Poste Restante, Escales sur la ligne création et réalisation de Cécile Léna

Poste Restante, Escales sur la ligne création et réalisation de Cécile Léna

 «J’ai gardé de l’enfance le souvenir d’un père, astrophysicien, en perpétuel déplacement, le regard tourné vers les étoiles. Je me revois guettant avec impatience l’atterrissage de son 707 derrière les baies vitrées d’Orly, l’arrivée de sa Caravelle-observatoire au Centre d’essais en vol de Brétigny. (…) Quelques décennies plus tard, je me plonge dans la lecture de Saint-Exupéry. Happée par l’histoire de l’Aéropostale, je redécouvre l’incroyable aventure de ces postiers du ciel : ceux qui ont contribué au décollage de ces avions, ceux qui ont assuré, quoi qu’il en coûte, la distribution du courrier. »

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Depuis 2008, Cécile Léna,artiste et scénographe, crée des architectures miniatures très réalistes où le moindre détail est pris en compte comme ici de petits lustres qui s’éclairent et puis s’éteignent. Pas de personnages mais des histoires avec des voix de personnages du son et des lumières de son, de lumière et de voix.
Avec ces installations, elle recrée ces lieux de mémoire collective qu’aucun visiteur n’a vu mais qui nous a tous fait rêver enfants ou adolescents quand nous lisions les récits de la formidable aventure de ces petits avions pilotés sans instruments de navigation de l’Aéropostale qui reliaient la France à l’Amérique du Sud, une compagnie aérienne française basée à Toulouse, imaginée par par Pierre-Georges Latécoère, un ingénieur issu de Centrale. En 1918, il imagine une ligne aérienne de fret et courrier et René Cornemont ouvrira la ligne  Toulouse-Barcelone. Un an plus tard, est fondée la société des Lignes Aériennes Latécoère devenue Compagnie générale d’entreprises aéronautiques et il crée une liaison aérienne Toulouse-Casablanca et, en 24 jusqu’à Dakar, par Agadir, Port-ÉtienneSaint-Louis. Et de France à Rio-Recife au Brésil, puis jusqu’à Buenos-Aires et Santiago du Chili.

Sous les ordres du chef d’exploitation Didier Daurat (1891-1969), Jean Mermoz, disparu dans l’Atlantique à trente-cinq ans pendant la seconde guerre comme Antoine de Saint-Exupéry, en Méditerranée et Henri Guillaumet atteint par un avion italien. Avec Marcel Rein, Marcel Bouilloux-Lafont, leurs mécaniciens, les radios et co-pilotes, réalisèrent, entre autres exploits, le survol de la Cordillère des Andes en 1928, rapporté par Saint-Exupéry dans son roman Vol de nuit, la première traversée commerciale transatlantique, réalisée de Dakar à Natal (Brésil) par Jean Mermoz sur un avion Latécoère 28-3. Mais suite à la crise financière de 1929, la compagnie en difficultés, reprise par l’État français quatre ans plus tard sera.. nommée Air France. Il y avait matière, pour Cécile Léna qui a travaillé sur la mémoire collective de ces héros et sur la notion de temps, mais sans faire jamais apparaître aucun corps, ni aucun visage, sauf à l’extrême fin et à peine visible et sur un petit écran. Mais avec la forte présence des voix légères et poétiques de Diego Asensio, Philippe Bozo, Françoise Cadol, Enrique Fiestas, Marjorie Frantz, Jacques Gamblin, Kevin Goffette, Cécile Léna, Thibault de Montalembert, Charles Morillon, Stéphanie Moussu, Mayte Perea López, Jean-Philippe Pertuis, Pierre Tissot, Célestine Valladon.

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 Cette installation a été créée  au Festival Marto aux Théâtre des Gémeaux à Sceaux. Nous sommes invités à entrer successivement dans des cabines individuelles, rouge et noir numérotées de 1 à 7  disposées salle Roland Topor (1938-1997). Cette installation aurait bien plu à cet artiste qui travailla avec Jérôme Savary pour Les Aventures de Zartan et De Moïse à Mao). Dans chacune de ces cabines, derrière une vitre, réalisés avec un soin extrême dans les matériaux utilisés par les architectes pour leurs maquettes et criant de vérité, les modèles réduits – chers à Claude Lévi-Strauss du fameux hôtel du Grand Balcon sous la neige à Toulouse, base arrière de ces pionniers; devant tourne un manège avec trois avions. Longtemps il y a eu les photos de tous ces pionniers dans le hall de cet hôtel où nous avons dormi une nuit dans la chambre de Jean Mermoz (du moins ce que nous en avait dit le gérant. Il y a aussi  un désert où un petit avion vole dans le lointain… Et en Afrique une chambre avec deux hautes fenêtres donnant sur la mer, avec un lit, une valise, une cantine. Ou un hangar à éclairage zénithal où sont abrités deux appareil. Ou encore un hôtel à Saint-Louis avec ses galeries en bois et un palmier dans la cour intérieure.  Sans doute le plus réussi mais tous sont étonnants de vérité et de poésie ce qui n’est pas incompatible.  Réalisé par toute une équipe: avec Etienne Klein

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Dans un silence absolu; un voyage intérieur fascinant et ces quelque six fois si minutes passent comme un éclair. Ensuite, nous sommes invités à descendre  dans l’ancienne librairie du théâtre où a été placé le cockpit et une partie de la cabine d’un avion des années cinquante. Nous sommes au-dessus de la Méditerranée et au casque nous entendons Horst Rippert, le pilote allemand qui mitrailla  l’avion de  Saint-Exupéry… Il dit avoir regretté toute sa vie d’avoir tué cet écrivain dont les romans l’avaient tellement impressionné.

Quel que soit votre âge, allez absolument voir-on ne vous le dira pas trois fois-cette installation formidable de poésie;. Nous repensons à ces mots du grand Fernando Pessoa : Et quelques mots merveilleux de Fernando Pessoa: « Le minuscule a pour moi la saveur de l’irréel. l’inutile est beau parce qu’il est moins réel que l’utile, qui dure et se prolonge, tandis que le merveilleux futile, le glorieux infinitésimal demeure là où il se trouve,n’est rien d’autre  que ce qu’il est, et vit en toute liberté, en toute indépendance. L’inutile comme le futile ouvrent dans notre vie réelle, des pauses humblement esthétiques. »
Nous sommes sortis tout remués mais heureux, comme rarement après un spectacle. Mais,  attention: jauge très limitée… Bon voyage: vous ne regretterez pas.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 13 avril, Théâtre du Rond-Point, 2 bis, avenue Franklin D. Roosevelt, Paris (VIII ème) T. 01 44 95 98 21

Théâtre TANDEM, Arras (Pas-de-Calais) du 22 avril au 18 mai.

Musée de l’hydraviation, Biscarosse ( Landes) du 29 mai 30 juin

ChapitO, Bègles ( Gironde) du 22 septembre au 5 octobre.

Théâtre de la Passerelle, Saint-Brieuc ( Côtes d’Armor) du 13 au 31 octobre .

Théâtre des Quinconces, Le Mans (Sarthe) du 6 au 30 novembre.

Scène nationale du Sud Aquitain, Anglet (Pyrénées-Atlantiques ) dates non communiquées.

Théâtre Le Manège, Maubeuge (Nord) du 12 au 31 mai.

