Grand Reporterre#6 : Système médiatique et politique de l’information

Grand Reporterre#6 : Système médiatique et politique de l’information

Angélique Clairand et Eric Massé, à la tête du Théâtre du Point du Jour, à Lyon, envisagent ce lieu comme une maison de création, avec un programme en prise sur l’actualité. Ces metteurs en scène tissent aussi des liens avec des compagnies locales, hexagonales ou étrangères pour des projets socialement engagés. Ils ont entamé, depuis leur arrivée, une série documentaire rassemblant deux fois l’an artistes et journalistes et nous avons suivi avec intérêt la plupart de leurs propositions (voir Le Théâtre du Blog)

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© M Davidovici

 Pour cette sixième édition, Aurélie Van Den Daele, metteuse en scène et directrice du Théâtre de l’Union à Limoges et l’auteur-interprète Sidney Ali Mehelleb se sont interrogés sur le journalisme d’investigation en ces temps de crise écologique, face aux grands médias détenus à 90 % en France par neuf milliardaires, selon un article de Basta ! et L’Information est un bien public, un essai de Julia Cagé, économiste et de Benoît Huet, avocat. Les intérêts économiques de l’agro-industrie ne sont pas toujours compatibles avec la liberté de la presse. Deux journalistes sont là pour en témoigner. Elles ont travaillé dix jours avec l’équipe artistique devenue le haut-parleur de leurs expériences. Morgan Large travaille sur l’agro-alimentaire en Bretagne et Hélène Servel sur l’exploitation de la main-d’œuvre agricole étrangère dans le Sud de la France et de l’Europe. Grand Reporterre#6 est né de la rencontre du  théâtre avec ces militantes engagées  souvent à leurs risques et périls.

Lauryne Lopes de Pina et Sidney Ali Mehelleb, sur scène avec elles, seront leurs porte-parole et se font bateleurs pour une déambulation en trois temps du public en plusieurs lieux du théâtre. Répartis en deux groupes : Beurre salé pour la Bretagne et Huile d’olive pour la Provence, les spectateurs suivront les démêlés de ces journalistes d’investigation avec les pouvoirs en place.

Theatre du point du jour

Hélène Servel © Bertrand Gaudillère

Dans les Alpilles, Hélène Servel a enquêté sur la mort d’un ouvrier agricole: «Elio Maldonado Granda s’est écroulé de soif au milieu en plein cagnard.» Un arbre qui cache la forêt d’un vaste trafic d’êtres humains, notamment par l’entreprise d’intérim espagnole Terra Fecundis,. Pour la deuxième fois en moins d’un an, la justice pénale l’a sanctionnée dans une affaire de fraude au travail détaché. En 2022 le tribunal correctionnel de Nîmes lui a infligé une amende de 375.000 euros pour travail dissimulé et emploi d’étrangers sans titre. Elle a aussi été frappée d’une interdiction d’exercer sur le sol français, mais apparemment continue d’exercerEn 2021, elle avait déjà été condamnée par le tribunal judiciaire de Marseille pour «exécution de travail dissimulé et marchandage de main-d’œuvre illégale“ . Sont aussi mises en cause les conditions de travail et d’hébergement de ces étrangers par un gros exploitant de fruits et légumes de la région. Le compte rendu d’Hélène Servel dans un article paru dans la revue Panthère Première, est lu, pour partie par Sidney Ali Mehelleb tandis qu’elle joue une Suite de Bach au violoncelle, instrument qu’elle a repris à l’occasion de ce spectacle. On voit aussi sur écran la publicité mensongère de Terra Fecundis publiée sur Internet qui promettait aux travailleurs un séjour d’agrément…

Theatre du point du jour

Morgane Large © Bertrand Gaudillère

 Ailleurs dans le théâtre: destination les Côtes-d’Armor avec ses élevages intensifs de porcs (« Deux fois plus de cochons que d’habitants ») et ses algues vertes : «ça pue la mort»! A Radio Kreiz Breizh, une station locale bilingue français et breton, Morgan Large dans son émission La Petite Lanterne, a enquêté sur la mort d’un chauffeur routier. « Il ne fallait pas, dit sa femme, qu’on sache que les algues vertes étaient tueuses.» La journaliste rend aussi compte d’autres accidents dus à «cette marée verte provenant de déjections animales». Et elle fait écho aux luttes du collectif Bretagne contre les fermes-usines. « Mais dit le maire d’une commune rurale, les agriculteurs ont fait d’énormes progrès.»

