Mám, mise en scène et chorégraphie de Michael Keegan-Dolan, musique de Cormac Begley et Stargaze

Mám, mise en scène et chorégraphie de Michael Keegan-Dolan, musique de Cormac Begley et Stargaze

Depuis 1985, le Théâtre de la Ville sous la direction de Gérard Violette (1936-2014) nous a habitué à des découvertes chorégraphiques variées et parfois hors cadre. Comme cette troupe irlandaise. Pleins d’énergie, ses danseurs nous font plonger dans un monde onirique où les légendes ancestrales bousculent la modernité… Un magistral joueur de concertina, l’accordéoniste Cormac Begley va entraîner toute la troupe dans une fête de village. Baptême, mariage, joyeux enterrement? Une fête mi-païenne, mi-religieuse…où la virtuosité de la musique, jouée en direct vient magnifier les danses de groupe. Le même joueur de concertina sera rejoint par le groupe Stargaze (piano, violoncelle, contrebasse, guitares électriques, batterie)

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© G. Meunier


Les danses s’enchaînent avec fluidité et quelques solos montrent l’excellence de ces jeunes interprètes . Et dans un long tableau mais émouvant et sensuel , un artiste vient donner un baiser avec fougue à chacun des danseurs et musiciens.  Une adolescente, de blanc vêtue jusqu’au gants en dentelle, observe toute cette agitation autour d’elle, témoin innocente de ces joutes dansées entre cette meute de femmes et hommes.
Certaines scènes d’opposition entre les deux sexes rappellent celles de Kontakthof, la mythique pièce de Pina Bausch.


A un moment, les danseurs face public, s’assoient sur des chaises d’église à l’avant-scène pour nous prendre à témoin de leurs troubles intérieurs. Durant ces quatre-vingt dix minutes, le rythme de la musique et de la danse, loin des soi-disant traditionnelles danses irlandaises caricaturales inondant les grands plateaux du monde entier, fait naître un bel enthousiasme dans le public,

Depuis huit ans à la tête de la compagnie Teac Damsa-Maison de la danse” en gaélique-Michael Keegan-Dolan a été récompensé en 2017 par l’Irish Times Theatre Award pour Le Lac des cygnes / Loch na hEala et en 2018 par le National Dance Critic Award, au titre de : meilleure nouvelle production.. Le public a salué debout les artistes et nous avons hâte qu’ils reviennent.

Jean Couturier

Spectacle joué du 4 au 7 décembre,Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt, place du Châtelet, Paris (Ier).
T. : 01 42 74 22 77.

 


Archives pour la catégorie Danse

Prélude, chorégraphie de Kader Attou

Prélude, chorégraphie de Kader Attou

 Après Les Autres (voir Le Théâtre du Blog), pièce baroque et poétique qui tranchait avec son esthétique habituelle, Kader Attou revient aux sources de son inspiration. Installé avec sa compagnie Accrorap à Marseille depuis son départ du Centre Chorégraphique National de la Rochelle, il invite ici une dizaine de danseurs professionnels hip-hop de la Région Sud à investir son univers artistique.

Prélude se construit au fil de ses souvenirs, en dialogue avec les danseurs. Il évoque son enfance dans la banlieue lyonnaise, sa rencontre avec la boxe à sept ans, qui lui révèle la beauté des corps en mouvement : gestes des bras et jeu de jambes font du boxeur, un danseur en puissance : « Un papillon prêt à s’envoler », dit-il. C’est à l’école de ce sport et des films de Charlie Chaplin que sa vocation de chorégraphe s’est forgée.
Prenant la scène comme une page blanche, le chorégraphe propose au neuf danseurs, dont deux danseuses, une succession d’entrées en matière un rien pédagogiques, illustrant le rapport entre musique et mouvements. Petits sauts et figures acrobatiques, auxquels s’essaient les interprètes sur les instructions du maître, ne s’accordent pas avec la célèbre Cinquième Symphonie de Beethoven. En revanche, la troupe se lance avec plaisir dans une ronde délurée, mimant le petit Indien de Nagawicka, une chanson de Jacky Galou que Kadder Attou apprit au cours préparatoire. Un air entraînant qui fit florès auprès des enfants, dans les années soixante-dix….

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Ce début un peu démonstratif fait place à trois quarts d’heure de danse pure, non-stop. Une folle énergie se dégage du groupe sur la musique de Romain Dubois: écrite d’un seul tenant, elle constitue un vrai défi.
La virtuosité des danseurs et les battements rythmiques et mélodiques ininterrompus entraînent le public dans un agréable maelström visuel et sonore.
La tension va crescendo sur scène et dans la salle. Fondus dans le groupe, les artistes s’en détachent pour des solos acrobatiques et quelques duos où les danseuses mêlent leur technique classique à la rugueuse grammaire hip-hop des garçons.