Théâtre de l’Agora , Boulazac (Dordogne) du 18 septembre au 12 octobre.
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Archives pour la catégorie critique

Vaisseau familles par le collectif Marthe, mise en scène et écriture de Clara Bonnet, Marie-Ange Gagnaux, Aurélia Lüscher et Itto Mehdaoui

Vaisseau familles par le collectif Marthe, mise en scène et écriture de Clara Bonnet, Marie-Ange Gagnaux, Aurélia Lüscher et Itto MehdaouiCe collectif a été créé il y a huit ans par quatre jeunes comédiennes, issues de l’Ecole de Saint-Etienne et elles ont travaillé ensemble ( pas d’homme) comme autrices et metteuses en scène sur des thèmes féministes, notamment dans Rembobinez, un spectacle sur Carole Roussopoulos (1945- 2009), une vidéaste suisse engagée et féministe qui a réalisé plus de cent-vingt documentaires. Proche de la grande actrice Delphine Seyrig elle aussi disparue, elle fut avec le Portapak de Sony, un outil magique que  Jean Genet lui avait conseillé d’acheter, la première femme à utiliser cet appareil léger d’enregistrement vidéo analogique, avec batterie autonome. Seul, Jean-Luc Godard l’avait précédée…Ici, il est question de la famille, un thème courant au théâtre depuis l’Antiquité grecque chez Eschyle, Sophocle et Euripide, et à leur suite, chez Racine, Corneille, Molière, Marivaux,Beaumarchais, Labiche, Feydeau, Vitrac et même Beckett, et toutes, ou presque, les pièces de boulevard…

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Mais ce travail se rapproche d’une réalisation surtout fondée sur une approche théorique. Les actrices,  avant même l’arrivée du public, discutent entre elles. Elles sont en short devant une grande et belle armoire en bois à deux portes, comme il y a encore dans les maisons familiales de campagne et sur lesquelles tout le monde rêve mais dont personne ne veut plus…
Au centre de la scène, un grand lit un peu incliné vers le public avec un très gros oreiller de coutil au tissage serré, dit toile à matelas rayée et un aussi gros édredon. Côté jardin et côté cour, un portant avec quelques costumes et une cantine grise. Puis, hissées comme des voiles de bateau par elles-même, des draperies de six mètres de haut en draps blancs ou crème, cousus ensemble avec broderies et dentelles. Cela rappelle là aussi les maisons familiales d’autrefois.
Clara Bonnet, Marie-Ange Gagnaux, Aurélia Lüscher et Itto Mehdaoui se sont inspirées de la pensées éco-féministe des chercheuses Silvia Federici, Maria Mies, Geneviève Pruvost. Elles ont aussi lu Manifeste des espèces compagnes, La famille du Chthulucène  de Donna Haraway et Que diraient les animaux si…on leur posait les bonnes questions?  de Vinciane Despret. 
Et elles disent quelques extraits du Désordre des familles d’Arlette Farge et  Michel Foucault.
Vaisseau familles commence donc par une explication très lisible face public sur leur travail, leur sources  et les matériaux.  Elles parlent aussi du fonctionnement des sociétés, notamment médiévale, qu’elles évoquent en de courtes scènes, en les croisant avec les sociétés actuelles. Ou celle des termites qui font aussi famille depuis des millions d’années  avec une grande cohésion sociale et une remarquable intelligence collective : des « soldats »  défendent la colonie et des « ouvriers » creusent les galeries, recueillent les œufs pondus par les reines ou femelles et sont chargés d’approvisionner la termitière…
Une façon aussi pour le collectif Marthe de revendiquer un autre type de famille existant ailleurs qu’en Occident, notamment en Afrique et ne relevant pas de la cellule close européenne actuelle, avec père, mère, et un ou quelques enfants. L’ensemble un peu didactique (du genre La famille pour les nuls) mais cette imagerie sur les évolutions de la famille française moyenâgeuse, bourgeoise du XIX ème siècle et celle des années quatre-vingt dix où sont nées ces actrices, se laisse voir… 
Mais elles font l’impasse sur  les modèles de famille où une femme qui vivait seul seule gardait la journée les enfants de paysans quand ils étaient aux champs,  sur  les couples et les célibataires choisissant de ne pas avoir d’enfant et sut d’autres monoparentales et homosexuelles. Comme sur les violents mensonges anti-woke que Donald Tump débite chaque jour, comme récemment sur Fox News, du genre: « Des Etats «adoptent des législations permettant d’exécuter les bébés après la naissance.»

Mais le spectacle perd vite de son élan initial, s’essouffle et avance par à-coups, c’est à dire mal, et le jeu dans cette armoire sans fond puis son démontage, la mise en place de ces grandes voiles blanches ou ces petites bagarres pour rire sur le lit, font plus aller Vaisseau familles vers une « performance » en arts plastiques.
Cécile Kretschmar a inventé des silhouettes et postiches vraiment drôles et les actrices, qui ont une maîtrise absolue de l’oralité et de la gestuelle, savent aussi créer de savoureuses images poétiques comme la montée des voiles blancs. Oui, mais… le texte qui sent à dix mètres l’écriture de plateau, et la dramaturgie, eux, restent pauvrets? Bref ces quatre-vingt dix -trop longues- minutes offrent un propos limité et on reste sur sa faim. Dommage…

Philippe du Vignal

Jusqu’au 10 avril, Théâtre de la Bastille, 76 rue de la Roquette, Paris (XI ème). T. : 01 43 57 42 14.

Théâtre de la Croix-Rousse, Lyon (Rhône), du 15 au 17 avril.

Taire, texte et mise en scène de Tamara Al Saadi

Taire, texte et mise en scène de Tamara Al Saadi

Sur scène, douze interprètes… »Tamara Al Saadi travaille sur la construction des identités, notamment à l’adolescence et donne une place centrale aux voix de femmes, avec humour et tendresse. ( sic)   (…)  L’ensemble des événements que traversent la jeune Eden lors de son parcours de famille d’accueil en foyer, sont le fruit de témoignages directs d’enfants placés, d’éducateurs spécialisés et de responsables de l’aide sociale à l’enfance en Seine-Saint Denis et dans le Gard.
«Dans un spectacle brûlant et poétique (sic) Tamara Al Saadi compose sa propre version du mythe d’Antigone. Avec, en miroir, l’histoire d’Eden, une jeune fille placée dans des familles successives par l’Aide Sociale à l’Enfance.A partir de témoignages recueillis en Seine-Saint-Denis et dans le Gard. de professionnels de l’Aide Sociale à l’Enfance et de jeunes en milieu hospitalier. (…) « Et Tamara Al Saadi accordera une grande importance, à la direction des acteurs, à la présence de leurs corps au plateau, à la construction d’un geste choral, à une scénographie épurée, à l’intrication des langues, de la musique et des sons.

