Coup fatal, musicales de Rodriguez Vangama et Fabrizio Cassol, direction : Rodriguez Vangama, mise en scène d’Alain Platel

Coup fatal, musicales de Rodriguez Vangama et Fabrizio Cassol, direction : Rodriguez Vangama, mise en scène d’Alain Platel

Une reprise de la pièce jouée au festival d’Avignon 2014 et mêlant avec brio jeu , musique et danse qui « ne font qu’un, dit Fabrizio Cassol. J’essaie de créer partout des liens entre chants baroques et polyphonies congolaises. Comme, entre le morceau baroque initial et les propositions souvent incroyables que les musiciens africains apportent en réponse. Ces langages sont polyphoniques mais de façon différente.»
Rodriguez Vangama dirige avec une belle dextérité, les treize chanteurs, danseurs et interprètes d’un ou plusieurs instruments. Haendel, Vivaldi, Bach, Monteverdi et Gluck se marient parfaitement avec les rythmes de Kinshasa.
Le contre-ténor Coco Diaz nous emporte avec douceur vers les performances vocales que la musique instrumentale traditionnelle  du Congo-Kinshasa et les airs classiques magnifient ensemble. Les danseurs et chanteurs Russel Kadima, Boule Mpanya et Fredy Massamba que nous avions remarqués dans Requiem pour L à Chaillot (voir Le Théâtre du blog) ont une présence exceptionnelle.

 

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©Zoé Aubry

La danse prend naturellement sa place dans cette cérémonie à la gloire de notre élan vital. Un véritable traitement antidépresseur en une heure cinquante Devant trois rideaux en douilles de balles dorées évoquant les conflits qui règnent sur ce pays, ces vingt artistes ne laissent aucun temps mort à cette farandole musicale pleine de gaité. Après un bref moment où le plateau est vide, ils reviennent tous en costumes excentriques multicolores: «Paris est la capitale de la mode et moi, je suis le roi de la S.A.P.E. dit l’un. Kinshasa est la patrie de la Société des Ambianceurs et Personnes Elégantes. »
L’humour est aussi un des moteurs de cette création. Après avoir chanté et dansé avec beaucoup d’émotion To be young, gifted and black, une chanson de Nina Simone, ils entament Lascia ch’io pianga, l’aria de Georg Friedrich Haendel, adapté ici par Fabrizio Cassol… Un final qui restera longtemps dans nos mémoires.

Jean Couturier

Spectacle joué du 28 mars au 5 avril au Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris (VIII ème). T. : 01 44 95 98 21.

Théâtre de Namur (Belgique), du 5 au 7 juin.

 


Archives pour la catégorie Danse

On achève bien les chevaux, d’après le roman d’Horace Mc Coy, mise en scène d’Hervé Bouché, Daniel Clément Hervieu-Léger et Daniel San Pedro

On achève bien les chevaux,  d’après le roman d’Horace Mc Coy, mise en scène d’Hervé Bouché, Daniel Clément Hervieu-Léger et Daniel San Pedro

Le spectacle avait été créé à Bayonne en 2023 (voir Le Théâtre du Blog): le Ballet de l’Opéra national du Rhin s’est associé à la compagnie théâtrale des Petits Champs et ces  troupes ont réalisé une adaptation du célèbre roman (1935)  qui a inspiré Sydney Pollack  pour They Shoot Horses, Don’t They?  (1969) avec Jan Fonda.
Cela se passe vers 1930, donc il y a presque un siècle! en Californie, quand les Etats-Unis s’enfonçaient dans une crise économique à partir du krach boursier de 29, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. 
Il y a nombreux marathons de danse où les participants peuvent gagner quelquefois une prime importante. Mais il fallait tenir le coup jusqu’au bout et même s’il y avait chaque heure des pauses avec infirmières et trousse de secours, lits de repos, eau à volonté et sandwichs gratuits, les règles étaient implacables: en cas d’arrêt, élimination immédiate. Robert et Gloria, les vedettes font partie des candidats tous jeunes mais chutes et bagarres sont fréquentes.

Sur la vaste scène du Théâtre de la Ville, a lieu cette compétition dans un grand gymnase avec, au fond, un espalier et sur les côtés, gradins, vestiaires… Et partout des marquages de couleur  au sol pour les matchs.  

©C. de Otero

©C. de Otero

Daniel San Pedro, codirecteur de la compagnie des Petits Champs, joue le patron de cette  machine à achever les participants qui veulent malgré tout aller jusqu’au bout, comme cette femme enceinte… La plupart des jeunes gens, à la limite de craquer, résistent pourtant… Il y a parmi les danses de salon imposées, ces monstrueux « derbys » où les couples, déjà épuisés, doivent courir en rond. Ils peuvent aussi créer des figures pour gagner quelques points en plus.  Ou se marier contre cinq cent dollars! histoire de pimenter les choses. Et plus grave, tout un public  va voir ce marathon dont sortira gagnant un seul couple. Mais tous lutteront jusqu’au bout, pour essayer de sortir de la misère. Pathétique! Et Horace Mc Coy sait y faire…

