Biennale internationale des arts du cirque à Marseille et en région Sud
Biennale internationale des arts du cirque à Marseille et en région Sud
Sixième édition de ce festival hivernal Archaos, Pôle National Cirque, implanté à Marseille depuis 2001, accompagne la création, la diffusion et la pratique des arts du cirque contemporain. Dirigé par Raquel Rache de Andrade, Guy et Simon Carrara, le Pôle national cirque Archaos a créé il y a dix ans cette Biennale qui a lieu les années impaires en janvier et février, avec un programme réparti sur cinquante structures culturelles de la région Sud, Côte d’Azur et à Marseille.
Une belle initiative, avec une mutualisation des ressources pour mettre en lumière la création circassienne aux différentes expressions. Cette année Archaos a voulu privilégier les artistes femmes, connues ou moins connues. Le tout sous la houlette des élus, entre autres, Benoît Payan, maire de Marseille.
Un ensemble de spectacles à l’organisation impressionnante mais aussi des Rencontres professionnelles réunissant des centaines d’artistes internationaux. Les chapiteaux abritent des spectacles, à la fois exigeants et populaires, notamment sur la grande plage du Prado à Marseille. Pour maintenir le lien avec le public et assurer une présence continue du cirque tout au long de l’année, le Pôle national Cirque Archaos a lancé en 2016 l’Entre 2 BIAC sur un mois entre janvier et février, les années paires, avec une version ciblée sur le seul territoire de Marseille-Métropole. Devenus événements essentiels, la BIAC et l’Entre 2 BIAC contribuent au rayonnement culturel de cette immense ville mais aussi de cette région très peuplée.
Présentation du riche programme de la BIAC par la directrice Rachel Rache de Andrade dans le beau petit chapiteau du Magic Miror, en toile rouge et aux colonnes plaquées de longs miroirs. Sur le parquet, une colonne carrée en verre synthétique d’environ quatre mètres de hauteur et ouverte au sommet.
Alice Rende, une jeune acrobate brésilienne, va y entrer par une trappe en bas. Pendant les vingt minutes de Passages, nous allons la voir de près confinée dans cet espace étroit. Elle va réaliser ascension et descente des parois en se contorsionnant mains et pieds nus, sans aucun accessoire.
Montant jusqu’à une barre en haut puis se laissant couler jusqu’en bas, elle réalise aussi des figures acrobatiques en pliant et dépliant son corps, comme le ferait un pantin. manipulé. Alice Rende arrive même à se maintenir à mi-hauteur, comme suspendue. Puis elle chute, se rétablit gracieusement et rechute… Cet exploit physique étant bien entendu préparé avec le plus grand soin. Et cette-apparente-imperturbabilité a des côtés philosophiques. « La suspension, écrivait Sextus Empiricus ( II ème siècle après J.C.) est l’état de la pensée où nous ne nions ni n’affirmons rien. Quiétude, c’est la tranquillité et la sérénité de l’âme. »
Ici, aucun art de l’illusion: la performance d’Alice Rende, bien réelle, est à la fois physique mais aussi sonore: on entend, bien sûr amplifiées, le bruit des mains et de pieds contre le plexiglas. Les risques pris sont limités mais cette exercice anti-gravité et d’une rare beauté, a quelque chose de merveilleusement fascinant
Ce spectacle a été coproduit par le Centre culturel franco-guinéen, avec le soutien du Fond de développement des arts et de la Culture en Guinée. Avec Kadiatou Camara, Mamadama Camara, Yarie Camara, Sira Conde, Mariama Ciré Soumah, M’Mah Soumah, Djibril Coumbassa, Amara Tambassa, Mohamed Touré. Soit six acrobates-danseuses et chanteuses, deux porteurs et un voltigeur, tous remarquables…
Après Yé ! qui avait connu un triomphe exceptionnel à la Scala à Paris et en Europe, ce cirque revient avec ce nouveau spectacle où la virtuosité acrobatique est mise au service d’une œuvre qui se veut féministe. Yongoyély a pour thème l’indépendance de toutes les Africaines.
Jean-Marc Coppola, adjoint à la Culture de Marseille, dit quelques mots de bienvenue. En même temps, on entend déjà les bruits incessants d’une ville africaine: motos, camions, voitures, mêlés à des brouhahas de conversations. Sans doute ceux de Conakry, la capitale. Et par moments, un texte en voix off qu’on entend mal, dit tout l’espoir d’une vie meilleure pour ces femmes courageuses et parfois encore soumises à l’excision dans ce pays de quelque treize millions d’habitants en pleine mutation.
Colonisé par la France depuis 1883, il fut un des premiers, grâce à Sékou Touré à acquérir son indépendance en 58 ! Alors nouveau Président de la République, De Gaulle, exaspéré, n’avait pas été spécialement élégant! «Mais laissez-le donc, bouffer ses bananes et ses cacahuètes. » Sékou Touré, devenu président, échappera à plusieurs attentats destinés à le remplacer par un autre… choisi, lui, par De Gaulle! Sans doute fomentés par des barbouzes français sous la houlette du sinistre Jacques Foccart, secrétaire général de l’Élysée aux affaires africaines et malgaches, de soixante à soixante-quatorze. Cet ancien résistant dévoué à De Gaulle utilisait sans aucun scrupule toutes les méthodes criminelles pour étouffer les oppositions. Le camerounais Félix-Roland Moumié avait été assassiné et les commandos de Foccart entraînèrent des opposants guinéens à développer un climat d’insécurité pour renverser Sékou Touré. Ils introduisirent aussi de gros paquets de faux billets pour déséquilibrer l’économie. Vive la France!
