Biennale internationale des Arts de la Marionnette La Simplicità ingannata , de et avec Marta Cuscunà (en italien surtitré)

Biennale internationale des Arts de la Marionnette 2023

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©Alessandro Sala Cesuralab

La Simplicità ingannata de Marta Cuscunà (en italien surtitré)

L’artiste italienne, invitée avec trois spectacles à la B.I.A.M., est seule en scène comme dans Sorry Boys, mais cette fois, elle nous réserve un amusant prélude avant de faire corps avec ses marionnettes: des têtes alignées comme des oiseaux sur une branche.

En robe de mariée, elle nous invite dans l’Italie du XV ème siècle et décrit la condition des jeunes filles qu’il faut marier à tout prix, moyennant une dot versée à l’époux et qui dépend de leur beauté, et surtout de leur soumission. Economiquement parlant, avoir une fille n’est pas une bonne affaire : marchandise périssable, elle se déprécie avec l’âge, et si aucune homme ne se porte acquéreur, ou si l’on ne peut la doter suffisamment, ce sera le couvent. Ainsi Angela qui boite, est placée à six ans chez les sœurs avec la promesse de félicité. Mais, au moment de renoncer au monde pour épouser le Christ, elle découvre avec horreur le cloître. Le titre : La Simplicité trahie renvoie à la tragédie de ces filles mariées au Christ contre leur gré.

Mais tout n’est pas perdu et, en deuxième partie, les marionnettes vont nous raconter la résistance des Clarisses d’Udine ( Frioul), à peu près à la même époque. Ces religieuses italiennes ont transformé leur couvent en espace de contestation libéré des dogmes religieux et de la culture machiste : une histoire d’émancipation collective impensable pour l’époque !

Marta Cuscunà construit ses spectacles à partir d’éléments historiques. Pour la première partie de cette pièce, elle se réfère à L’Inferno monacale, témoignage d’Arcangella Tarabotti (1604-1652). Cette écrivaine et religieuse vénitienne rapporte, à l’aune de son vécu, la tragédie des moniales cloîtrées de force.

Mais l’actrice en tire une charge amusante contre la société patriarcale. De même qu’elle met en boîte la misogynie de l’église catholique quand elle raconte l’histoire des insoumises d’Udine, telle qu’elle l’a lue dans Lo spazio del silenzio où l’historienne Giovanna Paolini publie les minutes du procès en hérésie intenté en 1590 par l’Inquisition contre ces Clarisses.

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©Alessandro Sala Cesuralab

Les têtes parlantes des six religieuses, animées avec maestria, sont confrontées au méchant Barbaro, inquisiteur à la figure patibulaire, à qui Marta Cuscunà prête aussi voix et expressions menaçantes. Les Clarisses se sont instruites malgré les interdits de l’Eglise, et sont capables de ruser et de jouer les bécasses, seront innocentées…. Courte victoire mais signe, pour Marta Cuscunà, qu’ensemble, les femmes sont capables de s’organiser et de vaincre :  » La simplicità ingannata n’est pas un documentaire mais un projet où le théâre donne aussi la possibilité de trahir le fait établi ou au moins de la considérer comme un point de départ permettant de rebondir sur une histoire qui a comme sujet principal la société, les femmes et les hommes qui la composent. « 

La scénographe Elisabetta Ferrandino a donné à ces nonnes, qui ne sont pas sans rappeler les figures aux yeux effarés de Tim Burton, une personnalité correspondant au caractère de chacune. Ces délicieuses poupées, serrées les unes contre les autres « comme des oiseaux piégés dans la glue », selon Marta Cuscunà, ont beaucoup à nous dire sur la sororité.

Dans tous ses spectacles, Marta Cuscunà a fait le choix d’être seule avec ses personnages: au début, dit-elle, pour des raisons budgétaires mais ensuite elle a pris goût à faire entendre une multitude de voix et, quand le corps n’est plus suffisant au besoin d’un chœur, elle se glisse comme ici , derrière ces têtes auto-portées pour aller à l’essentiel : l’expression des visages et des voix et elle passe ainsi  très vite de l’une à l’autre… `

Après avoir vu ces deux spectacles déjà anciens, nous avons hâte de découvrir d’autres pièces de cette artiste aux multiples visages.