Ici, seize couples de danseurs de l’Opéra national du Rhin, huit acteurs des Petits Champs et quatre musiciens pour représenter ce marathon fondé sur une réalité sociale bien réelle et sur cette lutte pour survivre à cette crise qui gangrène toutes les villes des Etats-Unis… Mais coup de théâtre, une ligue de moralité, représentée par trois femmes munies de pancartes, réussit à le faire interdire! Le directeur renverra donc sans aucun état d’âme les participants qui auront tout perdu…
 Oui, mais voilà, comment adapter un tel roman à la scène en une heure et demi? Mission  mission impossible et rares sont les metteurs en scène qui s’y risquent… Pourtant Micheline Kahn, une jeune metteuse en scène aujourd’hui disparue, avait eu en 87, une idée brillante: investir le Cirque d’hiver pour que le public soit au plus près de ce marathon.
Ici, les  metteurs en scène réussissent à faire circuler avec fluidité les quarante interprètes avec fluidité: ce n’est déjà pas rien. Mais la scénographie est peu adaptée, nous sommes loin et à quelques moments, l’ennui commence à guetter… Les meilleurs moments? Ceux de ces derbys où ces jeunes interprètes tous très crédibles, courent autour d’un cercle de sable. Les moins bons: les pauses où-logique-il ne se passe pas grand-chose…
Et dans ce théâtre-danse, les acteurs ont quelque mal lancer leurs répliques et la fin va  cahotant.. Mais le public-impressionné-voit bien, que, même après un siècle, l’emperruqué au visage maquillé d’orange pourrait aussi imaginer ce genre de conneries…
Allez, le concours est ouvert… Exemples: faire courir dans New York toute une armée de fonctionnaires, un marathon par couples pour essayer de garder son emploi, courir en solitaire à Gaza pour gagner un hectare de terre et s’y établir, élever pendant un mois puis tester à mains nues et en plein soleil, un second et très haut mur contre une prime de 2.00 $ et ainsi décourager les Mexicains à entrer aux Etats-Unis. Aller construire en un mois (voyage en avion-cargo payé, tente et sandwichs offerts) une maison au Groenland (seulement cinquante à gagner) après son achat forcé au Danemark par les Etats-Unis. Le texte d’Horace Mc Coy reste aussi juste qu’il y a un siècle et peut encore faire froid dans le dos…

Philippe du Vignal

Le spectacle a été joué du 1er au 5 avril au Théâtre de la Ville, 2 place du Châtelet, Paris ( IV ème). T. : 01 42 74 22 77.

Four New Works , conception et chorégraphie de Lucinda Childs, musique de Johann Sebastian Bach, Philip Glass, Hildur Guðnadóttir

Four New Works, conception et chorégraphie de Lucinda Childs, musique de Johann Sebastian Bach, Philip Glass, Hildur Guðnadóttir

 La compagnie Lucinda Childs vient de présenter à Chaillot quatre pièces, étrennées le 7 août dernier à Hambourg : Actus, Geranium (un solo créé par la chorégraphe en 65, puis recréé l’an passé), Timeline et Distant Figure.  Sept danseurs aguerris forment actuellement la Lucinda Childs dance Company: Robert Mark Burke, Katie Dorn, Kyle Gerry, Sharon Milanese, Map Pardo, Lonnie Poupard Jr. et Caitlin Scranton. L’ensemble trouve à s’exprimer après l’entracte, dans Timeline et, pour six d’entre eux, à briller dans Distant Figure, une magnifique composition, gardée pour la bonne bouche…

@ Alexandra Polina

@ Alexandra Polina

Les clignotements du lumiériste Sergio Pessanha permettent de voir pour une fois le grill de la salle Gémier qui avait été entièrement reconstruite par l’architecte Vincent Brossy en 2017, à la fin du mandat de Didier Dechamps et le font participer à la scénographie. Plus loin, un très grand écran–plus large que l’actuel 16/9 ème; ou le cinémascope d’autrefois, couvre l’ouverture du plateau- rectangle gris Malevitch, enrichi d’images de sport en noir et blanc. Détournées/surimprimées par le vidéaste Anri Sala, elles font office de toile de fond. Le scénographe n’étant pas crédité dans la feuille de salle, on peut penser que la chorégraphe, par ailleurs excellente plasticienne, occupe aussi cette fonction. Les costumes beige clair, sobres et fonctionnels, sont signés Nile Baker.

 La musique va du baroque, au minimalisme, de Bach.. à Bach rabâché, ressassé, répété ad libitum, autrement dit jusqu’à  Phil Glass, superbement joué par le pianiste et compositeur moscovite Anton Botagov. Le style de Lucinda Childs est d’ailleurs plus proche qu’on croit de la «belle danse» du XVII ème siècle. Un même geste, un même motif, une même cellule, dessinés ou décidés a priori, arbitrairement, subjectivement, froidement, varié à l’infini et décalé à l’excès, enrichi de peu d’autres, a pour effet de fasciner ou, au contraire,, d’exaspérer le spectateur. Comme cela avait pu l’être en 76, quand l’interprète de post-modern danse prit le relais du mevlevi (derviche tourneur) Andy de Groat dans Einstein in the Beach, le célèbre opéra de de Bob Wilson.

Avant de trouver sa voie, son style, sa marque de fabrique, Lucinda Childs est passée par une étape dada-surréaliste, comme Merce Cunningham, Trisha Brown, Pina Bausch… D’où cet humour pince-sans-rire à la Buster Keaton, froid, usant de gestes quotidiens et d’éléments prosaïques. Un esprit difficilement perceptible par le public dans le solo Géranium où elle prouve aussi, son talent de comédienne en incarnant avec ironie et conviction, un joueur de football américain (sans doute Johnny Unitas, des Colts de Baltimore opposés aux Cleveland Browns), sisyphe en pays plat, luttant contre la pesanteur. Empêché d’atteindre la zone d’en-but par un métaphorique harnais. Cette situation d’inquiétante étrangeté en rappelle d’autres, plus cocasses, comme le solo Carnation (1964).