C’est bien joli de s’envoyer, avec un poil de prétention, quelques fleurs… Mais, soyons clairs, cette réalisation n’a rien de bien convaincant. Tamara Al Saadi a écrit un texte à partir de l’Antigone de  Sophocle et des Sept contre Thèbes d’Eschyle, une tragédie qu’avait montée Bertrand Jérôme avec le Groupe de Théâtre Antique de la Sorbonne en 1960. (Il fut ensuite le créateur de Des Papous dans la tête à France-Culture).
L’immense dramaturge y raconte
la guerre de sept chefs, née d’un conflit entre Étéocle et Polynice, les frères d’Antigone et d’Ismène, qui, après la mort de leur père Œdipe, régneront sur Thèbes à tour de rôle. Mais Étéocle refusera de laisser sa place à Polynice qui, avec l’armée d’Argos, veut reprendre la sienne. Et il pousse le peuple à défendre Thèbes: l’armée d’Argos est proche. Des jeunes filles crient leur peur de devenir esclaves et/ou prostituées: la loi habituelle de la guerre… Elles en appellent aux Dieux, provoquant la colère d’Étéocle, à l’heure où il doit protéger la cité.. Chacune des sept armées, dirigée par un grand chef, va attaquer. Étéocle combattra celle de Polynice, son frère. Même s’il connaît la malédiction de leur père Oedipe: Polynice va le tuer et il le tuera aussi. Thèbes sera sauvée mais au prix de la mort de ces frères ennemis.
Étéocle sra enterré mais Créon, le père d’Antigone et nouveau Roi, décide que le corps de Polynice, sera laissé au soleil pour servir d’exemple aux ennemis.. Il le fait surveiller et annonce que sera exécuté celui qui lui offrirait une sépulture. Mais-et ce sera le thème de la pièce de Sophocle- Antigone, sa sœur,
enterre Polynice. Créon, furieux, la condamnera à être emmurée. Hémon, fils du roi et fiancé d’Antigone, demande en vain à son père de l’épargner. Mais elle se suicidera et lui aussi. Jocaste, leur mère qui est aussi la mère et l’amante d’Oedipe, se pendra, et lui, se crèvera les yeux. Sophocle mettait déjà en cause le pouvoir patriarcal de Créon, face à une très jeune femme refusant d’obéir et de se taire (d’où le titre du spectacle).

Et cela donne quoi? Le spectacle, après une tournée, est sans aucun doute bien rodé mais nous n’y avons pas trouvé notre compte…Tamara Al Saada sait créer un climax, quand, pour dire la guerre, elle met en scène une voix de femme et douze acteurs et musiciens qui, tous en costume noir, frappent sur le bois des bancs, ou claquent des mains en rythme. Là, elle a une maîtrise indéniable du plateau et atteint quelque chose de fort. Il y a aussi, presque à la fin, une belle scène où la jeune fille retrouve le fils maintenant adulte de la famille d’accueil, avant d’être encore déplacée. Un peu mélo mais Tamara Al Saadi arrive à créer une véritable émotion.

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Et puis, elle a conçu avec un grand et beau châssis noir, avec portes et fenêtres où apparaissent les personnages. Et le préambule-très bien joué-où un jeune soldat en treillis et casqué va raconter l’histoire, est aussi un bon moment… Mais la distribution (Manon Combes, Ryan Larras, Mohammed Louridi, Chloé Monteiro, Mayya Sanbar,Tatiana Spivakova, Ismaël Tifouche Nieto, Marie Tirmont, Clémentine Vignais et plus spécialement au chant et à la muisque Bachar Mar-Khalifé, Eléonore Mallo et Fabio Meschini) est inégale.
Ce texte compliqué où il est question, une fois de plus, de l’héritage mental pesant sur les enfants, a quelques chose de prétentieusement tricoté et ne tient pas la route, en deux heures bine longues… De petite scène en petite scène, Tamara El Saada enfile les erreurs et stéréotypes sans aucun état d’âme : incessants déplacements d’un escalier, d’un grand et haut praticable en fer et de quatre bancs, le tout sur roulettes avec allers et venues des interprètes. Comment la metteuse en scène ne voit-elle pas que cette redoutable manie actuelle casse le rythme et parasite l’action scénique?
Et, bien entendu, autre manie actuelle, nous avons eu aussi droit aux épaisses couches de fumigène qui semblaient avoir disparu mais, pour nous, les troisièmes en une semaine. Tous aux abris…

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Pourquoi la plupart des scènes-une mode qui ne date pas d’hier sont-elle jouées, sauf à de rares moments, dans la pénombre? Et pourquoi ce fond de scène éclairé en bleu vert, ou rouge avec, devant, les acteurs en ombres chinoises? Un procédé mis au point par Bob Wilson qui fait de l’effet mais qui, depuis, est imité partout  Et la metteuse en scène aurait pu nous épargner ce long et facile jet de sable rouge tombant sur les protagonistes et cette lumière aussi rouge… Pour dire le tragique?
De belles images sans doute mais là aussi très souvent vues. Et plus aucun jeune metteur en scène n’ose plus utiliser ce jeu scène/salle?Tout cela, sous des aspects de pseudo-modernité est un peu ennuyeux, n’a rien d’original, et fait quand même vieux théâtre…

On aurait  bien aimé que Tamara El Saada monte juste Les Sept contre Thèbes, ou Les Perses où Eschyle, il y a déjà vingt-cinq siècles, racontait en une heure avec un chœur de vieux, et seulement quatre personnages dont un Messager arrivant épuisé annoncer la défaite de l’immense armée marine et terrestre perse, emmenée au delà du Bosphore par Xerxès, le jeune roi présomptueux envahir la petite Grèce. Il y aussi sa  vieille mère Atosssa et l’ombre de Darios, son père ressurgit de son tombeau, appelé au secours par les Vieux désespérés. Tiens, au moment où, souvent au théâtre, on nous rebat les oreilles avec les histoire de filiation…
Recréer cette tragédie avec, en arrière-plan, ces centaines de milliers de morts, exigerait sans aucun doute un gros travail. Mais, en ces temps de guerre existantes et à venir, quelle force, cela aurait ! Et le jeune Roland Barthes et ses copains de Sorbonne avaient bien visé, quand en 36, donc juste avant le deuxième conflit mondial, ils avaient pour le Groupe de Théâtre Antique qu’il avaient créé, demandé à Maurice Jacquemont, un acteur des Copiaux de Jacques Copeau, de mettre en scène ces Perses… Le spectacle créé dans la cour de la Sorbonne devant un millier de personnes, sera vite devenu culte et  joué…plus de trente ans en France et à l’étranger!
Au fait, du Vignal, soyez franc: cela vaut-il le coup d’aller voir ce Taire? Nous ne vous y pousserons pas…

Philippe du Vignal

Jusqu’au  8 avril, Théâtre Gérard Philipe-Centre Dramatique National, 48 avenue Jules Guesde, Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). T. :01 48 13 70 00.

 

 

Festival au Nouveau Théâtre de l’Atalante Seules face à lui, texte, conception et mise en scène de Claire- Bosse-Platière

Festival au Nouveau Théâtre de l’Atalante

Seules face à lui, texte, conception et mise en scène de Claire Bosse-Platière

Le Nouveau Théâtre de l’Atalante dirigé par Bruno Boulzaguet, depuis 2022  accueille les créations de compagnies « émergentes ». Sur plus de trois décennies, ce théâtre animé par Alain-Alexis Barsacq et Agathe Alexis, a révélé nombre d’artistes-dont Bruno Boulzaguet qui, avec l’assentiment des anciens directeurs, a proposé à la D.R.AC.-Île-de-France de recentrer l’activité de ce petit lieu sur l’émergence de jeunes compagnies et en leur apportant son soutien en production et diffusion. Sélectionnées sur appels à candidatures, les équipes ont accès à trois dispositifs: 1) Celles commençant un parcours se voient offrir une dizaine de jours de laboratoire, pour élaborer une maquette et la présenter à des producteurs potentiels. 2) Avec un projet plus avancé, un partenaire financier et des possibilités de diffusion, une compagnie bénéficie d’une résidence de création pour deux semaines. Mais aussi d’un accompagnement pour établir un budget, demander subventions et aides à des sociétés civiles et/ou du Fonds national pour l’emploi dans le spectacle (FONPEPS). Et la possibilité de jouer dix fois. 3) Enfin,des spectacles diffusés-mais dont les compagnies voudraient qu’ils soient vus à Paris-sont programmés lors d’un «tremplin»; elles  reçoivent alors l’intégralité des recettes. « Nous nous refusons en effet, dit Bruno Boulzaguet, à pratiquer la co-réalisation, qui pénalise souvent les artistes et ne leur permet pas d’exercer leur métier dans des conditions décentes. Le Nouveau Théâtre de l’Atalante doit devenir un lieu où les professionnels peuvent  découvrir comédiens, metteurs en scène ou auteurs. Mais  cette attention à l’émergence passe aussi par une formation initiale et la Jeune troupe abrite  amateurs et étudiants en théâtre qui participent à des créations. Ils peuvent aussi préparer les concours d’entrée aux conservatoires municipaux et Ecoles supérieures. Le Nouveau Théâtre de l’Atalante a reçu le soutien renouvelé de la D.R.A.C/Île-de-France et de la mairie du XVIII ème arrondissement mais Bruno Boulzaguet, aimerait convaincre la Région et la Ville de s’engager à ses côtés.