Au terme de ces voyages au Sud et à l’Ouest, les deux groupes de spectateurs se rassemblent pour retrouver les journalistes  s’interviewant mutuellement sur leur métier, leur condition de pigistes touchant à peine le smic et la peur permanente les habite après intimidations, harcèlements, représailles… Morgane Large, fille d’agriculteurs, elle-même diplômée d’agriculture, enquête sur la collusion entre des industriels et certains exploitants qui sont aussi souvent des élus locaux… Après sa participation au Journal breton, une série radiophonique d’Inès Léraud, diffusée dans Les Pieds sur terre sur France-Culture et à Bretagne terre sacrifiée, un documentaire de France 5, la jeune femme a reçu des menaces et les roues de sa voiture ont été déboulonnées! En 2020, elle a donc fondé avec plusieurs autres journalistes Splann! un magazine bilingue d’enquêtes en ligne, inspiré de Disclose, un autre magazine en ligne.
Hélène Servel, elle aussi, du fait de son engagement, a eu une dépression mais elle continue à se battre avec sa plume et prépare une bande dessinée pour la Revue Dessinée chez Médiapart où elle publie aussi des articles comme dans Le Monde diplomatique. On peut entendre ses podcasts sur plusieurs plateformes en ligne.

Ces lanceuses d’alerte n’ont pas fini de nous étonner et Aurélie Van Den Daele a trouvé la juste place pour mettre en valeur leurs paroles, avec naturel et sans les « héroïser. » : « Comment apporter ces matériaux au théâtre en ne les transformant pas? Elles ont plongé sur scène, l’une avec son violoncelle, et l’autre avec son micro.», commente la metteuse en scène.

Le texte, parfois slamé, apporte distance et humour à ces aventures humaines. «Plutôt que de fulminer contre les ténèbres, mieux vaut allumer une petite lanterne», dit un proverbe chinois. Il a inspiré à Morgane Large le titre de son émission sur Radio Kreiz Breizh. Théâtre et journalisme sont ici nos veilleuses…

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 23 février au Théâtre du Point du jour, 7 rue des Aqueducs, Lyon (Vème). T. : 04 78 25 27 59.


Archives pour la catégorie critique

Onironauta, chorégraphie de Tânia Carvalho

Onironauta, chorégraphie de Tânia Carvalho

 © Rui Palma

© Rui Palma

 Les cheveux tombant sur d’une robe du soir rouge et blanc, un.e pianiste joue de dos. Image insolite sur ce plateau nu, plongé dans la pénombre. Un concert interrompu par l’entrée de Tânia Carvalho: en tenue similaire, elle s’installe à un second piano, face à la belle inconnue: Andriucha, un barbu travesti, comme on le découvrira au cours de la pièce. Dans cette ambiance crépusculaire, surgissent sept interprètes aux allures et costumes androgynes: hommes en jupe et femmes à moustaches…

La chorégraphe portugaise nous entraîne au pays des rêveurs éveillés et ses onironautes règleront leurs mouvements sur les compositions tantôt langoureuses, tantôt débridées de Frédéric Chopin et de Tânia Carvalho. Les interprètes aux physiques contrastés et aux styles hétéroclites forment une tribu disparate, comme tombée de la lune: ils s’accordent et se désaccordant, mêlent figures classiques et expressionnistes. Les mouvements d’ensemble, souvent fluides, se brisent tout à coup en danse de Saint-Guy, sous les saccades des pianos. Quand la musique s’arrête, les danseurs s’immobilisent ou utilisent ces moments de liberté pour des échauffements individuels…

Séquence après séquence, on s’enfonce dans un univers déglingué et discrépant mais toujours bien structuré. La chorégraphie alterne ambiances lunaires et échappées comiques, comme la scène où chacun cherche à enfiler son costume sans y parvenir… ou s’essaye à des arabesques compliquées… Des images d’une grande beauté qui seront ensuite détruites par des éléments kitsch. Un mélange étonnant et détonnant.

Tânia Carvalho a aussi réalisé plusieurs spectacles en dehors du Portugal où elle vit, notamment à Lyon,  Xylographie pour le Ballet de l’Opéra en 2016 et One of Four Periods in time  et à Marseille pour le Ballet national (La) Horde en 2021. Egalement pianiste et chanteuse, elle développe des projets musicaux.Ici, nous avons apprécié la puissance vocale de ses interventions chantées.

Appuyés par les pianistes, les onironautes entrent avec bonne humeur dans la danse, entre cauchemars et fantasmagories burlesques. On se laisse porter, à travers la trame complexe des séquences, par l’énergie de cette rêverie tonique.

 Mireille Davidovici

Spectacle vu le 18 Février, dans le cadre de Faits d’Hiver 2023 au festival Everybody, Carreau du Temple, 4 rue Eugène Spuller, Paris (III ème). T. : 01 83 81 93 30.

Sibyl, conception et mise en scène de William Kentridge, musique de Nhlanhla Mahlangu et Kyle Shepherd

Sibyl, conception et mise en scène de William Kentridge, musique de Nhlanhla Mahlangu et Kyle Shepherd

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Waiting for the Sibyl © Stella Olivier

 Cet artiste sud-africain de soixante-sept ans né à Johannesburg, a toujours dénoncé le régime de l’apartheid dans ses peintures, sculptures, tapisseries, films d‘animation, pièces de théâtre. Un univers plastique en mouvement convoqué ici pour une soirée intense en deux volets, où visuel et musical se répondent:  un ciné-concert The Moment Has Gone et un opéra de chambre Waiting for the Sibyl. Ponctué de citations colorées et cinétiques venues de Work in Progress (1968), un opéra d’Alexander Calder. Dans Sibyl, à côté de l’optimisme du sculpteur américain, on retrouve le graphisme en noir et blanc de William Kentridge . Ce créateur presque inconnu en France est pourtant programmé dans les grands musées, opéras, et théâtres européens. Mais on a avait pu voir de lui Wozzeck d’Alban Berg à l’Opéra de Paris,  l’an passé.

