Un Contre un , mise en scène et chorégraphie de Raphaëlle Boitel (pour jeune public)

Un Contre un, mise en scène et chorégraphie de Raphaëlle Boitel (pour jeune public)

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©Tristan Baudouin 

On retrouve ici le style épuré de cette artiste dont nous avions dernièrement apprécié Horizon, créé in situ dans les jardins du Palais-Royal. Et surtout La Chute des Anges (2018) qui sera encoe tournée la saison prochaine.  Ici, à sa recherche esthétique, se mêle la légèreté désinvolte des acrobates Alejandro Escobedo et Juliet Salz remplaçant Marie Tribouilloy, légèrement blessée.

Dans un cône lumineux, quatre mains se cherchent, se trouvent, se fuient… Les doigts, étranges petits personnages, courent le long de barreaux verticaux, comme sur une portée de musique, au rythme d’un quatuor à cordes présent sur scène. Cette danse agile est le prélude aux chassés-croisés permanents des interprètes.

Raphaëlle Boitel se réfère au mythe d’Orphée et Eurydice, mais nous voyons surtout une jeune femme insaisissable fuyant son amoureux. Le quatuor à cordes Clément Keller, Sarah Tanguy, Eléna Perrain et François Goliot  accompagne leurs retrouvailles e leurs séparations avec la partition à fois grave et mutine d’Arthur Bison. 

Les lumières denses créées par Tristan Beaudoin sculptent l’espace: les corps des acrobates et des musiciens apparaissent et disparaissent dans les profondeurs mystérieuses des clairs-obscurs. Une longue échelle sera tour à tour : agrès les menant vers les hauteurs, barreaux d’une prison, praticable à clairevoie…

Alejandro Escobedo, sur les traces de sa partenaire fantomatique, va fouiller un portant garni de costumes, seules taches colorées dans cet univers noir et blanc… A l’issue d’un corps à corps acrobatique, Juliet Salz nous offre un dernier solo aérien, avant de s’évanouir à jamais, laissant à son amoureux sa robe blanche…

Ce duo poétique de cinquante minutes a été créé en 2020 avec une musique enregistrée . Aujourd’hui le spectacle s’étoffe de la présence du quatuor complice des interprètes. Fait encore défaut une certaine cohésion mais on retrouve avec plaisir l’univers de Raphaëlle Boitel et de son équipe, entre cirque, danse et théâtre et qui a avait été salué il y a neuf ans avec son premier opus L’Oublié(e), pièce qui a donné son nom à la compagnie. A découvrir …

 Mireille Davidovici

 Le spectacle a été présenté du 26 au 30 décembre, au Théâtre Silvia Monfort, 106 rue Brancion Paris ( XV ème) T. 01 56 08 33 88.

Avec musique enregistrée : Le 8 mars, Espace Brémontier, Arès (Gironde) ; les 10 et 11 mars, Centre culturel Michel Manet, Bergerac (Dordogne)
Et avec musique en direct du 14 au 16 mars, Théâtre National de Nice (Alpes-Maritimes).


Archives pour la catégorie jeune public

TRASH ! conception de Gorka Gonzalez et Jony Elias


TRASH ! conception de Gorka Gonzalez et Jony Elias

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© Jean-Louis Verdier

En scène, quatre percussionnistes en vêtements de travail et casques de chantier dans un décor évoquant une décharge publique. Chargés du tri des ordures, ils récupèrent et détournent de  leur usage  tout ce qui peut produire du son. C’est musical, drôle et entraînant.

On réalise vite qu’il s’agit de musiciens au solide métier. Doués d’une étonnante inventivité, Gorka Gonzalez, Miguel Angel (Micky) Pareja Bruno Alvez et Frank Mark utilisent bidons, sacs plastiques, ustensiles, caisses à outils, pneus…  Des bouteilles de gaz vides deviennent, sous leurs baguettes, des steel-drum et, avec un ballon de basket, Gorka Gonzalez – fondateur de Trash-  improvise un solo à couper le souffle. Avec des bouteilles plastiques accordées selon la gamme, ils interprètent un extrait de la Lettre à Elise de Beethoven et du Cancan d’ Offenbach. Une série de numéros ludiques et bien orchestrés, exécutés à un rythme d’enfer.


Les bouteilles de gaz vides deviennent sous leurs baguettes des still drums. et sur un ballon de basket, Gorka Gonzalez improvise un remarquable solo. Sur des bouteilles en plastique accordées selon la gamme, les musiciens  interprètent un extrait de La Lettre à Elise de Ludwig van Beethoven et du Cancan de Jacques Offenbach. Des numéros ludiques et bien orchestrés, jexécutés à un rythme d’enfer.

C’est drôle et ces artistes espagnols franchissent allègrement l’obstacle de la langue par des  borborygmes, onomatopées, gromelots, conférant ainsi au spectacle une visée internationale.

Le public est largement invité à participer. Pour le plus grand plaisir des jeunes et des plus petits qui chantent, répondent et trépignent. Même si les plus âgés n’adhèrent pas à tout, voire trouvent certains moments un peu racoleurs, il s’agit là d’un excellent spectacle à voir en famille à l’occasion des fêtes de fin d’année.

La  compagnie et son spectacle éponyme ont été créés en 2021  en coproduction et au sein de la compagnie Yllana installée à Madrid. Cette dernière, fondée en 1991, s’est spécialisée dans le spectacle sans parole  musique, pantomime, acrobatie. Elle a réalisé ou produit trente-sept spectacles, diffusés dans quarante-huit  pays, en majorité hispanophones. Elle  conçoit des événements et des animations (Carnaval de Madrid, camps d’été culturels).Elle revendique ainsi 16. 000 représentations et dispose de quatre écoles de théâtre.

