Exposition au Musée Français de la Carte à jouer d’Issy-les-Moulineaux
Exposition au Musée Français de la Carte à jouer d’Issy-les-Moulineaux
Une exposition à l’initiative de son directeur, Denis Butaye, grand passionné de magie, avec une partie de la collection personnelle de Georges Proust qui en assure le commissariat : objets, accessoires, affiches, jouets optiques, automates, matériels de grandes illusions…Serge Dubuc a signé une scénographie volontairement mystérieuse et nimbée de rouge pour les faire ressortir.
Les espaces sont organisés par thématiques et certaines grandes illusions sont accompagnées de leur démonstration en vidéo par leur créateur : Thurston, Harbin… sur trois écrans . Un bonimenteur (l’acteur et magicien Sylvain Solustri, ce jour-là) guide les visiteurs en évoquant les histoires d’Howard Thurston, J.E. Robert-Houdin, Houdini… et présente l’entresort » de La Femme fleur en réalisant avec elle un numéro de divination d’une carte choisie par un visiteur.
Georges Proust (soixante-dix neuf ans) né à Constantine, se passionna enfant pour la magie et les arts du cirque. Quelques années plus tard, il achète son premier tour au marché à Annecy. Il débute ainsi une exceptionnelle collection. En 71, il fonda le Ring 191, la branche française de l’International Brotherhood of Magicians, réunissant amateurs et professionnels autour de leur passion commune.
Parallèlement, il commence à se produire, accumulant une expérience de scène, tout en développant son style. Il rassemble aussi livres, objets anciens, accessoires de prestidigitation et affiches. En 78, il fait l’acquisition d’une importante collection en Bretagne : objets rares, automates et accessoires d’illusions. C’est le début d’une série d’expositions itinérantes en France et en Europe pour faire partager sa passion.
À partir de 78, le producteur de cinéma et collectionneur Christian Fechner transforme sa vision de la magie, devenant éditeur et gardien du patrimoine, avec plusieurs ouvrages consacrés à J.E. Robert-Houdin, contribuant ainsi à sa reconnaissance internationale. Sa bibliothèque personnelle compte plus de 68.000 ouvrages, ce qui en fait l’une des plus grandes collections de littérature magique au monde. En 81, Georges Proust fonde l’Académie de la Magie, 47 rue Notre-Dame-de-Lorette à Paris et l’année suivante crée les éditions Georges Proust qui ont publié plus de 150 livres. En 84, son exposition Le Monde Merveilleux des Magiciens présentée à Boulogne-Billancourt, connaît un succès retentissant. Il sera invité en 89 par le KaDeWe grand magasin berlinois,pour y présenter une exposition de 1.500 m2, attirant des milliers de visiteurs et consacrant sa renommée internationale. En 93, Georges Proust crée le Musée de la curiosité et de la magie à Paris, un espace unique en son genre avec une partie de sa collection d’objets et d’automates. En parallèle, il s’investit dans la création de la Maison de la magie Robert-Houdin à Blois, un musée consacré au célèbre illusionniste français, père de la magie moderne.
Personnalité incontournable, Georges Proust continue à enrichir sa collection et à promouvoir cet art avec le Musée de la Magie et ses publications. Son parcours témoigne d’une vie animée par la passion de transmettre. Grâce à lui la magie est reconnue comme un divertissement mais aussi comme un art à part entière, avec une histoire, un héritage précieux à préserver et un langage universel, capable de rassembler et faire rêver. Robert Houdin (1805-1871) opéra une révolution : en 1845, il ouvre au Palais-Royal à Paris, le Théâtre des soirées fantastiques, avec des numéros inédits comme La Bouteille inépuisable ou la Suspension éthéréenne. Après avoir fait fortune en quelques années, Il se retire à Blois. Parallèlement, le Théâtre Robert Houdin s’installe en 1853, boulevard des Italiens. Son dernier directeur, Georges Méliès, peintre, magicien et pionnier du cinéma, y montra ses premiers films. Haut-lieu de la prestidigitation, le lieu vit passer les meilleurs illusionnistes français.