Instants de poésie. Prélude se décline en deux versions : l’une de trente minutes, conçue pour l’extérieur, dans le cadre de Scènes et Cinés, un réseau de diffusion, sur le Territoire-Istres-Ouest Provence de la métropole Aix-Marseille Provence. La version longue d’une heure vingt fait naître par des jeux de lumière des ombres dansantes, reflets lointains et fantomatiques de l’ici et maintenant du plateau. Par cette création «tout terrain», Kader Attou veut « partir à la rencontre de tous les publics et amener la danse hip-hop là où on ne l’attend pas pour y tisser des liens entre les acteurs du territoire et les artistes. »

Une conception de l’art en phase avec celle d’Albert d’Albert Camus, entendu pendant le spectacle, lors de son discours pour la réception du prix Nobel en 1957 : « Je ne puis vivre personnellement sans mon art. Mais je n’ai jamais placé cet art au-dessus de tout. S’il m’est nécessaire au contraire, c’est qu’il ne se sépare de personne et me permet de vivre, tel que je suis, au niveau de tous. L’art n’est pas à mes yeux une réjouissance solitaire. Il est un moyen d’émouvoir le plus grand nombre d’hommes (…). L’artiste se forge dans cet aller retour perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se passer et de la communauté à laquelle il ne peut s’arracher. (…) . »


Mireille Davidovici

Spectacle vu le 27 novembre au Théâtre-Cinéma Jacques Prévert, 134 avenue Anatole France, Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). T. : 01 58 03 92 75.

Le 24 janvier, Théâtre Municipal, Castres (Tarn).

Le 3 février, Centre Culturel Aragon, Oyonnax (Ain); le 5 février, L’Esplanade du Lac, Divonne-les-Bains (Ain) ; le l 7 février, Hip-hop never stop festival, Saint-Martin-d’Hères (Isère); le 12 février, Théâtre André Malraux, Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine).

Le 8 avril, Théâtre municipal Ducourneau, Agen (Lot-et-Garonne).

Du 26 au 30 mai, en itinérance, Théâtre Durance-Scène Nationale, Château Arnoux-Saint-Auban (Alpes-de-Haute-Provence).

 

Dans(e) la lumière à la Fondation Groupe E.D.F.

Dans(e) la lumière à la Fondation Groupe E.D.F.

Ce «e» est, comme on dit, inclusif. Dans(e) la lumière est en effet monstration d’œuvres d’art et (dé)monstration de danse vivante. Un corpus créatif dû avant tout à la fée Électricité qui «inspire l’âme et anime les corps », dit Alexandre Perra,  délégué général de la Fondation.
Ce premier rendez-vous, appelé à devenir annuel, installe des œuvres de Bernard Caillaud, Costis, Raoul Dufy, Gun Gordillo, Julio Le Parc, Man Ray, Adalberto Mecarelli et François Morellet qui font partie de la collection. Et Agnès Chemama a programmé jusque fin janvier les chorégraphes Alexandre Fandard et Raphaëlle Delaunay, Carolyn Carlson, Mazelfreten et Jann Gallois, Josette Baïz, Alban Richard, Leïla Ka, Mourad Merzouki, Angelin Preljocaj, Marion Motin, Maud Le Pladec, Léo Lérus et Thomas Lebrun.
Nous avons pu ainsi admirer, entre autres, dix photogravures de l’album de Man Ray Électricité (1931), une commande de ce qui était alors la Compagnie parisienne de distribution d’électricité. Une œuvre à base de rayogrammes ou rayographies, c’est à dire de photos obtenues directement par des objets posés sur du papier et éclairés le temps qu’il faut.
Lunatique neonly, 8 demi-cercles, n° 11 (2004), composition abstraite de François Morellet dessinée avec des tubes fluo courbés, Continuel-lumière (1964), sculpture cinétique de Julio Le Parc, Magique (1993), un coup de foudre artificiel de Costis, Nord (1993, trois figures géométriques basiques sursaturées d’Adalberto Mercarelli, et la ciné-danse serpentine de Loïe Fuller de la maison Pathé, colorée au pochoir en 1905. Toutes ces œuvres valent le déplacement.

© Jean-Claude Carbonne

© Jean-Claude Carbonne

Nous avons assisté à une des séances d’après-midi destinées aux associations et aux scolaires où était invitée Josette Baïz avec le groupe et la compagnie Grenade. En première partie, deux danseurs de la compagnie nous ont offert au rez-de-chaussée un florilège de solos et duos de chorégraphes néo-classiques et modernes, entre autres: Maurice Béjart et William Forsythe.
Le morceau de bravoure, Room with a view, une chorégraphie de (La) Horde (Marine Brutti, Jonathan Debrouwer et Arthur Harel), dans la magnifique salle au deuxième étage, interprétée avec brio par les adolescents du groupe Grenade: Théo Brassart, Jade Roux, Lison Szymkowicz, Chloé Deplano, Thelma Deroche-Marc, Lou Goutron, Lilith Orecchioni, Victoire Chopineaux, Bérénice Rieux, Jossilou Buckland, Arthur Vallière, Marius Iwasawa Morlet, Hector Amiel, Tristan Marsala, Roman Amiel, Victor Lamard-Paget, Sarah Kowalski et Emma Grimandi.
Sur une bande originale. techno signée Rone, les adolescents passent par différentes phases affectives et autant d’expressions et actes les signifiant : de l’apathie, à la marche alentie et à l’agitation à tous les sens du terme : nerveuse, houleuse, politique. Ce mimodrame, en forme de psychodrame, peut diversement être interprété par les spectateurs et les acteurs, comme soulèvement de la jeunesse, exercice militaire, comportement grégaire ou réaction pavlovienne….
Par l’effet de répétition de la musique et du geste (nombreux portés renouvelant le vocabulaire chorégraphique), la petite troupe bourrée d’énergie a fini exsangue, béate, émue aux larmes.