De la structure toute simple (A-B-A ou A1-B-A2), aux reflets symétriques produits par de canoniques accumulations et d’infimes discordances qu’est Actus avec Caitlin Scranton et Sharon Milanese, danseuses très différentes par leur style, leur technique et leur gabarit, aux agencements de groupe fondés sur le langage académique, le pas de sept Timeline et le pas de six Distant Figure nous ont permis d’apprécier la subtile prestation de Katie Dorn), en passant par Geranium, une performance « arty» (rebaptisée en français avec un accent aigu, Géranium ’64), résume en à peine plus d’une heure, soixante ans de travail  et quelque cinquante œuvres à son actif….

Nicolas Villodre

Ce spectacle a été présenté au Théâtre National de Chaillot, 1 place du Trocadéro, Paris (XVI ème), du 19 au 22 mars.

KATA, chorégraphie et interprétation d’Anna Chirescu

KATA, chorégraphie et interprétation d’Anna Chirescu

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©Julien Benhamou

A l’Etoile du Nord, le festival Immersion Danse s’ouvre avec un solo dansé autobiographique d’Anna Chirescu, prix de la révélation chorégraphique 2024 du Syndicat professionnel de la Critique de théâtre, musique et Danse. Cela commence étrangement avec un récit plein d’humour dit par la danseuse, à l’abri des regards, à propos d’un fruit : le coing, un élément de la tarte traditionnelle en Roumanie. Un fruit un peu négligé en France mais emblématique de ce pays.
Puis Anna Chirescu entame vingt-six suites de mouvements de kata, certaines rythmées par ses vocalises. Ensuite nous entendons et découvrons en fond de scène, le récit de la mort médiatisée de Nicolae Ceaușescu, dictateur au pouvoir en Roumanie de 74 à 89.
Au même moment, elle apparaît, méconnaissable, en costume de danse traditionnelle et entame une danse rituelle ancestrale. Cette première partie n’est pas toujours lisible, malgré son engagement physique et sa belle occupation de l’espace. Le soleil se lève enfin à l’Est, même si le roumain est une langue latine,et quand Anna Chirescu nous parle de son père, tout devient clair.
En 2020, elle a reçu une vidéo de lui, filmé en tenue blanche de karatéka, avec ses partenaires. Ils s’entraînaient sur une plage et les images, d’une grande beauté en noir et blanc, sont de 1980, année où son père va fuir le régime totalitaire à l’occasion d’un voyage en France. Il
avait obtenu un « passeport de compétition ».
Nous comprenons alors mieux la signification de ce solo… Anna Chirescu a remonté le fil du temps et, aux saluts, l’émotion était perceptible dans son regard. En cinquante minutes, nous sommes devenus les témoins d’un parcours intime. Quand les frontières sont devenues instables et que la folie masculine est au plus haut degré, ce témoignage prend un autre sens! L’Histoire est un éternel recommencement et ce solo illustre bien le sous-titre de ce festival : Pour que la danse ne vous laisse pas indifférent!

Jean Couturier

Les 19 et 20 mars, Théâtre de l’Etoile du Nord, 6 rue Georgette Agutte, Paris ( XVIII ème). T. : 0142 26 47 47.
Les 2 et 3 juin, Pavillon de Romainville, dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine Saint Denis.   

75018 Paris

Antoine et Cléopâtre, texte et mise en scène de Tiago Rodrigues, avec quelques citations de la pièce éponyme de William Shakespeare (traduction Jean-Michel Desprats)

Antoine et Cléopâtre, texte et mise en scène de Tiago Rodrigues, avec quelques citations de la pièce éponyme de William Shakespeare (traduction Jean-Michel Desprats)

 Des noms, emmêlés, cognés, liés, inséparables, inusables : Antoine et Cléopâtre. Tout est là, dans ce duo amoureux mythique, dansé, parlé et ordonné par Sofia Dias et Vitor Roriz. C’est l’histoire d’un amour tellement fusionnel qu’il abolit tout : ils ne sont ni reine ni général, tout est fondu autour d’eux. Il n’y a plus d’histoire… L’Histoire, la grande, la politique surnage parfois dans le flot de la passion comme un noyé qui remonterait à la surface, presque intact, mais déjà très éloigné d’une forme consistante ; ou comme ces statues antiques trouvées dans le golfe d’Alexandrie et remontées ruisselantes par des grues anachroniques…
On entendra le nom d’Octavie, l’épouse diplomatique et romaine, de Marc-Antoine. Ici, elle n’est que «l’autre femme », l’objet des fureurs de l’Égyptienne, pourtant la préférée. On parle de guerre et Marc Antoine, pour ainsi dire, se trompe de navire et suit celui de Cléopâtre, « Égypte », abandonnant sa flotte, égaré dans le présent de la passion.