Jean-Louis Verdier

Jusqu’au 28 janvier, 13 ème Art, place d’Italie, Paris (XIII ème)

Le 2 février, Franconville (Val-d’Oise) ; le 3 février, Soissons (Aisne) ; le 9 février, Vizille (Isère) ; le 10 février, Brignais (Rhône).

Le 14 mars, Mérignac (Gironde) ; le 16 mars, Plaisir (Yvelines).

Le 19 avril, Queven (Morbihan) ; le 27 avril, Plaisir-du-Touch (Haute-Garonne).

Le 3 mai, Sélestat (Bas-Rhin).

https://www.google.com/search?client=safari&rls=en&q=Trash+theatre+you+tube&ie=UTF-8&oe=UTF-8#fpstate=ive&ip=1&vld=cid:6307cc4e,vid:VcjesPT476E,st:0

 

Sauvage de Karin Serres, conception et interprétation d’Annabelle Sergent (tout public à partir de dix ans)

Sauvage de Karin Serres,  conception et interprétation d’Annabelle Sergent (tout public à partir de dix ans)

L’autrice, qui est aussi metteuse en scène et traductrice de théâtre, a écrit une soixantaine de pièces surtout pour le jeune public, mais aussi des romans. Ce « thriller éthologique, premier volet d’un diptyque sur le cycle du vivant » est l’histoire de Fil, Dragonfly, Tak des collégiens qui s’échappent régulièrement d’un internat, le jour comme la nuit pour aller dans une proche forêt et s’y créer un espace de liberté. « On se tire dehors en secret, on s’ensauvage de la terre plein nos semelles-nos mains: mmmh, le feu de bois, la nuit tombe, l’herbe gelée craque sous tes bottes tu marches à pas lents dans la blancheur infinie. » (….)
Ils vont aller de plus en plus loin dans cette forêt, et plus longtemps. Bien reliés au vivant qui les entoure. « Plus ça va, moins on parle, nous dehors, dans la friche dingue de printemps plus ça va, plus on grogne, on siffle, on se parle par gestes, on rit on broute notre bouffe, on lappe la flotte, on grille des trucs sur un feu on se fabrique des cabanes comme des nids géants
on court pieds nus dans la forêt archi verte on grimpe aux arbres, on se balance aux branches ça sent le sucre, les fleurs, la sève quand il pleut, on s’abrite plus, on danse : pogo ! dans les flaques aussi, après : flatch , flatch ! masques de boue, marques de mains plumes dans nos cheveux emmêlés comme du crin on observe si longtemps sans bouger qu’on arrive à arrêter le temps on se prend par les épaules et on crie : sauvage de toutes nos forces : sauvage ! à chaque joie, à chaque truc réussi : SAUVAGE ! « 

© Ch. Raynaud de Lage

© Ch. Raynaud de Lage

Repérés par un piège photographique et dépassés par l’ampleur de ce qui leur arrive, ils vont repartir mais cacheront leur secret. Bien entendu l’aventure s’arrêtera là et de façon un peu conventionnelle. « Bleu des gyrophares dans la nuit trempée : histoire terminée Samu, police, pompiers, l’usine grouille d’une foule frigorifiée le proviseur débarque, cheveux collés au front, pas réveillé exclusion définitive à effet immédiat. »


Il y a de l’animal et du végétal dans ce texte-hommage aux êtres vivant sur cette planète. Seule en scène, Annabelle Sergent donne vie à tous les personnages de cette fable. Sur ce grand plateau, de minces tiges noires pendent en bougeant légèrement. Comme une image d’arbres sous un éclairage glauque. La s
cénographie et les lumières d’Yohann Olivier, comme la création sonore de Régis Raimbault et Jeannick Launay, sont tout à fait remarquables. Et  grâce à cette symbiose, naissent parfois des images très poétiques.
Côté direction d’acteurs et mise en scène (non créditée!), là c’est encore trop approximatif.  Et même si Annabelle Sergent a une belle gestuelle, l’inutile micro H.F. dont elle est affublée ne résout rien : il faudrait absolument qu’elle soit dirigée et articule son texte. Là, il y encore du travail… Désolé mais il n’y a pas tout à fait le compte et le jeune public a droit au meilleur. A suivre…

Philippe du Vignal

Spectacle vu au Théâtre Municipal d’Angers (Maine-et-Loire), le 7 novembre.

Le 23 novembre , Festival des Beaux Lendemains, Ploufragan (Côtes-d’Armor).

Les 8 et 9 décembre, Scènes de pays dans les Mauges (Maine-et Loire).

Les 16 et 17 janvier Le Parvis-Scène nationale, Tarbes, (Hautes-Pyrénées).

Les 8 et 9 février, L’Empreinte-Scène nationale Brive-Tulle, Brive (Corrèze). Le 15 févrierLes Transversales, Scène conventionnée cirque de Verdun (Meuse).

Les 14 et 15 mars, Saison culturelle, Ernée (Mayenne). Les 28 et 29 mars, Carré-Colonnes, Scène nationale de Blanquefort (Gironde).

Les 8 et 9 avril, Le Carré-Scène nationale de Château-Gontier (Mayenne). Les 11 et 12 avril. Le Théâtre-Scène nationale Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). Les. 25 et 26 avril.
La Genette Verte, dans le cadre des Scènes croisées ,Florac (Lozère). Les 29 et 30 avril
Scène nationale d’Albi (Tarn).