 Nicolas Villodre

 Espace Fondation E.D.F. 6 impasse Récamier Paris (VII ème) . T. : 01 40 42 35 35.

 

Le Banquet des merveilles chorégraphie et scénographie de Sylvain Groud

Le Banquet des merveilles, chorégraphie et scénographie de Sylvain Groud

Sylvain Groud, directeur du Ballet du Nord, Centre chorégraphique national souhaite, par ces temps ténébreux, « réenchanter » le public. Il imagine une pièce contrastée, où se disputent l’ombre et la lumière, afin de « provoquer le beau à l’endroit du pire, transposer poétiquement le chaos ». Le banquet des merveilles n’est pas un repas, mais une manière de partager la danse avec les spectateurs. La soirée se déroule en trois temps : un ballet réunit sur le plateau danseurs et musiciens, pour la traversée mouvementée de zones de turbulence, puis, franchissant le quatrième mur, les interprètes prennent la parole et se joignent au public. Enfin, la troupe entraîne les spectateurs dans le hall du théâtre pour un grand bal, où ils se mêlent allègrement aux danseurs.

© Frédéric  Iovino

© Frédéric Iovino

Le rideau de scène s’ouvre lentement sur des corps recroquevillés, tels des naufragés, sous un grand drap, occupant tout le plateau. Dans la pénombre, tirés de ce no man’s land par l’arrivée d’une fanfare, les danseurs se rassemblent et rejoignent les musiciens, formant avec eux une procession. Les tableaux s’enchaînent et, puisant dans un tas de hardes amoncelées sur le plateau, les interprètes se mettent en tenues de fête pour une séquence en discothèque, en habits noirs pour une cérémonie funèbre, etc.Un dialogue constant s’établit entre les danseurs et les musiciens de la compagnie lilloise Tire-Laine, comme ce duo où une danseuse s’enfuit en trébuchant, poursuivie par les variations menaçantes d’un saxophone. Cet ensemble, dirigé par Yann Deneque, se fond dans la chorégraphie, jouant du jazz à l’électro en passant par des rythmes africains ou sud-américains.

Sylvain Groud crée des images saisissantes et, sous les lumières de Michaël Dez, il fait alterner des scènes de liesse et des tableaux plus noirs, rappelant la misère et les conflits du monde. Sa scénographie utilise le grand drap déployé sur le plateau : levé ou rabattu, il devient, selon les éclairages, dais d’une boite de nuit, mer houleuse, suaire avalant les corps.Alors que nous sommes happés par cette belle chorégraphie, la prise de parole soudaine des artistes a de quoi nous surprendre. Ils racontent quelques anecdotes émouvantes, objets d’émerveillement. En changeant de registre, le chorégraphe entend faire tomber les masques du théâtre et mettre en évidence le décalage entre l’univers de la scène et « les préoccupations qui traversent le monde contemporain : mouvements de populations liées à des persécutions ou à la précarité, réchauffement climatique, catastrophes écologiques… ».

Cette pièce est l’aboutissement d’un travail de longue haleine avec les cinq danseurs et cinq musiciens, et s’inscrit dans le projet CCN & Vous, que Sylvain Groud a mis en place dès son arrivée au Ballet du Nord, en 2018. En lien avec le tissu associatif roubaisien, il a mené, avec les interprètes, des ateliers dans les hôpitaux, en prison, dans les centres de premiers secours, auprès de populations âgées, isolées, exilées, déclassées…Le Banquet des merveilles a été nourri de ces rencontres et de danses venues d’Afrique, du Maroc ou transmis par des réfugiés afghans, érythréens, iraniens, côtoyés dans des squats : le coupé-décalé, l’ahwach, le dabke.

« J’ai constaté, dit Sylvain Groud, qu’il y a en tout être une extraordinaire capacité de recréer de l’harmonie en réaction à l’injustice, à la souffrance et à la peur. Cette résilience des vulnérables et des victimes du rejet, je voudrais, à travers cette pièce, la faire éprouver aux spectateurs. »Au-delà de l’artistique, le chorégraphe entend poser un geste politique fort. Il estime que, en tant que service public, le théâtre doit être à l’écoute des gens et, en ce qui le concerne, inventer d’autres modèles pour les familiariser avec la danse contemporaine, souvent considérée comme hors de portée.
Le banquet, ce fut aussi, pendant le bal populaire qui clôturait la soirée, une distribution de thé à la menthe et de soupe de légumes, préparés par une association, partie prenante du projet. Là où se jouera le Banquet des merveilles, il y aura, en amont, comme à Roubaix, des rencontres entre les artistes et des associations locales.

 Mireille Davidovici

Spectacle créé le 14 novembre, au Colisée, 33 Rue de l’Epeule, Roubaix (Nord) T: .03 20 24 66 66

5 avril, Le Beffroi, Montrouge (Hauts-de-Seine) ; 6 mai, La Filature Scène nationale de Mulhouse (Haut-Rhin) ; 17 mai, Théâtre Le Forum, Fréjus (Var) ; 24 mai,Théâtre des Salins, Scène nationale de Martigues (Bouches-du-Rhône)

 Le 3 décembre, à l’occasion des quarante ans des Centres chorégraphiques nationaux, Sylvain Groud organise un Bal chorégraphique à Chaillot, Paris XVIe

 

Festival le Temps d’aimer la danse à Biarritz Baïna(a) par la compagnie Le G Bistaki

Festival le Temps d’aimer la danse à Biarritz

Baïna(a) par la compagnie Le G Bistaki

Une belle découverte! Cette troupe se fait aussi nommer: « Cirque chorégraphique d’investigation ». En partenariat avec la ville de Bilbao, le festival propose gratuitement cette loufoquerie devant le théâtre du casino.