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 16 mai au Théâtre Mouffetard, Centre national de la marionnette 73 rue Mouffetard Paris (Vème). La B.I.A.M. se poursuit jusqu’au 4 juin. : T. 01 84 79 44 44.


Archives pour la catégorie marionnettes

Biennale internationale des arts de la marionnette Sorry Boys de Marta Cuscunà

Biennale internationale des arts de la marionnette

Sorry Boys de Marta Cuscunà

Onzième édition de la biennale avec, en coup d’envoi, un spectacle venu d’Italie.  Et elle se clôturera avec un Bal marionnettique conçu par la compagnie Les Anges au plafond. Entre temps, une grande diversité de spectacles, dans trente lieux d’Ile de France, principalement à Paris. Notamment trois de Marta Cuscunà qui avait déjà joué Sorry Boys en 2020 aux Chantiers d’Europe du Théâtre de la Ville et qu’on a plaisir à découvrir ou à revoir.

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© alessandro-salace

Des têtes s’alignent: côté jardin des garçons, et côté cour, plusieurs personnages d’adultes. Ces têtes prendront vie entre  les mains expertes de l’artiste démiurge: seule en scène, on la devine derrière les châssis d’où émergent ces visages. Le titre (en français: « Désolées, les gars! » s’adresse comme un pied de nez à une bande de gamins immatures qui discutent sexe et films d’action et aussi à ces parents qui s’agitent par ces têtes interposées, inquiets pour leurs filles disparues. La cause de cet émoi : dix-huit lycéennes  de moins de seize ans,  toutes  enceintes ont signé un « pacte secret de grossesse » pour élever leurs enfants ensemble dans une communauté de femmes. 

 Tirée d’un fait divers survenu au lycée de Gloucester (Massachusetts) petite ville du Massachusetts en 2000, la pièce nous invite à rire des remous créés par cette initiative féministe « révolutionnaire», et un téléphone géant affiche sous forme de textos, les échanges entre les jeunes filles. On suit donc  l’évolution de leur grossesse mais sans jamais les voir… Seuls les témoignages des autres nous narrent leur aventure.

Tout ce petit monde s’agite et nous apprécions la virtuosité de Marta Cuscunà à animer seule cette foule de personnages, passant de l’un à l’autre avec une célérité remarquable. Elle prête ainsi à chaque visage en latex une expression et une voix particulière.

Sorry Boys, résolument polémique, met en boîte des gamins plutôt couillons: ignorants qu’ils sont de la sexualité et abreuvés de films pornos ils ne comprennent rien à leur copines. Leur sexisme ordinaire se nourrit des clichés masculins du cinéma hollywoodien. Les parents ne valent guère mieux, avec leur prêchi-prêcha conservateur et leur peur du lendemain. Les conversations tournent vite à l’affrontement politique. Seul, Joseph Sullivan, le proviseur du lycée semble entendre le projet des lycéennes et, avec l’infirmière, leur facilite la tâche en secret… Il les aide à fuir et lui revient le mot de la fin : «Elles avaient un drôle de sourire quand elles sont parties ».

Ce sourire, explique la marionnettiste surgie de l’ombre, est une réponse aux boucheries perpétrées par les hommes. Nous recevons cinq sur cinq le message de Marta Cuscunà qui s’est engagée à défendre l’indépendance et la résistance féminine, d’autant plus qu’elle le fait avec humour. Nous sommes curieux de découvrir ses deux autres pièces.

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 10 mai au Carreau du Temple, 4 rue Eugène Spuller, Paris (III ème) T. : 01 83 81 93 30

Les 13 et 14 mai, Canto della caduta de Marta Cuscunà, salle Jacques Brel, 42 avenue Edouard Vaillant, Pantin (Seine-Saint-Denis). 