Des pages arrachées à un livre de comptes, de vieilles enveloppes et lettres tapissent le rideau de scène fermé, images que l’on retrouve en fond dans les séquences de The Moment Has Gone avec de vertigineuses superpositions de plans. Sur scène, pour accompagner ce film muet, le compositeur Kyle Shepherd au piano et un chœur d’hommes sud-africains dirigé par Nhlanhla Mahlangu. Des voix prenantes de toute tessiture sur les variations en si bémol de plusieurs styles musicaux. Pour les paroles, les chanteurs, ont choisi des phrases et les ont traduites en hausa, zulu, tsawna ou venda… Une polyphonie mouvante, sur les ambiances de The Moment Has Gone où l’on voit William Kentridge à l’oeuvre, se filmant en train de filmer ce qu’il trace au fusain, estompe, efface…  « J’ai commencé à filmer mes dessins pour enregistrer leurs histoires, dit-il, le film retient chaque moment, me permet de suivre son avancée, ses transformations. » 

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The Moment Has Gone © Stella Olivier_

Il part d’un dessin unique qu’il modifie, contrairement à la technique traditionnelle d’animation image par image. «Si bien qu’il y a peut-être une vingtaine de dessins dans mes films: c’est plus du dessin que du cinéma, même si mon dessin est gris, décomposé, et raturé.»(…) «Filmer révèle l’histoire de ces changements et chaque gommage laisse comme une bavure d’escargot de ce qui a été. » On voit naître et disparaître paysages, personnages, tableaux dans un musée… Mis en abyme, ces mêmes paysages, personnages, tableaux s’animent et, un homme, pique à la main, taille la roche au fond d’une mine. Et, quand tout sera effacé, ne restera plus qu’une fosse dans un désert bouleversé, peuplé d’arbres secs où volètent des corbeaux…. Les feuilles mortes deviennent pages volantes où l’on peut lire des formules sibyllines récurrentes que l’on reverra dans Waiting for the Sibyl, réalisé en même temps que The Moment Has Gone.  Sur ces visions cafardeuses apparaissent des découpes de carton rouge, et de petits mobiles se mettent à tourner, comme les cercles et les objets, sur le plateau, dans la deuxième partie, hommage à Alexandre Calder. 

Waiting for the Sibyl, pièce pour neuf chanteurs et danseurs, comporte six courtes scènes et cinq intermèdes avec projection de dessins animés sur le rideau de scène: et toujours cet impressionnant graphisme, en noir et blanc, naissant et évanescent, Chaque scène de l’opéra est un tableau vivant où se répètent, en musique, les gestuelles mécaniques des interprètes. Figures tournantes ou immobiles sur des objets giratoires, ils scandent de leurs chants, la danse fluide de Thandazile Sonia Radebe. Dans les décors style industriel de Sabine Theunissen, objets et artistes projettent leurs ombres sur une toile de fond peinte où s’insèrent les courtes sentences de la Sibylle, fil rouge du spectacle.

Pour  William Kentridge : «On allait voir la Sibylle avec une question écrite que l’on déposait à l’entrée de sa grotte. Elle répondait par écrit, mais le vent faisait tourbillonner les feuilles, si bien que vous ne saviez jamais si la feuille que vous aviez récoltée, était la vôtre ou celle d’un autre… Dante à la fin de Paradis imagine que toutes ces feuilles sont rassemblées dans un livre unique. » Les mots et phrases apparaissent, s’amoncellent et s’effacent : proverbes africains, fragments de poèmes, injonctions, prédictions… « L’hiver viendra à onze heures du matin », « Je suis un arbre sous l’ombre d’un arbre », « Le cul parle une langue étrangère », « La machine ne danse par le charleston » «À quelle fin ?»…

Ces sentences éparses constituent le livret de cet opéra cinétique, comme un immense collage, où l’humanité, comme l’arbre, pleure ses feuilles (et ses feuillets  de papier noircis) …dans un monde qui vacille.

« J’ai suivi, dit William Kentridge, toute ma scolarité dans une société anormale où il se passait des choses monstrueuses. » Son œuvre est imprégnée de cette expérience mais, comme le mineur de la première partie, il continue, obstiné, à creuser son filon: dénoncer l’injustice encore et toujours. L’art, ici, est un efficace moteur poétique et politique. Fascinés par les images, corps et voix, plus que par la partition musicale, les spectateurs ont réservé aux artistes un chaleureux accueil. Vivement d’autres œuvres de cet étonnant créateur…

Mireille Davidovici

Spectacle joué, dans le cadre des saisons du Théâtre du Châtelet et du Théâtre de la Ville hors-les- murs.du 11 au 15 février, au Théâtre du Châtelet, Paris (I er). T. : 01 40 28 28 28.  