Ce texte s’inspire une tragédie qui avait secoué le Canada et le monde entier : en 89  à l’École polytechnique de Montréal, un élève de vingt-cinq ans Marc Lépine (né Gamil Gharbi) va tuer en moins de vingt minutes, avec une carabine légalement obtenue, quatorze femmes! Il en blessera onze autres et trois hommes, puis se suicidera. Sa mère, dit «qu’il en avait marre de se faire traiter d’Arabe par d’autres ados». Le tueur, lui, avait clamé à voix haute, et dans les lettres retrouvées sur lui, qu’il voulait tuer des féministes. Aussi inquiétant: les milieux masculinistes québécois ont dit leur admiration pour lui !

L’autrice et metteuse en scène sait mettre en valeur la violence sexiste qui devient systémique. Pas une ville qui ne soit épargnée, quel que soit l’âge des femmes… Sur le petit espace noir de l’Atalante, juste deux chaises grise en fer, six actrices et un acteur. Peu de lumière autre que celle de deux courtes rampes suspendues. Salomé Benchimol, Paul Delbreil, Claire Bosse-Platière, Fanny Kervarec, Gwenaëlle Martin, Emma Prin et Nadège Rigault bien dirigées sont tout à fait crédibles: diction et gestuelle parfaites. Elles interprètent avec une maîtrise remarquable et sans aucun pathos, dix personnages sans patronyme, juste indiqués par leur situation ou leur travail: La Femme qui meurt, La Femme qui parle, l’Homme qui tue, le Policier, l’Elue régionale, etc. On pense, bien sûr, aux noms que donne à ses personnages le grand Valère Novarina.

Les courtes scènes se succèdent avec fluidité et Claire Bosse-Platière sait faire parler les actrices et le seul acteur du spectacle : » Haïr. Je hais les femmes, les féministes. Elles en veulent plus, pour m’en laisser moins, des miettes. Haïr, piétiner et les faire taire une bonne fois. Anéantir les femmes, les féministes. Anéantir leurs manies, leurs manigances, leur manipulation, leurs messes basses, leur misérabilisme, leur victimisme, leurs défaillances, leur défiance, leur volonté de soumettre, castrer, humilier, leurs revendications, leur incapacité au sacrifice, leurs talons hauts qui claquent, leurs mains dans les cheveux qui jouent, leur dégoût, leurs jeans serrés, leurs jupes, leurs bas filés, leurs bouches roses, leur frénésie de vouloir ce qu’elles n’ont pas, ce qu’elles n’auront jamais, leur bêtise. »

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Ou encore: « Des hommes grandissent avec la certitude que les femmes sont la cause de tous les torts, de tous leurs maux, leur frustration, qu’ils ne seront jamais aimés, jamais touchés,qu’ils sont les grandes victimes de ce siècle. Ces hommes tuent encore des femmes en son nom. Trente ans plus tard ! Vous comprenez ce que ça veut dire ? »Bref, un texte bien écrit ciselé mais un peu touffu que Claire Bosse-Platière a parfois du mal à mettre en valeur… Entre autres, elle devrait éviter de faire crier ses interprètes, surtout sur un aussi petit plateau. A cette réserve près, ce spectacle qui flirte avec un théâtre d’agit-prop, mériterait qu’elle en fasse une version tréteau/rue, à l’heure où, dit-elle «le masculinisme prend de l’ampleur à travers le monde.  » Les choses sont, hélas! dans l’air du temps et ce spectacle est joué à Paris, au moment où a lieu le procès de Gérard Depardieu et où, dans le monde de la Culture et du théâtre que l’on pouvait-naïvement?- croire exemplaire, les révélations sur les nombreuses violences sexistes apparaissent au grand jour. Cette semaine encore, le Théâtre du Soleil, compagnie emblématique qui vient de fêter son soixantième anniversaire, est, elle aussi, touchée. «Il ne pouvait rien nous arriver de pire, a dit sa directrice, Ariane Mnouchkine.» Ce travail encore brut de décoffrage, n’est pas sans défauts: entre autres, des costumes assez laids, une lumière souvent sépulcrale mais il a une rare qualité de jeu et d’écriture, notamment dans cet épilogue: « Nos corps rabaissés drogués mutilés excisés violés battus tués lapidés nos corps à moitié enterrés nos corps panneaux publicitaires nos corps cobayes nos corps trophées nos corps serpillières nos corps paillasses nos corps pissotières nos corps péchés nos corps trafic nos corps ventes nos corps orifices nos corps fentes nos corps bleus nos corps cibles mouvantes nos corps tombes Seules face à lui nos corps prisons nos corps bombes nos corps charbons nos corps cendres nos corps poussières dans le vent et nos cœurs ? nos cœurs? » Nous espérons qu’à lire ces extraits, vous aurez envie d’aller découvrir ce texte, ou de le lire. Vraiment, cela vaut le coup d’y aller voir .

Philippe du Vignal

Jusqu’au 31 mars, au Nouveau Théâtre de l’Atalante, 10 place Charles Dullin, Paris (XVIII ème). reservation@theatre-latalante.com
Ensuite, le festival continue (voir sur ce site).

Les 20 et 21 septembre, Théâtre El Duende, Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne)  et les 25 et 25 septembre, L’Anis Gras le lieu de l’autre, Arcueil (Val-de-Marne)

Et les 10, 12, 17, 19, 24 et 26 septembre Les 3 T, Saint-Denis ( Seine-Saint-Denis).

Le texte est édité chez L’Oeil du Prince. De la même autrice J’ai toujours voulu faire bien, aux éditions L’Échappée Belle.

Le festival Lectures actuelles aura lieu du 6 au 13 juin au Nouveau Théâtre de l’Atalante.

