BIAC Marseille-Provence-Alpes-Côte d’Azur, cinquième édition

Biennale Internationale des Arts du Cirque Marseille-Provence-Alpes-Côte d’Azur (BIAC), cinquième édition

Codirigé par Raquel de Andrade, Guy et Simon Carrara, Archaos a créé ses premiers spectacles il y a trente ans (Chapiteau de Cordes, Somewhere and Nowhere, Métal Clown…) et a joué dans le monde entier, avant de s’implanter à Marseille depuis 2001 où il est devenu Pôle national cirque. Archaos a initié cette B.I.A.C., dans la foulée du projet Cirque en Capitales, mis en place pour Marseille Capitale Européenne de la Culture en 2013. Cette Biennale de création propose, les années impaires, au cœur de l’hiver une programmation avec des structures culturelles sur tout le territoire de la Région Sud-Provence-Alpes-Côte d’Azur.Et les années paires, un festival plus réduit, L’Entre2 B.I.A.C. sur Marseille Métropole. Cette année, quarante-cinq lieux culturels offrent plus de soixante-dix spectacles avec deux-cent cinquante représentations. A Marseille, le Village Chapiteaux, non loin des plages du Prado, sert de quartier général dans un Magic Mirror convivial.

Désobérire
En une soirée, nous avons pu voir trois événements dont une amusante conférence philosophico-circacienne Désobérire où l’acteur Guillaume Clayssen en s’appuyant sur la présence de l’acrobate Roberto Stellino, essaye de répondre à la question : Obéir ou désobéir? Malgré son habileté rhétorique, le comédien a du mal à intégrer dans ses raisonnements les performances de son partenaire dont saillies et pirouettes ne nous ont pas convaincus.
Mais nous suivrons volontiers les prochaines créations de cet agrégé de philo car il instaure une complicité avec le public et démontre textes à l’appui, qu’il est plus facile d’obéir que de se révolter, surtout en démocratie « où la désobéissance est moins légitime que dans une tyrannie ».Mais parfois, « la désobéissance  démocratise la démocratie », comme le prônait en son temps Henry David Thoreau et comme l’a montré Rosa Parks en 1955, en refusant de céder sa place à un passager blanc dans un autobus à Montgomery (Alabama). Exemple récent : les multiples actions de Cédric Herrou, agriculteur militant pour la défense des migrants, a permis d’abolir -mais dans certaines conditions- du «délit de solidarité ».

I Love You Two by Circus I Love You

© Minga Kaukoniemi

 

I love you two
Tout commence en musique et ces artistes forment un excellent orchestre, avant de se lancer dans leurs performances. Trois duos d’acrobatie se succèdent, organisés autour de la notion de tendresse. Un homme et une femme rivalisent en virtuosité au bout d’une perche et au trapèze volant, se portant tour à tour l’un l’autre avec la même vigueur mais toujours en douceur.Suit un étonnant numéro musical entre l’accordéoniste et le violoncelliste. Les voilà alternant sur les épaules l’un de l’autre, tout en continuant à jouer. En inventant des combinaisons virtuoses et les plus invraisemblables et finissent par tourner avec grâce dans des roues Cyr…

Enfin, deux funambules dansent sur le fil, y roulent à bicyclette… Des équilibres périlleux qui nous tiennent en haleine. Pour finir dans de vertigineuses envolées en bascule. Du très grand art servi par une équipe joyeuse et souriante : Sade Kamppila, Julien Auger, Oskar Rask, Benoît Fauchier, Felix Greif, Philomène Perrenoud, Thibaud Rancoeur, Périklis Dazy, Thomas Fabien, Julia Simon, Pelle Tillö, Elisabeth Künkele ou Emma Laule. La compagnie Circus I love you a été créée par Sade Kamppila et Julien Auger pour réaliser leur rêve : fabriquer un cirque et aller jouer en Europe… Tout le monde met à main à la pâte et se partage la conduite du camion, le montage du chapiteau et des gradins, la création des costumes. Et le cuisinier fait quelquefois partie du spectacle ! Ils partagent aussi la même approche de leur art : « l’amour du cirque comme outil d’épandage massif d’amour! »