Et ensuite des festivals ponctuels attirent le public vers des plateaux de manipulateurs, ventriloques, créateurs de numéros de « double vue », etc.. En France, parmi tant d’autres : Jean Valton pour les cartes et Marc Albert, Odips, Li King Si, Dany Ray, Keith Clarck, Freddy Fah. Sous des chapiteaux, Yanco, Mireldo, Mir et Myroska, De Rocroy, Al Rex…Aux États-Unis, un jeune magicien prend le nom d’Harry Houdini (1874-1926) en référence à Houdin. Avec sa réputation d’évadé perpétuel, il devient en quelques années le plus célèbre de son pays. L’arrivée du chemin de fer permet à Alexander Herrmann, Chung Ling Soo, Harry Kellar, Howard Thurston, puis Charles Carter, Dante, George, Harry Blackstone… d’aller de ville en ville. Ils se rendront célèbres avec de fastueux spectacles
En Angleterre, la famille Maskelyne, présente dans son Egyptian Hall, des spectacles inventifs jusqu’en 49 avec Jasper, le dernier des Maskelyne. Pendant la seconde guerre mondiale, étaient nés des cabarets où des artistes étonnants présentaient avec un matériel restreint, des numéros de manipulation. L’Anglais Cardini en fut le plus représentatif. Au XIX ème siècle, avec la lithographie, l’affiche se développe et devient le principal support publicitaire et cela jusqu’au milieu du XX ème siècle où radio et télévision s’imposent. De grands imprimeurs et graphistes conçoivent des affiches avec portraits et images de spectacles. Ils suggèrent le merveilleux et s’efforcent de faire rêver le public comme les Français Charles Lévy (1880) Parrot et Cie (1889), Émile Levy, Louis Galice (1900), Harfort (1940). Et Pepermans et Marcy en Belgique, James Hupton en Angleterre, Mercy en Autriche et Adolph Friedlander en Allemagne ont aussi créé de splendides affiches.
A Paris, il y a plusieurs fabricants chez qui se fournissent les professionnels, et les riches amateurs de « physique amusante », toujours à la recherche d’appareils coûteux, somptueusement décorés et souvent fabriqués à la pièce. Crée en 1808! la maison Aubert 8,rue des Carmes, Paris (Vème), maintenant Mayette (de la famille de Muriel Mayette, actrice et metteuse en scène) proposait dans son catalogue vers 1853 outre les classiques objets en bois tourné, de nombreux appareils en métal. Ceux de son concurrent Voisin, lui-même magicien, furent aussi très recherchés pour leur raffinement luxueux. A Paris, aussi, il y avait Roujol, Fournay, Devaux, Delion et Couthier et la maison Giroux pour laquelle Robert Houdin fabriqua des automates. Certains en métal peint typiques du Second Empire et reconnaissables à leurs décors dorés sur fond rouge ou noir.
Dans cette exposition, les objets sont regroupés par époque. Come celle de Robert-Houdin Dictionnaire encyclopédique des récréations et amusements scientifiques (éditions Pancoucke, (1972) Bouteille inépuisable – Quille au verre bleu – Vase à la tabatière – Plateau à apparition – Pistolet, cible et montre par Voisin. La physique amusante : Sacs à apparitions-Boîtes de Physique amusante dont une par Jullien éditeur à Paris, avec tours, coquetiers, gobelets et autres accessoires de magiciens en buis et métal – couvercle de boîte de magie Nouvel apparat d’escamoteur Allemagne – Gravure L’Arracheur de dents.
La magie en 1900 : La Boule aux foulards – La Cage à apparition – Gobelet à production – Trépied à la carte – Quêteuse – Casserole aux tourterelles – Présentoir à boules – Éventail à apparition de cartes – Miroir représentant un escamoteur – Baguette en métal à apparition de foulards – Vase au millet. Il y a aussi deux formidables «tubes de production» d’Howard Thurston (1869-1936). Peints en noir avec anneaux en laiton à chaque extrémité sécurisant les couvertures en soie noire, et merveilleusement brochées en fil d’or avec dragons et nuages. L’un d’eux, grâce à une illusion d’optique, semble parfaitement vide alors qu’une cache y a été aménagée pour y dissimuler, entre autres, d’innombrables foulards qu’on pourras sortir comme par enchantement.
Les Grandes illusions appartiennent à la magie de scène. Développées au XIXème siècle, elles utilisent un matériel plus imposant et exigent une ou plusieurs personnes aux côtés de l’artiste. Les effets impressionnants, sont faits pour être visibles par un large public. En 1847, Robert-Houdin inaugure La Suspension éthéréenne avec son fils Émile, une grande illusion ingénieuse où le corps humain semble flotter en l’air.
Une chaise, inventée en 1886 par Joseph Buatier de Kolta, fait disparaître instantanément une jeune femme assise et couverte d’un tissu. Vers 1910, Charles de Vere fait apparaître sa fille, lonia l’Enchanteresse, dans un très grand vase qui se transforme en splendide buisson de fleurs.
Le célèbre tour de La Femme sciée est réalisé pour la première fois par le Britannique P.T. Selbit, en 1921 à Londres, avant d’être perfectionné par l’Américain Horace Goldin. Georges Proust possède une version richement décorée (1923) de La Femme coupée en deux du célèbre Américain Howard Thurston. Une seconde version, plus élaborée, se sépare en deux parties.