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L’histoire est reléguée derrière une brume, on entend quelques fragments de Shakespeare comme un écho lointain. Pour son Antoine et Cléopâtre, Tiago Rodrigues a inventé un langage dramatique particulier. L’effet produit par son texte ressemble à celui de la musique répétitive : toujours semblable et jamais pareil, comme l’eau d’une rivière, disait l’un de ses pionniers, Steve Reich. Antoine, Cléopâtre : les deux noms s’attirent, se répètent de façon obsessionnelle. Non pas comme dans Roméo et Juliette : « ton nom seul est mon ennemi », mais plutôt ton nom seul abolit l’ennemi qui est en toi, il est le monde entier, il est toi… Antoine raconte, instant par instant, ce que fait Cléopâtre et vice versa (que l’auteur songeait à prendre comme titre de la pièce), dans un récit étroitement tricoté, en même temps que les danseurs s’éloignent l’un de l’autre, se rapprochent, dessinent modestement l’espace, toujours s’adressant à nous, puisque c’est un récit…Récit particulier, on le voit : émietté, s’écoulant comme autant de grains de sable, lassant, berceur, drôle parfois, avec la grâce parfaite (c’est-à-dire sans effets) de ses interprètes, dont le jeu se reflète sur les disques colorés d’un mobile léger. Tiago Rodrigues, dès l’écriture de sa pièce (2014) voulait faire travailler le spectateur : on peut dire qu’il y arrive. La forme obsessionnelle du spectacle l’éloigne de nous, le temps de découvrir cette singularité et d’entrer dans son fonctionnement.
On s’en échappe parfois, ou elle nous échappe, mais une fois sorti de la salle, se produit comme une décantation, et le récit masqué se dégage de ses voiles. Antoine, Cléopâtre : dans le temps suspendu de la passion, l’histoire continue… On pense à un autre texte de Tiago Rodrigues, Le Chœur des amants : osez parler de l’amour. Nous sommes prévenus : c’est toute une expédition de les accompagner.

Christine Friedel

Un spectacle créé il y a onze ans à Lisbonne et repris en 2016 dans ce meme théâtre de la Bastille ( voir Le Théâtre du Blog)et l’an passé au festival d’Avignon que son auteur dirige maintenant.C’est une sorte de paraphrase poétique où Tiago Rodrigues reprend à son compte l’histoire politico-sentimentale des célèbres amants qui voulaient bâtir un immense empire en réunissant leur cœur et leur pays. A noter : Shakespeare semblait aimer ces titres avec deux prénoms. Troilus et Cressida, Roméo et Juliette… Ici, aucun véritable décor sinon une toile partant des cintres et allant jusqu’au bord de scène comme celles qu’utilisent les photographes dans leur studio.. Dans le fond, sans doute pour dire (pléonastiquement!) l’instabilité des amours et des vies humaines, un mobile façon Calder mais sans poésie et laid, avec deux grands disques en plastique ocre et deux autres plus petits, bleu foncé accrochés à de minces barres en inox!

Un banc en bois avec un électrophone pour disques trente-trois tours dont la pochette est bien placée verticalement pour qu’on puisse la voir et on entendra quelques courts extraits de la bande-son originale composée par Alex North pour Mankiewicz Cléopâtre avec cet autre couple mythique que formaient Elisabeth Taylor et Richard Burton, Et sans doute Tiago Rodrigndu tiutues a-t-il voulu à partir de ce texte répétitif, créer une osmose entre le public et Sofia DiasVitor Roriz. Il insiste même un peu lourdement : «Cette collaboration artistique inspirée par l’idée d’une collaboration amoureuse. Nous collaborons aussi avec l’histoire, avec Plutarque, avec Shakespeare. Et, finalement, nous collaborons avec le public, cet indispensable et ultime collaborateur. » Et cela fonctionne? Pas bien du tout, malgré la présence indéniable de ce couple: on comprend mal certaines phrases (le français n’est pas leur langue maternelle et ces chorégraphes ne sont pas des acteurs.) le récit coule bien lentement: « Sofia, dit Tiago Rodrigues, parle obsessionnellement d’un Antoine et Vítor avec la même minutie, de Cléopâtre. Sofia décrit tous les faits et gestes d’un Antoine vivant. »

Mais ce spectacle qui participe à la fois d’une chorégraphie, surtout des mains, mais aussi d’une performance orale avec une distance et une reprise incessante et systématique des mêmes termes, est trop long: Antoine dit, Cléopâtre dit… Il aurait sans doute fallu aérer les choses et ce qui est  évoqué ici, pourrait l’être en quarante-cinq minutes, au lieu de quarante-vingt dix. Il y a comme une sorte de volonté systématique de déconstruction du langage, assez  laborieuse et vite exaspérante, avec un usage systématique de la troisième personne, et un côté provoc un peu facile, du genre performance pour les nuls. Bref, on a connu Tiago Rodrigues mieux inspiré… Ce texte, parfois délicat mais estouffadou: trop fabriqué et fondé sur la répétition du langage, manque d’épaisseur… Malgré quelques belles images reprises plusieurs fois sur le vin et les fruits, les plaisirs de la vie et de l’amour au bord de la Méditerranée, qui font par moments penser à Justine de Laurence Durell, nous sommes resté sur notre faim. Et le public? Mon voisin s’est vite endormi, d’autres somnolaient mais la salle était divisée: certains ont applaudi fortement mais des spectateurs, comme un jeune couple, sont restés les bras croisés… Donc à vous de décider.

 Philippe du Vignal

 Théâtre de la Bastille, 76 rue de la Roquette, Paris (XI ème). T. : 01 43 57 42 14.