Le 16 mai, dans le cadre de Scènes de territoire,Théâtre de Bressuire (Deux-Sèvres).

 

Festival de Marseille 2023

 «Danse et corps en mouvement sont l’ADN de ce festival créé en 1996 », disait Marie Didier, qui en a pris les rênes l’an dernier à la suite de Jan Goossens (voir Le Théâtre du Blog). Elle y voyait «l’opportunité de mettre en place des projets plus ouverts sur la Méditerranée et des aventures liées à ce territoire phocéen pluriculturel, terre d’exil et d’asile ».

Le festival tient cette ligne cosmopolite, en proposant trente-deux événements d’artistes venus de vingt-et-un pays (Allemagne, Angleterre, Belgique, Brésil, Canada, Chili, Congo, Écosse, Égypte, France, Grèce, Iran, Kazakhstan, Liban, Maroc, Nouvelle-Zélande, Ouganda, Pologne, Pays-Bas, Sahara occidental, Venezuela). En trois semaines et quatre week-ends, et dans vingt lieux partenaires, on y voit : spectacles de danse, théâtre, concerts, films, expositions, ateliers… Dont Bless the Sound That Saved a Witch Like Me, le beau solo de Sati Veyrunes, chorégraphié par Benjamin Kahn vu récemment au festival d’Uzès danse (voir Le Théâtre du Blog). Et des propositions hors-norme et inattendues, comme ce soir-là.

Waka-Criée, conception et mise en scène d’Éric Minh Cuong Castaing

@Pierre Gondard

@Pierre Gondard

Nous avions été très émus par Phoenix, vu en 2018 à ce même festival : des drones filmaient simultanément trois danseurs sur scène et des artistes à Gaza. (voir le Le Théâtre du blog). Ici, même principe, mais avec un propos plus léger. La scène du théâtre de la Criée est reliée, via des caméras avec le studio d’enregistrement du groupe d’ados Waka Starz, en Ouganda, visible sur un grand écran. En temps réel, nous assistons à un double spectacle.
Devant nous, la chanteuse des Waka Starz, Racheal M. chante et danse avec une folle énergie, avec ses frères et soeurs, eux restés à Wakaliga, quartier défavorisé de Kampala. Ces artistes en herbe nous font visiter le studio familial de Wakaliwood où ils montent et diffusent leurs clips vidéo qu’on peut voir en surimpression, grâce à un savant mixage réalisé par Isaak Ramon. Entre comédie musicale, afro-futurisme, chorégraphie kung-fu et satire politique, ces clips atteignent des millions de vues sur YouTube et Tik Tok.

Les Waka Starz ont un répertoire engagé et leurs musiques croisent les influences reggaeton, afro-beat et pop anglo-saxonne, et des textes en anglais ou en lunganda, langue parlée en Ouganda, s’insurgent contre les violences faites aux enfants et prônent la liberté des femmes. Ils nous font partager le « wag » ( rythme) de leur pays. Abonnés au système D. , ils nous racontent la réalité de leur quartier, leur soif de réussite et nous font entendre avec talent et invention, leur foi en l’avenir. Lève toi et danse, le dernier titre appelle les spectateurs à se lever pour partager leur fougue.

Éric Minh Cuong Castaing, issu des arts visuels, s’est très tôt intéressé aux écritures chorégraphiques en temps réel. Avec sa compagnie Shonen, basée à Marseille, il explore les relations entre danse et nouvelles technologies. Il échange avec les Waka Starz depuis 2019 et nous donne ici une belle leçon d’optimisme !

 Love You, Drink Waterconcert d’Awir Leon, chorégraphie dAmala Dianor, création vidéo de Grégoire Korganow

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© Pierre Gondard

Ce trio est réuni autour du nouvel album d’Awir Leon Love You, Drink Water, prétexte à un show dansé avec projections d’images mêlant captation en direct et film d’art. Le musicien accompagne depuis longtemps les spectacles d’Amala Dianor avec des compositions originales.
Ici, les rôles s’inversent et le danseur chorégraphie son concert. Homme-orchestre, il déplace les instruments de musique, montre des mouvements au chanteur, guide le cadreur autour de lui pour ses prises de vue. Mais il virevolte parfois librement sur la scène dans son style particulier, glissant avec virtuositédu hip-hop aux danses européenne et africaine contemporaines, comme on l’a vu dans son solo Wo-Man (voir Le Théâtre du Blog).

Ce concert dansé trouve son point d’orgue dans une séquence qui rassemble les trois artistes : la caméra bouge et filme, partenaire du chanteur et du danseur. Ceux qui attendent plus de danse seront peut-être déçus : l’essentiel du spectacle met en scène l’opus de François Przybylski, alias Awir Leon. Auteur, chanteur, compositeur, il s’inscrit dans la mouvance indietronic. Un style électro-pop-rock, adouci par une ambiance paisible, avec des fréquences sonores beaucoup moins élevées. La rythmique soutenue apportée par les samples percussifs et mélodiques ne vient pas heurter l’oreille et permet des développements plus poétiques.
« Awir » : ciel, en gallois : la voix rocailleuse de l’interprète évoque des univers rugueux, mais amène aussi des envolées lyriques, avec des paroles dont le sens échappera à ceux qui ne maîtrisent pas bien l’anglais.
Le photographe et réalisateur Grégoire Korganow nous montre des images de forêts brumeuses et d’étendues aquatiques où des corps se noient mais que la danse sublime. Pour cet habitué des plateaux de danse, ces corps
représentent une sorte de paysage intérieur qu’il transcrit, comme ici.
Ses ondins et ondines romantiques, au milieu de zombies sinistres, rappellent-ils que la Méditerranée qui borde Marseille, est un tombeau pour des hommes, femmes et enfants…

