui a été fait depuis. Et le Grand Palais a fusionné avec la Réunion des Musées nationaux. Puis une restauration de grande ampleur a eu lieu de 2021 à 2023 et l’an passé, ont pu s’y dérouler les épreuves d’escrime des Jeux olympiques. Coût : 466 millions d’€, financé en partie par un emprunt et par un mécénat de Chanel. Maintenant la totalité du bâtiment a été remise à neuf. Didier Fusillier, qui a été nommé président du Grand Palais, a annoncé la programmation inaugurée le 6 juin dans la Nef et ses abords. Avec spectacles de danse, expositions, spectacles, DJ sets, performances et parades festives sous la verrière de la nef répartie en trois espaces dont un consacré au spectacle. Au programme de cette première édition, Balloon Museum invité par Didier FusillierEuphoria,une exposition conçue par les équipes du Balloon Museum né en 2021 en Italie et par Valentino Catricala, commissaire. Avec des œuvres de Philippe Parreno, Hyperstudio, Rafael Lozano-Hemmer, Ryan Gander, A.A. Murakami, Karina Smigla-Bobinski, Cyril Lancelin, Camille Walala, Quiet Ensemble, SpY, Nils Völker, Sun Yitian, MOTOREFISICO, Alex Schweder. Cette exposition itinérante a réuni plus de soixante artistes à Berlin, Singapour, San Francisco, Los Angeles, Rome et arrive en France pour la première fois. «Véritable phénomène immersif, l’exposition dévoile une multitude d’environnements aériens Il cultive les ponts entre l’art et le divertissement, en repoussant toujours plus loin les limites de formats et d’interactions. Une exposition qui ne manquera pas d’émerveiller petits et grands ! » (sic)

Bon, mais pas de quoi être  si émerveillé …Il y a, entre autres des œuvres de Philippe Parreno, des « quasi-objets », une notion empruntée à Michel Serres. Dans une grande salle, les poissons de différentes races- baudruches gonflées à l’hélium, assez réalistes et poétiques à la fois, se baladent, mus par le souffle produit par les allées et venues des visiteurs.

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De Nils Völker, artiste allemand, connu par entre autres pour Fuchsia, Orange et Bleu Royal créée pour la M.A.D Galerie en Belgique. Ici, cent-vingt sacs-poubelle noirs se gonflent et se rétractent sans cesse comme un humain qui respire, de part et d’autre d’un long couloir. Un peu anxiogène mais impressionnant. A l’extérieur, une sorte de grand échelle en tissu plastique gonflé aux couleurs vives…d’environ dix huit m. Une « œuvre » gonflée en permanence mais pas vraiment convaincante. Et sous  la verrière, cinq gros ballons argentés qui bougent au-dessus de centaines de baudruches blanches accrochées aux balustrades des galeries.  Il y a aussi plus drôles, de grosses boules suspendues par des fils de couleur et magnifiquement éclairées qui font le bonheur des enfants. Mais beaucoup de plastique dépensé… à l’heure des économies d’énergie! Exposition payante, du lundi au vendredi.

© Joana Linda

© Joana Linda

Côté droit de la nef, à voir gratuitement, il y a une belle installation d’Ernesto Noto :  Nosso Barco Tambor Terra (Notre Barque Tambour Terre), une œuvre monumentale avec une grande voûte faite au crochet, un tapis d’écorce brune au sol et des  épices, du riz… dans de petits sacs suspendus et des instruments de percussion: gongs, tambours… Conçu pour être parcouru sans chaussures, cet environnement est fondé sur une relation fondamentale à la nature et veut «explorer la continuité entre notre propre corps et celui de la Terre, à travers la fabrication manuelle, les matériaux organiques et les techniques ancestrales. » L’œuvre, avec ses grands pans faits au crochet, suspendus par des cordes aux poutres de la grande verrière, s’inspire de l’influence de la voile et de la navigation sur les relations entre les peuples. A voir, et en plus, c’est gratuit.

Aussi gratuite: l’exposition Horizontes peintures brésiliennes, sur les balcons de la nef : une manifestation organisée dans le cadre de la saison Brésil-France 2025 avec des œuvres d’artistes contemporains de ce grand pays. Des pratiques entre mémoire collective et résonances intimes. Agrade Camíz s’inspire de l’architecture des banlieues et favelas de Rio-de-Janeiro et construit des univers colorés évoquant des espaces domestiques avec des thèmes comme la sexualité, l’oppression féminine, le corps et l’enfance. Dans les toiles de Vinicius Gerheim, la nature se mêle aux figures animales et humaines, entre sensualité et spiritualité.