 

La Famille s’agrandit, de et par Marie Desgranges et Marie Dompnier

La Famille s’agrandit, de et par Marie Desgranges et Marie Dompnier

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©Bohumil-Kostorhryz

Quid de la famille à l’heure du mariage pour tous, de l’A.M.P. (assistance médicale à la procréation) et  de la G.P.A. (gestation pour autrui) ?  Ces actrices aguerries, qu’on a souvent vues au théâtre et au cinéma,  s’amusent à partager avec nous, pendant une petite heure, ces questions dans l’air du temps mais souvent sujets à controverse…

Ici, aucun tabou,  Josie, mère homosexuelle (Marie Dompnier) témoigne de son combat pour faire un enfant avec sa femme.  Marie (Marie Desgranges), mère hétérosexuelle d’une tribu recomposée qui a grandi dans les conflits et a vécu des séparations successives, s’inquiète de reproduire le  «modèle toxique » d’une famille classique. Elle a eu six enfants avec des pères différents…

En dialogue permanent, Josie et Marie retracent les épisodes de leurs parcours croisés et jouent aussi alternativement les personnages cocasses qui ont jalonné leurs routes respectives : une tante homosexuelle féministe historique, un médecin bourru, un ami qui refuse de donner son sperme, un praticien de l’A.M.P. en Belgique puisque cette intervention ainsi que le F.I.V. (fécondation in vitro) est illégale en France pour les couples homo-parentaux…  Il leur suffit de moduler leur voix pour les recréer. Avec une moustache pour figurer la gent masculine, des lunettes pour faire entendre Françoise Héritier interviewée dans sa cuisine…. Cette anthropologue jettera une lumière consensuelle sur leurs questionnements en dédramatisant les polémiques actuelles à propos du sexe et du genre… Il y a aussi des moments musicaux; dont une berceuse, particulièrement tendre: Marie Desgranges a été la chanteuse du groupe Marie et les Machines et a écrit des chansons, notamment pour Dans la forêt lointaine de Gérard Watkins.

Les paroles décomplexées de ces deux Marie sont bonnes à entendre mais une écriture à l’emporte-pièce laisse à désirer et quelques lourdeurs de jeu gâchent la légèreté de La Famille s’agrandit . Conçue pour être jouée partout, le spectacle  qui  s’inscrirait dans la lignée du café-théâtre, tient par le jeu engagé de ses autrices et interprètes  et grâce à leur rapport direct avec le public.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 27 février, Théâtre de Belleville 16 passage Piver, Paris (XI ème) T. : 01 48 06 72 34.

Du 8 au 27 juillet, Le Train Bleu, Avignon.

Le Moment psychologique de Nicolas Doutey, mise en scène d’Alain Françon

Le Moment psychologique de Nicolas Doutey, mise en scène d’Alain Françon

 Rien de psychologique ou philosophique dans ce texte pour six acteurs qu’on pourrait qualifier d’atmosphérique, voire de… stratosphérique, tant il baigne dans le flou. Avec, selon l’auteur,  » la question du politique, plutôt sans doute du côté de l’utopie». Paul a donné rendez-vous chez lui à son ami Pierre quand un autre rendez-vous inattendu s’interpose, alors qu’ils en sont encore à échanger d’interminables politesses. Paul est pressenti par un groupe d’individus pour un projet totalement flou dont il va être question  près d’une heure et demi durant . Ces gens se disent intéressés par la manière dont Paul fait les choses. Mais on ne saura jamais ce qu’il fait au juste. Et le voilà embarqué, avec son ami comme témoin, dans une organisation mondiale pour «réformer la portée et l’endroit du politique, c’est à dire la vie collective » et «changer de climat».

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© Christophe Raynaud de Lage

 «Le point de départ du Moment psychologique, dit Nicolas Doutey, est non pas de raconter une histoire, mais de proposer une expérience (…) au niveau du spectateur assis à regarder et à écouter des gens qui agissent et parlent. »

Alain Françon et son équipe se sont emparés de cette pièce énigmatique dans un dispositif scénique minimal et modulable délimitant l’espace de chaque scène. Louis Albertosi, Pauline Belle, Rodolphe Congé, Pierre-Félix Gravière, Dominique Valadié et Claire Wauthion réussissent à capter notre attention et à nous faire sourire de cette situation étrange, entre Franz Kafka et Nathalie Sarraute. Ils nous adressent ce flot verbal en direct, sans “composer“.

Le metteur en scène nous livre, de manière simple et brute, ce texte insaisissable: la dramaturgie progresse et change de direction inopinément… Ce Moment psychologique nous cueille au présent de l’écriture avec jeux sur le langage administratif, langue de bois des politiques, dérapages et fausses pistes… Reste au public à admettre le caractère expérimental de ce travail minutieux et à se laisser porter…

 Mireille Davidovici

 Jusqu’au 18 février, Théâtre Ouvert, 159 avenue Gambetta, Paris ( XX ème). T. : 01 42 55 74 40.

La pièce est publiée par Théâtre Ouvert/Tapuscrit.