Haircuts by children, conception de Darren O’Donnell

Chez Kenze Coiffure, des élèves de CM1 formés en une semaine par des professionnels, tiennent pendant un week-end, un salon de coiffure au centre ville et offrent coupe et coloration gratuites. Ils ont appris, pendant leurs heures de classe, à gérer les rendez-vous, accueillir les clients volontaires avec une citronnade, balayer les cheveux épars.
A l’aise, bienveillants et sérieux : «C’est comme à l’école mais en plus amusant », dit une petite fille qui s’applique à manier peigne et ciseaux, bombes colorantes, avec l’accord des grandes personnes, une fois n’est pas coutume.

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© Estelle Laurentin

Cette action saugrenue est proposée par un collectif canadien avec la perspective de responsabiliser les enfants et d’amener les adultes à leur faire confiance. C’est charmant et, sans doute une expérience enrichissante pour les petits et les grands. Quant au résultat esthétique, ce n’est pas ce qui compte. La coiffure est un métier qui s’apprend et requiert un talent de visagiste.
La démarche vise à ce que « les jeunes changent de statut et deviennent des acteur·rice·s à part entière de la société, les adultes renoncent au contrôle et se fient à leur créativité, leur dextérité et leur sens des responsabilités. » Darren O’Donnell se fait fort de « créer des situations sociales inédites et d’en faire jaillir du sens ». Chacun en tirera les conclusions. Pour autant, ce projet, plus pédagogique qu’artistique, est un exemple des actions culturelles et de sensibilisation des publics menées en marge des œuvres programmées au festival.

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 23 juin, au Théâtre de la Criée, 30 Quai de rive neuve, Marseille. T. : 04 91 54 70 54.

Le 24 juin, Chez Kenze Coiffure, 7 rue de la République, Marseille (II ème). T. : 04 91 91 39 79.

Festival de Marseille jusqu’au 9 juillet, 7 rue de la République, Marseille (II ème). T.:  04 91 99 00 20. Entrée parfois gratuite ou à 10 €; billetterie solidaire de 2.000 places à 1 €. Contact : rp4@festivaldemarseille.com T. : 04 91 99 02 53.

Le Petit Garde rouge de Chen Hiang Hong, mise en scène de François Orsoni

 Le Petit Garde rouge de Chen Hiang Hong, mise en scène de François Orsoni

L’auteur est avant tout peintre, et c’est un bonheur de le voir illustrer le récit de son enfance, porté par un comédien et deux danseuses. Une enfance en Chine, dans une famille fruste mais heureuse, jusqu’au moment où survient la Révolution culturelle (1971). Il a huit ans  et, à l’école, il arbore un foulard rouge et brandit le petit livre rouge de Mao Tse Dong. Mais sa vie va être bouleversée : son père est envoyé en camp de rééducation, à la grande tristesse de sa mère et de ses grands-parents…

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Alban Guyon raconte avec sobriété cette autobiographie aux anecdotes familières mais sans jugement sur l’Histoire. Et les dessins de Chen Hiang en disent plus que le texte. Sur grand écran, maisons, arbres, oiseaux, fleurs, chat, sœurs, écoliers, grands-parents et parents naissent par petites touches de pinceau ou grand traits d’encre de Chine, noire ou de couleur. Lili Chen et Namkyung Kim, sœurs de l’auteur, avec une chorégraphie évocatrice, nous transportent dans l’Empire du Milieu vers les années soixante-dix avec ses opéras révolutionnaires, hymnes patriotiques, sons et odeurs. Grâce aux bruitages d’Éléonore Mallo, nous suivons le jeune garçon dans la rue, à l’école, dans un parc ou parmi les poules de la grand-mère, égorgées par les gardes rouges…

Sans prétention, cette adaptation au théâtre du livre Petit garde rouge doit sa saveur à la simplicité du texte et à la pureté des calligraphies. Ici, aucun misérabilisme, ni parti-pris idéologique. Une histoire fluide qui finit par un moment poignant où l’artiste, après le  comédien, prend modestement la parole pour dire la suite : le collège, l’Académie centrale des Beaux-Arts à Pékin ; puis, en 1987, l’Ecole des Beaux-Arts de Paris. Ce peintre est aujourd’hui reconnu et son œuvre a fait l’objet de nombreuses expositions. Parallèlement, il écrit et illustre à l’encre de Chine sur papier de riz, des albums pour la jeunesse publiés à l’École des loisirs. François Orsoni a découvert l’artiste en 2008 et mis en scène, avec lui et selon les mêmes principes, Contes chinois.

«J’ai envisagé le projet comme un moment de partage, dit Chen Hiang Hong. Je crois qu’il est de mon devoir de transmettre ce récit aux jeunes générations, afin qu’elles puissent mieux comprendre la Chine d’aujourd’hui et cet épisode qui a durablement marqué le XX ème siècle. Je vois aujourd’hui cela comme une mission à la fois politique et humaniste et le théâtre permet cela, bien au-delà du livre.»
Il ne faut pas s’attendre à une fresque sur la Révolution culturelle mais petits et grands auront le plaisir d’entendre, et surtout de voir, une belle histoire.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 18 juin, Théâtre du Rond Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris (VIII ème). T. :01 44 95 98 21.

Le 3 juin : ateliers parents/enfants à partir de cinq ans. Bruitage animé et danse traditionnelle chinoise… Et le 6 juin, rencontre avec l’historienne Annette Wieviorka, autrice de Mes années chinoises.