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Antonio Obá, lui, étudie la culture du Brésil et ses contradictions. Sa peinture est fondée sur un acte de résistance : érotisation du corps de l’homme noir et construction de sa propre identité. Banhistas n° 3 – Espreita (Bathers no. 3-Peeking), 2020 est une œuvre étonnante où dans une belle piscine nagent deux hommes noirs ; on ne voit que leurs visages, une petite fille et… un crocodile noir. Les univers non figuratifs de Marina Perez Simão évoquent à la fois des paysages naturels, géologiques mais aussi intérieurs.

A aussi été annoncée Vertige, une expérience alliant acrobatie, musique et architecture de Rachid Ouramdane, chorégraphe et directeur de Chaillot-Théâtre national de la Danse, Chassol et Nathan Paulin, avec la compagnie de Chaillot et la maîtrise de Radio France. Un spectacle dont vous parlera Jean Couturier.

Philippe du Vignal 

Grand Palais 25 avenue du Général Eisenhower, Paris (VIII ème). T. : 01 44 13 17 17. 

Le Moulin Rouge au Musée d’Orsay

Le Moulin Rouge au Musée d’Orsay

Dans le cadre de la programmation autour de l’exposition L’Art est dans la rue, le musée d’Orsay a invité le Moulin- Rouge à s’installer pour deux journées sous le signe des strass, paillettes et plumes. Au deuxième étage dans la salle des fêtes, pleine de miroirs et dorures, costumiers, plumassiers, bottiers et brodeurs présentent leurs créations pour le Moulin Rouge.
En même temps, des conférences sur cette institution qui fête ses cent trente-cinq ans ont lieu à l’auditorium. Dans le nef du Musée, on peut voir les costumes des trois dernières revues et d’autres pièces

© Nicolas Blandin

© Jean Couturier

historiques. Nous avions rencontré les créateurs de la maison Février créée en 1929, (voir Le Théâtre du Blog); ils exposent ici leur savoir-faire et il lui a été attribué le label Entreprise du patrimoine vivant pour la qualité de leur travail artisanal de la plume. Les autres entreprises qui exposent aussi dans cette salle des fêtes sont dans le même état d’esprit : l’atelier Valentin travaille les broderies, l’atelier de création Mine Vergès réalise des costumes et Clairvoy, bottier depuis 1945, fabrique les fameuses bottines rouge et bleu du french-cancan.
Après une visite libre, le public aller dans la nef assister à un formidable et féérique défilé de costumes pour reprendre deux titres des revues du Moulin Rouge. Corrado Collabucci, la créatrice des costumes a assisté à leur naissance parmi les œuvres d’art exposées.

 

Les danses avec chapeau, boas et strass au milieu des sculptures, donne une dimension magique à ce lieu. Les formes des sculptures de Jules Lafrance, Jean-Baptiste Baujault, Eugène Delaplanche ou Alexandre Falguière, répondent à celles des danseuses. On célèbre ici la beauté et la féminité, même si l’époque actuelle remet en cause beaucoup des critères esthétiques qu’elle voit comme machistes.
Mais le public, féminin comme masculin, est ravi de voir les danseuses et danseurs en rythme sur les musiques de Pierre Porte qu’il a écrites pour les revues du Moulin Rouge. Sur la plateforme centrale, Une occasion exceptionnelle d’admirer aussi de très près les costumes

© Nicolas Blandin

© Jean Couturier

et de pouvoir les photographier : exceptionnel car strictement interdit au Moulin Rouge, boulevard de Clichy. En soirée, un french-cancan endiablé par les Doriss Girls qui avait déjà enflammé l’an dernier une épreuve cycliste des Jeux Olympiques à Montmartre, a réveillé les sculptures de cette grande nef, devant un public conquis.
D’autres manifestations sont prévues dont une évocation du cabaret Le Chat Noir par les élèves du cours Florent. Tous ces événements sont gratuits sur présentation du billet d’entrée au musée.

Jean Couturier

Les samedi 24 et dimanche 25 mai, au Musée d’Orsay, 1 rue de la Légion d’honneur, Paris (VII ème) . T : 01 40 49 48 14.   