 Les 16 et 17 mai La Simplicita ingannata de Marta Cuscunà, Le Mouffetard, 73 rue Mouffetard Paris (Vème). T. : 01 84 79 44 44.

La B.I.A.M. se poursuit jusqu’au 4 juin. Le Mouffetard-Centre national de la marionnette. T. : 01 44 64 82 33.

2 h 32 de Gwendoline Soublin mise en scène de Guillaume Lecamus

2 h 32 de Gwendoline Soublin mise en scène de Guillaume Lecamus

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© Roland Baduel

« Elle court, elle court Zenash. Elle se lève très tôt le matin, enfile ses baskets avant d’aller faire des ménages  dans un hôtel et, sitôt le boulot fini, elle court, encore, marathonne tout le temps. » Zenash Gezmu, une jeune Ethiopienne, vise la victoire au marathon de Paris : boucler les 42,195 kilomètres en deux heures trente-deux ! Mais, hélas, elle n’y parviendra jamais! Fauchée en plein élan, assassinée chez elle à vingt-sept ans par malfrat qui passait par là. Gwendoline Soublin s’est emparée, à la demande du metteur en scène, de ce fait divers et a écrit une fiction poétique pour marionnettes, où elle montre le courage de celle qui, depuis l’enfance, poursuivait un rêve.  Un rêve contagieux qui va, ironiquement, contaminer toute une communauté de coureurs forcenés…

Zenash Gesnu, représentée ici par une sculpture en carton articulée, manipulée par deux comédiennes, se dédouble en une statuette fixe, toute à sa course. Norbert Choquet a choisi ce matériau en résonance avec la force vitale de la sportive. Le corps nu de la marionnette semble prendre vie grâce aux mots de l’autrice et la performance sportive de Sabrina Manach. Remarquable athlète, la comédienne  court sur place sans s’essouffler, l’équivalent de quatre kilomètres  à 12 km/h… Candice Picaud, sa partenaire,  partage avec elle le texte de la pièce tantôt adressé à Zenash par un « Tu » familier et affectueux, tantôt sous forme de récit. L’énergie des actrices se transmet aussi aux multiples figurines qui, dans la deuxième partie du spectacle, entament un marathon sans fin. Une foule de coureurs anonymes en folie où l’auteure distingue, en trois mots cinglants, quelques individus-types. Une drôle de bande qui court à sa perte… Cette fin surréaliste et inattendue nous emmène loin de la tragédie de Zenash Gesnu : un «tombeau»-hommage à cette femme pugnace…

Le metteur en scène choisit, paradoxalement, des marionnettes statiques aux expressions neutres pour explorer des thèmes comme l’endurance sportive et la vitalité du corps. Il les fait ainsi vivre grâce au texte, au jeu et à l’univers sonore créés par Thomas Carpentier. Mais quelquefois les mots et les actrices prennent le pas sur ces figurines, surtout au début. Les phrases syncopées de Gwendoline Soublin sont pour les interprètes une sorte de jeu par délégation, «un parler pour» selon François Lazaro avec lequel Guillaume Lecamus fit son apprentissage de marionnettiste.

Avec sa compagnie, le Morbus théâtre, il donne la primeur aux auteurs contemporains, le texte étant le moteur de ses spectacles : 2 h 32 est le pendant de 54 x 13 de Jean-Bernard Pouy, ( voir Le Théâtre du Blog), repris en mars dans ce même théâtre et qui met scène un cycliste du peloton.

Mireille Davidovici

 Jusqu’au 20 mars, Le Mouffetard, Théâtre des Arts de la marionnette, 73 rue Mouffetard, Paris (V ème). T. 01 84 79 44 44.

Le 21 mai, festival les Echappées, La Chambre d’eau-en-Avesnois, Le Favril (Nord) ; le 27 mai, Médiathèque des Mureaux (Yvelines).

Les 15 et 16 mars 2023, Théâtre à la Coque, Hennebont (Morbihan); le 21 mars, Théâtre du Passage, Fécamp (Seine-Maritime) et le 23 ou 24 mars, Le Sablier, Ifs (Calvados).