Dan Da Dan Dog de Ramus Lindberg, traduction de Marianne Ségol-Samo et Karin Serres, mise en scène de Pascale Daniel-Lacombe

Dan Da Dan Dog de Ramus Lindberg, traduction de Marianne Ségol-Samo et Karin Serres, mise en scène de Pascale Daniel-Lacombe

Dans un espace nu, quelques meubles et accessoires sur des praticables, dont au début une toute petite-tombe avec une croix en bois et de grosses bougies et à jardin, un grand fauteuil à une place et demi qui tourne sur lui-même embarquant dans sa course Edith et Le Grand père d’âge mûr.
Et des rails très visibles pour faire glisser du fond à l’avant-scène des éléments de décor et à la fin, une passerelle. Une remarquable scénographie de Philippe Casaban et Eric Charbeau en parfait accord avec le texte. Dans la pénombre tous les personnages sont là, en rang et face public, les grand-parents, Amanda leur petite-fille, Kenny, son petit ami, Herbert, le médecin d’Edith, Le Papa pasteur, Sofia et, un chien Sunny figuré par une balai à essorer.
Bagarre entre les jeunes gens, une balle tue le chien d’Herbert qu’il a sur ses genoux. Arrive un cancer, mais le médecin ne croit pas en grand chose, un prêtre est paumé et une jeune femme voudrait bien savoir où elle est dans un monde où personne ne semble être à sa juste place. Très vite aura eu lieu l’enterrement du Grand-Père avec une oraison funèbre dite par le Papa Pasteur: « Mm, Johan Ersmark était un homme très apprécié de tous. Aimé de sa femme Edith, aimé de son enfant, un grand-père aimant pour Amanda. Mm. Aujourd’hui, nous nous rassemblons en ce lieu pour nous souvenir ensembleNous nous souvenons de lui en tant que trésorier de l’association des retraités. Mm. Mais aussi en tant qu’entraîneur de l’équipe de football des poussins. Mm. Et comme de quelqu’un de toujours prêt à rendre service… Mm. Un homme exemplaire. Notre tristesse est grande. (…) Et il conclut assez vite: Nous terminerons par le chant n° 214 :La Parole des cieux. Merci d’être venus si nombreux aujourd’hui. Je sais que beaucoup d’entre vous viennent de loin. Occupez-vous les uns les autres, partagez votre tristesse et n’oubliez pas que la vie continue. Il faut que je rentre chez moi. «

Ce n’est pas une pièce facile  et il ya une valse à trois temps entre le passé, le futur, et un pauvre présent qui ne semble ne plus très bien savoir quel place il peut encore occuper. .. Bousculade de sentiments et d’événements avec un chien au centre de l’action. Bref, il y a du noir et au public de faire avec mais, comme la machine fonctionne, il fait avec cet ovni qui ne peut laisser indifférent malgré quelques petites longueurs. Et comme Pascale Daniel-Lacombe dirige avec une grande précision Mathilde ViseuxElsa MoulineauMathilde PanisÉtienne KimesLudovic ShoendoerfferJean-Baptiste Szezot et Étienne Bories, il faut simplement accepter de se laisser porter. C’est toujours un plaisir de découvrir un auteur étranger et la mélancolie fait aussi partie de l’ art de vivre. « Tu sais ce que c’est la mélancolie? disait Christian Bobin, récemment disparu, Tu as déjà vu une éclipse ? Eh! bien, c’est ça : la lune qui se glisse devant le cœur, et le cœur qui ne donne plus sa lumière. »

Philippe du Vignal

Spectacle joué vu le 25 et les 26 janvier au Centre d’Animation de Beaulieu, Poitiers.

Le texte de la pièce, adapté de Le Mardi où Morty est Mort, est publié aux éditions Espaces 34.

Du 6 au 9 mars 2024, Théâtre de L’Union -C.D.N. de Limoges ( Haute-Vienne).
Du 13 au 16 mars 2024 ,Le Préau C.D.N. de Vire ( Calvados).

 

 

 

Familie

Familie, mise en scène de Milo Rau (en néerlandais surtitré)
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© Michel-devijve

Depuis la naissance du théâtre, la famille est le lieu privilégié de la tragédie et, pour ce premier volet de sa Trilogie de la vie privée, le metteur en scène et directeur du Théâtre national de Gand a reconstitué «un crime de famille », selon lui fréquent, en Belgique.  Avec ici à Calais en 2007, le suicide collectif d’une famille apparemment banale : les Demeester. Ici, rien de sanglant ni de violent comme dans Five Easy Pieces, une pièce sur l’affaire du tueur pédophile Marc Dutroux qu’il avait créée en 2016. À Calais, les parents et leurs deux filles se sont pendus ensemble et en toute sérénité, semble-t-il.