Les cloches impériales de Chine

Les Cloches impériales de Chine


Ce spectacle créé en 1983, a déjà présenté dans plus cinquante-sept pays soit 1.000 représentations avec environ un million de spectateurs et est fondé sur la musique de Chu, une civilisation florissante il y a plus de 2.500 ans.
Produit par le Hubei Provincial Performing Arts Groupe, il est interprété les artistes du Hubei Provincial Opera and dance Drama Theatre et est présenté à Paris dans le cadre d’un programme d’échanges culturels internationaux du China Arts and Entertainment Group.
Trouvés en 1978 dans la province du Hubei, et datant de 2.400 ans, ces beaux instruments en bronze sont le plus ancien ensemble d’instruments à gamme chromatique jamais identifié en Chine et probablement dans le monde. Les systèmes musicaux se limitaient souvent à des gammes pentatoniques ou heptatoniques et ce dispositif exceptionnel permettait de produire l’intégralité des demi-tons d’une octave, comme dans la musique occidentale moderne.Les célèbres cloches Bianzhong se distinguent par leur capacité à délivrer deux hauteurs différentes selon le point de percussion montrant une maîtrise acoustique remarquable au VI ème siècle avant J.C. Reproduits avec fidélité, ces instruments de scène permettent d’évoquer les batailles, danses et fêtes d’une civilisation raffinée.

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Ce spectacle d’une heure et demi alterne parties dansées et parties instrumentales avec un panel impressionnant de cloches, gongs, tambours, xylophones jouées par une quinzaine d’interprètes, entre autres au début dans Les Echos de la Chine ancienne et Chemin de quête-musique ancienne pour bianzhong et bianquing. Un groupe remarquable de précision gestuelle et impressionnant de rigueur. Comme par miracle, le temps d’un commentaire en chinois-comme la majorité du public pour cette seule soirée- tous les instruments disparaissent et laissent la place  au chapitre II: Au rythme des danses ancestrales où alternent ballets de danseurs et de danseuses, tous réglés au cm près. Là aussi très impressionnant, notamment un rituel dansé en rond de guerriers sur une musique de  percussions. De temps en temps, il y a en voix off, un commentaire mais en en chinois…
Cueillette du murier-Labourage, danses agricoles interprété par douze jeune femmes est tout aussi précis mais nous a paru plus conventionnel…
Suit le chapitre III: L’Harmonie des huit sons avec des instruments classés selon huit matériaux: métal, pierre, soie, bambou, calebasse, terre cuite, cuir et bois. A cordes comme le « se » qui en comptait autrefois cinquante, à air comme une flûte à bec en bambou, ou une flûte de pan avec vingt-quatre tubes, eux aussi en bambou. Ou le yng-xun, un ocarina en céramique.  Ou encore le Quing, un lithophone composé de pierres plates. Tous d’une beauté stupéfiante.
On ne peut tout citer mais il y a aussi un Chant de justice-Chanson, dansé par des hommes avec un texte plein d’humour: « Les fonctionnaires  cupides, bien qu’ils puissent être corrompus, pourtant peuvent être intègres, les fonctionnaires intègres, bien qu’ils puisent  être honorés, pourtant, sont souvent dédaignés. (…)
« Enfin, le spectacle se termine par Musique de banquet au palais de Chu-Le grand banquet cérémoniel avec de nombreux musiciens et toute la troupe des danseurs et danseuses jouant comme Loïe Fuller avec de grandes écharpes bleues ou roses. Côté des réserves, il y a dans ces Cloches impériales de Chine,  une scénographie parfois kitch, une musique enregistrée amplifiée souvent envahissante et des voix en play-back…comme dans toutes les superproductions  qui doivent être rentabilisées grâce à un nombreux public mais on se lasse pas de regarder l’ensemble de ces instruments d’une grande beauté et l’ensemble du spectacle est une grande leçon de professionnalisme artistique.  Si vous en avez l’occasion, cela vaut le coup d’aller le voir.

Philippe du Vignal 

Spectacle vu le  20 mai au Théâtre Mogador, Paris ( VIII ème).
Tournée en France et en Europe.