Ici, parmi les Grandes illusions présentées, L’Égyptienne d’après Wolfgang von Kempelen (1734-1804). Le magicien fait apporter, sur un socle semblant avoir un mécanisme compliqué, le buste d’une énigmatique Egyptienne. Chacune des deux parties de cet étrange appareil est trop petite pour contenir une personne vivante. Aussitôt le buste posé sur son socle, on en ouvre les portes : rien à l’intérieur sinon le mécanisme. Dès les portes closes, l’automate s’anime et deux mains sortent du buste et rédigent horoscopes et réponses aux questions posées par le public. L’appareil dissimulant un assistant est dérivé du célèbre Joueur d’échecs, imaginé par von Kempelen.
Clémentine de Vère (1888-1973), fille du grand artiste anglais Charles de Vère qui avait ouvert en France un magasin d’articles de magie réputé pour leur qualité, débuta en 1910. Son Vase aux fleurs, de style égyptien, se caractérise par son luxe et son élégance. Des assistants y versent de nombreux seaux d’eau puis elle tire un coup de pistolet sur le vase qui se disloque aussitôt, laissant apparaître des centaines de fleurs et une jolie jeune femme.
La Femme-Fleurde Yanco de Jean-Louis Conte (1928-1990). Dans les métiers de la fête foraine, les entresorts sont des baraques où, attirés par un bonimenteur, les gens venaientt découvrir un phénomène unique ou un personnage hors du commun. La Femme-fleur est dérivé du Décapité parlant montré pour la première fois en France vers 1900.
Les goûts du public moderne, les conditions économiques ont fait disparaître ces courts spectacles au profit des manèges, Grand-huit, etc. Le Chaudron de Steens (Fernand Brisbarre (1881-1939) est un numéro dérivé du Pot à lait d’Houdini : on met l’artiste dans un chaudron. Ses assistants et des spectateurs le remplissent d’eau et y fixent un couvercle en métal avec de solides cadenas. Ce chaudron est masqué quelques secondes par un rideau et qui une fois relevé, laisse voir Steens assis sur le couvercle du chaudron.
La Chaise à porteurs d’Howard Thurston (1869-1936). Succédant au célèbre Américain Harry Kellar (1849-1922) et connu jusque-là pour être un manipulateur exceptionnel,il présentera un spectacle de grandes illusions : La Femme coupée en deux, La Corde indienne…). Au cours de son fastueux spectacle, Thurston arrive sur une chaise à porteurs. Il descend ,s’avance et se retourne vers la chaise. Le rideau qui l’entourait est levé. L’actrice sort de la chaise vide et s’avance vers le public et fait sa révérence.
Dans son fabuleux spectacle de grandes illusions, il avait intégré Le Panier hindou,un tour créé en 1865 par l’Anglais John Jack Alfred Inglis (1831-1866). Il enfermait une jeune femme dans un panier qu’il transperçait avec des sabres. Il en ôtait le couvercle et poait un voile sur l’ouverture. Il y montait, entraînant le voile à l’intérieur : la jeune femme s’était volatilisée. Le magicien sortait du panier et enlevait les sabres. Il faisait un geste et le voile se gonflait comme animé par un fantôme. Jack Alfred Inglis arrachait alors le voile et la jeune femme était là, indemne.
Le Sarcophage de Dicksonn (Paul-Alfred de Saint-Génois de Saint-Breucq (1857-1939). Le directeur du théâtre Robert-Houdin, créa ensuite son propre lieu où il présenta ce numéro. Une assistante, costumée en Egyptienne, était enfermée dans un sarcophage et il tirait un coup de pistolet. Aussitôt, il était montré vide et l’Egyptienne réapparaissait parmi les spectateurs
La Femme Zig Zag de Robert Harbin (1908-1978), un de premiers à présenter des numéros à la télévision anglaise, fut un grand créateur. Cette illusion, créé en 53, a été unee des plus copiées. Tous les professionnels furent mystifiés par cette femme coupée en trois dont la partie centrale se décalait de façon impossible.
Les Tonneaux de Selbit (Percy Thomas Tibbles (1879-1938). Magicien inventif et directeur du périodique mensuel The Wizard (1905-1910), il créa Par le chas d’une aiguille. Il faisait passer son assistante d’un tonneau à un autre, alors qu’ils étaient séparés par une plaque métallique percée d’un trou minuscule.
Ce tour énigmatique, créé en 1924 à New York, bluffa le public et les magiciens de l’époque. Howard Thurston le reprit pendant de nombreuses années dans son grand spectacle d’illusions.
Sébastien Bazou
Exposition Magique ! Musée français de la carte à jouer, Issy-les Moulineaux ( Hauts-de Seine) jusqu’au 14 août.
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