 

Le paysage théâtral français au Japon

Le Paysage théâtral français au Japon

Japonismes 2018 qui accueillait en France des manifestations culturelles selon plusieurs  modes d’expressions artistiques de l’archipel est déjà loin dans nos souvenirs. Initiées par son gouvernement, ces manifestations hors du pays avaient vues comme des dépenses inutiles aux yeux de nombreux japonais. Puis, de 2019 à 2020, le covid 19 a bouleversé l’équilibre du monde entier, en particulier les échanges culturels. Ce n’est rien comparé à ce qui risque d’arriver en Europe, prise entre le marteau russe et l’enclume des Etas-Unis. Mais au pays du Soleil levant, comme nous venons de le voir en février, la Culture française se porte bien: avec le théâtre et la danse mais aussi à travers la mode, la haute-couture, et notre éternelle cuisine…  Le spectacle européen a lui aussi une belle visibilité à Tokyo et dans ces environs. Les chorégraphies Promise de Sharon Eyal dont la compagnie est maintenant implantée en France, se joue fin février début mars et Jungle Book d’Akram Khan, notre voisin londonien,y sera présenté en juin prochain.

 

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A Shizuoka, une ville au pied du mont Fuji (700.000 habitants), le festival mondial de théâtre dirigé par Satoshi Miyagi accueillera en avril les équipes françaises de Lacrima de Caroline Guila Nguyen, un spectacle qui vient d’être joué au Théâtre de l’Odéon à Paris et Dans la mesure de l’impossible de Tiago Rodrigues. Une version japonaise d’Edmond, texte et mise en scène d’Alexis Michalik qui reprend l’histoire de la création de Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand et qui s’est joué longtemps au Théâtre du Palais-Royal à Paris et en régions (voir pour tous ces spectacles, Le Théâtre du Blog) va être jouée trois semaines! en avril au Parco, une salle mythique de Tokyo.

Enfin l’Opéra de Paris est invité en moyenne tous les deux ans, à venir danser un ballet de son répertoire, au Bunka Kaikan, un centre culturel à Tokyo avec une salle de 2.300 places et une autre de 649. Particularité  récente à signaler et que nous avons pu constater: avant chaque représentation: on distribue une petite feuille avec dessins explicatifs et code de bonne conduite: «Eteindre son téléphone, rester assis confortablement mais sans se pencher pour ne pas gêner la personne derrière soi. Il faut être silencieux, et surtout ne pas manger, ne pas chercher dans son sac quelque chose !» Il faut signaler que tous ces spectacles affichent complet, le plus souvent, au début des réservations!

Jean Couturier

Empire, chorégraphie de Magali Milian et Romuald Luydlin

Empire, chorégraphie de Magali Milian et Romuald Luydlin

Une nouvelle création (pléonasme ?) de la compagnie la Zampa, simplement intitulée Empire. Selon les auteurs, l’empire en question désigne une «aire de jeu autant qu’un état d’esprit, une tentative plastique et chorégraphique de déjouer l’autorité à plusieurs ». La note d’intention est scrupuleusement suivie par un sextet ou sextuor de danseurs contemporains qu’accompagne, plus d’une heure durant, le guitariste électr(on)ique Marc Sens. Les chorégraphes font partie de la distribution où brillent à part égale Alice Bachy, Joseph Kraft, Camilo Sarasa Molina et Anna Vanneau. Le plateau, parquet ou dance-floor, est composé d’une série de tatamis maousses juxtaposés au sol, non au carré mais en polygone étoilé. Ce désordre géométrique assumé relève de l’installation, de la proposition « arty » ou de l’ornement scénographique. Il annonce la couleur et, dans une certaine mesure, le programme chorégraphique et musical.

©Alain Scherer

©Alain Scherer

La pièce, par sa rigueur même, requiert l’attention et l’adhésion du public. Elle n’est pas si simple d’abord : c’est, en effet, de la danse pure, technique, exigeante aussi bien pour les artistes sur scène que pour les spectateurs. Il s’agit d’un spectacle sans anecdote ou presque. Dysnarratif, avec, néanmoins un court texte poétique dit par cœur au micro par Alice Bachy et une dramaturgie de Marie Reverdy. Peu d’effets atmosphériques, quelques fondus lumineux, une composition musicale minimaliste, des costumes carnavalesques ou cabaretiers enfilés à vue par les artistes, quelques grimaces empruntées aux expressions des gargouilles gothiques. Aucune aspersion de fumigène, ce qui vaut d’être signalé…

 Le « guitar hero », impassible, impavide, sûr de son fait, mi-David Gilmour (pour le vibrato, le « bend » et les sonorités psychédéliques), mi-Rhys Chatham (si l’on se réfère à la période punk de celui-ci et à son duo avec la ballerine Karole Armitage), mi-Denis Mariotte (en raison de son accompagnement musical réduit à une seule note dans la pièce Umwelt de Maguy Marin), fait dans le « drone ambient ». À savoir le bourdon de cathédrale, avec ses boucles rythmiques obtenus par frappes à la baguette sur la six-cordes et les motifs mélodiques produits par frottis. La danse est ici, pourrait-on dire, sous l’empire de(s) sens. En raison du patronyme du musicien, discret visuellement, sagement assis côté cour, mais omniprésent de bout en bout. Du fait également de l’influence nippone sur la chorégraphie et de l’importance de l’art martial dans la deuxième partie de l’œuvre.