© J. Couturier

© J. Couturier

Quatre Pieds nickelés dégringolent sur une transpalette, la pente qui mène à ce large espace, circonscrit par des sacs de maïs et occupé par un fauteuil, une table et des pelles à neige! Lesquels vont servir à un jeu théâtral acrobatique en cinquante minutes. Florent Bergal, Sylvain Cousin, Jive Faury et François Juliot nous surprennent par leur invention.
Ils jonglent avec les pelles à neige, glissent sur le maïs comme lors d’un programme de patinage artistique.
Ils se chamaillent, se coursent comme des gamins, improvisent un tango plein de grâce. Ces acrobates et danseurs occupent parfaitement l’espace, tout en scrutant parfois le ciel pour vérifier que des mouettes rieuses ne viennent pas manger ce maïs. Devenu un or jaune convoité par chacun
au point d’en garnir son tee-shirt, ce qui crée inévitablement des conflits.

La musique du merengue mexicain, comme celle de Piotr Ilitch Tchaikowski pour Le Lac des Cygnes, accompagnent cette folle et joyeuse équipée urbaine. Toutes les recettes du théâtre de rue fonctionnent ici à merveille et les artistes invitent le public à venir danser avec eux. Une belle parenthèse au milieu de ce festival.

Jean Couturier

Spectacle vu le 15 septembre, sur le parvis du Casino de Biarritz (Pyrénées-Atlantiques).

 

Liberté Cathédrale, chorégraphie de Boris Charmatz, avec l’ensemble du Tanztheater Wuppertal et Terrain

Liberté Cathédrale, chorégraphie de Boris Charmatz, avec l’ensemble du Tanztheater Wuppertal et Terrain

Liberté Cathédrale

© Blandine Soulage

 

 

En septembre dernier, le nouveau directeur du Tanztheater Wuppertal Pina Bausch a présenté sa première création avec la compagnie, placée sous le signe de la liberté. La cathédrale de Neviges a été l’espace de jeu de vingt -six danseurs : pour faire connaissance avec la troupe qui porte en héritage le répertoire de Pina Bausch, le chorégraphe a invité huit de ses interprètes familiers à la rejoindre – dont Ashley Chen et Tatiana Julien –  rassemblés dans son projet Terrain, afin de créer un « précipité » entre les corps.

L’architecture « brutaliste » de l’église a dicté musiques et silences et une danse au style dépouillé et à l’énergie brute. «Le silence bruissant des lieux transforme toute action en chorégraphie, dit Boris Charmatz. Un peu de silence dans Liberté Cathédrale… et beaucoup de musique et de sons nous traversent. Celui des cloches, des grandes orgues. Et les chants dans les architectures résonnantes des églises percent les corps et l’air.»

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©Blandine Soulage

La pièce est aujourd’hui présentée au Théâtre du Châtelet, sur une scène prolongée jusqu’au pied du balcon pour créer un immense espace. Placés jusqu’à l’arrière-scène dans un dispositif quadri-frontal, les spectateurs sont au  plus près des interprètes qui n’hésiteront pas à les solliciter… De longs luminaires suspendus donnent une sensation de verticalité et les éclairages sourds évoquent l’obscurité de la Mariendom de Neviges. L’orgue en pièces détachées installé dans un recoin du plateau ajoute à la solennité.

La pièce se compose cinq morceaux distincts marqués par des musiques contrastées. En ouverture, Opus :  les vingt-six interprètes se précipitent en grappe sur le plateau, chantant à l’unisson, a capella, les notes du deuxième mouvement de l’ Opus 111 de Beethoven… Chœur désordonné, ils s’arrêtent et font silence, puis reprennent leur course et leurs « la la la »  accompagnent cavalcades ou convulsions au sol… Un exercice vocal impressionnant que le chorégraphe a vécu avec Somnole, un solo magique d’un corps devenu musique: « Aux moments principaux de ce chanté-bougé où le souffle est étiré au maximum, dit-il, la danse reste attachée à la voix tant qu’un peu de souffle nous reste.»

 Pendant les vingt minutes de Volée, les corps se balancent, sur un concert de cloches. Sons profonds ou carillons allègres impulsent aux danseurs des mouvements saccadés et ils nous emportent dans leurs élans forcenés… Le chorégraphe a laissé libre cours à l’improvisation à chaque artiste, comme pour les volets suivants: For whom the bell tolls qui nous a semblé un peu moins travaillé et décousu, plus provocateur…
Mais dans Silence, les interprètes retrouvent leur concentration sur l’envoutante partition pour orgue de Phill Niblock, jouée en direct par Jean-Baptiste Monnot. Ils nous offrent un beau moment d’intériorité en rupture avec la transe de Volée.

Enfin, Toucher clôt ces quatre-vingt dix minutes, avec des figures acrobatiques et un joyeux amalgame des corps enfin rassemblés.