Milo Rau examine ce geste inexplicable à la loupe, à travers une autre famille ordinaire: Filip Peeters et son épouse, An Miller et leurs deux filles. Les parents- qui sont acteurs- et Léonce, l’aînée, Louisa, la cadette, se glissent dans la peau de ces suicidés, tout en s’inspirant de leur propre quotidien. Une maison en coupe sur toute l’ouverture de scène : derrière une grande baie vitrée, la cuisine et la salle de bains en premier plan et, au fond, chambres, salon, et salle à manger.
Au loin, on entend la mer, le vent, et les oiseaux. Dans cet antre naturaliste, encombré d’objets, certaines scènes, jouées à l’intérieur, ne sont visibles que sur écran, par le truchement d’une caméra. An fait le ménage ou prend une douche, les filles révisent une leçon d’anglais, et Filip prépare le dîner. Même menu, odeurs de cuisine comprises, que chez les Demeester, avant le drame rapporté par l’enquête. Ce dernier repas des plus banals, avec une conversation à bâtons rompus, ne laisse en rien deviner la suite tragique, si elle n’avait été annoncée d’avance. 

Milo Rau, qui a étudié l’anthropologie auprès de Pierre Bourdieu, explore quelles fractures, dans une famille de la classe moyenne occidentale, peuvent mener à cette issue fatale. «Discrète, soudée et sans problèmes apparents, rapporte la presse locale. À Coulogne, une petite ville de 6. 000 habitants, personne ne comprend le geste de ceux qui ont été retrouvés pendus, jeudi soir, sous la véranda de leur domicile. »Seul indice : une lettre laissée par les Demeester : «On a trop déconné, pardon. »
De quoi se sentaient-il coupables?
Chez les Peeters-Miller, en revanche, tout va bien mais la fille aînée qui a parfois envisagé le suicide à des moments de dépression, nous lit des extraits de son journal intime, à l’avant-scène, en gros plan sur un écran qui relaie aussi les infimes faits et gestes de la famille, et le titre des séquences qui rythment la pièce : Tuer le Temps, Le Dîner en famille, Le dernier Déménagement…
En reconstituant par le menu la scène de crime, Milo Rau joue sur des effets de miroir entre deux réalités familiales : « Il n’y a pas de fiction, précise-t-il, tout est vrai dans ce que les acteurs racontent sur leur propre vie. » Et tout est vrai aussi dans la narration de ce fait-divers : «Nous avons interrogé la police, dit-il, les journalistes, les voisins, la famille. (…)Et les acteurs sont allés sur les traces des Demeester à Calais. Nous en voyons des images dans la pièce. » Il applique ici l’art de la mimésis qu’il prône dans son essai ,Vers un réalisme global, c’est à dire « l’imitation du réel jusque dans les moindres gestes ». 
Bien qu’interpellés par l’histoire tragique de ces pendus et en attendant qu’elle soit élucidée, nous sommes tenus à distance par l’artifice de sa représentation… Une équation troublante, que démultiplie une abondante vidéo, parfois trop systématique. Ce naturalisme au carré produit à la longue, une saturation et le repas d’adieu, en forme de cérémoniel macabre, traîne en longueur. Nous avons eu du mal à vibrer avec ces personnages qui, face à la mort, nous interrogent sur notre attachement à la vie, au sens où Pierre Bourdieu l’entend : « Voué à la mort, cette fin qui ne peut être prise pour fin, l’homme est un être sans raison d’être. La société dispense les justifications et les raisons d’exister. » Reste à chacun à trouver sa place dans cette démarche originale et ce travail méticuleux qui tranchent avec les habituels spectacles documentaires. 
Mireille Davidovici

Du 10 au 12 février; et du 17 au 19 février (en alternance avec Grief and Beauty), Théâtre de la Colline, 15 rue Malte-Brun, Paris (XX ème). T. 01 44 62 52 52

Et si tu danses,texte de Mariette Navarro, chorégraphie de Marion Lévy (à partir de quatre ans)

Et si tu dansestexte de Mariette Navarro, chorégraphie de Marion Lévy (à partir de quatre ans)

 C’est la première fois que la chorégraphe crée une pièce pour de très jeunes spectateurs et elle a imaginé avec l’autrice un spectacle interactif : une invitation à danser…Un promeneur entre lentement et se délestant de ses godillots et de son sac à dos, va ramasser des cailloux qui jonchent le plateau. Il est ramasseur de pierres, dit-il, et son histoire a commencé ici. Il s’appelle Poucet et explique comment ces cailloux l’ont aidé à traverser son enfance. Il s’adresse directement aux enfants : comme eux, quand il était petit, il lui est arrivé de se perdre dans un supermarché ou de se couronner les genoux en tombant de vélo… Autant de petits bobos ou chagrins qui ont laissé des cicatrices en souvenir et les très jeunes spectateurs sont invités à s’y reconnaître.

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© Julie Mouton

Le danseur leur demande par exemple de se souvenir de leurs peurs, d’en parler, ou les incite à imiter sa gestuelle ou à lui montrer un mouvement qu’il intègrera à la chorégraphie …. «J’ai grandi encore./ Je suis devenu plus grand que mes parents,/ Le vent n’arrivait plus à me soulever/ Mais il avait encore envie de jouer avec moi. /Il m’a appris la Danse des sept lieues./Comment c’était ?/ Comment il fait déjà le vent ? / Tu peux m’aider ?»