 

Première Neige de Guy de Maupassant, adaptation et mise en scène de Pier Porcheron

Première Neige de Guy de Maupassant, adaptation et mise en scène de Pier Porcheron

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@Veronique Beland

Cette adaptation fait entendre des extraits de la nouvelle, dans la langue de Guy de Maupassant, intégrés dans une auto-fiction: un couple s’enferme un hiver dans une maison, après un événement traumatisant et décide de monter une pièce radiophonique ou , plus exactement, un «roman radiophonique» à partir de leur histoire personnelle. Maupassant, lui, raconte la vie d’une femme qui vient mourir au soleil méditerranéen, pour fuir un mariage triste dans un château glacial en Normandie ,où tombent la pluie et la neige. Une histoire qui s’entrecroise avec cette auto-fiction, au point qu’on ne les distingue plus l’une de l’autre. Ce couple enfermé met en scène Première Neige et l’épouse va aller à Paris enterrer ses parents morts dans un incendie…

Pour ce «roman radiophonique», pas de magnétophone, amplificateurs ni consoles de studio. Dans ce théâtre d’objets, les fonctions dramatiques sont à la fois iconiques et sonores, avec des objets qui jouent : tableaux, modèles réduits de meubles, poupées, photos, peluches… Mais aussi des objets du quotidien utilisés  pour  le bruitage. Une boite Maïzena simule le crissement de pas dans le neige, le bruit amplifié d’un coussin de crin nous permet de «voir» l’héroïne marcher sur le sable, des chiffons disent l’apparition d’oiseaux, du papier déchiré imite le crépitement du feu dans la cheminée… Une chignole et d’autres ustensiles suspendus autour de la table de jeu, approchés des micros, composent tout l’univers sonore. Nous pouvons à la fois écouter le texte, voir la manipulation les objets et assister à l’art du bruiteur.

 La compagnie Elvis Alatac, installée à Poitiers depuis 2012, présente ici la version longue (soixante-cinq minutes) de cette Première Neige. Nous en avions vu, en 2020, une format court de quinze minutes avec le même texte de Guy de Maupassant. Mais c’était une véritable émission radiophonique dans un  studio en cabine vitrée, avec publicités, blagues et jeux stupides (voir Le Théâtre du Blog ).
Reste de ce format court, l’utilisation du son amplifié: composante essentielle. Il n’y a pas de marionnettes mais les deux comédiens, tout en produisant des images avec des objets, créent, au micro,  la bande-son 
à vue.

Auprès Marion Rebat, sa partenaire de jeu, Pier Porcheron, metteur en scène mais aussi acteur, ne se prive pas de moduler, hululer, bruiter, siffler et accentuer, colorant ainsi le texte sans aucun effet  électronique. Cet habillage sonore artisanal ouvre une autre dimension supplémentaire à ce théâtre d’objets qui développe plusieurs techniques : mini théâtre d’ombre, mini-écran où sont projetées à partir d’une mini-caméra mobile, des images et des photos du Paris au XIX ème siècle. Pier Porcheron et Marion Rebat nous montrent que, bien dompté, le son crée l’image. Enfin, on l’aura compris, nous sommes ici loin de l’explication de texte scolaire.

Première Neige a été créé en 2017 et depuis, s’est joué une centaine de fois, diffusé dans ses deux versions…

 Jean-Louis Verdier

 Jusqu’au 3 février, Théâtre Mouffetard, 73, rue Mouffetard, Paris (Vème) T. : 01 84 79 44 44.

Le 18 février, Espace des Pierres Blanches, Saint-Jean-de-Boiseau (Loire-Atlantique); le 25 février,Théâtre des Bains Douches, Elbeuf-sur-Seine (Seine-Maritime).