Ça Dada ,écriture et mise en scène d’Alice Laloy

Ça Dada ,écriture et mise en scène d’Alice Laloy 

2018-02 Cie Sappel Reviens Tjéâtre de Montreuil ÇA DADA  spectacle de Alice LaloyScéno Jane JoyetMusique Eric Recordieravec Eric Caruso, Stéphanie Farison et Marion Verstraetenavec la voix de Valérie Schwarcz

©Elisabeth Carecchio_

 L’esprit Dada imprègne la pièce de cette metteuse en scène qui avait créé un remarquable Pinocchio (Live) au festival d’Avignon et Untitled,  tohu-bohu débridé, au théâtre Mouffetard où elle fut artiste associée (voir Le Théâtre du Blog). Alice Laloy s’interroge ici sur les traces de cette révolution artistique et veut explorer ce qu’il en reste, un siècle plus tard.
«Tzara a trouvé le mot Dada le 8 février 1916 à 6 heures du soir,  dit Hans Arp, et j’étais présent avec mes douze enfants, quand Tzara a prononcé pour la première fois ce nom qui a déchaîné en nous un enthousiasme légitime. Cela se passait au Café de la Terrasse à Zurich et je portais une brioche dans la narine gauche. »

Ici, trois acteurs créent un lien actif avec le jeune public qui reçoit de petits messages, au hasard de jets de lance-pierre. Ils posent aussitôt la règle du jeu avec des formules à l’emporte-pièce, issues de ce mouvement artistique: «Nous allons manger Dada, qui mange Dada meurt, s’il n’est pas Dada. « Dada est né dans la caca dans le chaos. »

Et les battements de tambour, harmonisés par Éric Recordier, accompagnent cette fronde  selon les préceptes «négativistes» d’Hugo Ball et Richard Huelsenbeck en 1915: «Nous ne nous occupons avec amusement, que de l’aujourd’hui. Nous voulons être des mystiques du détail, des taraudeurs et des clairvoyants, des anti-conceptionnistes et des râleurs littéraires. »

Dada est né sur les restes de la première guerre mondiale et ses créateurs espéraient faire table rase du vieux monde. Ici, les interprètes commencent par démolir de minces parois érigées sur le devant de la scène. « La métamorphose de l’espace devient la première structure du spectacle, dit la metteuse en scène. L’écriture est bâtie sur la progression des acteurs dans un décor évolutif. Au fur et à mesure, les parois seront repoussées, les frontières s’éloigneront. Se créent alors, de nouveaux territoires à investir. »

De ces ruines, les acteurs tirent objets et étranges mannequins. Et des machines bizarres, conçues par Davide Cornil et François-Xavier Thien, sillonnent le plateau, comme ces catapultes qui lancent des coulées d’encre sur une bâche ou des micros qui font entendre des textes lettristes. Puis «un grand jeu de rien» sera proposé aux enfants mais on n’y gagne rien et il ne sert à rien.

Alice Laloy a fait le pari de semer le désordre sur un plateau face à un public aussi réactif. Mais elle maîtrise les codes et ne verse jamais dans l’incohérence, tout en s’autorisant toutes les fantaisies, libertés, folies et quelques petits gestes osés qui font bien rire: Éric Caruso retire son pantalon, Stéphanie Farison et Marion Verstraete se livrent à des contorsions clownesques. Et l’une ou l’autre parade, affublée d’une grande tête et d’une queue de cheval,  «au galop au-dessus de la vie » (Dada est aussi le sobriquet de ce noble quadrupède).

La scénographe Jane Joyet a créé un espace qui s’ouvrira au fur et à mesure pour finit sur une galerie de tableaux académiques tous identiques (des natures mortes) qui se détachent des parois et se délitent comme par enchantement. Remplacés à la fin par des coupures de journaux collées sur le mur du fond qui formeront un immense puzzle coloré, où s’inscrit :  »Dada est vivant. » De quoi offrir des idées aux jeunes spectateurs : «Prenez un journal, prenez des ciseaux, découper des mots, mettez-les dans un grand sac et, piochés au hasard, ils composeront un poème qui vous ressemble. »

À travers un chaos d’inventions sonores et visuelles, Ça Dada est en accord avec la tendance naturelle des enfants à utiliser tout ce qui est à leur portée pour créer avec ciseaux, marteau, peinture, colle… Ici, ils participent avec fougue à un réjouissant tintamarre..

S’Appelle Reviens, compagnie créée en 2002 par Alice Laloy est installée depuis janvier à Dunkerque. Elle prépare avec des jeunes de cette ville pour septembre prochain une nouvelle version de Pinocchio(live) qui sera présentée au Festival mondial de marionnettes à Charleville-Mézières, puis en tournée. Suivra Le Ring de Katharsy 1.0, «récit dystopique grand format où se jouent à nouveau les limites du réel et du vivant» créé  au Théâtre de Gennevilliers, dans le cadre du Festival d’automne 2024.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 27 mai, T 2G, 41 avenue des Grésillons, Gennevilliers (Hauts-de-Seine). T. : 01 41 32 26 26.

S’appelle Reviens, 60 rue du Fort Louis, Dunkerque (Nord). T. : 03 28 61 85 85.