Le noir et le silence font le lien entre ces pièces discontinues. La Mariendom de Neuviges, architecture austère en béton brut, se prêtait sans doute mieux au recueillement du public. Ici, malgré l’énergie et l’engagement des danseurs, la liberté qui leur a été accordée ne semble pas toujours maîtrisée.

Ce spectacle s’inscrit, pour Boris Charmatz «dans des expérimentations chorégraphiques sans murs fixes. Une assemblée de corps en mouvement, réunissant public et artistes.» Liberté Cathédrale réalisée dans cet esprit pourra être aussi dansée en plein air : « la pièce pourrait se déployer un jour à ciel ouvert, «église sans église»! Y serons-nous plus libres, ou moins libres? « , s’interroge le chorégraphe.  On pourra en juger au prochain festival d’Avignon…

 Mireille Davidovici

Jusqu’au 18 avril, Théâtre du Châtelet, programmation avec le Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt, place du Châtelet, Paris ( Ier) T. :01 42 7422 77. 

 Les samedi 27 et dimanche 28 avril, place du Châtelet, Paris (Ier).

Du 5 au 9 juillet, festival d’Avignon, stade Bagatelle.

 

 

 

 

Instantly Forever chorégraphie de Petter Jacobsson et Thomas Caley et a Folia, chorégraphie de Marco da Silva Ferreira, par le Ballet de Lorraine

Instantly Forever chorégraphie de Petter Jacobsson et Thomas Caley et a Folia, chorégraphie de Marco da Silva Ferreira,  par le Ballet de Lorraine

Instantly Forever chorégraphie de Petter Jacobsson et Thomas Caley et a Folia, chorégraphie de Marco da Silva Ferreira,  par le Ballet de Lorraine dans actualites instantlyforever-5laurentphilippe

InstantlyForever ©LaurentPhilippe

En 2011, Petter Jacobsson prenait la direction du Ballet de Lorraine-Centre Chorégraphique National, et Thomas Caley y assurait la coordination de recherche. Ils prenaient la suite de Jean-Albert Cartier, Patrick Dupond, Pierre Lacotte, Françoise Adret et Didier Deschamps. Pendant leur mandat, ces chorégraphes ont créé ensemble Untitled Partner #3, Performing Performing, Relâche, Armide, Discofoot, L’Envers, Record of ancient Things, Happening Birthday, For four Walls, Air-Condition et Mesdames & Messieurs.  Ils ont parié sur une progammation diversifiée et contemporaine en invitant des artistes de tous horizons. «Pas besoin d’aller voir ailleurs, dit une interprète; depuis quinze ans dans la troupe. Ce sont les plus innovants qui viennent à nous.»

Pour leur dernière saison à la tête de cette compagnie dynamique -Maud Le Pladec leur succèdera en 2025-  Petter Jacobsson et Thomas Caley programment deux pièces: l’une pétillante et dépouillée, l’autre tellurique et baroque, chargée de sensualité. Avec des regards croisés entre artistes du Nord et du Sud, sur le thème : instantly forever (instantanément pour toujours).

 Instantly Forever chorégraphie de Petter Jacobsson et Thomas Caley

Entre nostalgie et modernité, cette pièce en deux parties s’ouvre sur le surgissement des vingt-trois interprètes, habillés de noir et blanc. Dans un tourbillon collectif permanent, se succèdent portés en groupes, brèves échappées individuelles ciselées… Dans un style parfois saccadé, dicté par la Symphonie en trois mouvements (1er mouvement) d’Igor Stravinsky.  Une partition teintée de gravité écrite en 1946 où on entend encore les accents joyeux du Sacre du printemps.  On retrouve ici certaines phrases chorégraphiques des Ballets Russes. La première partie se déroule dans un rapport non frontal, comme si le public se trouvait à jardin: les artistes se déploient de dos ou latéralement… Le sol qui reflète les corps, et les tubes de fer suspendus oscillant légèrement au passage des danseurs, brouillent encore davantage notre perception de l’espace, sous les lumières crues d’Eric Wurtz qui a aussi créé la scénographie. Un vertige en noir et blanc

Après un temps d’arrêt silencieux, la troupe se remet en mouvement, de face, sur Music for 18 musicians (Pulses et Pulses II) de Steve Reich. Avec une gestuelle plus fluide et des postures plus ludiques. On distingue mieux, imprimés sur les costumes déstructurés de Birgit Neppl, le visage des interprètes. Grimaçant ou souriant, ces « selfies » fixent l’instant présent. « La danse est éphémère, mais la danse c’est pour toujours, dit Petter Jacobsson. Instantly forever est un mélange chaotique entre passé et présent.»
En trente minutes, l’accumulation des gestes et les réminiscences de mouvements du passé, conduisent un présent saturé d’images et de références, ce qui fait dire aux chorégraphes : « Dans notre idée d’évolution constante, il y a une urgence, une pression qui nous font à la fois espérer et craindre l’avenir ».

 a Folia chorégraphie de Marco da Silva Ferreira

aFolia-2©LaurentPhilippe

aFolia ©LaurentPhilippe

Vingt-quatre jeunes danseurs entrent lentement, comme à un bal de village, en tenues chamarrées aux couleurs éclatantes signées Aleksandar Protic et distinguant chacun d’eux. Le groupe se forme autour de brefs solos, puis se referme et part en cadence… Un ensemble festif où certains portent leur partenaire sur le dos ou s’accouplent en duos éphémères. La danse intègre les gestuelles des voguing, hip hop, salsa, krump, mais sans l’esprit compétitif et personnel du battle. Parfois, les mouvements, répétés ad libitum confinent à la transe.