Les Fauves -

Ea eo © Florence Huet

 

Les Fauves, direction artistique d’Eric Longequel et Johan Swartvagher

Nous pénétrons sous un chapiteau « cousu main », nous dit-on, et conçu pour ce spectacle de jonglage grand format, par le collectif d’architectes Dynamorphe: «Plus que jamais, les spectacles de jonglage ont besoin de se détacher des formes existantes, telles que la boîte noire ou la piste de cirque », affirme la compagnie Ea Eo qui a créé Fauves à l’Espace-Cirque d’Antony l’an passé. Nous visitons la ménagerie, guidés par les instructions et commentaires de la chanteuse et musicienne Solène Garnier dont les compositions accompagnent le spectacle. Elle chauffe l’ambiance pour une déambulation de quarante minutes, dans les espaces où les cinq jongleurs se livrent à des numéros solitaires. Éric Longequel évolue sous l’eau dans un aquarium, jouant avec des objets bizarres. Neta Oren jongle avec ses balles blanches dans une cage de verre, au rythme infernal d’une voix impérieuse, diffusée dans notre casque. Plus loin, Emilia Taurisano, gracieuse, fait rebondir ses balles d’un pied à l’autre, suspendue à un fil telle une araignée. Elle ouvrira aussi de petites balles transparentes d’où jaillissent confettis et plumes.
Au centre du chapiteau, Wes Peden évolue sur des cothurnes faites de massues assemblées et se défait lentement de tricots de corps enfilés les uns sur les autres et portant des mots humoristiques. Johan Swartvagher, lui, nous attire à l’extérieur et, surgi des buissons, lance ses massues phosphorescentes haut dans le nuit venteuse.

En seconde partie du spectacle, le public se rassemble sur des gradins en tri-rontal. Sur la piste triangulaire, Wes Peden, star du jonglage sur les réseaux sociaux, n’en finit pas de lancer ses massues roses, avant que les fauves au grand complet se déchaînent pour une équipée sauvage et poétique sous les ordres de Johan Swartvagher, le Monsieur loyal de ce cirque où chacun joue en boucle, espérant atteindre son « meilleur jonglage». Et bientôt une pluie de confettis viendra clore ces deux fois quarante minutes. On aurait souhaité ce moment collectif plus dense, plus collectif, et moins long le solo de Wes Peden, par ailleurs excellent performeur.

Mireille Davidovici

Spectacles vus le 28 janvier.

BIAC jusqu’au au 12 février T. :04 91 55 62 41.

Les Fauves

16 au 19 ma La Coursive, La Rochelle (Charente Maritime) ;  du 31 au 2 avril Les Passerelles, scène/La Ferme Du Buisson (Seine-et-Marne ;  du 14 au 16 avril, CirquEvolution /Théâtre De Chelles (Seine-et-Marne) ; du 5 au 7 mai, Le Manège de Reims (Marne) ; du 20 au 25 juin Le Mans fait son cirque (Sarthe) ; décembre Le Tandem Douai (Nord) –

 I love you two

Du 2 au 5 juin,400 år jubileum Göteborg (Suède) ; du 22 au 24 septembre  Atoll Festival Karlsruhe (Allemagne )  ; du 29 septembre au 1er octobre,  Théâtre national Bourg en Bresse (Ain) ; du 6 au 8 octobre, Théâtres en Dracénie, Draguignan (Var) ; du 12 au 15 octobre La Seyne-sur-Mer (Var) ; du 17 – 25 novembre,  La Saison Jeune Public, Le Pôle Hérouville Saint-Clair (Calvados)

 


La Chute des anges, mise en scène et chorégraphie de Raphaëlle Boitel

La Chute des anges, mise en scène et chorégraphie de Raphaëlle Boitel

Les arts du cirque sont en perpétuel renouveau. Raphaëlle Boitel participe à cette effervescence avec des pièces qu’elle qualifie de «Cirque-théâtre chorégraphique ». Nous avions découvert avec bonheur 5es Hurlants, créé avec les jeunes diplômés de l’Académie Fratellini où elle a été formée, et, dernièrement, Le Cycle de l’absurde, spectacle de sortie du Centre National des Arts du Cirque en 2020 (Voir Le Théâtre du blog). La Chute des anges fait appel, cette fois-ci, à la chute des corps et à leur aspiration à l’envol.