Il est vrai que « l’objet chorégraphique» de la Zampa (pour reprendre les termes de Magali Milian et Romuald Luydlin) est singulier. Il n’a que peu à voir avec le spectacle Nage no kata (2024) présenté à la Maison du Japon, une suite de mouvements exécutés par deux judokas aguerris, Stephen Roulin et Antoine Bidault, accompagnés de musique «contemporaine» (atonale), ayant pour but de signifier ou de dignifier artistiquement parlant une technique de combat ayant ses qualités propres qu’un cinéaste comme Akira Kurosawa avait déjà assimilé à l’art chorégraphique dans son film La Légende du grand judo (1943). Empire se réfère au pays du soleil levant mais aussi à l’Angleterre, développant dans toute la première partie de la pièce une suite gestuelle inspirée de la contredanse ou « country dance ». Les auteurs se sont assuré la collaboration de Guillaume et Serge Bertrand, pour le judo et de Cécile Laye, pour la contredanse anglaise.

 Au XVII ème siècle, la contredanse, comme l’art du jardin, diffère totalement entre la France et l’Angleterre. Jean-Marie Guilcher, dans son livre La Contredanse (1969), cite Lorin qui, de retour de Londres, estime que la contredanse anglaise n’impose aucun pas et, pour ce qui est de la contredanse à six, semble avoir été surpris de «la bizarrerie et de la diversité des pas, que chacun y faisait à sa fantaisie ». Les nombreux pas de deux de la pièce rappellent les danses de couple de cet âge d’or de la contredanse -quoique les costumes de Violette Angé pour Empire, hormis les collerettes, paraissent anachroniques, en particulier les pantalons à froufrous qui ressemblent à ceux des danseurs de mambo ! Les duos, naturellement, sont aussi ceux des affrontements de judokas.

 Les mouvements quotidiens relèvent d’une tradition… contemporaine, faite de petits gestes faciles à exécuter, comme ceux de la postmodern dance. Qui dit empire dit chute et l’impressionnante série de roulades, pour ne pas dire « ukemi waza », exécutées par tout le groupe, conclut la pièce de façon spectaculaire. Nous avons été sensible aux qualités de saltation de Joseph Kraft et à la prestation toujours juste d’Alice Bachy. Comme toutes les œuvres réussies, Empire gagne à être vue et revue.

Nicolas Villodre

Spectacle vu le 19 février à la Scène nationale du Sud-Aquitaine-Théâtre Michel Portal, Bayonne (Pyrénées-Atlantiques).

 

 

 

 

 

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Gigenis, The generation of the earth, direction artistique d’Akram Khan

Gigenis, The generation of the earth, direction artistique d’Akram Khan

Akram Khan renoue avec la danse traditionnelle indienne avec, ici, un épisode du Mahabharata. Cette longue épopée évoque l’avidité, la perte, la joie et la peur dans une famille et avait été mise en scène par Peter Brook en 85 au festival d’Avignon. Le chorégraphe, alors âgé de treize ans, participait à cette grande aventure restée dans les mémoires.
Il revendique l’influence de Peter Brook, Pina Bausch et Ariane Mnouchkine sur son travail. Des créateurs qui ont foi en l’humanité comme lui : “Dans la pensée moderne, dit-il, on nous enseigne souvent qu’il faut voir pour croire. Mais autrefois, mes grands-parents estimaient qu’il fallait avoir la foi pour  bien voir  et cette dernière approche m’a toujours guidé dans mes projets. Je retourne aujourd’hui à mes racines, à ma tradition et à mon passé qui a toujours nourri mon présent.”

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Le vaste espace de jeu est délimité à cour et à jardin, par les musiciens. Cette chorégraphie s’adresse plus au sens qu’à la raison: il ne faut pas chercher ici une narration précise qui risquerait de parasiter l’émotion. Dans ce spectacle total, toutes les formes d’expression se mêlent et pour la première fois, Akram Khan s’entoure d’artistes développant les traditions classiques indiennes mais venant d’univers différents avec deux  percussionnistes, une artiste anglaise au chant et à la contrebasse, un Indonésien au chant et au violon, une chanteuse britannique d’origine bangladaise, une chanteuse venant de Singapour, un chanteur d’origine américaine et indienne.
Tous exceptionnels, ils forment avec les danseuses et danseurs dont Akram Khan, un ensemble d’une grande harmonie et selon lui, sont les véritables auteurs de la pièce. Il s’adresse avant tout à notre spiritualité: “L’amour est universel, il transcende les murs et l’émotion qui se crée sur scène est aussi universelle et n’a pas besoin d’explication.”
Nous découvrons plusieurs styles de danse traditionnelle indienne dont celle de Kapila Venu, spécialiste du Kutiyattam, une tradition théâtrale du Kerala qui a plus de 2.000 ans et qui se joue en général dans un petit espace éclairé par une lampe à huile. Cette danse est fondée sur une gestuelle complexe des mains à laquelle s’associent l’œil et le regard qui, selon Kapila Venu est: “La partie la plus expressive de notre corps”. Le chorégraphe nous invite donc à une expérience esthétique et philosophique hors-norme: « Je cherche la poésie qui ouvre à une réflexion, je suis contre la vision binaire des choses, je suis pour un entre-deux plus complexe. »

Jean Couturier

Le spectacle a été joué du 11 au 14 janvier, au Théâtre des Champs-Elysées, 15 avenue Montaigne, Paris (VIII ème). T: 01 49 52 50 50.