Soutenue par le flot continu d’une musique de cour d’Arcangelo Corelli (1653-1713), La Folia, sonate en D mineur pour violon  arrangée au gout du jour par le compositeur portugais Luis Pestana, tenant du courant minimaliste électronique, la chorégraphie marie les danses de rue contemporaines avec le caractère débridé de la Folia portugaise, un rassemblement populaire, où, à la Renaissance, des bergères et des des bergers dansaient frénétiquement,  portant sur leurs épaules des hommes habillés en femmes.

Très ancré dans les racines lusitaniennes de Marco da Silva Ferreira, ce ballet, avec une énergie collective, rappelle ses origines populaires, rurales et urbaines, pour célébrer les corps en folie, En portugais, « folia » associe fole, un sac rempli d’air pour attiser le feu, « fôlego » : le moment où on gagne de l’air,  et « folga » : le jour de repos ou de loisirs. La « folião/foliona » désigne une personne au repos, qui, en dehors du travail, s’autorise à se remplir d’air la tête et les poumons dans une apparente folie. Dans ce rituel joyeux et sensuel,  chaque interprète joue sa partie, sans jamais se désolidariser du groupe.

Le jeune chorégraphe portugais développe  son travail autour des pratiques urbaines actuelles et sa carrière a pris un tournant avec HU® MANO (2013) joué dans les festivals internationaux, comme le Mercat des las Flores de Barcelone, à l’Atelier June Events à Paris, à L’Hexagone de Meylan et (Re) connaissance de Grenoble ( Isère) et aux Subsistances à Lyon. Bientôt, on pourra voir Fantasie Minor au Carreau du Temple et C A R C A Ç A au Cent-Quatre, àa Paris dans la cadre de Séquence Danse. Un artiste à suivre.

Mireille Davidovici

Créations vues le 7 mars à l’Opéra national-Ballet de Lorraine, 3 rue Henri Bazin, Nancy (Meurthe-et-Moselle) T. : 03 83 85 69 00

Prochaine création : les 23, 24, 25 et 26 mai, Màlon d’Ayelen Parolin), Opéra national de Lorraine, Nancy.

 Les 16 et 17 mars Twelve Ton Rose de Trisha Brown et Static Shot de Maud Le Pladec, Le Manège-Scène Nationale de Reims.

Discofoot de Petter Jacobsson et Thomas Caleyle 26 mars La Rotonde, Thaon-les-Vosges ; le 1er juin, C.C.N. d’Aix-en-Provence ; 22 et 23 juin, La Villette, Festival Freestyle, Paris  et le 30 juin, à Montpellier Danse.

Les 28, 29 et 30 juillet, Le Voyage à Nantes, Le Feydball.

 

Structure Souffle, chorégraphie in situ de Myriam Gourfink

Structure Souffle, chorégraphie in situ de Myriam Gourfink

Éloge de la lenteur, cette performance méditative correspond à l’univers zen de l’exposition Le Souffle de l’architecte de Bijoy Jain à la fondation Cartier. « Le silence a un son, nous l’entendons résonner en nous, dit cet architecte indien, c’est le souffle de la vie. » Dans son installation aux petites sculptures animalières, poteries, fragments d’habitats traditionnels, mobiliers, éparpillés comme des vestiges, prédominent la pierre, le bois, la terra cota, les végétaux et  la brique, avec çà et là, quelques sièges. Aux murs, des châssis enduits ou avec des lignes de pigments tracées au fil….

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Les danseuses se répartissent dans plusieurs espaces en solos, duos, trios ou quatuors et nous invitent à une promenade à travers cette œuvre insolite, en résonance avec le bâtiment en verre et acier conçu par Jean Nouvel. Telles des sculptures animées, Myriam Gourfink, Amandine Bajou, Karima El Amrani,  Suzanne Henry, Deborah Lary, Annabelle Rosenow et Véronique Weil changent imperceptiblement de postures, avec d’infimes mouvements. Soutenues par les souffles et percussions électroniques en direct du compositeur Kasper T. Toeplitz.

Pas facile de dessiner ces amples figures avec une telle lenteur…Pour éviter déséquilibres et tremblements, elles utilisent le souffle comme les yogi. Myriam Gourfink s’inspire de cette discipline pour bousculer notre commune notion du temps mais le spectateur doit accepter d’entrer dans son jeu: «Je me positionne sciemment du côté de la lenteur. (…) Cela n’est pas avancer, pas aller de l’avant, mais s’élever et prendre le temps de savourer chaque morceau de vie.»

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Pour écrire ses partitions chorégraphiques souples et ouvertes, elle se réfère aussi à Rudolf Laban, danseur, chorégraphe et pédagogue hongrois (1879-1958). En 1928, il publia Kinetographie Laban, un système de notation pour les mouvements dansés primaires.