 

Made in France, texte et mise en scène de Samuel Valensi et Paul-Eloi Forget

Made in France, texte et mise en scène de Samuel Valensi et Paul-Eloi Forget

Après fait des années de taule pour une mort qu’il aurait provoquée, Emile a obtenu que sa peine soit aménagée : il ira travailler le jour dans une usine et dormira au centre de détention… Mais le rêve d’une future réinsertion sociale prend vite des allures de cauchemar: la grosse boîte à qui appartient l’usine où il est employé comme « technicien de surface », va délocaliser toute la production de pièces détachées… à l’étranger.
Émile, un homme jeune,  n’aura plus d’autre choix, s’il ne veut pas être au chômage et obligé de retourner en prison à plein temps, devra être le meilleur des représentants syndicaux et négocier dur avec le Ministère de l’Industrie pour essayer de sauver, sinon tous les emplois des copains et le sien, du moins la majorité…
Mais dans l’usine les relations sont tendues en particulier entre la chef syndicaliste et Emile. .. »Martineau – Dans quelques minutes, il y aura deux Émile possibles. Émile n°1, mon préféré, va devenir le prochain représentant syndical de l’usine. Il va raconter tout ce qu’ils veulent entendre à Nadia et aux autres mais, en secret, il va m’aider à annuler la visite du repreneur… Émile – Mais il y a la ministre qui va…/Martineau – Arrêtez avec la ministre. Y’aura pas de repreneur. Le groupe ne vendra pas. Y’a rien à sauver. Il faut négocier nos licenciements. Si tu te présentes pas, c’est Nadia qui va le faire, elle va foutre une pile de pneus devant l’usine, y foutre le feu, nous faire casser les dents par les CRS, nous obtenir une prime de départ au ras des pâquerettes et une convocation devant le tribunal. Donc Émile n°1 va m’aider à annuler cette visite, parce qu’Émile n°1 fait tout ce que je lui dis de faire. »

© Jules Despretz

© Jules Despretz

Diplômé d’H.E.C., Samuel Valensi connait bien sans aucun doute la chanson des crises industrielles et économiques en France où la production a reculé de 1,2 % sur un an, au quatrième trimestre 2024… Les causes sont bien connues avec entre autres, délocalisations massives, baisse de la consommation en France  des produits industriels  et coûts salariaux, concurrence, notamment  asiatique, redoutable. Le grand patronat veut satisfaire ses actionnaires mais doit aussi négocier avec les syndicats, le personnel étant alors une simple variable d’ajustement. Les ministères concernés, celui de l’Industrie, et de l’Emploi, essayant mais sans aucune illusion, de sauver les meubles! Quant au locataire de l’Elysée, il sait bien que la politique industrielle française dépend de Bruxelles et que son pouvoir décisionnaire est limité. Et il pense aussi toujours à sa prochaine réélection, quitte à faire semblant d’aider cette usine, alors que c’est financièrement impossible.

Samuel Valensi avait déjà dans Coupures traité d’un thème  connu mais rarement traité au théâtre : le débat démocratique, notamment quand il faut voter dans une commune rurale une installations d’antennes-relais à la fois indispensables aux liaisons de téléphones portables mais créant des ondes toxiques. Mais dans ces cas-là, que vaut l’action de maires de villages contre la toute puissance de l’Etat, bien mieux armé sur le plan juridique? Une lutte du gros pot de fer contre un petit pot de terre…
Comme sauver une entreprise déficitaire et sans avenir, même ses employés comme l’ex-chef syndicaliste  n’y croient pas. Et les ouvriers savent que Casagrande le repreneur ne fera aucun cadeau: « Faute intentionnelle, faute lourde, ça vous parle ? Vous êtes tous virés, sans préavis, sans indemnités. Et si vous êtes pas d’accord, vous pourrez en parler à mon armée d’avocats dans trois ans aux prud’hommes quand je reviendrai de vacances. Vous croyez que j’en ai quelque chose à foutre de votre usine ? Du bordel que vous avez foutu ? Vous croyez que vous allez m’empêcher de dormir ? Vous savez combien je pèse ? Vous croyez que je peux pas faire une mauvaise opération ? Je liquide le site. Demain matin. Vos machines, je vais même pas les revendre, je vais les broyer. Et si, après ça, vous retrouvez du travail, je rachèterais la boîte où vous bosser rien que pour vous re-virer. Vous savez pas qui je suis. Je suis pas tout seul. J’ai des fonds d’investissement avec moi. Partout où vous irez, il y aura mon pognon. Vous êtes cernés. »

Et là avec Made in France comme dans  Coupures,  on a l’impression d’une France coupée en deux: un monde ouvrier et rural, le plus souvent mal payé et celui de l’Elysée, du Premier Ministre et des énarques parisiens, incapables, entre autres, de mettre un peu d’ordre dans la gestion lamentable des lignes Intercités et TER…

Ici, Samuel Valensi et Paul-Eloi Forget reprennent avec une grande maîtrise la même dramaturgie qui leur a réussi: courts dialogues, nombreux personnages, thème actuel et populaire pour raconter avec saveur et fluidité, un conflit d’intérêts à l’échelle d’une région et d’un pays. Avec les mêmes acteurs  solides jouant plusieurs rôles : June Assal, Michel Derville en alternance avec Bertrand Saunier, Thomas Rio (en alternance avec Paul-Eloi Forget), Valérie Moinet (mention spéciale à cette actrice qui interprète de façon exemplaire une ex-syndicaliste et la Ministre) et Samuel Valensi. Remarquablement dirigés et tout à fait crédibles, ils ont une excellente diction et une gestion précise. Cette fois, ce n’est plus Lison Favard au violon mais,  Mélanie Centenero ou Chloé Denis à la batterie, chargée de temps à autre, d’aérer les choses. Mais le niveau sonore est nettement trop élevé: à revoir d’urgence…

Cela dit, Made in France est un spectacle intelligent dans la veine d’un théâtre d’agit-prop. Et même si le texte, un peu trop long, peine sur la fin que nous ne dévoilerons évidemment pas, Samuel Valensi et Paul-Eloi Forget maîtrisent bien une nouvelle fois ce petit espace. Mais il leur faudrait diminuer la fréquence de manipulation à vue des châssis noirs: c’est lassant, souvent inutile et  parasite le jeu ! Et ils auraient pu nous épargner ces jets de fumigène avec ou sans  umière rouge intense autour de la batteuse qui ne servent strictement à rien!  Ces réserves mises à part, Made in France qui traite de questions socio-politiques et écologiques actuelles, tient la route. Il va-sans difficulté- faire un tabac au prochain off d’Avignon, dont les prix et la fréquentation sociale ne sont pas les mêmes que dans le in… Dans un Théâtre de Belleville plein, le public-assez jeune-l’a chaleureusement applaudi.

Philippe du Vignal
Jusqu’au 15 avril , Théâtre de Belleville, 16 passage Piver, Paris  (XX ème). T. : 01 48 06 72 34.
Et en juillet au festival off d’Avignon.

 

C’est si simple, l’amour de Lars Lorén, mise en scène de Charles Berling

C’est si simple, l’amour de Lars Lorén, mise en scène de Charles Berling 

L’auteur suédois mort il y a quatre ans du covid, a marqué brillamment l’art théâtral, avec plus de cent pièces. De 89 à 95, il écrit douze Pièces de la mort avec, entre autres, Cest si simple lamourKliniken (voir Le Théâtre du Blog) Les Feuilles tombent sur VallombrosaSang… Au programme: conflits familiaux et relationnels, vies détruites…. Charles Berling a choisi de monter la première au titre ironique et encore inédite en France. Ce huis clos sera suivi de Lost and found en février prochain au théâtre de Châteauvallon-Liberté-Scène Nationale qu’il dirige.   

Après une première dans un grand théâtre de Stockholm, Alma et Robert, en couple dans la vie comme à la scène, rentrent chez eux, avec leurs amis, Hedda, une actrice sur la touche depuis quelque temps et son mari, Jonas, un psychologue. Très en forme après le cocktail, ils se retrouvent dans l’intimité et la fête va se prolonger sous les effets de l’alcool qui va libérer les esprits et la parole. Mais le bonheur de ce succès théâtral va rapidement tourner au cauchemar…
La remarquable scénographie de Charles Berling et les lumières de Marco Giusti symbolisent l’avant et l’après de cette histoire.  Derrière un rideau de tulle, on aperçoit une loge avec une coiffeuse rappelant le grand théâtre où vient d’avoir lieu cette première. Un prologue au drame qui va suivre. De ce passé récent, on passe au présent: un salon bourgeois avec ses canapés et fauteuils couverts de tissu blanc.
Comme si dans cet espace crépusculaire ou simplement délaissé par ses habitants, la Mort, sans bruit, se joignait à un moment encore festif… pour peu de temps. On s’enfonce dans les canapés «comme dans une tombe.» dit Hedda. Une atmosphère en contradiction avec celle, apparemment joyeuse du début.