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© Sophian Ridel

Première image saisissante, l’atterrissage sur un agrès horizontal, d’un être venu des cintres. Sa longue silhouette, prise dans un manteau gris, oscille dans une lumière à contre-jour, créant des effets stroboscopiques. Sorte d’Icare ou ange tombé des nues ? Deux figures, tout aussi étranges, le rejoignent, enveloppées dans les mêmes houppelandes sombres et figées, telles des marionnettes ou tournoyant en apesanteur au bout d’un filin… Bientôt, ils seront sept personnages, acteurs ou circassiens, anges de lumière happés par l’ombre, errant et cherchant une échappatoire. «On ne sait pas exactement ce qui a provoqué leur chute, dit Raphaelle Boitel… On est probablement peu de temps après et eux-mêmes semblent ne plus se rappeler ce qu’il s’est passé.. Ils en ont oublié ce qu’ils étaient. »

Réglés par une subtile chorégraphie, entre horizontalité et verticalité, les corps se croisent, indifférents les uns aux autres, s’acoquinent en un duo sensuel. Ou ils s’agglutinent, tribu en déshérence, autour d’un phonographe à pavillon crachant une rengaine du music-hall anglais: Daisy Bell d’Harry Dacre (1892). Quelques personnages essayent de se soustraire à la pesanteur, avec ou sans agrès, sous l’œil menaçant de lampes aux bras articulés qui les suivent en un ballet mécanique, et tracent des figures géométriques dans l’espace.

 Raphaëlle Boitel a gardé de ses douze ans chez James Thierrée -elle joua notamment dans La Symphonie du Hanneton et La Veillée des Abysses- un goût pour les images poétiques. Et elle écrit ses pièces au plateau : «C’est ma feuille blanche, dit-elle, et les interprètes, la musique, la lumière en sont la palette ». Les solos des circassiens se fondent dans le ballet des corps et objets, noyés dans les vapeurs des projecteurs et accompagnés par la musique d’Arthur Bison.

Emily Zuckerman, acrobate et danseuse, se fige parfois, hypnotisée par une lointaine clarté qu’elle cherche à capter, avant de disparaitre dans les hauteurs obscures. Alba Faivre, elle, se love autour d’une longue perche en des arabesques vertigineuses, entre ombre et lumière… Autour d’elles, gravitent Clara Henry, Lilou Hérin (en alternance avec Sonia Laroze), Tristan Baudoin, le fil-de-fériste et clown Loïc Leviel, et Nicolas Lourdelle qu’on a pu voir dans les spectacles de Baro d’Evel.

© Sophia Ridel

Sophian Ridel

Clairs-obscurs et danse des luminaires, orchestrés par Tristan Baudoin sont ici essentiels. Ce passionné d’arts plastiques a rejoint la Cie 111 d’Aurélien Bory et depuis 2011, accompagne les créations de Raphaëlle Boitel. Il en assure aussi la scénographie, la régie et la conception robotique.

Les artistes sont partis de l’allégorie de la caverne de Platon pour vêtir leurs anges d’ombres et de lumière. Qui sont-ils et pourquoi sont-ils tombés ? Comment s’en relèveront-ils ? Belle métaphore de notre humanité menacée, ce spectacle exceptionnel ne manque pas d’humour. À recommander ainsi qu’Ombres Portées, Un contre un,Le Cycle de l’absurde actuellement en tournée.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 31 décembre, Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt. Paris (Vlllème) T. : 01 44 95 98 21

 Le 28 février, Théâtre Equilibre, Fribourg (Suisse). Les 3 et 4 mars, Théâtre Municipal de Grenoble (Isère) . Le 7 mars, Le Pôle, Bron (Rhône) . Les 10 et 11 mars,| Le Manège,- Scène nationale de Maubeuge (Nord). Les 14 et 15 mars, Opéra de Massy (Essonne).

