Passages Transfestival édition 2025
Passages Transfestival à Metz 2025
«Libérons l’avenir ! dit Benoît Bradel, directeur artistique et général, le monde change à toute allure et même si nos cauchemars devenaient réalité, nous n’allons pas renoncer et nous proposons un autre futur, celui des possibles. Avec cette année, un projet autour du Brésil qui correspond aussi aux goût du public pour la trans-culture et des auteurs inconnus, un public de Metz mais aussi venu de Paris, de Strasbourg et du Luxembourg voisin.
Libérer l’avenir, comme le propose la journaliste brésilienne Eliane Brum, est un vaste programme : « Lutter pour la forêt amazonienne, dit-elle, c’est lutter contre le patriarcat, les féminicides, le racisme… et l’idée que l’être humain est au centre de tout.
« Comment nous nous en sortons, me demande-t-on souvent? D’abord, j’ai la chance d’avoir une très bonne administratrice et aussi de nombreux partenaires: entre autres, le festival Perspectives à Sarrebruck en Allemagne, les festivals d’Automne à Paris et de Santarcangelo (Italie). Et nous avons des projets communs avec le Centre culturel suisse de Paris.
Nous sommes sept permanents pendant l’année et quinze sur le festival avec cinquante techniciens et une trentaine de bénévoles indispensables. Et des troupes comme Les Guaranis sont logées chez des particuliers, amis de Passages…
Le festival était, avant que je n’arrive il y a cinq ans était une Biennale mais c’était trop complexe à gérer et il est devenu annuel. Passages est la partie visible de l’iceberg mais c’est aussi sur l’année de nombreux ateliers pour professionnels et amateurs… »
Cette édition de Passages Transfestival s’inscrit dans une démarche éco-résistante et dans la saison croisée France/Brésil de l’Institut français en lien avec la Casa do Povo à São Paulo qui revendique la diversité comme moteur, et la mémoire comme levier, en accueillant une vingtaine de collectifs engagés. Ici, les artistes dont nombre de femmes, sont venus de Belém, Manaus, Bruxelles, Genève, Jérusalem, Talange, São Paulo, l’île Maurice… sont à découvrir dans la ville et au quartier général situé dans l’ancien Arsenal.
Mais le budget a été plus serré pour cette édition, donc pas de grand spectacle final mais en ouverture, le 15 mai Soliloqio a été une invitation à suivre son auteur argentin Tiziano Cruz, dans les rues, jusqu’à la scène. Il dénonce la discrimination des autochtones établie par le Pouvoir et questionne la place des minorités et de l’ensemble des communautés marginalisées.
Hollanda ( part I) d’Avildseen Bheekhoo (France/Île Maurice)
Le solo de cet artiste d’origine mauricienne a été créé dans le cadre du projet GRACE, cofinancé par l’Union Européenne, via le programme Interreg Grande Région 2021/2027.Un cyclone a balayé toute l’île Maurice et Nirvan est déraciné. Cette catastrophe naturelle est pour lui, l’occasion d’un réflexion sur l’identité. Seul sur scène devant un grand écran où il y a l’image projetée d’une grande plage au borde la mer avec cocotier et ciel bleu de publicité pour vacances au bout du monde. Côté jardin et côté cour, deux petits écrans où défilent extraits de sitcoms indiennes kitsch, étranges bulletins météo…
Avildseen Bheekhoo, seul en scène, est face à Touni Minwi, un loup-garou né des peurs et de tabous collectifs. Réalité et fantasme, on ne sait plus trop… Cet artiste mauricien bouge bien et esquisse quelques pas de danse très réussis : il a une singulière présence et crée de belles images mais on ne comprend pas toujours bien ce qu’il dit. Bref, il aurait besoin d’être vraiment dirigé et mis en scène. Les éclairages stroboscopiques et, comme partout actuellement, des jets de fumigène, n’ont rien à faire là… C’était une avant-première, donc à voir comme telle. Un artiste à suivre.
Cosmos co-écriture et jeu d‘Ashtar Muallem, co-écriture et mise en scène de Clément Dazin
C’est aussi un solo sur la vaste et belle scène de l’espace Koltès-Metz mais cette fois déjà joué et bien rodé, entre autres, au Caire et en France. Cette jeune acrobate palestinienne qui a été élève au Centre national des arts du cirque à Châlons-en-Champagne, a vécu enfant à Ramallah ( Gaza) ses parents étaient acteurs et metteurs en scène. Puis à Jérusalem, « cette « ville gruyère », dit-elle, où coexistent plusieurs religions. Elle habite maintenant six mois Marseille et six autres par an en Palestine, « pour essayer, dit-elle, de trouver son équilibre ».
Sur le plateau nu, Ashtar Muallem joue avec un long tissu aérien accroché aux cintres. Elle revisite et raconte en français mais elle peut aussi en anglais, ce qu’a été sa vie, entre l’enfance et ses dix-huit ans, le rapport qu’elle a avec la Palestine et la tragédie actuelle. Mais toujours, avec un certain humour et une grande pudeur.
Elle joue au sol avec son corps élastique comme les sangles qui tendent ses jambes ou ses bras. Puis elle monte tout en continuant son récit, dans cette spirale de tissu blanc: une performance impressionnante toute en grâce et légèreté.
Ashtar Muallem possède une maîtrise exceptionnelle de son corps, à la fois sujet et objet dans cette performance, et à la base d’un questionnement sur son identité devenue multiple. Mais toujours avec une dimension artistique fondée à la fois sur une impeccable gestuelle et sur le récit de son histoire personnelle reliée à celle de son pays. Il n’y a pas ici de cérémonie orgiaque comme chez les actionnistes viennois dans les années soixante mais une sorte de rituel très émouvant où on sent cette jeune artiste à la recherche d’une spiritualité dans un monde bouleversé… Il faut espérer que Cosmos soit joué davantage en France…
Philippe du Vignal
Spectacles vus le 16 mai. Le festival Passages se poursuit jusqu’au 25 mai. T. : 07 49 79 04 58.
Cosmos sera joué au Rise Festival, Écosse, le 24 mai et au Propellen Teater, Trondheim (Norvège) le 30 juillet.
Le Prato, Lille (Nord), le 24 mars 2026.