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Autre belle idée du metteur en scène: quelques spectateurs vont s’asseoir avec les personnages… Comme invités à partager cette fiction, après la soirée mondaine au théâtre. On va d’un espace public à celui, intime, d’une maison… A partir de là, tout basculera et un véritable tsunami cassera les relations entre les personnages. Ecriture éclatée, ironie mordante, non-dits impitoyables fusant avec violence, humour grinçant: Lars Lorén a su créer une tension dramatique extrême.
Jonas: « Elle est un peu masochiste. » Hedda: « Ah! Bon. Robert: « Sympa. » Hedda: » Masochiste ? Je ne sais pas ce que c’est. » Robert: « On va te l’apprendre avant la fin de la nuit. » Hedda: « C’est bien, au moins, je suis quelque chose, peu importe ce que je suis. J’espère que c’est quelque chose de sympa.» Un malaise grandissant va s’emparer d’un public
sans défense face à un telle soif de destruction.

Il faut saluer l’intelligence et la sensibilité de la direction d’acteurs de Charles Berling, lui-même extraordinaire en Robert. Caroline Proust (Alma), Alain Fromager (le Psychologue) et Bérengère Warluzel (Hedda), eux réussissent à ne jamais aller vers un style boulevard. Les vrais visages du quartet : Alma, Robert, Hedda et Jonas, avec leurs désirs, frustrations, envie d’enfant vont se révéler de façon  implacable.
À la fois, délirants, cruels et désespérés, touchants et drôles dans leur noirceur mais exécrables, ces personnages nous fascinent avec un sentiment à la fois d’empathie et d’effroi. L’effet cathartique est là dans toute sa violence et sa profondeur. Un tableau contemporain de la nature humaine d’une rare perspicacité et d’une grande force dramatique…

Elisabeth Naud

Spectacle vu le 6 mars au théâtre Châteauvallon-Liberté, Scène Nationale, place de la Liberté, Toulon (Var). T: 09 80 08 40 40.

Les 16 et 17 mai, Maison des Arts du Léman, Thonon-les-Bains (Haute-Savoie).

 

 

 

Four New Works , conception et chorégraphie de Lucinda Childs, musique de Johann Sebastian Bach, Philip Glass, Hildur Guðnadóttir

Four New Works, conception et chorégraphie de Lucinda Childs, musique de Johann Sebastian Bach, Philip Glass, Hildur Guðnadóttir

 La compagnie Lucinda Childs vient de présenter à Chaillot quatre pièces, étrennées le 7 août dernier à Hambourg : Actus, Geranium (un solo créé par la chorégraphe en 65, puis recréé l’an passé), Timeline et Distant Figure.  Sept danseurs aguerris forment actuellement la Lucinda Childs dance Company: Robert Mark Burke, Katie Dorn, Kyle Gerry, Sharon Milanese, Map Pardo, Lonnie Poupard Jr. et Caitlin Scranton. L’ensemble trouve à s’exprimer après l’entracte, dans Timeline et, pour six d’entre eux, à briller dans Distant Figure, une magnifique composition, gardée pour la bonne bouche…

@ Alexandra Polina

@ Alexandra Polina

Les clignotements du lumiériste Sergio Pessanha permettent de voir pour une fois le grill de la salle Gémier qui avait été entièrement reconstruite par l’architecte Vincent Brossy en 2017, à la fin du mandat de Didier Dechamps et le font participer à la scénographie. Plus loin, un très grand écran–plus large que l’actuel 16/9 ème; ou le cinémascope d’autrefois, couvre l’ouverture du plateau- rectangle gris Malevitch, enrichi d’images de sport en noir et blanc. Détournées/surimprimées par le vidéaste Anri Sala, elles font office de toile de fond. Le scénographe n’étant pas crédité dans la feuille de salle, on peut penser que la chorégraphe, par ailleurs excellente plasticienne, occupe aussi cette fonction. Les costumes beige clair, sobres et fonctionnels, sont signés Nile Baker.

 La musique va du baroque, au minimalisme, de Bach.. à Bach rabâché, ressassé, répété ad libitum, autrement dit jusqu’à  Phil Glass, superbement joué par le pianiste et compositeur moscovite Anton Botagov. Le style de Lucinda Childs est d’ailleurs plus proche qu’on croit de la «belle danse» du XVII ème siècle. Un même geste, un même motif, une même cellule, dessinés ou décidés a priori, arbitrairement, subjectivement, froidement, varié à l’infini et décalé à l’excès, enrichi de peu d’autres, a pour effet de fasciner ou, au contraire,, d’exaspérer le spectateur. Comme cela avait pu l’être en 76, quand l’interprète de post-modern danse prit le relais du mevlevi (derviche tourneur) Andy de Groat dans Einstein in the Beach, le célèbre opéra de de Bob Wilson.

Avant de trouver sa voie, son style, sa marque de fabrique, Lucinda Childs est passée par une étape dada-surréaliste, comme Merce Cunningham, Trisha Brown, Pina Bausch… D’où cet humour pince-sans-rire à la Buster Keaton, froid, usant de gestes quotidiens et d’éléments prosaïques. Un esprit difficilement perceptible par le public dans le solo Géranium où elle prouve aussi, son talent de comédienne en incarnant avec ironie et conviction, un joueur de football américain (sans doute Johnny Unitas, des Colts de Baltimore opposés aux Cleveland Browns), sisyphe en pays plat, luttant contre la pesanteur. Empêché d’atteindre la zone d’en-but par un métaphorique harnais. Cette situation d’inquiétante étrangeté en rappelle d’autres, plus cocasses, comme le solo Carnation (1964).

De la structure toute simple (A-B-A ou A1-B-A2), aux reflets symétriques produits par de canoniques accumulations et d’infimes discordances qu’est Actus avec Caitlin Scranton et Sharon Milanese, danseuses très différentes par leur style, leur technique et leur gabarit, aux agencements de groupe fondés sur le langage académique, le pas de sept Timeline et le pas de six Distant Figure nous ont permis d’apprécier la subtile prestation de Katie Dorn), en passant par Geranium, une performance « arty» (rebaptisée en français avec un accent aigu, Géranium ’64), résume en à peine plus d’une heure, soixante ans de travail  et quelque cinquante œuvres à son actif….

Nicolas Villodre

Ce spectacle a été présenté au Théâtre National de Chaillot, 1 place du Trocadéro, Paris (XVI ème), du 19 au 22 mars.