 

 

Animal de Kaori Ito et Manolo, par le Théâtre du Centaure

Animal de Kaori Ito et Manolo, par le Théâtre du Centaure

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© Anaïs-Baseilhac

Quatre chevaux noirs attendent sagement avec leur picotin d’avoine, que le public s’installe et que le spectacle commence. Autour d’eux ; l’équipe artistique s’active, prête à se lancer dans une aventure: la rencontre entre l’univers de la danseuse japonaise et celui de Manolo qui se dit « Centaure en mutation» : « Par l’écoute des corps et la danse, dit-il, Kaori me guide dans cette recherche sur la piste animale. »

 Une pièce en quatre temps, un par cheval : Indra, Arjuna, Nakula et Sahadeva. Chaque séquence révèle les personnalités des animaux comme celles des artistes et induit un dialogue spécifique entre l’humain et la bête, considérée comme partenaire à part entière. Johanna Houe, écuyère et accordéoniste, accorde le soufflet de son instrument à la respiration de sa monture, en l’amplifiant, au rythme du martèlement des sabots. Ce travail musical est ici accompagné comme aux autres moments du spectacle, à jardin, par le guitariste Virgile Abela et, à cour, par Anwar Khan, virtuose des tablas mais aussi du chant et de l’harmonium. La danseuse Léonore Zurflüh rivalise avec la circassienne à cheval en imitant sa cavalcade et plus tard, entamera un pas de deux ludique avec Arjuna, généreux et bondissant à ses côtés comme un chien familier…

Manolo, dans un corps à corps charnel avec Nakula, se love, peau contre poil sur la bête immobile. Un dialogue muet s’instaure, émouvante intimité, dans le silence du plateau. Ce dernier tableau dit poétiquement la possible symbiose entre l’humain et le règne animal . «C’est, résume Kaori Ito, l’histoire d’un homme qui joue avec des animaux fabuleux, qui danse avec eux et disparait en eux. »

L’homme-centaure a rassemblé autour de ses chevaux une prestigieuse équipe que Kaori Ito a chorégraphiée avec finesse, en mettant en avant le talent de chaque artiste et de chaque animal. Nous avons apprécié la virtuosité équestre de Johanna Houé, vice-championne d’Europe de dressage des Masters ibériques, qui a souvent collaboré avec Zingaro. Le compositeur Virgile Abela, artiste associé du Laboratoire de Mécanique et d’Acoustique du C.N.R.S., va et vient entre musique contemporaine et jazz. Il se lance ici dans un duel humoristique dans la grande tradition de la musique indienne, avec le malicieux Anwar Khan qu’on a pu voir chez Zingaro, au Théâtre de la Ville ou à la Philharmonie de Paris.

Et Léonore Zurflüh, interprète de la compagnie de Kaori Ito, s’intéresse depuis longtemps à l’éthologie équine pour lire et sentir le mouvement du cheval. Elle n’a ici rien à envier aux foulées des montures noires élevées depuis leur plus jeune âge par Manolo et chouchoutées par Séverine Deperrois et Malorie Leclerc selon les directives d’une ostéopathe pour chevaux qui accompagne la création.

En 1989, Manolo a fondé le théâtre du Centaure en Bourgogne et sa compagnie est maintenant installée à Marseille. Il oriente sa recherche vers la danse: «Petit à petit, je découvre un nouvel état d’être. C’est peut-être ça un Centaure : une relation, une danse avec le vivant». Animal est conçu pour être joué dans un théâtre ou en pleine nature, à la lumière du jour. Il faut découvrir ce spectacle et sa joyeuse énergie.

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 20 novembre, aux Théâtre des Gémeaux-Scène Nationale, 49 avenue Georges Clemenceau, Sceaux (Hauts-de-Seine) T. : 01 46 61 36 67.

 Les 25 et 26 novembre, Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Du 26 au 29 janvier et du 3 au 5 février, Biennale Internationale des Arts du Cirque, Marseille (Bouches-du-Rhône)

Le 5 mai, Quai 9, Lanester ; les 7 et 8 mai, Haras d’Hennebont (Morbihan).
Pôle de création des arts équestres en extérieur  les 13 et 14 mai, baie du Mont-Saint-Michel, Saint-Jean-le-Thomas (Manche).