Texte intégral de Première Neige: http://maupassant.free.fr/textes/neige.html

 

 

Le voyage de Gulliver d’après Jonathan Swift, adaptation et mise en scène de Christian Hecq et Valérie Lesort

Le Voyage de Gulliver d’après Jonathan Swift, adaptation et mise en scène de Christian Hecq et Valérie Lesort

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© Fabrice Robin

 

Qui n’a lu dans son enfance les aventures de ce marin, seul survivant d’un naufrage, échoué sur le rivage d’un étrange pays où des êtres minuscules mais tyranniques en font leur prisonnier et leur esclave ? On  prend souvent cet ouvrage  pour un conte pour enfants…. Il y a eu en effet de nombreuses éditions (mais édulcorée) et illustrées pour la jeunesse.
Les metteurs en scène à qui l’on doit des réussites comme
20.000 lieux sous les mers et l’opéra baroque Ercole Amante de Francesco Cavalli (voir Le Théâtre du blog) nous ouvrent un beau livre d’images. Prenant le spectateur par la main, le comédien incarnant Gulliver face à un peuple de marionnettes, raconte les aventures de ce navigateur devenu un dangereux géant aux yeux des Lilliputiens. A à la fois narrateur, témoin et victime d’un pouvoir arbitraire et d’une guerre absurde opposant les mangeurs d’œufs par le gros bout, à ceux qui les entament par le petit bout…

Jonathan Swift (1667-1745) avec ce conte philosophique habillé de merveilleux, s’en prenait à l’absolutisme des souverains anglais et il devra s’exiler en Irlande. Pacifiste avant la lettre, ce pamphlet féérique critique aussi la guerre sans fin qui oppose son pays à la France. Mais Le Voyage de Gulliver prend ici la forme d’une fable burlesque, charmante et efficace, plus que d’un libelle contre le pouvoir.

 Dans un décor de carton-pâte, bas de plafond, le comédien, sur un plateau rehaussé, paraît gigantesque, à côté des marionnettes hybrides où les sept autres interprètes ont glissé leur tête. Ces personnages au faciès humain de cinquante centimètres, sont très expressifs  et leurs petits corps en costumes bariolés, manipulés selon le procédé du théâtre noir: un éclairage efface les  acteurs et permet des effets spéciaux.

La scénographe Audrey Vuong et la créatrice de costumes Vanessa Sannino créent une esthétique délibérément naïve et kitch. Un clin d’œil aux illustrations des contes pour enfants du XIX ème siècle. Les acteurs s’en donnent à cœur joie dans cette satire du régime lilliputien, aussi habiles à manipuler leurs bonshommes qu’à chanter lors des intermèdes. Comme ce moment virtuose où, sur la table de la salle à manger transformée en scène de cabaret, l’impératrice Cachaça se livre à une numéro avec plumes et déshabillage… Une heure quinze de plaisir théâtral attend petits et grands, sous-tendu par un message envoyé à qui veut l’entendre…

 Mireille Davidovici

Jusqu’au 28 janvier, Athénée-Théâtre Louis Jouvet, 7 rue Boudreau, Paris (IX ème).T.: 01 53 05 19 19.

Du 1 au 11 février, Théâtre des Célestins, Lyon (Rhône) les 18 et 19 février, Equilibre Fribourg (Suisse) ; du 23 au 26 février, Théâtre National de Nice (Alpes-Maritimes).

Du 2 au 6 mars, Théâtre de Caen (Calvados) ; les 10 et 11 mars La Comète, Châlons-en-Champagne (Marne); le 15 mars Théâtre Edwige Feuillière, Vesoul (Haute-Saône); le 18 mars, Ma-Scène nationale, Montbéliard (Doubs); les 22 et 23 mars, Tangram, Evreux (Eure) ; les 30 et 31 mars, Maison de la Culture, Nevers (Nièvre).
Les 12 et 13 avril, Théâtre de Sartrouville (Yvelines) ; les 19 et 20 avril, La Ferme du Buisson, Noisiel (Seine-et-Marne).
Du 17 au 19 mai, La Coursive, La Rochelle (Charente-Maritime) et les 24 et 25 mai, Théâtre des Deux-Rives, Rouen (Seine-Maritime).