Avec Structure Souffle, Myriam Gourfink passe le vocabulaire des danses populaires au tamis de l’art de respirer. Elle et ses interprètes forment des structures élastiques qui se contractent, se dilatent, puis se fractionnent. Enveloppés par les sourdes nappes sonores, dépaysés par la sobre architecture signée Bijoy Jaïn, nous sommes fascinés par cette danse au ralenti qui fait presque du sur-place. Ici, Myriam Gourfink se joue de notre temporalité  urbaine. On pense aux vers du Cimetière marin de Paul Valéry: « Quelle ombre de tortue/Pour l’âme, Achille immobile à grands pas! »

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 4 mars, dans le cadre des Soirées nomades à la fondation Cartier pour l’art contemporain, 261 boulevard Raspail, Paris (XIV ème). T. : 01 42 18 56 60.

 

 

 

Festival Everybody 2024

Festival Everybody

Pendant cinq jours, la vaste halle du Carreau du Temple s’ouvre à cette manifestation singulière: le corps et sa diversité. En question, les regards des artistes sur les stéréotypes, liés au genre, à la couleur de peau, au handicap… Avec sept spectacles atypiques, des cours de danse, de yoga et maquillage où on s’interroge sur le langage du corps (tout public). Une manifestation joyeuse en cette veille de la Saint Valentin, carnaval érotique qui célébrait le printemps au Moyen Age et jusqu’à la Renaissance.

Tatiana de et par Julien Andujar

L’artiste nous accueille, travesti en une Tatiana rouquine joviale et volubile : la femme fantasmée que serait devenue sa sœur ainée, disparue le 24 septembre 1995 en gare de Perpignan. Elle avait dix-sept ans et son ce corps fut recherché  en vain mais on retrouva celui de Mokhtaria Chaïb (dix-neuf ans ans) tuée le 21 décembre 1997, de Marie-Hélène Gonzalez (vingt-deux ans), tué le 16 juin 1998 comme Fatima Idrahou (vingt-trois ans)  le 9 février 2001. Toutes les trois dans des conditions similaires!

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Julien Andujarc© Yuval Rozman


Julien Andujar incarne tour à tour le garçon de onze ans qu’il était lors de cette disparition, et les personnes ayant marqué sa mémoire d’enfant : la meilleure amie à l’accent du Sud- Est, l’avocate avec son langage juridique, Salvador Dali pour qui la gare de Perpignan était le centre du monde, le gendarme qui enquête en chantant, façon comédie musicale tristounette…
Cet acteur et danseur évoque ces fantômes avec humour. Jouant sur le vocabulaire et le physique de chacun, il déclenche les rires d’un public complice et se moque de lui-même, drôlement accoutré d’un juste-au-corps intégral couleur chair. Mais derrière une apparente bonhommie, se cache une grande émotion. Ce numéro de cabaret déjanté en quarante-cinq minutes résonne comme un témoignage d’amour à la jeune disparue et serre le cœur.

 Festival Everybody 2024 dans actualites

Tatiana-Julien-Andujar-©-Yuval-Rozman

Danseur, chorégraphe, fantaisiste, comédien et performeur drag-queen à ses heures, Julien Andujar a commencé à danser à Perpignan avec la troupe Évasion et a rencontré à ses débuts Daniel Larrieu, Odile Duboc et Hervé Robbe. Depuis 2010, il codirige la compagnie VLAM Productions avec Audrey Bodiguel et signe des pièces protéiformes mêlant danse, cinéma, performance. Il collabore aussi avec Yuval Rozman sur sa Quadrilogie de ma terre  (Ahouvi en hébreux).

 

Whip, chorégraphie Georges Labbat

© David Le Borgne

© David Le Borgne

Variation pour trois interprètes avec fouet, cette performance de quarante minutes joue sur la symbolique à la fois violente et érotique de cet outil. Performeur et artiste, Georges Labbat s’entoure ici des jeunes Synne Elve Enoksen et Letizia Galloni. Après s’être lentement dévêtus au milieu du public, les danseurs s’emparent de leur fouet respectif et en vastes gestes circulaires, le font tournoyer pour dégager l’aire de jeu, éloignant ainsi les spectateurs.

Les corps oscillent. en harmonie ou à contretemps et les lanières des fouets émettent claquements et sifflements, tantôt synchrones, tantôt dissonants mais singuliers. Le fouet devient ici un instrument auquel le corps donne son rythme, entre la légèreté d’un courant d’air et la violence d’une détonation. Un élégant érotisme nait de cette chorégraphie en perpétuelle rotation qui explore la symbolique ambigüe du fouet, objet à la fois de domination, violence et plaisir.
Dans la continuité de Self/Unnamed (2022), avec lui comme un seul danseur et son double en plastique, Georges Labbat se focalise sur les jeux de force et contraste entre les corps.I
l crée des spectacles sur le rapport du texte, au mouvement. Le chorégraphe et  aussi concepteur des statues en résine, iDioscures, chorégraphie de Marta Izquierdo Muñoz

Dioscures chorégraphie de Marta Izquierdo Muñoz, 

© JMC2

© JMC2

Le titre désigne les jumeaux Castor et Pollux, fils de Léda, la reine de Sparte, séduite et fécondée par Zeus métamorphosé en cygne. Dans la mythologie grecque, Castor, dompteur de chevaux et Pollux, boxeur invincible, symbolisent la jeunesse virile et conquérante. Ces Dioscures (du grec ancien : Διόσκουροι, jeunes garçons de Zeus) sont interprétés ici par des performeurs queers et non binaires.