 

Festival Jours et [Nuits] de cirque(s) au Centre International des Arts du Mouvement

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Akoreacro

Festival  Jours et [Nuits] de cirque(s) au Centre International des Arts du Mouvement

 Un doux week-end d’automne dans la pinède abrite le C.I.A.M. d’Aix-en-Provence, inauguré en 2013. Deux beaux chapiteaux, espaces consacrés à la création et à l’innovation et le plus petit chapiteau du monde, pour quarante spectateurs enfants et adultes, celui des Zampanos. Sans compter, pour la vie et l’appétit du festival, des camions-cuisines de diverses spécialités, une librairie et surtout des ateliers d’initiation pour les enfants, au fil, au trapèze et au jonglage, et pour les plus grands, des baptêmes au trapèze volant. Le tout formant une jolie remontée de vacances. Au centre, le cirque  avec un public bienveillant, vivant et dont on partage les rires, le souffle retenu et les réactions.

Un public qui a bien accueilli Urban et Orbitch de la compagnie Microsillon, avec une errance nocturne de Bobitch dans la ville hostile. Dans un décor de déchets, poubelles et portes fermées, le clown fait vivre les perdus de la nuit, face à une institution mécanisée, débordée, incapable de les secourir. On rit des relations heurtées et tendres qu’entretient ce clochard avec son fauteuil roulant, sorte d’animal de compagnie, on rit du “bien vu“  et de la fantaisie. On rit moins d’un regard un peu convenu sur les boîtes gay (le clochard avec ses hauts talons en satin rouge). Une épatante bande-son recrée tout un monde, cruel, ironique, surprenant, autour d’un Bobitch à la dignité sans cesse en travail. On serait tout à fait content si les hauts et les bas du spectacle étaient vraiment joués, habités et si les moments creux, à plat, étaient ceux de la nuit, et non ceux du spectacle.

Daniil et Jenni

Daniil et Jenni

Mais joie presque totale pour Dans ton cœur de la compagnie Akoreacro. Presque, parce que retardée par une trop longue installation dans les gradins et une inutile mise en condition du public. Mais dans la mise en scène de Pierre Guillois, la troupe joue du masculin et du féminin et  toute l’histoire d’un couple : rencontre, famille qui s’agrandit, se défait… On jongle avec les appareils électroménagers  et les amoureux volent en plein rêve aux mains des porteurs dans ce spectacle né en 2017 (voir Le Théâtre du Blog). On a envie de tout raconter et de s’ébahir de cette dramaturgie virtuose, de l’invention et la finesse de cette énergie acrobatique mises au service du théâtre. Comédie, drame, performance, magie du mouvement : on en redemande. Allez, encore un souvenir savoureux: quand la super-Héroïne dézingue avec ses super-pouvoirs, les garçons qui lui permettent de voler…

Cabaret

 Un chapiteau avec tables et chaises sur les gradins autour d’une piste surélevée, accueille un Cabaret non moins réussi, sans autre fil conducteur que les haubans du chapiteau lui-même. Et un fil sur lequel marche Jenny Kastein, désinvolte, en short de jean comme si elle était dehors, puis de moins en moins désinvolte et de plus en plus virevoltante. On la reverra au cours du spectacle, envolée dans un superbe main-à-main avec Daniil Biriukov qui reviendra lui, pour d’autres pyramides.

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La féminissime Ava (Oriane Bernard), dans un fourreau de satin vert émeraude, apporte au spectacle une troublante note rétro avec son numéro d’avaleuse de lames de rasoir et son audace à se hisser dans les cintres avec les dents. Un clown très discret (Julot Cousins) en costume gris à peine flottant et au chapeau plat à la Buster Keaton, viendra, après quelques tours vertigineux de hula hoop en haut d’un mât instable, déshabiller Ava d’un seul geste… On ne sait ce qu’on aime le plus dans ce Cabaret : la perfection presque distante, sans tapage de l’acrobatie ou du jeu avec la roue Cyr (Vincent Bruyninckx), l’humour et l’habileté du trio Moi et les autres qui joue les empêtrés (la rigueur et la fluidité des changements d’agrès aux mains d’une équipe de régisseurs au top, l’entrelacement des numéros, mis en piste par Davis Bogino et Christian Lacrampe. Surtout la musique d’Arnaud Méthivier, accordéoniste et compositeur, avec le violoniste Pierre-Marie Braye Weppe et le batteur Jean-Paul Moreau font de ce Cabaret, un organisme vivant. Le public écoute, accompagne souffle par souffle, parfois jusqu’au silence, non pas les numéros (on n’applaudit pas à la fin de chacun) mais les artistes, les personnes engagées. Et cela crée sous le chapiteau une communion rare  avec une attention et un soutien apporté aux acrobates. Aucun doute, à ces moments-là, on se dit que le cirque est vraiment un art.