Pour écrire ce solo, Mariette Navarro s’est inspirée des anecdotes d’enfance racontées par le danseur Stanislas Siwiorek. L’histoire du Petit Poucet court en filigrane mais ici, pas de parents « abandonneurs », ni d’ogre… Juste de minuscules dangers à affronter et Poucet ne ramasse des pierres que pour aider les autres à retrouver le chemin de leurs réminiscences. «C’était toujours la même histoire avec moi : toujours je me perdais, toujours je me retrouvais. Un coup de vent : perdu. Un deuxième coup de vent : retrouvé. »
Au fil du texte, un peu trop abondant par rapport aux moments dansés, Stanislas Siwiorek nous offre un solo léger  et il s’envole comme plume au vent, tout à son bonheur de bouger et partager son histoire et ses sensations…

Marion Lévy est, entre autres, directrice du Rebond, un lieu de création artistique à Pommerit-le-Vicomte (Côtes-d’Armor). Depuis quelques années, elle mène un travail régulier avec Mariette Navarro, pour réaliser des spectacles qui mêlent danse et texte. Et si tu danses créé au festival Odyssées en Yvelines, est une petite forme à jouer partout, sans lumière ni décor. La présence des enfants suffit à faire advenir la pièce: « Vous êtes une jolie forêt de visages, leur dit Stanislas Siwiorek. C’est plus joli avec vous, ici. Je suis content que tu sois là, petite forêt d’enfants. Tu es comme une forêt d’arbres, en mieux. » Et la petite forêt de bouger avec lui, mue par ce désir spontané de courir et danser propre à l’enfance et que bien des adultes semblent avoir oublier.

 Mireille Davidovici

Du 25 au 29 janvier, Théâtre de la Ville-Espace Cardin, 1 avenue Gabriel, Paris (VIII ème). T. 01 42 74 22 77.

Du 8 au 10 février, Festival Nijinskid, Saint-Herblain et en Loire-Atlantique ;  du 14 au 17 février, L’Orange bleue, Eaubonne (Val-d’Oise) ; du 20 février au 4 mars, Côté Cour, Besançon (Doubs) et dans la région.

Du 13 au 17 mars, L’Empreinte, Brive (Corrèze) ;  du 20 au 24 mars, La Passerelle, Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor) ; les 24 et 25 mars, Centre Houdremont, La Courneuve (Seine-Saint-Denis) ; du 29 au 31 mars, Théâtre de Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne). 

Du 3 au 5 avril, Le Totem, Avignon (Vaucluse); du 12 au 15 avril, Opéra de Paris (Paris XII ème)) ; du 17 au 20 avril, Théâtre-Sénart, Lieusaint (Seine-et-Marne) ; du 24 au 28 avril, Le Moulin du Roc, Niort (Deux-Sèvres).

Du 2 au 5 mai, Paimpol, Programmation du Théâtre du Champ au Roy, Guingamp (Côtes-d’Armor) ; du 9 au 12 mai, La Passerelle, Saint-Brieuc et du 16 au 17 mai, Théâtre du Champ au Roy, Guingamp (Côtes- d’Armor) ; du 23 au 27 mai ,Très tôt théâtre, Quimper (Finistère)

Perfetti sconosciuti (Parfaits inconnus) de Paolo Genoveze, traduction d’Eléonore Meléti, mise en scène de Petros Lagoutis et Giorgos Pyrpassopoulos

Le premier article de l’année 2023 et le 7.902 ème du Théâtre du Blog. Bonne année théâtrale à Nektarios-Georgios Konstantinidis, notre correspondant grec et merci pour leur fidélité à tous nos lecteurs en Grèce mais aussi  à l’étranger et en France…

Ph. du V.

Perfetti sconosciuti (Parfaits inconnus) de Paolo Genoveze, traduction d’Eléonore Meléti, mise en scène de Petros Lagoutis et Giorgos Pyrpassopoulos

©Katerina Misixroni

©Katerina Misixroni

Le film, une comédie dramatique du réalisateur et scénariste italien ( 2016) a fait l’objet de dix-huit «remakes» en Espagne, Chine, Japon, Allemagne, Turquie, etc. et en Grèce sous le titre Teloioi xenoi de Thodoris Atheridis (2016) et peu après  Le Jeu du Français Fred Cavayé. À l’occasion d’une éclipse de lune à Rome qu’ils vont observer depuis la terrasse de leur appartement, Eva et Rocco reçoivent à dîner leurs amis de toujours: Bianca et Cosimo, Carlotta et Lele, et Peppe qui lui, a divorcé et qui va leur présenter son amie. Mais il arrive seul, au prétexte qu’elle est souffrante.

À l’apéritif, on évoque un couple d’amis qui s’est récemment séparé à la suite d’une tromperie découverte grâce à un texto. Ils voient que les portables sont devenus autant de «boîtes noires » et se demandent alors combien de couples se sépareraient si chacun avait accès à celui de l’autre. Eva propose, malgré la gêne perceptible de certains de ses amis, de jouer au jeu de la vérité, le temps de la soirée: chacun posera son téléphone sur la table et toute conversation, message ou appel reçu sera lu et/ou écouté par tous. Le jeu commence innocemment et le côté festif et amical est un temps préservé, puis malentendus et imprévus vont tout bouleverser. L’intimité de ces personnages est révélée, malgré eux ou avouée avec soulagement et surgissent alors des secrets bien enfouis… Jusqu’au désastre final où couples et amitiés seront détruits.