Mieux vaut partir d’un cliché que d’y arriver, chorégraphie et interprétation de Sylvain Riéjou

Mieux vaut partir d’un cliché que d’y arriver, chorégraphie et interprétation de Sylvain Riéjou

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 Le titre, emprunté à une phrase d’Alfred Hitchcock, annonce la nature facétieuse de cette pièce destinée au jeune public. « C’est l’histoire d’un monsieur seul dans un théâtre qui cherche des gestes pour illustrer les paroles d’une chanson »,  dit le danseur. Par le truchement d’une voix, puis de ses doubles projetés en vidéo, il va, en quarante minutes interpréter ce qu’il appelle une chanson de gestes, en partant de clichés et en les détournant.

Une voix sévère, son alter ego directif, lui propose de danser sur l’air de Barberine (la fille d’Antonio le jardinier du comte Almaviva), dans LesNoces de Figaro . «  L’ho perduta… me meschina…/ ah, chi sa dove sarà?/ Non la trovo… E mia cugina…/ e il padron … cosa dirà? » La pauvre fille a perdu son aiguille, la cherche, ne la trouve pas et se demande ce que dira sa cousine et son patron….

Sylvain Riéjou enchaîne des mouvements évocateurs, tancé ou encouragé par son mentor. Apparaissent à l’écran, après ce double vraiment pas commode, la cousine en tenue légère, le patron… Ces figures se démultiplient et voici notre danseur débordé par ces personnages virtuels. Puis après de multiples recherches et anicroches, il danse sur la chanson.

Suite à ce divertissant solo, l’artiste propose aux enfants d’illustrer une autre chanson, décomposant les mouvements sur les paroles de Résiste de France Gall et Michel Berger dont le refrain résonne d’une manière toute particulière aujourd’hui: « Résiste /Prouve que tu existes/  Cherche ton bonheur partout, va/ Refuse ce monde égoïste/ Résiste (…) / Bats-toi, signe et persiste/ Résiste ». Les enfants se font un plaisir d’interpréter cette courte danse.

 Inventif et drôle, Mieux vaut partir d’un cliché que d’y arriver laisse entrevoir aux jeunes quel est le travail corporel d’un danseur, et la rigueur que demande la moindre chorégraphie . Il leur expose aussi les fondamentaux du sixième art: rapport à l’espace, travail du rythme, qualité de mouvements, précision du geste, importance de l’interprétation, relation à la musique, etc. Une manière généreuse de transmettre.

 Mireille Davidovici

 Spectacle présenté dans le cadre du parcours Enfance-Jeunesse vu le 4 avril au Théâtre de la Ville, Espace Cardin, 1, avenue Gabriel, Paris ( VIII ème). T. : 01 42 74 22 77.

 

 

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Fila Fila Manana de Tidiani Ndiaye et Thumette Léon (en langue des signes)

Fila Fila Manana de Tidiani Ndiaye et Thumette Léon (en langue des signes)

FILA FILA MANANI (la cabane)(2023)

Tidiani NDaye © Berpa

L’Atelier de Paris-Centre de national de danse contemporaine organise pour la deuxième année, des représentations dans les établissements scolaires, centres médicaux sociaux et bibliothèques d’Ile-de-France pour enfants sourds ou malentendants. Il a passé commande de ce duo bilingue Langue des Signes  Française/français qui va se jouer seize fois et plus, s’il y a des programmateurs.

Tel un oiseau des îles, vêtu de lambeaux de plastique froufroutants, Tidiani Ndiaye se fraie un chemin dans un monceau de sacs multicolores, ramassés au hasard des poubelles de Paris, Genève, Bamako… Sa partenaire et lui manipulent ce tas qui a envahi la salle. Ils y plongent avec volupté comme dans une mer bruissante, s’y roulent dangereusement, en bourrent leurs vêtements jusqu’à les faire exploser, se les jettent à la figure. Puis lancent ces légers projectiles à la volée. « Nager, plonger, marcher…», dit une voix off traduite par Thumette Léon en langue des signes. «Les couleurs se balancent, s’entassent et font semblant d’être légères… Elles pèsent le poids de la pollution. On croit emballer le monde, c’est le monde qui s’est emballé. »

Tidiani Ndiaye a imaginé ce spectacle en voyant l’envahissement du plastique dans le centre-ville de Bamako où il travaille avec des danseurs sourds: selon lui, Paris et les pays européens font encore plus de déchets… qu’ils envoient dans les pays pauvres pour être recyclés. «Au Mali, dit-il, le plastique vole dans le vent. Le plastique nous tue.»

Cette immersion gracieuse des corps dans les couleurs pour le plus grand plaisir des yeux, amène les enfants, au terme de ce spectacle ludique, à prendre conscience du problème écologique. La bibliothèque Saint-Eloi est un partenaire idéal pour ce spectacle: elle développe des activités pour sourds et malentendants, comme des ateliers de tango bilingues. Et, le 13 mai, elle propose une journée sur l’avenir de notre planète et la transition écologique, avec une performance littéraire bilingue L.S.F. et français, des spectacles, un film…

 Mireille Davidovici

Spectacle vu le 29 mars, à la Bibliothèque Saint-Eloi, 23 rue du colonel Rozanoff, Paris (XII ème).

15 juin Atelier de Paris, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de Manœuvre. Métro : Château de Vincennes + navette gratuite. T. 01 41 74 17 07.