Louise conception, mise en scène et chorégraphie de Martin Zimmermann

Louise conception, mise en scène et chorégraphie de Martin Zimmermann

Bérengère Bodin, Methinee Wongtrakoon, Marianna De Sanctis, et Rosalba Torres Guerrero réalisent en une heure quinze une performance bousculant les codes conventionnels du spectacle.. En hommage à Louise Bourgeois. «Notre pièce est un dialogue avec elle, dit le chorégraphe. Elle était une exploratrice incessante des sculptures et des matériaux mais aussi d’elle-même. Notre Louise partage ce même esprit.
Comme Louise Bourgeois, nous travaillons de l’intérieur vers l’extérieur. Comme elle, nous cherchons la vérité. Une telle quête demande de pénétrer en profondeur, retirer des couches, être agressif et désordonné, mais aussi intuitif. Pour elle, le médium était la pierre ; et pour nous, ce sont les corps sur scène. » Plusieurs modes d’expression permettent aux corps de s’exprimer : le cirque, la danse et la comédie. Cela fonctionne parfaitement comme le jeu avec les cerceaux roses mais on reste parfois extérieur à cette folle énergie physique et on s’ennuie, entre autres, à cette caricature d’une chanson de NTM…

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© Basil Stücheli

Les artistes se meuvent dans ce que le chorégraphe appelle la scène : « une sorte de laboratoire, un atelier scientifique, un lieu de recherche et d’expérimentation. Louiseest une sculpture en mouvement ou un poème vivant ».
Cette analyse ne manque pas d’ambition et le dispositif scénique avec portes mobiles, chaises, potences amovibles sur trois plateaux tournants est bien conçu. Mais ce théâtre d’images avec humour à la clé, manque de fil conducteur.
« Avec les quatre interprètes de différents âges, dit le metteur en scène, nous avons exploré les tabous qui entourent la naissance, la mort, la sexualité, le genre, et les inégalités persistantes.» Cette interprétation n’est pas du tout évidente. On pense aux films de Jacques Tati et aux spectacles de Macha Makeïeff et Jérôme Deschamps mais il manque ici une véritable dimension onirique. De belles images attisent les regards et intriguent mais nous laissent, dommage ! au bord du chemin….

Jean Couturier

Jusqu’au 24 mai, Théâtre du Rond-Point 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris (VIII ème). T. : 01 44 95 98 21.

Boléro , chorégraphie Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet, Busk, chorégraphie Aszure Barton et Strong, chorégraphie Sharon Eyal par le Ballet du Grand Théâtre de Genève.

Boléro, chorégraphie de Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet, Busk, chorégraphie d’Aszure Barton et Strong, chorégraphie Sharon Eyal par le Ballet du Grand Théâtre de Genève.

Superbe programme avec des interprètes exceptionnels mais pour seulement… quatre représentations. A Paris, les amateurs de danse contemporaine ont vécu une belle semaine (voir Le Théâtre du Blog): ils pouvaient assister à Helikopter et Licht d’Angelin Preljocaj au Théâtre de la Ville, à une reprise du ballet-culte Out of Context-for Pina d’Alain Platel au Cent-Quatre, à Vers la Mort de Sharon Eyal ou encore à Appartement de Mats Ek à l’Opéra Garnier.

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Et enfin on pouvait voir ce triptyque commençant par Boléro  dont  la scénographie de Marina Abramović nous avait émerveillé à sa création en 2013 à l’Opéra de Paris: un miroir incliné au-dessus des danseurs double leur image et les costumes sont d’une grande beauté. «Riccardo Tiscia les a conçu en trois couches, disait Sidi Larbi Cherkaoui: une cape, une robe transparente et un justaucorps dont les broderies soulignent le squelette.»  Les artistes créent des ondes circulaires qui vont croissant: effet hypnotique garanti avec la célèbre musique répétitive du Boléro de Maurice Ravel.

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Busk surprend : ce deuxième programme de la Canadienne Aszure Barton qui l’a créé en 2009 en Californie, est une belle découverte. Un danseur en gants blancs réalise des pantomimes rappelant les grandes heures de Marcel Marceau: un chapeau mou est posé à l’avant-scène sous un rayon de lumière, avant qu’il ne s’en empare. Vite rejoint par ses camarades, l’artiste fusionne avec le groupe.
Cette quasi-cérémonie religieuse est faite de mouvements complexes où sont mobilisés yeux, langue orteils… To busk (en anglais : se produire dans la rue ou autres lieux publics avec musique chant, jonglage ou prestidigitation avant de faire la manche).