Petros Lagoutis et Giorgos Pyrpassopoulos soulignent dans leur mise en scène, l’addiction actuelle au portable avec envoie de textos, photos ou messages. Le décor et les costumes, de belles lumières et un rythme soutenu aident à créer le comique et ces fameux acteurs grecs jouent brillamment ce spectacle, à la fois brillant, amer et cynique. Le public rit mais est aussi ému… et parfois dégoûté. Une comédie pour les familles mais qui nous fait aussi réfléchir sur la complexité des relations humaines et la fidélité conjugale!

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Théâtre Athina, 10 rue Derigni, Athènes. T. : 0030210 8237330

Jamais plus, (Quand la jeunesse allemande se soulève, hommage à la Rose blanche), texte et mise en scène de Geoffrey Lopez

Jamais plus, (Quand la jeunesse allemande se soulève, hommage à la Rose blanche), texte et mise en scène de Geoffrey Lopez

 

Comme l’indique le sous-titre, ce monologue, interprété par Antoine Fichaux, raconte le destin tragique d’étudiants allemands entrés clandestinement en résistance contre le régime nazi. Leur organisation, La Rose blanche, fondée au printemps 1942 à Münich par Hans Scholl et Alexander Schmorell, refuse la dictature du III ème Reich et la guerre. Ils impriment des tracts qu’ils distribuent dans

© Léo Paget

© Léo Paget

plusieurs villes pour réveiller les consciences et alerter des crimes commis par les nazis : «Depuis la mainmise sur la Pologne, trois cent mille Juifs de ce pays ont été abattus comme des bêtes. C’est là, le crime le plus abominable perpétré contre la dignité humaine, et aucun autre dans l’Histoire ne saurait lui être comparé.» Ces étudiants seront presque tous arrêtés et, après des procès-éclairs, assassinés en 1943,

 Geoffrey Lopez, pour raconter cette histoire peu connue, introduit un personnage fictif, Franz Weissenrabe, condamné à mort dont on va suivre l’itinéraire jusqu’à la prison de Münich. Le jeune homme, la veille de son exécution, écrit à sa mère pour lui dire sa fierté d’avoir rompu avec les jeunesses hitlériennes et être entré en résistance. Il explique comment il a été séduit, enfant, par la nazisme, puis ce qui l’a amené à rejoindre un groupe d’étudiants antifascistes dont Hans et Sophie Scholl. Il relate leurs actions, le contenu des tracts qu’ils ont distribués aux quatre coins du pays, puis leur arrestation et le procès que présida Roland Freisler, juriste soumis au III ème Reich, venu spécialement de Berlin.

L’auteur,  dont c’est la troisième pièce, s’appuie sur des documents historiques et nous fait revivre, une heure durant, la brève existence de Franz. Antoine Fichaux incarne tout d’abord un adolescent convaincu de sauver l’Allemagne en suivant Hitler, son dieu. L’acteur se glisse dans la peau d’un garçon facilement endoctriné par ses professeurs et qui ira jusqu’à dénoncer son père… La prise de conscience est brutale et voilà le jeune homme luttant pour un autre idéal.

On le voit partir à contrecœur sur le front de l’Est et, quand il revient de Stalingrad, encore plus convaincu de la légitimité de ses actions. L’acteur se coule dans son personnage et, jusqu’au bout, grâce à l’écriture quasi-documentaire de Geoffrey Lopez, nous pouvons croire que ce Franz Weissenrabe fait partie de l’Histoire allemande, au même titre que Hans et Sophie Scholl, ses modèles. L’auteur lui prête les propos de Hans Scholl, adressés à ses geôliers: « Dans quelque temps, c’est vous qui serez à notre place. »

Nous assistons avec lui au procès et à la condamnation des membres de la Rose blanche pour «haute trahison et connivence avec l’ennemi, incitation à la haute trahison, atteinte à l’effort de défense». La mise en scène, très sobre, est fondée sur le texte et le jeu de l’acteur: Avec quelques accessoires, et un jeux de lumières, elle convoque les fantômes de ces résistants trop vite oubliés de ce côté-ci du Rhin. Un témoignage émouvant à la mémoire de ceux qui ont payé de leur vie, le courage de dire: non!

Au total,  seize membres du réseau furent exécutés ou déportés. Il faut entendre leur message : « Prouvez par l’action que vous pensez autrement ! Déchirez le manteau d’indifférence dont vous avez recouvert votre cœur! Décidez-vous avant qu’il ne soit trop tard.» Une parole universelle qui résonne dans cette petite salle, ouverte depuis 2007 dans le  grenier du Théâtre des Variétés.

 Mireille Davidovici

 Jusqu’au 26 mars, du jeudi au dimanche, Petit Théâtre de Variétés, 7 boulevard Montmartre, Paris (II ème). T. : 01 42 33 09

 

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