Le Théorème du pissenlit de Yann Verburgh mise en scène d’Olivier Letellier

Le Théorème du pissenlit de Yann Verburgh mise en scène d’Olivier Letellier

 Cette fleur des champs qui sème à tout vent ensemence ce conte à cinq voix et nous embarque dans une histoire où un garçon de chez nous, qui pourrait être n’importe lequel des jeunes spectateurs, reçoit pour son anniversaire ; un cadeau.
Dans la boîte, il trouve quelques graines de pissenlit et une lettre, écrite par Li-Na, qui a fabriqué son jouet et lui raconte son triste destin. A sa lecture, le garçon se mobilise pour aider Li-Na, mais en même temps lutte face aux adultes. L’auteur nous emmène au Pays-de-la-Fabrique-des-Objets-du-Monde, sur les traces de Tao et Li-Na qui habitent le village du rocher. Leurs parents sont partis travailler à la ville et ces enfants vivent avec les anciens, libres de jouer et découvrir la nature.
Mais le jour de ses treize ans, Tao doit quitter le village. Li-Na part à la recherche de son ami et, au terme d’un périlleux voyage, le retrouve dans une usine, exploité et abruti. Il souffre de «la maladie de l’oubli» et ne la reconnaît pas Elle le rejoint à la chaîne et rencontre d’autres gamins, tout aussi déshumanisés : «Ne pas parler, ne pas s’arrêter, ne pas se tromper» dit la lettre, sous peine d’être broyé par « la grande gueule ». Dans sa lettre ,la fillette dénonce le travail illégal des enfants.

 Les acteurs nous guident dans ce double récit de facture contrastée. Le monde d’ici est familier et celui de Li-Na et Tao relève d’un imaginaire un peu exotique et nous plonge dans une autre réalité. Li-Na brise la chaîne de l’usine, elle va là où le vent mène les aigrettes des pissenlits, ce vent qui portera la révolte des enfants…Mais après bien des efforts, la lettre sera enfin portée au grand jour et rendue publique.

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage


Au centre du plateau nu, un mystérieux cube bleuté. Les comédiens vont le démonter et, au gré du récit, emboîter comme des pièces de lego, des casiers à bouteilles (scénographie de Cerise Guyon). Ils  évoqueront maisons, montagnes, radeau pour descendre le fleuve, arches, portiques immeubles, postes de travail à la chaîne, forêt…. A ce décor, répond une fluidité des déplacements, réglés par Thierry Thieû Niang. La pièce s’est construite avec toute l’équipe. « Yann a écrit avec les interprètes en puisant dans leurs improvisations, dit Olivier Letellier qui  a donné à Fiona Chauvin, Anton Euzenat, Perrine Livache, Alexandre Prince, Antoine Prud’homme de la Boussinière, la liberté d’incarner plusieurs personnages, indifféremment fille ou garçon…
Ils forment un chœur alternant récits et micro-scènes et en une heure, nous embarquent dans une histoire à la fois réaliste et imaginaire. «Yann et moi souhaitons poser, depuis l’enfance, un regard critique sur le monde adulte et lui inspirer le souffle d’une révolte aussi candide qu’engagée.», dit le metteur en scène. Avec douceur et poésie, l’équipe se pose en lanceuse d’alerte. La graine est semée. Au jeune public de la replanter, comme les héros de ce Théorème du Pissenlit

Ce spectacle est promis à une belle tournée comme les dix spectacles au répertoire du Théâtre du Phare, une compagnie créée en 2000 par Olivier Letellier. Récompensé en 2010 par le Molière du spectacle Jeune Public pour Oh! Boy, il a, l’année dernière, été nommé à la direction des Tréteaux de France-Centre Dramatique National itinérant, avec un projet tourné vers la jeunesse et les écritures contemporaines. Il faudra suivre ses créations sur les routes de l’Hexagone et au-delà.

Mireille Davidovici

 Jusqu’au 18 mars, Théâtre de la Ville-Les Abbesses, 31 rue des Abbesses, Paris (XVIII ème). T. 01 42 74 22.

Du 23 au 25 mars,Théâtre de la Manufacture, Nancy (Meurthe-et-Moselle) ; les 29 et 30 mars,Espace des Arts, Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire) ; du 5 au 7 avrilLe Grand T, Nantes (Loire-Atlantique) ; du 12 au 14 avril,Maison des Arts, Créteil (Val-de Marne).

Du 19 au 21 avril,Théâtre de Sartrouville (Yvelines).

Les 4 et 5 mai, Le Quai, Angers( Maine-et-Loire) ; les 11 et 12 mai, Le Canal, Théâtre du pays de Redon (Ille-et-Vilaine); les 15 et 16 mai, Scène nationale du Sud-Aquitaine, Bayonne (Pyrénées-Atlantiques) ; les 25 et 26 mai,Théâtre d’Angoulême (Charente).

Du 1er au 3 juin, Théâtre de Lorient (Morbihan).

Festival La Tête dans les nuages (suite)

Festival La Tête dans les nuages (suite)

En onze jours avec treize propositions, ce festival offre de belles découvertes, preuve une fois de plus  que de théâtre jeune public n’est pas un art mineur comme certains le croient, Ces spectacles font écho à l’esprit d’Angoulême, ville de la bande dessinée et de l’image. (voir Le Théâtre du Blog).

Cartoon de Mike Kenny, traduction de Séverine Magois, mise en scène d’Odile Grosset-Grange

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© Christophe Raynaud de Lage

 Dans un paysage urbain de carton-pâte, à l’avant-scène, deux châssis figurent une maison ordinaire. Nous sommes à Normal-Ville, Normal Street, chez la Famille Normal. Il y a la mère, Norma, le père, Norman, la fille, Dorothy et le fils, Jimmy qui sera un peu le fil rouge de la pièce. Et une bébé, un chien et un poisson rouge qui parle.