 

Battre encore, mise en scène de Delphine Bardot et Pierre Tual

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© Virginie-Meigné

Battre encore, mise en scène de Delphine Bardot et Pierre Tual

 La compagnie La Muette, créée par la marionnettiste nancéenne Delphine Bardot et le musicien argentin Santiago Moreno, développe un théâtre visuel et musical fondé sur le rapport «entre corps réels et corps fantoches, manipulateurs et manipulés, résistants et consentants ». Battre encore met en présence trois femmes en chair et en os avec des pantins masculins en plusieurs états et dimensions. Une recherche qui s’appuie sur une fable en forme de conte cruel.

Trois petites fleurs s’épanouissent, cultivées par un gentil jardinier, sur un carré d’herbe peuplé de papillons. Brusque changement d’échelle : le trio se transforme en jeunes filles en fleurs rêvant du Prince charmant, figuré par des marionnettes étranges qu’elles tentent de manipuler, sous l’œil affectueux de leur père. Mais bientôt cette histoire mièvre qui se moque des demoiselles bien élevées, va tourner au cauchemar quand elles sont invitées au bal de l’Ogre. Il apparaît, gigantesque, entouré de ses généraux, sur une musique populaire d’Amérique latine, entrecoupée de violents discours. Et les trois sœurs  sont obligées de danser avec le tyran et ses sbires aux mines patibulaires. Nous nous trouvons soudain transportés aux heures sombres des dictatures sud-américaines…

 Ces comédiennes, danseuses et manipulatrices entrent dans l‘univers onirique fluctuant des scénographes Delphine Bardot et Daniel Trento, sous les éclairages de Joël Fabing. Les pantins, ombres et objets animés créés par Delphine Bardot, Lucie Cunningham et Santiago Moreno qui signe également la musique, sont expressifs, qu’ils soient de taille humaine ou miniatures.  Les metteurs en scène conjuguent avec habileté plusieurs techniques: marionnettes portées par les «corps-castelets» des interprètes, ombres chinoises, projections, mannequins, fragments de corps, masques…Les fondus-enchainés témoignent de la virtuosité de ces artistes et il y a des moments forts comme le bal, un tournant de la pièce, quand les trois femmes, aux prises avec les hommes du tyran, luttent contre la force virile de ces pantins qu’elles manipulent mais qui finissent par les terrasser. Viols et féminicides s’accomplissent en coulisse…Une voix off confirme le crime et se lèvent les poings d’une foule en révolte…

Battre encore veut « redonner corps et mouvements aux écrasées, aux meurtries aux étouffées, (…) en écrivant un anti-conte de fées très librement inspiré du destin des sœurs Mirabal ». Ceci explique pourquoi certaines incohérences et scènes anecdotiques brouillent le récit, sans qu’on en comprenne la nécessité dramaturgique. Le texte de Pauline Thimonnier, allusif, ne nous éclaire pas sur la tragédie vécue par Patria, Minerva et Maria-Theresa, dites «les Sœurs Mariposas » (Papillons). Résistantes à la dictature de Rafael Trujillo, qui dirigea la République Dominicaine de 1930 à 1961, elles furent, en 1960, arrêtées sur la route par la milice, découpées à la machette et jetées dans un fossé avec leur jeep. En 1999, l’O.N.U. fit du 25 novembre, date anniversaire de ce crime, une Journée internationale pour l’élimination de la violence envers les femmes.

 Malgré l’impression de décousu que laisse parfois une narration collant trop à l’Histoire, cette réalisation poétique questionne le politique. La marionnette entre ici en jeu dans un rapport de force féminin/masculin. Sans discours, et par le seul langage des corps et des images, Battre encore rend justice aux luttes des femmes et à leur convergence avec les mouvements pour l’égalité des droits humains.

 Mireille Davidovici

Du 12 au 25 novembre, Le Mouffetard-Théâtre des arts de la marionnette, 73 rue Mouffetard, Paris (Vème) T. : 01 84 79 44 44.

Le 14 décembre, Transversales, Verdun (Meuse).
Le 25 janvier, Compli’Cité, Le Triangle, Huningue (Haut-Rhin).
Le 10 février, La Machinerie, Homécourt (Meurthe-et-Moselle).
Et le 26 mars, Théâtre Victor Hugo, Bagneux (Hauts-de-Seine).