Réalité virtuelle

Hold On 1

Hold On 1

Le C.I.A.M. et le festival offrent peut-être de plus original : le Pôle Innovation et le Chapiteau Création. Place, dans le premier, aux « arts numériques » qui viennent augmenter les arts du mouvement. Hold On (Restez en ligne) de la compagnie Fheel Concept, est né d’une chute de l’artiste aérienne Corinne Linder. Elle met en scène, dans nos lunettes connectées, le trac de l’entrée sur la piste, la peur et l’exaltation au sommet de l’agrès et la sidération de la chute. L’image est belle, sans que l’on ressente forcément le vertige et pourtant il ya quelque chose de vertigineux dans cette survie numérique d’un numéro qui ne peut plus avoir lieu…

À suivre, avec leur création The Ordinary Circus girl qui intégrera  la réalité virtuelle. Yoann Bourgeois, avec Fugue VR pousse sa recherche dans une autre direction, plus fantastique et fait traverser le trampoline par son double, le libère en fantôme, fait littéralement bouger les lignes en plaçant lui aussi, le spectateur au bord de son propre saut, faisant vaciller la perception. Esquisses très intéressantes dans les deux cas mais qui rappellent à la réalité et à la priorité du cirque physique et du mouvement: il y a encore du chemin entre la performance d’origine et son modeste développement numérique.

Hétérographies circassiennes

L’innovation la plus originale du festival reste le très sérieux et très drôle Workshops cirque et sciences humaines. Trois duos de scientifiques et d’artistes (merci à ces mots épicènes de nous éviter les difficultés de l’orthographe inclusive !) avec la contorsionniste Angela Laurier, pas vraiment à la retraite –vraiment pas- et l’historienne Karima Direche, confrontent leur difficultés à rendre compte des émotions nées du parcours de la comédienne syrienne Fadwa Suleiman, emblème de son pays, morte à quarante-sept ans. Vincent Berhault, jongleur et metteur en scène que l’on pourra voir au festival d’Auch Entre avec sa compagnie Les Singuliers est à l’initiative de ces duos. Il apporte une perturbation insolite et gracieuse au très sérieux cours sur la laïcité de Vincent Geisser, politologue et sociologue, qui, lui-même, se laisse embarquer du côté du clown blanc… L’Auguste Cédric Paga cherche à se faire soigner par le docteur en ethnomusicologie Olivier Tourny. Rire et réflexion naissent dans l’entre-deux, un lieu des complicités, chausse-trappes et émotions partagées. Moments d’un cirque très éphémère, -on ne voit pas ces chercheurs partir en tournée, sinon pour quelques colloques- mais c’est peut-être aussi la vocation d’un festival d’offrir ce genre de parenthèse créative.

Impossible de voir Le Petit cirque boiteux de mon imaginaire -c’était complet-, mais au moins on aura visité ce minuscule chapiteau et rencontré Michel et Annie Gibé, et on a aussi été présenté à la pacifique chienne Griotte et à l’élégante poule Irène (le rat Crakos faisait la sieste). On rêve à ce cirque archaïque d’où les animaux nos frères ne seront pas bannis, à condition que des défenseurs à œillères du bien-être animal ne leur interdisent pas les scènes bienveillantes comme celles-ci. La chienne-musicienne (quand ça l’amuse) partage l’orchestre avec des marionnettes, peut-être la première représentation humaine avant la peinture, selon Michel Gibé. Une frontière poreuse entre vivant et objet magique… Ici, l’exploit est dans le minuscule, l’insolite et dans le regard du public. Il paraît qu’il commence par rire, puis quitte  tout ému ce petit chapiteau.