Olympe, texte et mise en scène de Frankito, accompagnement musical d’Edmony Krater et Eugénie Ursch

Olympe, texte et mise en scène de Frankito, accompagnement musical: Edmony Krater et Eugénie Ursch

Ultime nuit pour Olympe de Gouges à la prison de la Conciergerie, avant son exécution en place de Grève, le 3 novembre 1793. La condamnée à mort se souvient de ses combats politiques, invoque ses maîtres Jean-Jacques Rousseau et Condorcet, vilipende ses ennemis et bourreaux Robespierre et Marat. Traitée avec mépris par ses contemporains dont Restif de la Bretonne, puis, avec condescendance par Michelet dans son Histoire de la Révolution Française, Olympe de Gouges n’est plus une inconnue, au moins depuis les célébrations du Bicentenaire de 1789. Des générations d’historiennes féministes se sont mises à la tâche et l’Université Paris 7 Diderot porte maintenant son nom. Et aussi à Paris, une place, et une station de bus..
Un projet original : Frankito est guadeloupéen et a écrit un texte avec des extraits de discours, déclarations et lettres d’Olympe de Gouges. Interprété ici par Firmine Richard, la plus célèbre des actrices guadeloupéennes, que l’on avait pu découvrir entre autres dans le film Romuald et Juliette (1989). Un solo rythmé par des morceaux de ka, ces tambours dont l’origine remonte à la traite des Noirs, quand, enfermés depuis Bordeaux dans la cale de navires, ils chantaient en frappant sur des quarts de tonneau. Edmony Krater, également guadeloupéen, mais montalbanais d’adoption, s’est beaucoup investi dans le projet. Il s’est intéressé très tôt à la figure d’Olympe de Gouges, née en 1748 à Montauban, chef-lieu du Tarn-et-Garonne où devait aussi voir le jour… le «néo-révolutionnaire» Daniel Cohn-Bendit.

Edmony Krater, auteur d’un accompagnement musical (2015) du Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire, a  voulu, avec Olympe, faire se côtoyer les cultures occitane et caribéenne. Voie aussi inexplorée, que bien trouvée : Olympe de Gouges ne parlait-elle pas en langue d’oc ? Et il lui en restait un accent « chantant » dont on se moquait dans la Capitale ?  Trois thèmes qui parfois s’entrecroisent, dans ce solo où s’exprime la plus grande détermination comme la plus immense détresse d’une femme meurtrie, moralement et physiquement.
Elle s’est blessée juste avant son arrestation mais, dans la prison, on lui refuse le moindre soin. Ressassant les affronts subis durant sa vie, elle se plaint du mépris avec lequel ses écrits ont été accueillis. « Mais je n’ai rien appris. », dit-elle. Elle ose  pourtant se mesurer à ceux qui ont «l’écriture élégante» et son inspiration est «semblable à une tempête». Elle est du côté de «ceux qui créent, qui font le bien pour la société ».

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Olympe de Gouges parle de sa vie, évoque une filiation, réelle ou fantasmée, avec un marquis de Pompignan, un homme de lettres. Une amitié d’enfance avec un demi-frère ou un cousin dont on la sépare, en la mariant à dix-sept ans à un officier de bouche «peu aimable ». Elle va avec son fils à  Paris, où elle trouve des protecteurs et où elle sait s’introduire dans les célèbres salons des Lumières. Elle mentionne les sociétés qu’elle fonda vers 1789-90 et rappelle ses nombreuses pièces de théâtre: elle « dictait une tragédie par jour, comme Lope de Vega », selon les dires de Michelet qui lui reconnaissait le statut de martyre et le don de la formule…
«La femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la tribune »,  la phrase la plus célèbre de sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » en dix-sept articles, calqués sur la Déclaration des droits de l’homme de 1789 mais beaucoup plus concis. Elle proclame d’entrée que « la femme naît et demeure égale à l’homme en droits».
Il faudra attendre un siècle et demi, le 21 avril 1944, pour que les Françaises obtiennent le droit de vote. Sur le plan du droit privé, Olympe de Gouges propose un Contrat social entre l’homme et la femme, qui mettrait fin à la législation du mariage sous l’Ancien Régime. Elle souligne le « caractère volontaire de l’association conjugale », revendiquant ainsi le divorce.
Après la chute de la royauté, elle rejoint le mouvement modéré des Girondins, la violence lui faisant horreur mais elle montre quelque amertume, y compris à l’égard de la Révolution : «Devenu libre, (l’homme) est devenu injuste envers sa compagne. Ô femmes ! Femmes, quand cesserez-vous d’être aveugles ? Quels sont les avantages avez-vous recueillis dans la Révolution? Un mépris plus marqué, un dédain plus signalé. » Sous la Terreur, après la publication d’un texte: Les trois Urnes, diffusé par voie d’affiche, elle est emprisonnée pour ses écrits «contre-révolutionnaires ».

 Le combat féministe de cette pionnière ne doit pas faire oublier ses idées abolitionnistes et c’est sans doute la partie la plus novatrice du spectacle. En 1788, elle publie Réflexions sur les hommes nègres: «Je vis clairement que c’était la force et le préjugé qui les avaient condamnés à cet horrible esclavage, que la Nature n’y avait aucune part, et que l’injuste et puissant intérêt des Blancs avait tout fait. »L’année suivante, elle propose à la Comédie Française une pièce L’Esclavage des noirs, qui y est lue. Mais elle cause une polémique telle, auprès des planteurs et colons, qu’elle sera déprogrammée. Le projet de Krater et de Frankito qui situent la pièce en Guadeloupe, se justifie. Dans une scène de mise en abyme, l’actrice fait mine de se grimer, puis interprète un dialogue entre Mirza et Zamora. les protagonistes de cette pièce.
« Pourquoi existe-t-il donc, demande Mirza, une si grande différence entre leur espèce et la nôtre » et Zamora lui répond: «Cette différence n’existe que dans la couleur. Mais les avantages qu’ils ont sur nous, sont immenses. L’industrie les a mis au-dessus de la Nature. Ils se servent de nous dans ces climats, comme ils se servent des animaux dans les leurs.» Olympe est un beau spectacle, oralement, visuellement et musicalement. Firmine Richard, habitée par son rôle, est, au centre du plateau, en pleine lumière, vêtue d’un robe aux couleurs vives. Côté jardin,  Edmony Krater, aux percussions, suggère la transe, et les accords graves du violoncelle d’Eugénie Ursch accompagneront la marche d’Olympe vers le supplice…

 Nicole Gabriel

 Jusqu’au 6 avril, Studio Hébertot, 78 bis Boulevard des Batignolles, Paris ( XVII ème). T.  : 01 42 93 13 04.

 

 

 

 

 

 

Anatomie d’un suicide d’Alice Birch, traduction de Séverine Magois, mise en scène de Christophe Rauck

Anatomie d’un suicide d’Alice Birch, traduction de Séverine Magois, mise en scène de Christophe Rauck

Une pièce créée en 2017 au Royal Court Theatre à Londres dans une mise en scène de Katie Mitchel. Une sorte de condensé de la vie de  Carol, la mère, Anna sa fille et Bonnie, sa petite-fille. Dans les années 70, 80 et 90 pour Carol: 1990 à 2000 pour Anna, et 2030 pour Bonnie. L’autrice anglaise nous raconte leurs histoires et sur le plateau avec monologues et dialogues dont souvent certains simultanées. Carol, après une tentative de suicide, est hospitalisée. et donnera naissance à une petite fille. Mais seize ans plus tard, elle réussira enfin son suicide. Anna, une jeune toxicomane, a épousé un documentariste. Mais incapable d’assumer une maternité, elle aussi se suicidera quand ils auront une fille, Bonnie. Homosexuelle devenue médecin, celle-ci ne voudra pas avoir d’enfant pour casser la malédiction générationnelle pesant sur les femmes de sa famille. Des histoires qui s’entrecroisent. On entend ou, du moins, on essaye d’entendre ces dialogues souvent dits simultanément mais pas assez fort, sur un aussi grand plateau. Il y a aussi de nombreux autres personnages secondaires d’âge différent.