 

Bezperan, mise en scène- taula zuzendaritza- de Daniel San Pedro, musique-musika de Xabi Etcheverry Itçaina, Chorégraphie-koreografia d’ Arthur Barat Mailharro, Zibel Damestoy Untsain, Ioritz Galarraga Capdequi et Oihan Indart Salbide

Bezperan, mise en scène-taula zuzendaritza de Daniel San Pedro, musique-musika de Xabi Etcheverry Itçaina, chorégraphie-koreografia d’Arthur Barat Mailharro, Zibel Damestoy Untsain, Ioritz Galarraga Capdequi et Oihan Indart Salbide, musique de  musique de Xabi Etcheverry
Damien Godet, directeur de la Scène Nationale de Bayonne, a de nouveau invité le collectif basque Bilaka qui y avait présenté Gernika. Les huit jeunes interprètes: trois femmes et cinq hommes-accompagnés par quatre musiciens-sont mis en scène dans un spectacle entre danse, musique, chant, performance et théâtre. « Bezperan, dit Daniel San Pedro, est à l’origine, une expression oralement transmise et illustrant une projection intime vers un avenir proche et incertain. Cette pièce, tend vers une forme théâtrale pouvant laisser plus de place à la parole et au chant, et qui nous a réunis. Cela commence par une sorte de veillée funèbre un soir d’hiver. Suivant une tradition ancienne, c’est aux abeilles qu’on annonce la nouvelle en premier, pour les rassurer, pour qu’elles restent là et qu’elles continuent à donner leur cire. L’hiver est mort et il est temps de réveiller la terre, de l’implorer. Au pays basque, les dieux ne sont pas dans le ciel mais sous la terre. La sève remonte et donne vie à la nature. (…) Elle est la source d’inspiration dans toutes les pratiques artistiques, les chansons, la musique, la poésie et la danse, et à la base des croyances, des légendes, des traditions. » C’est un beau poème rapidement conté au début en basque (pas de surtitrage mais bon reste la magie de la langue).  Des humains,  un soir d’hiver sous la neige, vont donc parler aux abeilles. En traduction: « Chères abeilles qui veillez sur nous, d’un salut silencieux, nous venons vous annoncer une triste nouvelle qui endeuille nos cœurs : l’hiver est mort. Dans votre cire, nos imprudentes braises ont fait fondre les glaces. Nul besoin de votre cire dans la lumière du printemps et de son pas nonchalant, viendra l’été ardent. Et l’automne, à son crépuscule, fidèle à l’inexorable cycle du temps, laissera place à l’hiver, nous l’espérons. Abeilles bien-aimées, ce chant vous est adressé.

© Charlotte Corda

© Charlotte Corda

En ces temps obscurs, présages d’une fin certaine, nous vous implorons. Que votre lumière nous accompagne, vivant(e)s et survivant(e)s, que cette veille éternelle soit la promesse d’un nouveau lendemain. » Le collectif Bilaka, attaché à la pratique des danses et musiques traditionnelles par les jeunes, contribue au développement du cursus d’études supérieures en danse basque au Conservatoire Maurice Ravel-Pays basque, en collaboration avec la Fédération de danse et l’Institut culturel basques. « Bilaka veut être le véritable ambassadeur d’une culture vivante, inscrite dans son temps, forte de son identité et ouverte sur le monde. » «Les peuples, écrivait Voltaire, qui demeurent ou plutôt qui sautent au pied des Pyrénées.« Avec cette pièce, ce collectif Pedro questionne ici, par ces danses très rythmées et les chants, la fonction des rites qui a toujours été au centre de la culture et de la langue basque, ici dite et mise en valeur  sur scène-rarissime en France- et jusque dans le programme. Les danseurs-dantzariak: Izar Aizpuru Lopez, Arthur Barat Mailharro, Zibel Damestoy Untsain, Ioritz Galarraga Capdequi, Oihan Indart Salbide, Ioar Labat Berrio, Maialen Mariezkurrena Artola, Aimar Odriozola Pellejero sont accompagnés par les percussions-perkusioak de Stéphane Garin Ayherra, la guitare-gitarra: de Paxkal Irigoyen Etxeberri, l’alto-arrabita, la viole-biola de Xabi Etcheverry Itçain, les accordéons, mandole, percussions de Hauspoak, la mandoline-mandola et les percussions- perkusioak-de Patxi Amulet.

© Charlotte Costa

© Charlotte Costa

Sur le plateau, tout à fait impressionnant, remarquable scénographie-szenografia- de Camille Duchemin, un énorme tas de laine de mouton dans la pénombre (lumières-argiak d’Alban Sauvé), d’où vont lentement émerger les interprètes. « Cette veille sera-t-elle la promesse d’un nouveau lendemain/Biharamunik izanen dea gure bezpera hunentzat? » C’est comme une union de certains éléments de chorégraphie classique (Daniel San Pedro est professeur de théâtre à l’École de danse de l’Opéra national de Paris), et d’autres proches des rituels du folklore basque, au meilleur sens du terme. Avec souvent des sauts collectifs et de remarquables jeux de bâtons Makil jokoa, avec un interprète face à l’autre, ou dos à dos ou par quatre, ou par huit. Les bâtons étant frappés à un rythme très puissant, les uns contre les autres ou sur le sol. Il y a d’autres moments inspirés du fandango basque-espagnol. Les  huit interprètes étant d’abord en costumes de ville, puis en grandes jupes blanches pour les femmes, comme pour les hommes. Et la fin est de toute beauté avec un grand mât où sont accrochées de longs et minces rubans que danseuses et danseurs vont tresser tout autour. Une ronde très rapide avec une énergie fascinante, et sans aucun doute issue de la zinta dantza basque dansée autrefois par les hommes, aujourd’hui par des femmes. Pour célébrer le printemps et le renouveau de la nature, garantir la fertilité de la terre, des animaux et des humains. Le poteau symbolisant l’arbre de vie avec ces rubans-symboles de cordons ombilicaux. Daniel San Pedro aurait pu nous épargner ces giclées de fumigène, même s’il y a souvent de la brume au Pays Basque et dommage, on voit parfois mal, à cause d’une lumière souvent crépusculaire, ces excellents musiciens, cantonnés en fond de scène. A ces réserves près, c’est vraiment un beau spectacle- encore un peu brut de décoffrage dans les quelques parties de texte- mais qui mérite d’être vu.

