Instantly Forever chorégraphie de Petter Jacobsson et Thomas Caley et a Folia, chorégraphie de Marco da Silva Ferreira, par le Ballet de Lorraine
InstantlyForever ©LaurentPhilippe
En 2011, Petter Jacobsson prenait la direction du Ballet de Lorraine-Centre Chorégraphique National, et Thomas Caley y assurait la coordination de recherche. Ils prenaient la suite de Jean-Albert Cartier, Patrick Dupond, Pierre Lacotte, Françoise Adret et Didier Deschamps. Pendant leur mandat, ces chorégraphes ont créé ensemble Untitled Partner #3, Performing Performing, Relâche, Armide, Discofoot, L’Envers, Record of ancient Things, Happening Birthday, For four Walls, Air-Condition et Mesdames & Messieurs. Ils ont parié sur une progammation diversifiée et contemporaine en invitant des artistes de tous horizons. «Pas besoin d’aller voir ailleurs, dit une interprète; depuis quinze ans dans la troupe. Ce sont les plus innovants qui viennent à nous.»
Pour leur dernière saison à la tête de cette compagnie dynamique -Maud Le Pladec leur succèdera en 2025- Petter Jacobsson et Thomas Caley programment deux pièces: l’une pétillante et dépouillée, l’autre tellurique et baroque, chargée de sensualité. Avec des regards croisés entre artistes du Nord et du Sud, sur le thème : instantly forever (instantanément pour toujours).
Instantly Forever chorégraphie de Petter Jacobsson et Thomas Caley
Entre nostalgie et modernité, cette pièce en deux parties s’ouvre sur le surgissement des vingt-trois interprètes, habillés de noir et blanc. Dans un tourbillon collectif permanent, se succèdent portés en groupes, brèves échappées individuelles ciselées… Dans un style parfois saccadé, dicté par la Symphonie en trois mouvements (1er mouvement) d’Igor Stravinsky. Une partition teintée de gravité écrite en 1946 où on entend encore les accents joyeux du Sacre du printemps. On retrouve ici certaines phrases chorégraphiques des Ballets Russes. La première partie se déroule dans un rapport non frontal, comme si le public se trouvait à jardin: les artistes se déploient de dos ou latéralement… Le sol qui reflète les corps, et les tubes de fer suspendus oscillant légèrement au passage des danseurs, brouillent encore davantage notre perception de l’espace, sous les lumières crues d’Eric Wurtz qui a aussi créé la scénographie. Un vertige en noir et blanc
Après un temps d’arrêt silencieux, la troupe se remet en mouvement, de face, sur Music for 18 musicians (Pulses et Pulses II) de Steve Reich. Avec une gestuelle plus fluide et des postures plus ludiques. On distingue mieux, imprimés sur les costumes déstructurés de Birgit Neppl, le visage des interprètes. Grimaçant ou souriant, ces « selfies » fixent l’instant présent. « La danse est éphémère, mais la danse c’est pour toujours, dit Petter Jacobsson. Instantly forever est un mélange chaotique entre passé et présent.»
En trente minutes, l’accumulation des gestes et les réminiscences de mouvements du passé, conduisent un présent saturé d’images et de références, ce qui fait dire aux chorégraphes : « Dans notre idée d’évolution constante, il y a une urgence, une pression qui nous font à la fois espérer et craindre l’avenir ».
a Folia chorégraphie de Marco da Silva Ferreira
aFolia ©LaurentPhilippe
Vingt-quatre jeunes danseurs entrent lentement, comme à un bal de village, en tenues chamarrées aux couleurs éclatantes signées Aleksandar Protic et distinguant chacun d’eux. Le groupe se forme autour de brefs solos, puis se referme et part en cadence… Un ensemble festif où certains portent leur partenaire sur le dos ou s’accouplent en duos éphémères. La danse intègre les gestuelles des voguing, hip hop, salsa, krump, mais sans l’esprit compétitif et personnel du battle. Parfois, les mouvements, répétés ad libitum confinent à la transe.
Soutenue par le flot continu d’une musique de cour d’Arcangelo Corelli (1653-1713), La Folia, sonate en D mineur pour violon arrangée au gout du jour par le compositeur portugais Luis Pestana, tenant du courant minimaliste électronique, la chorégraphie marie les danses de rue contemporaines avec le caractère débridé de la Folia portugaise, un rassemblement populaire, où, à la Renaissance, des bergères et des des bergers dansaient frénétiquement, portant sur leurs épaules des hommes habillés en femmes.
Très ancré dans les racines lusitaniennes de Marco da Silva Ferreira, ce ballet, avec une énergie collective, rappelle ses origines populaires, rurales et urbaines, pour célébrer les corps en folie, En portugais, « folia » associe fole, un sac rempli d’air pour attiser le feu, « fôlego » : le moment où on gagne de l’air, et « folga » : le jour de repos ou de loisirs. La « folião/foliona » désigne une personne au repos, qui, en dehors du travail, s’autorise à se remplir d’air la tête et les poumons dans une apparente folie. Dans ce rituel joyeux et sensuel, chaque interprète joue sa partie, sans jamais se désolidariser du groupe.
Le jeune chorégraphe portugais développe son travail autour des pratiques urbaines actuelles et sa carrière a pris un tournant avec HU® MANO (2013) joué dans les festivals internationaux, comme le Mercat des las Flores de Barcelone, à l’Atelier June Events à Paris, à L’Hexagone de Meylan et (Re) connaissance de Grenoble ( Isère) et aux Subsistances à Lyon. Bientôt, on pourra voir Fantasie Minor au Carreau du Temple et C A R C A Ç A au Cent-Quatre, àa Paris dans la cadre de Séquence Danse. Un artiste à suivre.
Mireille Davidovici
Créations vues le 7 mars à l’Opéra national-Ballet de Lorraine, 3 rue Henri Bazin, Nancy (Meurthe-et-Moselle) T. : 03 83 85 69 00
Prochaine création : les 23, 24, 25 et 26 mai, Màlon d’Ayelen Parolin), Opéra national de Lorraine, Nancy.
Les 16 et 17 mars Twelve Ton Rose de Trisha Brown et Static Shot de Maud Le Pladec, Le Manège-Scène Nationale de Reims.
Discofoot de Petter Jacobsson et Thomas Caleyle 26 mars La Rotonde, Thaon-les-Vosges ; le 1er juin, C.C.N. d’Aix-en-Provence ; 22 et 23 juin, La Villette, Festival Freestyle, Paris et le 30 juin, à Montpellier Danse.
Les 28, 29 et 30 juillet, Le Voyage à Nantes, Le Feydball.