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L’autrice multiplie les scènes simultanées avec maîtrise, du moins textuellement… Et ce texte a visiblement fasciné Christophe Rauck: «Alice Birch est, aujourd’hui, une autrice de série que Netflix et la BBC s’arrachent, et ça se comprend lorsque nous lisons sa pièce. Elle réussit ce coup de génie de raconter une série sur le suicide en deux heures trente. Comme souvent chez les auteurs anglais, elle s’appuie sur un récit presque classique avec une minutie psychologique qu’elle puise sans doute de l’écriture scénaristique dans la construction des trois personnages de femmes. Mais en plus de la force de ce récit, de la précision des personnages et de leurs rapports, il y a cette forme incroyable et ce pari fou qui consiste à faire jouer en même temps trois histoires pourtant situées dans des temporalités différentes. »

Vous avez dit précision, radicalité, force d’un récit presque classique? Oui, Alice Brich traite avec un savoir-faire méticuleux ces histoires de malédiction générationnelle: transmission de culpabilité de mère à fille, quête d’identité, vie sexuelle, revendications féministes, volonté ou refus d’avoir un enfant, addiction à la drogue… Les erreurs commises par les ancêtres  qui se transmettent sont un thème dans le vent… mais que traitaient déjà formidablement Eschyle dans la trilogie Agamemnon, Les Choéphores,  Les Euménides  et dans Les Perses, Sophocle dans Electre et Euripide dans Iphigénie en Tauride où il reprend la malédiction sanglante des Atrides. Les scènes d’Anatomie d’un suicide à l’architecture compliquée, s’intercalent et se bousculent, avec parfois, les mêmes phrases revenant en boucle sur le temps, non plus d’apprendre à vivre mais à y renoncer…
De là, « à entrer en totale empathie avec ces femmes »comme le voudrait Christophe Rauck? Ce texte ressemble souvent trop à un exercice de style universitaire sur un thème imposé, du genre: «En deux heures, traitez d’une saga familiale sur trois générations avec, comme thème principal, le suicide, vous évoquerez aussi le monde hospitalier et créerez trois protagonistes féminines et de nombreux personnages subalternes. » Sur ce vaste espace, les courtes scènes se succèdent avec, à chaque fois, déménagement de meubles et accessoires-une mode actuelle: ce qui parasite l’action. Défilent ainsi canapé en cuir trois places sur roulettes, lit d’hôpital, table et chaises, baignoire, toilettes, etc. Ce qui a pour résultat de casser le rythme. . Et, sauf à de rares moments, on n’est jamais vraiment accroché : mon voisin s’est endormi plusieurs fois et sur le même rang, il y a eu des désertions…
Sans doute en cause: d’abord, une écriture plus filmique, que théâtrale : le public aurait besoin de s’y retrouver un peu et cette simultanéité de moments-séduisante pour un metteur en scène-pourrait être efficace… à dose homéopathique ! Mais quand cela devient un procédé, on a envie de crier : stop. Et la distribution est inégale: Audrey Bonnet, Servane Ducorps et Mounir Margoum s’en tirent bien mais on entend souvent mal les autres acteurs, surtout quand ils joeun assis en fond de scène derrière un tulle, une autre mode scénographique… Christophe Rauck peut arranger cela mais, en ce soir de première, même au sixième rang, c’était assez pénible et nuisait à ce  désir d’empathie » envers les personnages dont nous sommes assez éloignés.
Et les acteurs peinaient visiblement à les imposer… La scénographie d’Alain Lagarde bien réalisée, manque pourtant de clarté: le metteur en scène semble avoir eu en fait quelque difficulté à maîtriser ce grand espace où, dans le texte, l’action se passe dans une maison et à l’extérieur. Bref, cet enchaînement de courtes scènes ne retient pas vraiment l’attention. Mais comment s’emparer de cette dramaturgie où les phrases se répondent, d’une génération à une autre et arriver  à maîtriser un texte par moments virtuose mais lourd, avec de nombreux personnages comme dans une série, et complexe? Cela  relève d’une mission impossible. La volonté de casser le récit est un procédé déjà ancien mais ici les rapports entre les personnages manquent de profondeur. Et même s’il y a de belles images, ce spectacle trop long (deux heures) est vite ennuyeux et décevant. Nous avons connu Christophe Rauck, mieux inspiré. Vous êtes prévenu : évitez d’y emmener des lycéens ou des étudiants.
Mais, à vous de voir, cela vaut peut-être le coup d’aller jeter un œil (pour être informé) sur le travail de cette jeune dramaturge et scénariste peu connue chez nous mais confirmée en Grande-Bretagne. Elle a reçu plusieurs prix et en 2018, pour Anatomie d’un suicide, le prix Susan Smith-Blackburn accordé à une écrivaine britannique…

Philippe du Vignal

Jusqu’au 19 avril, Théâtre Nanterre-Amandiers-Centre Dramatique National (Hauts-de Seine). T. : 01 46 14 70 00.

Du 15 au 23 mai, Théâtre National Populaire de Villeurbanne (Rhône).

La pièce a été traduite avec le soutien de la Maison Antoine Vitez, centre international de la traduction théâtral et est publiée en anglais chez Methuen Drama (2021).

 

KATA, chorégraphie et interprétation d’Anna Chirescu

KATA, chorégraphie et interprétation d’Anna Chirescu

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©Julien Benhamou

A l’Etoile du Nord, le festival Immersion Danse s’ouvre avec un solo dansé autobiographique d’Anna Chirescu, prix de la révélation chorégraphique 2024 du Syndicat professionnel de la Critique de théâtre, musique et Danse. Cela commence étrangement avec un récit plein d’humour dit par la danseuse, à l’abri des regards, à propos d’un fruit : le coing, un élément de la tarte traditionnelle en Roumanie. Un fruit un peu négligé en France mais emblématique de ce pays.
Puis Anna Chirescu entame vingt-six suites de mouvements de kata, certaines rythmées par ses vocalises. Ensuite nous entendons et découvrons en fond de scène, le récit de la mort médiatisée de Nicolae Ceaușescu, dictateur au pouvoir en Roumanie de 74 à 89.
Au même moment, elle apparaît, méconnaissable, en costume de danse traditionnelle et entame une danse rituelle ancestrale. Cette première partie n’est pas toujours lisible, malgré son engagement physique et sa belle occupation de l’espace. Le soleil se lève enfin à l’Est, même si le roumain est une langue latine,et quand Anna Chirescu nous parle de son père, tout devient clair.
En 2020, elle a reçu une vidéo de lui, filmé en tenue blanche de karatéka, avec ses partenaires. Ils s’entraînaient sur une plage et les images, d’une grande beauté en noir et blanc, sont de 1980, année où son père va fuir le régime totalitaire à l’occasion d’un voyage en France. Il
avait obtenu un « passeport de compétition ».
Nous comprenons alors mieux la signification de ce solo… Anna Chirescu a remonté le fil du temps et, aux saluts, l’émotion était perceptible dans son regard. En cinquante minutes, nous sommes devenus les témoins d’un parcours intime. Quand les frontières sont devenues instables et que la folie masculine est au plus haut degré, ce témoignage prend un autre sens! L’Histoire est un éternel recommencement et ce solo illustre bien le sous-titre de ce festival : Pour que la danse ne vous laisse pas indifférent!

Jean Couturier

Les 19 et 20 mars, Théâtre de l’Etoile du Nord, 6 rue Georgette Agutte, Paris ( XVIII ème). T. : 0142 26 47 47.
Les 2 et 3 juin, Pavillon de Romainville, dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine Saint Denis.   

75018 Paris

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