Philippe du Vignal
Jusqu’au 29 janvier, Théâtre Michel Portal-Scène nationale de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques).

Le 4 février, Théâtre des Quatre Saisons, Gradignan (Gironde); le 6 février, T.A.P.-Scène nationale du Grand Poitiers (Haute-Vienne). Le 12 février, Théâtre des Abbesses-Théâtre de la Ville, Paris (XVIII ème). Le 19 février, Espaces Pluriels-Le Foirail, Pau (Hautes-Pyrénées ) et le 21 février, Barakaldo Antzokia Teatro, Barakaldo (Espagne). Le 13 septembre, Festival Le Temps d’aimer la danse, Biarritz (Pyrénées-Atlantiques) et le 20 septembre, Usurbe Antzokia, Beasain ( Espagne). Le  18 novembre, Scènes de Territoire, Bressuire (Deux-Sèvres) et le 20 novembre, Les 3 T- Scène conventionnée de Châtellerault (Vienne).

Los Guardiola, Fantaisie en sept rêves et demi de Marcelo Guardiola, Giorgia Marchiori, mise en scène e Marcelo Guardiola, chorégraphie de Giorgia Marchiori.

Los Guardiola,  Fantaisie en sept rêves et demi dMarcelo Guardiola et Giorgia Marchiori, mise en scène  de Marcelo Guardiola, chorégraphie de Giorgia Marchiori

 

© Nicolas Villodre

© Nicolas Villodre

Après la défaite cuisante de Pep Guardiola et du Manchester City football Club, face au P.S.G., Los Guardiola, eux, danseurs et mimes argentins font briller ce nom avec ce spectacle éponyme. Un couple, à la ville et sur les planches depuis vingt ans: Marcelo Guardiola, est comédien, danseur, musicien et metteur en scène. Giorgia Marchiori, elle, est danseuse, chorégraphe, actrice et… docteure en philosophie.
Leur spectacle est d’autant plus remarquable qu’il paraît hors du temps, ce qu’ils reconnaissent volontiers. Ils ont mis au point une forme très personnelle de ce qu’ils appellent: tango-théâtre.  Un théâtre du silence, s’entend-si on peut dire-inspiré par les thèmes et lyrics de tangos signés de grands poètes que Giorgia Marchiori qualifie de: «nocturnes, maudits ».
De fait, on retrouve ici l’ironie, l’humour et les situations de ces textes ou pré-textes, dans les tableaux de cette comédie musicale, offerte sans le moindre temps mort, par l’un et l’autre, ensemble ou séparément, pendant une heure dix. Leur maîtrise technique en danse et le mime, leur sens ou science du show, la qualité artistique de l’une et de l’autre se retrouvent dans chaque saynète mise en valeur grâce à une scénographie limitée à des images numériques et contrastes de couleur signés Gabriele Smiriglia​​.
Dans le premier numéro, Marcelo Guardiola porte un chapeau orné d’une fleur comme celui qu’arborait Bip, la créature du mime Marcel Marceau. Il fait semblant de quêter quelque pièces en fixant le public. La pièce est rythmée par des chansons, thèmes musicaux et intertitres où il est question d’aller-simple, garçonnière, nuits d’opéra, fortune, rêve et trahison… Avec, en conclusion: « Qu’est-ce que la vie, sinon un songe ? »
Les Guardiola restent dans le répertoire tanguero et milonguero tradi. Avec quelques morceaux archaïques repiqués dans les disques soixante-dix huit tours du bon vieux temps, comme ce tango Qu’avez-vous fait de mon amour? de Tibor Barczi chanté par Tino Rossi. Tango à l’ancienne et tango revisité par Astor Piazzolla s’opposent et séparent les interprètes dans quelques danses de couple. Interrompues par une version de Libertango passée au crible du reggae par Jean-Paul Goude et chantée par Grace Jones, intitulée I’ve seen that face before.
Ici, comme dans tout le spectacle, l’humour le partage à la tendresse et à la mélancolie. Deux temps forts ponctuent une suite ininterrompue de pantomimes et danses de salon: le solo de La Mort du cygne, créé en 1905 par Fokine pour Anna Pavlova. Ici, interprété sur pointes par Giorgia Marchiori en tutu noir. Elle fait ensuite un numéro au trapèze sur cerceau pivotant symbolisant la lune, et au sol, Marcelo Guardiola joue un Pierrot façon mime Jean-Gaspard Debureau (1796-1846), immortalisé par Jean-Louis Barrault dans Les Enfants du paradis (1945).
Le public d’aficionados, accouru en nombre, a longuement rappelé les artistes.

 

Nicolas Villodre

Jusqu’au 29 mars, Théâtre des Gémeaux parisiens, 15 rue du Retrait, Paris (XX ème). T. : 01 87 44 61 11.

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