Mais Yongoyély n’a pas la puissance de de Baobab Circus. Cette bande de circassiens- femmes et hommes-sont virtuoses: acrobatie, tours humaines, voltige, sauts périlleux au sol, ou absolument stupéfiants sur une longue perche tenue par deux hommes. Dans un sorte de chorégraphie, sont ici repris des numéros de barre russe, de chambrière (long fouet qui claque utilisé par les dresseurs de chevaux non montés), mât chinois, portés acrobatiques, main à main, voltige, saut périlleux au-dessus de parpaings ou sur des perches. Brillantissime…Mais aussi des chants a cappella par les six femmes et danses traditionnelles. Tous ces numéros d’une rare qualité enthousiasment le public qui les a chaleureusement applaudis.
La mise en scène signée Yann Ecauvre, bien conventionnelle, n’est pas du bois dont on fait les perches ni les flûtes: jets de fumigène sans raison comme souvent dans le théâtre actuel, nombreuses répétitions de numéros, chants souvent criés, murs de parpaings dangereux, manque de rythme, scène vide par moments, mélange texte/cirque mal assumé: cela fait quand même beaucoup d’erreurs… qui pourraient être corrigées. Restent ces magnifiques interprètes…
Soleil et mistral samedi après-midi à la Friche de la Belle de mai, ancienne manufacture de tabac, accueillaient gratuitement-ceci explique aussi cela-une foule de spectateurs dont de nombreuses familles avec enfants. A l’extérieur, on retrouve Chloé Moglia qu’on a pu voir à Dijon (voir Le Théâtre du Blog) et entre autres, au festival Paris Quartier d’été. Cette danseuse, chorégraphe et acrobate dirige la compagnie Rhizome et a développé la suspension, un art, disons, d’acrobatie poétique, voire philosophique: elle évolue lentement pour évoquer la «conscience d’être mortel, mais la saveur d’être en vie aussi. »
« Ma pratique, dit-elle, plutôt que se fonder sur des figures spectaculaires dont je me cogne au demeurant, malgré un rapport indéniable au risque et au danger, englobe la pensée et la rêverie en portant une attention amoureuse au monde qui élève l’acuité. »
Féministe convaincue, elle n’apprend son art qu’à des femmes. Dans Rouge merveille qu’elle a créé cette année, Mélusine Lavinet-Drouet dans cette discipline circassienne maintenant reconnue. Cette artiste installe la structure mais fait semblant d’avoir du mal avec le mode d’emploi et prie une spectatrice de l’aider…
Elle a juste un sac qu’elle accroche puis se suspendra aux branches d’une sorte d’arbre. Et elle se met ensuite des ailes d’ange en métal. De belles images même s’il est parfois difficile de tout voir de cette performance à cause d’un très nombreux public. La rançon du théâtre de rue…
Il y avait aussi Soka Tira Osoa, un court mais beau spectacle avec une funambule sur une musique rock-jazz dans une scénographie bi-frontale. « Si tout part du sol, pourquoi ne pas imaginer une traversée qui partirait d’ici avec vous ? Et si nous tirions ensemble cette corde pour voir jusqu’où cela nous mène ? Soka Tira Osoa est un espace propice à la rencontre et à l’entraide. » Les artistes de la compagnie Basinga mettent tous les corps de métiers à cette même place d’artiste et cet exercice de funambule est aussi fondé sur notre fragilité et sur notre possibilité à les surmonter. » La funambule tombera mais remonte sur le fil avec un autre balancier…
Dans un espace à l’intérieur, trois acrobates espagnols -deux femmes et un homme-jouaient avec et sur des chaises. Mais vu l’affluence de plusieurs centaines de spectateurs, on ne réussissait qu’à les apercevoir, donc impossible de rien vous en dire…
Et il y a eu aussi au Mucem, la présentation d’une formidable exposition sur le cirque En piste ! Clowns, pitres et saltimbanques par Macha Makeieff et Vincent Giovannoni, conservateur en chef, responsable du pôle Arts du spectacle, commissaires dont nous vous reparlerons.
Philippe du Vignal
Jusqu’au 9 février à Marseille et dans toute la Région Sud. T. : 04 91 55 61 64.
La Scala, Paris (X ème) du 12 février au 2 mars. Scène de Bayssan, Béziers, ( Hérault), le 8 mars. Dieppe Scène nationale (Seine-Maritime) ,le 22 mars. Centre Culturel Jacques Prévert, Villeparisis (Seine-et-Marne), le 25 mars. Théâtre Le Reflet, Vevey (Suisse), le 30 mars.
Théâtre du Passage, Neuchâtel (Suisse) les 2 et 3 avril. Points Communs-Scène nationale de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise), les 5 et 6 avril. L’Avant-Seine, Théâtre de Colombes ( Hauts-de Seine) le 8 avril. Théâtre de Rungis (Val-de-Marne) le 10 avril.
Festival des sept Collines, Saint-Étienne (Loire) le 28 juin.