Voilà un festival pas trop grand, sans lourdeur et où s’équilibrent spectacles éprouvés, que le public mérite bien de rencontrer, expérimentations et art de vivre. On y respire un cirque à la fois contemporain, exigeant, familier et toujours étonnant. Merci à Chloé Béron et Philippe Delcroix.

Christine Friedel

Les workshops ont été conçus par Vincent Berhault et Cédric Parizot, avec le soutien du C.I.A.M., du LabexMed, de l’I.R.E.M.A.M. (Institut de Recherches et d’Etudes sur les Mondes Arabes et Musulmans), le T.E.L.E.M.M.E. (Temps, Espaces, Langages, Europe Méridionale – Méditerranée) et l’I.D.E.M.E.C. (Institut d’Ethnologie Méditerranéenne, Européenne et Comparative).

5èmes Hurlants conception et mise en scène de Raphaëlle Boitel

 

5 èmes Hurlants, conception et mise en scène de Raphaëlle Boitel

©Sophian_RIDEL

©Sophian_RIDEL

 Cinq, comme les cinq doigts de la main, compères de scène, soumis à la dure discipline du cirque, les artistes se déploient, bon gré mal gré, sous des projecteurs manipulés à vue par deux régisseurs, partie prenante du spectacle. Il faut bien y aller car le public attend. Mais ce n’est pas si facile : sur son câble de fer, Loïc Leviel s’avère un piètre funambule, paralysé par la peur, devant un agrès qui vibre comme animé d’une vie propre. A force de persévérance, et malgré les moqueries de ses partenaires, il réussira plus que brillamment. Et la musique vient souligner son exploit. Le ton est donné. Nous ne verrons pas une enfilade de performances mais nous serons plongés pendant une heure dans l’ambiance d’un travail en cours : répétition ou captation d’une spectacle, avec des temps forts et des pauses.

 «En contradiction avec le caractère soliste des numéros de cirque traditionnels, dit Raphaëlle Boitel, j’ai souhaité évoquer l’importance de la force du groupe, la solidarité, l’entraide, l’amour.» Aujourd’hui metteuse en scène et, parallèlement, chorégraphe pour l’opéra, elle n’a pas oublié les souffrances et contraintes physiques du métier pour avoir suivi la rude école d’Annie Fratellini, puis travaillé avec James Thierrée notamment dans La Symphonie du Hanneton et La Veillée des Abysses. Créé en 2015, ce spectacle rend hommage au cirque et « montre l’envers du décor, l’entraînement, qui occupe  90% de leur vie et abime leurs chairs ». 

Ici, les différents agrès semblent être les partenaires ambigus des artistes, à la fois supports de leur travail et instruments de torture comme cet impressionnant «spider » une toile d’araignée à cinq cordes entrecroisées où Clara Henry se débat tout en dansant dans les hauteurs. Plus poétique sous les lumières, un cerceau reçoit le gracieux numéro de contorsions aériennes de Julieta Salz, mais au bout de ses sangles, Salvo Cappello a les poignets meurtris. Quant à Alejandro Escobedo, même sans ses balles, il devient un forcené du jonglage…

Ils glissent,  tombent, se relèvent, mais tous finissent par trouver l’équilibre… Illustrant les lignes bien connues de Nicolas Boileau: «Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage/ Polissez-le sans cesse, et le repolissez/Ajoutez quelquefois, et souvent effacez. » Raphaëlle Boitel entend présenter ici «une parabole métaphorique de la vie, dans lequel la force de se relever incarne la rage de vivre. »

Mais rien de didactique dans ce spectacle émaillé de gags, soigneusement chorégraphié et accompagné de musiques enjouées. La Campanella de Nicollo Paganini revient à plusieurs reprises rythmer joyeusement les numéros. On lui reprochera peut-être d’abuser des scènes collectives muettes où le cirque parfois se noie et d’appuyer un peu trop sur ce hors champ, redoublé par un semblant de tournage de cinéma. Pour autant, les savants clairs-obscurs du scénographe Tristan Baudouin qui manipule de vieux projecteurs sur pied, architecturent la pièce, en projetant des ombres étranges sur les murs et sur un décor d’enchevêtrements de cordes, de sangles et de perches, où traînent, abandonnés, des gants, une bouteille d’eau ou un balle rouge…  Atmosphère poétique qui fait le charme de ce travail collectif, créé avec des jeunes diplômés de l’Académie Fratellini.