En costumes colorés style années soixante-dix, tranchant avec l’univers monochrome du décor, ils se présentent en chantant: «Pas des gens à faire des histoires/On ne fait pas de vagues… » Mais il ne faut pas se fier aux apparences : ces gens «normaux» n’ont rien d’ordinaire.  La scénographie de Stephan Zimmerli, pourrait passer comme une convention théâtrale mais se révèle être le lieu d’un dessin animé où les personnages sont voués à suivre éternellement le même scénario. «Tout peut arriver, dit l’un d’eux, on est des cartoons, des dessins animés … On ne ressent jamais la douleur (…) on est accompagnés de musique (…) On ne vieillit jamais et jamais on ne meurt… »Sans passé ni futur, ils vont d’épisode en épisode: explosion, course-poursuite, bagarres, escalades vertigineuses, ils sortent toujours indemnes des dangers et l’espace se transforme, s’ouvre et se referme, en créant un grand nombre d’images…

Mais un jour, la vie de Jimmy bascule: Norma Normal, une grande scientifique, confond le biberon de Bébé avec une potion qu’elle a inventée : Bébé devient alors invisible et Jimmy qui a goûté au breuvage, se met à grandir, à souffrir… Craig -la petite brute du quartier qui martyrise toujours notre héros- se rend compte de l’anormalité des Normal… Traquée par les médias, la famille devra déménager une fois encore et recommencer à zéro ses sempiternelles aventures.

Jimmy, lui, renonce à son destin de cartoon en trois dimensions et à ses super-pouvoirs, pour devenir un simple mortel. Il sortira définitivement du cadre lumineux bordant l’avant-scène, indiqué par Mike Kenny pour symboliser le dedans et le dehors mais aussi l’écran de télévision ou de cinéma que nos héros choisissent, ou non de traverser.

Odile Grosset-Grange met en scène et en images avec maestria cette pièce inédite de l’auteur britannique dont elle a déjà monté cinq autres. Elle transpose avec les moyens artisanaux du théâtre, les effets spéciaux des cartoons d’autrefois. François Chary, Julien Cigana, Antonin Dufeutrelle, Delphine Lamand, Pierre Lefebvre-Adrien, et Pauline Vaubaillon jouent avec rythme et rigueur ces figures archétypales de la famille américaine moyenne, figées dans une permanente bonne humeur : ils courent, volent, passent à travers les murs grâce à la magie des trucages. La marionnette du chien est hilarante et les répliques du poisson rouge à la mémoire trouée font merveille: le jeune public réagit au quart de tour.
Les prouesses techniques, des gags à la Tex Avery ou Walter Lantz, la drôlerie des situations font vibrer les cinq cents enfants dans la grande salle du Théâtre. 
Mike Kenny traite de la douloureuse mutation d’un corps pour accéder à l’humanité -comme La Petite Sirène, en moins dramatique-  ou plus simplement de la transformation du corps adolescent et de l’adieu à l’enfance, et son message s’insinue en filigrane dans ce spectacle grand format réjouissant de vitalité. `

Avion Papier d’Arthur Delaval, mise en scène de Laura Dahan

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Avion Papier ©Pierre ACOBAS

Une vieille caravane installée sur la place, le temps d’un ciné-concert abrite un théâtre miniature accueillant jusqu’à dix-huit spectateurs.  Tout petits et grands- vont passer vingt minutes d’enchantement visuel et sonore. Un musicien et bruiteur joue d’instruments pour enfants (piano, saxophone, percussions) sur des boucles enregistrées en direct avec les moyens du bord. A la fois projectionniste, régisseur-lumière, accessoiriste… il fait tintinnabuler des objets au plafond et le long des murs. Sur plusieurs écrans, une voyageuse intrépide marche dans des paysages urbains,  croise d’étranges humains, tombe dans des gouffres, gravit de hautes tours ou s’envole en ballon dans un ciel traversé d’avions en papier et parfois d’oiseaux.

Le dessin animé d’Arthur Delaval au graphisme nous transporte dans un univers mélancolique en noir et blanc, aux arbres dénudés et où les cheminées crachent des fumées grisâtres. Ses habitants se désagrègent, perdent leur tête, s’aplatissent, puis se relèvent. Après une série de chutes vertigineuses et d’ascensions délicates, la petite dame à la valise trouve enfin un passage vers le haut, en couleurs.

Guilhem Bréard a repris ce beau spectacle ambulant qui  tourne depuis sept ans. Son auteur, lui, travaille à un nouvel opus: Fantôme, à La Méandre, à Châlon-sur-Saône, un collectif de théâtre de rue: «La réunion d’initiatives artistiques porte sur quelques axes: chatouiller l’espace public, titiller la rue, terrain fort de jeux et d’enjeux.» On attend avec impatience cette création le 2 juin pour le festival Tous dehors, à la Scène Nationale de Gap (Hautes-Alpes).

 Mireille Davidovici

 Spectacles vus les 1er et 2 mars; 

le festival La tête dans les nuages se poursuit jusqu’au 11 mars. Théâtre d’Angoulême-Scène Nationale, avenue des Maréchaux, Angoulême (Charente). T. :05 45 38 61 62.

 Cartoon, les 10 et 11 mars à L’Azimut Scène Nationale-Théâtre La Piscine, Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine) ; les 21 et 22 mars, Comédie de Valence, Valence (Drôme)

Du 4 au 6 avril, La Coursive, La Rochelle (Charente-Maritime); du 14 au 16 avril, La Ferme du Buisson, Noisiel (Seine-et-Marne).

Les 4 et 5 mai, Gallia Théâtre, Saintes (Charente-Maritime); le 26 mai, Théâtre de Gascogne-Le Pôle, Mont-de-Marsan (Landes).

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