 

 

 

Voyage Chimère d’Ilka Schönbein, d’après Les Musiciens de Brême des frères Grimm

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© Marinette Delanné

Voyage Chimère d’Ilka Schönbein, d’après Les Musiciens de Brême des frères Grimm

 Dans ce petit cabaret, les musiciens du fameux conte ne vont pas revivre leurs aventures mais nous présentent leur chant du cygne, dans un dernier tour de piste, avant que la faucheuse ne les emporte…Entre les mains de la marionnettiste, dans cette revue à la fois drôle et macabre, ils tiennent à peine debout. «J’avais déjà rêvé de cette fanfare qui parlerait des vieux animaux de travail, dit-elle. Dans mon atelier, s’impatientaient une vieille chatte, une petite poule et un âne. » Bello, le chien, a été conçu avec un crâne trouvé dehors et deux squelettes de pattes. Trop fatigué pour chanter, il sera éliminé sans pitié…

Ilka Schönbein prête sa voix, ses mains et ses jambes parées de savants maquillages, à ses créatures pour des poses évocatrices. Henriette, la poule, élevée en batterie sans avoir jamais rencontré de coq, a trouvé l’amour dans le convoi qui l’amène à l’abattoir et se lance dans un flamenco endiablé devant son fiancé. Avec ses doigts, la marionnettiste réussit à faire danser les volatiles sur L’Amour est enfant de bohème de Carmen, interprété par la mezzo-soprano Alexandra Lupidi qui a aussi conçu l’accompagnement musical. Et sur son ukulélé, sa guitare électrique et son piano d’enfant, elle rythme le spectacle aux côtés d’Anja Schimanski (contrebasse et percussion). Des comptines  comme Le Coq est mort, entonné en guise de marche funèbre sous des parapluies, ou des chants populaires comme So stato a lavora racontant la vie harassante d’un mineur, ou encore le triste Schwesterlein de Johannes Brahms, donnent à la pièce un ton joyeux ou nostalgique. « La musique, dit Ilka Schönbein, nous guide dans tous mes spectacles et je guide la musique.»

Dans une esthétique jamais vulgaire, elle sait créer un univers en demi-teinte, entre comédie et tragédie. Et ses marionnettes qu’elle fabrique avec des matériaux de rebus, ont une étrange et sinistre beauté. « Les personnages eux-même, sont des déchets, dit-elle . Déjà morts ou qui ont l’occasion de réaliser, avant de mourir, leur plus beau rêve : échapper à leur sombre destin, en devenant artistes de cabaret.» 

Ainsi Rocky, l’âne qui voulait devenir rock-star, peut pousser sa chansonnette avant de s’écrouler… Et Mitsy, la vieille chatte libidineuse, va enfin revêtir une belle robe de bal et raconter ses aventures galantes. «Le spectacle a été conçu pendant la pandémie et  la mort à laquelle les protagonistes veulent échapper, les a rattrapés. »

Voyage Chimère, une métaphore de la condition humaine ou une réflexion sur la vieillesse? Avec humour et mélancolie, Ilka Schönbein évoque la maltraitance des animaux mais aussi celle des femmes et des hommes… Comme les autres créations du Theater Meschugge, ce Voyage Chimère mérite de poursuivre sa route…

 Mireille Davidovici

 Du 2 au 14 octobre, Théâtre des arts de la marionnette, 73 rue Mouffetard, Paris (V ème). T. : 01 84 79 44 44.

Les 16 et 17 novembre, Théâtre des Quatre Saisons Gradignan (Gironde) ; 19 novembre, Festival Marionnettissime, Tournefeuille (Haute-Garonne) ; les 29 et 30 novembre, Espace Pierre Jéliote, Oloron Sainte-Marie (Pyrénées-Atlantiques).

En Allemagne : Festivals Imaginale le 4 février, Stuttgart ; le 6 février, Mannheim  et le 11 février, Schorndorf.

 

 

 

 

 

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