© Grégory Baraton

© Grégory Batardon

Strong, en dernière partie, sans doute une des plus belles pièces de Sharon Eyal, est dansée presque toujours sur la pointe des pieds avec, entre autres, des alignements de groupe ou des individualités qui se détachent, toujours d’une grande beauté. Parfois avec des mouvements saccadés et asynchrones qui rappellent les premières créations de Sharon Eyal.
Créé en 2019 au Staatsballett à Berlin, ce ballet est envoûtant. Ses dix-sept interprètes, en collant noir transparent, ont sur le visage, des tatouages ressemblant à ceux des Maoris néo-zélandais. Cette meute pleine d’énergie capte l’attention du public et le Ballet du Grand Théâtre de Genève, dirigé par Sidi Larbi Cherkaoui, est d’une exceptionnelle qualité.

 Jean Couturier

Spectacle présenté du 10 au 13 avril, au Théâtre du Châtelet, Place du Châtelet, Paris (I er).
T. : 01 40 28 28 28.

Last Work chorégraphie d’Ohad Naharin

Last Work, chorégraphie d’Ohad Naharin

 La dernière œuvre (2015) de ce chorégraphe n’était pas dansée à Lyon par sa compagnie la Batsheva fondée par Martha Graham à Tel Aviv en 1964, mais par le Ballet de la capitale des gones, à l’occasion de l’entrée de cette œuvre à son répertoire. La troupe lyonnaise, successivement dirigée par Françoise Adret, Yorgos Loukos, Julie Guibert, avant de l’être aujourd’hui par Cédric Andrieux, a prouvé, une fois de plus, qu’elle peut tout danser. C’est selon nous, une des raisons pour lesquelles le spectacle a été applaudi à tout rompre par une salle comble et comblée.

Le lever de rideau est extraordinaire. Nous assistons-et admirerons plus d’une heure durant- la course infinie d’Almudena Maldonado portant élégamment une robe bleue; en arrière-plan, elle essaye en vain d’aller de cour à jardin, contrainte au surplace par un tapis roulant masqué par une plate-forme. Les éclairages limpides d’Avi Yona Bueno, les murs latéraux en accordéon traçant la perspective, dessinés par Zohar Shoef, les costumes sexy d’Eri Nakamura, les plages de la bande originale de Grishka Lichtenberger, les danseurs entrant et sortant au compte-goutte, agissant ou s’agitant de manière saugrenue, produisent leur effet.

© Alice Brazzit

© Alice Brazzit

Si l’absolue abstraction s’estompera et si pointe l’anecdote, on finit, qu’on le veuille ou non, par s’habituer à la bizarrerie gestuelle, la suite vaut d’être vécue. La structure progresse par à-coups, jets discontinus, intermittence, petits pas et demi-pointes. Nul recours à l’effet de canon, que ce soit sur le plan musical ou chorégraphique ; nul usage du procédé à la Trisha Brown, d’accumulation et nulle impression de gradation rythmique ou de cheminement dramaturgique. La pièce change de nature, et nous avec. Au moment où nous nous étions accoutumés aux variations, pas de deux et, tout au plus, de six, déboule la troupe entière, engagée pour la représentation: dix-neuf danseurs, si l’on compte la marathonienne…

 De la singularité, de l’originalité et de l’insolite, nous passons en deuxième partie au travail à l’unisson, à la synchronie, à l’harmonie. Aussi bien en position debout, le corps de ballet distribué aux quatre coins du plateau, qu’au sol où les danseurs sont accroupis comme des grenouilles, agenouillés, allongés. Après avoir brillé en solitaire, les interprètes se fondent dans le groupe, font foule, créent grappes et mêlées, forment bataillon. Le signe devient symbole, et la danse: théâtre. Pas celui, expressionniste, d’un Kurt Jooss ; celui, plus précisément, d’une Martha Graham. Après s’être déshabillés et rhabillés à vue, les danseuses sont vêtues de clair comme des bébés, et les hommes, en tenue noire.

Une interprète se livre à des mouvements suggestifs, érotiques, contrôlée par un individu en soutane rappelant le prêtre d’Appalachian Spring de Martha Graham (1944). Un gaillard, de dos, semble s’auto-satisfaire façon Onan. Quand il se retourne, on s’aperçoit qu’il astiquait, en réalité, un fusil-mitrailleur. Allusion faite à la guerre en général, mais non à celle de Sécession à laquelle pensait Martha Graham, ni au conflit actuel à Gaza. Quoique…

Nicolas Villodre

Jusqu’au 17 avril, Opéra de Lyon, 1 place de la Comédie, Lyon (Rhône). T. : 04 69 85 54 54.

 

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