  »Après mon triptyque sur les communautés féminines, dit Marta Izquierdo Muñoz, j’ai eu envie de travailler sur la masculinité avec ces jeunes interprètes, apparus comme des colosses, véritables sculptures en mouvement. Mina Serrano qui a entamé sa transition et vient du théâtre et du cabaret, jouer avec les codes de la masculinité dont il en train de s’éloigner. Ebène, un Toulousain d’origine ivoirienne, lui, vient du « voguing » et de la pratique drag. »

Aux allures androgynes, ils dansent en miroir, avec des accessoires féminins, coiffés de caques dorés, interchangeables. D’abord en phase, dans une séduction mutuelle, ils s’affronteront bientôt en frères ennemis mais leur gestuelle détourne ironiquement les codes guerriers. Leurs corps à corps brutaux, à la virilité décalée, se muent en tendres étreintes. La danse emprunte aux registres de la rue, du disco, voire de la lutte gréco- romaine…

Un duo de cabaret bien réglé, festif et dans l’air du temps. Marta Izquierdo Muñoz, interprète auprès de Catherine Diverrès et François Verret se lance en 2007 dans des projets personnels en mariant jazz, danse contemporaine, flamenco, clubbing. Son triptyque au féminin Imago-Go (2018), Guérillères (2021) et Roll (2024), sera présenté au prochain festival Jogging cette année du Carreau du Temple.

Mireille Davidovici

 Spectacle vu le 10 février, au Carreau du Temple, 2 rue Eugène Pierrée, Paris (III ème). T. : 01 83 81 93 30.

 Tatiana, les27, 28 et 29 juin, Contrepoint Café-Théâtre, Agen (Lot-et Garonne) et en octobre, Théâtre du Rond-Point, Paris (VIII ème)

 Dioscures, le 13 juillet Kilowatt Festival Sansepolcro, Italie.

Du 17 ou 24 octobre, BAD Festival, Bilbao, Espagne.

Mr Slapstick, chorégraphie de Jean Gaudin et Pedro Pauwels

Mr Slapstick, chorégraphie de Jean Gaudin et Pedro Pauwels 

 Sous ce titre, se cache une référence à Buster Keaton, l’homme qui ne rit jamais. Le comique dit slapstick :en anglais« bâton claqueur »), emprunte son nom à la cliquette ou tavelle qui sonorise les violents mais faux coups de Guignol, Arlequin et personnages de pantomime. Au cinéma, un genre caractérisé par des chutes, courses-poursuites, bagarres…
Pedro Pauwels garde le masque impassible de son modèle mais s’en éloigne vite pour dessiner un personnage qu’il projette, vêtu de noir, sur la plage blanche de la scène, dans un jeu d’ombres et lumières changeantes. Il conserve, du burlesque, quelques courses rapides au début avabt de disparaître… Les portes claquent sous les effets lumineux tremblotants d’un projecteur. Mais ici, ni pantomime, acrobaties ou cascades. Pedro Pauwels fait dans la lenteur et la finesse, soulignées par Variété, une partition laconique de Mauricio Kagel (1977), sans rapport avec celle qui accompagne le cinéma muet.

© Henri Aubron

© Henri Aubron

Le solo organisé autour d’une chaise vide posée à l’avant-scène dos aux spectateurs. Cette présence aimante et repousse le danseur et crée un point de tension conditionnant ses déplacements. Lira-t-on dans cette chaise, la métaphore du public, du chorégraphe, d’un réalisateur qui regarde l’autre danser, ou d’un pouvoir invisible? Comme intimidé par cet objet, Pedro Pauwels s’en approche prudemment, le contourne, s’en éloigne pour ensuite l’affronter et l’insulter face public.

 En contrepied du burlesque, tout en citant leurs sources, Jean Gaudin et Pedro Pauwels n’ont pas choisi le rire mais l’humour froid. Il évoquent Buster Keaton de manière biaisée et se souviennent du clown triste qu’on a pu voir dans ses dernières apparitions au cinéma, comme Les Feux de la rampe de Charlie Chaplin (1952) où ces deux stars du muet incarnent des comiques vieillissants.

Une bonne partie du spectacle se passe au sol. Souvent de dos, assis  par terre, Pedro Pauwels va tâtonnant, se déplace par reptations animales, ou roule de tout son long sur lui-même. Parfois, il se lance dans un galop ludique, nous surprenant avec cette rupture de rythme. De pauses en accélérations, la chorégraphie joue avec le tempo.

 Pedro Pauwels nous attire dans un univers singulier qu’on retrouve dans les nombreuses pièces qu’il a signées et interprétées dont Cygn etcSpectres, Etal. Ce créateur atypique n’hésite pas à collaborer avec des artistes de théâtre, hip-hop, musique improvisée ou techno, cinéma… et à lancer des projets collectifs. Implanté avec sa compagnie de 2009 à 2018 à Limoges, l’artiste  est aujourd’hui installé à Montauban. En 2004, atteint d’une méningite foudroyante  il a été plongé dans un coma artificiel et amputé de doigts aux mains et aux pieds. Une rééducation lui fera redécouvrir son corps et l’apprivoiser pour continuer à danser. Il livrera cette expérience dans son ouvrage J’ai fait le beau au bois dormant, édité par le Centre national de la danse. 

 Mireille Davidovici

 Spectacle dans la cadre de Faits d’Hiver, vu le 7 février à Micadanses, 20 rue Geoffroy l’Asnier, Paris (IV ème).

 

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