Poste Restante, Escales sur la ligne création et réalisation de Cécile Léna
Poste Restante, Escales sur la ligne création et réalisation de Cécile Léna
«J’ai gardé de l’enfance le souvenir d’un père, astrophysicien, en perpétuel déplacement, le regard tourné vers les étoiles. Je me revois guettant avec impatience l’atterrissage de son 707 derrière les baies vitrées d’Orly, l’arrivée de sa Caravelle-observatoire au Centre d’essais en vol de Brétigny. (…) Quelques décennies plus tard, je me plonge dans la lecture de Saint-Exupéry. Happée par l’histoire de l’Aéropostale, je redécouvre l’incroyable aventure de ces postiers du ciel : ceux qui ont contribué au décollage de ces avions, ceux qui ont assuré, quoi qu’il en coûte, la distribution du courrier. »
Depuis 2008, Cécile Léna,artiste et scénographe, crée des architectures miniatures très réalistes où le moindre détail est pris en compte comme ici de petits lustres qui s’éclairent et puis s’éteignent. Pas de personnages mais des histoires avec des voix de personnages du son et des lumières de son, de lumière et de voix.
Avec ces installations, elle recrée ces lieux de mémoire collective qu’aucun visiteur n’a vu mais qui nous a tous fait rêver enfants ou adolescents quand nous lisions les récits de la formidable aventure de ces petits avions pilotés sans instruments de navigation de l’Aéropostale qui reliaient la France à l’Amérique du Sud, une compagnie aérienne française basée à Toulouse, imaginée par par Pierre-Georges Latécoère, un ingénieur issu de Centrale. En 1918, il imagine une ligne aérienne de fret et courrier et René Cornemont ouvrira la ligne Toulouse-Barcelone. Un an plus tard, est fondée la société des Lignes Aériennes Latécoère devenue Compagnie générale d’entreprises aéronautiques et il crée une liaison aérienne Toulouse-Casablanca et, en 24 jusqu’à Dakar, par Agadir, Port-Étienne, Saint-Louis. Et de France à Rio-Recife au Brésil, puis jusqu’à Buenos-Aires et Santiago du Chili.
Sous les ordres du chef d’exploitation Didier Daurat (1891-1969), Jean Mermoz, disparu dans l’Atlantique à trente-cinq ans pendant la seconde guerre comme Antoine de Saint-Exupéry, en Méditerranée et Henri Guillaumet atteint par un avion italien. Avec Marcel Rein, Marcel Bouilloux-Lafont, leurs mécaniciens, les radios et co-pilotes, réalisèrent, entre autres exploits, le survol de la Cordillère des Andes en 1928, rapporté par Saint-Exupéry dans son roman Vol de nuit, la première traversée commerciale transatlantique, réalisée de Dakar à Natal (Brésil) par Jean Mermoz sur un avion Latécoère 28-3. Mais suite à la crise financière de 1929, la compagnie en difficultés, reprise par l’État français quatre ans plus tard sera.. nommée Air France. Il y avait matière, pour Cécile Léna qui a travaillé sur la mémoire collective de ces héros et sur la notion de temps, mais sans faire jamais apparaître aucun corps, ni aucun visage, sauf à l’extrême fin et à peine visible et sur un petit écran. Mais avec la forte présence des voix légères et poétiques de Diego Asensio, Philippe Bozo, Françoise Cadol, Enrique Fiestas, Marjorie Frantz, Jacques Gamblin, Kevin Goffette, Cécile Léna, Thibault de Montalembert, Charles Morillon, Stéphanie Moussu, Mayte Perea López, Jean-Philippe Pertuis, Pierre Tissot, Célestine Valladon.
Cette installation a été créée au Festival Marto aux Théâtre des Gémeaux à Sceaux. Nous sommes invités à entrer successivement dans des cabines individuelles, rouge et noir numérotées de 1 à 7 disposées salle Roland Topor (1938-1997). Cette installation aurait bien plu à cet artiste qui travailla avec Jérôme Savary pour Les Aventures de Zartan et De Moïse à Mao). Dans chacune de ces cabines, derrière une vitre, réalisés avec un soin extrême dans les matériaux utilisés par les architectes pour leurs maquettes et criant de vérité, les modèles réduits – chers à Claude Lévi-Strauss du fameux hôtel du Grand Balcon sous la neige à Toulouse, base arrière de ces pionniers; devant tourne un manège avec trois avions. Longtemps il y a eu les photos de tous ces pionniers dans le hall de cet hôtel où nous avons dormi une nuit dans la chambre de Jean Mermoz (du moins ce que nous en avait dit le gérant. Il y a aussi un désert où un petit avion vole dans le lointain… Et en Afrique une chambre avec deux hautes fenêtres donnant sur la mer, avec un lit, une valise, une cantine. Ou un hangar à éclairage zénithal où sont abrités deux appareil. Ou encore un hôtel à Saint-Louis avec ses galeries en bois et un palmier dans la cour intérieure. Sans doute le plus réussi mais tous sont étonnants de vérité et de poésie ce qui n’est pas incompatible. Réalisé par toute une équipe: avec Etienne Klein
Dans un silence absolu; un voyage intérieur fascinant et ces quelque six fois si minutes passent comme un éclair. Ensuite, nous sommes invités à descendre dans l’ancienne librairie du théâtre où a été placé le cockpit et une partie de la cabine d’un avion des années cinquante. Nous sommes au-dessus de la Méditerranée et au casque nous entendons Horst Rippert, le pilote allemand qui mitrailla l’avion de Saint-Exupéry… Il dit avoir regretté toute sa vie d’avoir tué cet écrivain dont les romans l’avaient tellement impressionné.
Quel que soit votre âge, allez absolument voir-on ne vous le dira pas trois fois-cette installation formidable de poésie;. Nous repensons à ces mots du grand Fernando Pessoa : Et quelques mots merveilleux de Fernando Pessoa: « Le minuscule a pour moi la saveur de l’irréel. l’inutile est beau parce qu’il est moins réel que l’utile, qui dure et se prolonge, tandis que le merveilleux futile, le glorieux infinitésimal demeure là où il se trouve,n’est rien d’autre que ce qu’il est, et vit en toute liberté, en toute indépendance. L’inutile comme le futile ouvrent dans notre vie réelle, des pauses humblement esthétiques. »
Nous sommes sortis tout remués mais heureux, comme rarement après un spectacle. Mais, attention: jauge très limitée… Bon voyage: vous ne regretterez pas.
Philippe du Vignal
Jusqu’au 13 avril, Théâtre du Rond-Point, 2 bis, avenue Franklin D. Roosevelt, Paris (VIII ème) T. 01 44 95 98 21
Théâtre TANDEM, Arras (Pas-de-Calais) du 22 avril au 18 mai.
Musée de l’hydraviation, Biscarosse ( Landes) du 29 mai 30 juin
ChapitO, Bègles ( Gironde) du 22 septembre au 5 octobre.
Théâtre de la Passerelle, Saint-Brieuc ( Côtes d’Armor) du 13 au 31 octobre .
Théâtre des Quinconces, Le Mans (Sarthe) du 6 au 30 novembre.
Scène nationale du Sud Aquitain, Anglet (Pyrénées-Atlantiques ) dates non communiquées.
Théâtre Le Manège, Maubeuge (Nord) du 12 au 31 mai.
Théâtre de l’Agora , Boulazac (Dordogne) du 18 septembre au 12 octobre.
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