La metteuse en scène rend ici hommage à la fondatrice de cette école et au moment des saluts, les interprètes revêtent les costumes de scène à paillettes de cette première femme-clown et ceux de son partenaire, Pierre Etaix. 

 Mireille Davidovici

 Du 4 au 21 juillet, La Scala, 11 boulevard de Strasbourg, Paris (X ème) T. 01 40 03 44 30

 Prochains spectacles de Raphaëlle Boitel : en juillet :L’Acte I ; Libration, en collaboration avec l’Opéra National de Bordeaux à l’occasion de la saison culturelle Liberté ! Bordeaux 2019.
 En septembre , L’Acte II ; L’Horizon des Particules, Carreau du Temple, Paris (Xème).

 

 

 

Un Clown à la mer, et Coloris Vitalis, de Catherine Lefeuvre, direction Jean Lambert-wild et Catherine Lefeuvre

Un Clown à la mer, Calenture n° 55 de l’Hypogée pour acteur, grand col bleu, pompon rouge et rêve de longue route et Coloris vitalis de Catherine Lefeuvre, direction Jean Lambert-wild et Catherine Lefeuvre

Calenture : ce mot –vieilli mais délicieux et ici bien choisi- signifie le délire chez certains marins qui traversent les zones tropicales et qui veulent alors se jeter à la mer. Quant à l’hypogée, il désignait dans l’Antiquité un tombeau. Jean Lambert-wild incarne ici un clown, Gramblanc d’abord allongé sur une méridienne recouverte de velours rouge et qui va devenir un bateau avec une voile unique et un gouvernail. On va assister à une sorte de voyage poétique dans l’océan et à la quête d’absolu d’un homme qui veut sauver son identité dans un univers de plus en plus hostile à l’humanité, alors qu’il est le premier coupable de sa dégradation.

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©Tristan jeannne-Valès

Le personnage de clown a souvent fasciné sous une forme ou sous une autre, les gens de théâtre comme entre autres, les Russes du Licedei, Pierre Etaix, Sol, Emma le clown et… Jean Lambert-wild… Ce clown blanc, en costume de marin français revu et corrigé, semble être ici une sorte de double, à la fois comique et inquiet, de l’acteur et metteur en scène ; il aurait même, semble-t-il une certaine parenté avec le Richard III ou le Lucky d’En attendant Godot que Jean Lambert-wild a joué et mis en scène (voir Le Théâtre du Blog). «Le clown, dit-il, a souvent quelque chose de facile mais pas ici: je suis habillé pour Coloris Vitalis dans une sorte de grande robe bleue à rayures comme celles d’un pyjama, avec des petites baudruches rouges accrochées. Et Jean Meyrand, technicien du théâtre, vient par moments me retrouver avec un accessoire et des seaux d’eau qu’il me balance; il a une présence qui aide beaucoup à mon jeu sur scène et complète visuellement le travail sur le langage de Catherine… » 

©Tristan jeannne-Valès

©Tristan jeannne-Valès

Ce tohu-bohu de mots comporte de belles trouvailles : «Mon corps est déjà parti en mer, il tangue et il danse, il danse, il danse ! Je mets les voiles. Je pars pour rêver encore, pour mourir peut-être, pour vivre intensément et faire pipi dans le Pacifique.» «Elle est comme ça, la mer, cruelle et sans état d’âme. Elle fait disparaître les êtres et les choses. Et on rêve ensuite à ces disparitions, comme si la mer était en nous.» Mais bon, quelle que soient les qualités d’écriture, ce court spectacle de cinquante minutes a quelque chose d’hybride entre une entrée de clown blanc et une petite pièce de théâtre. Il y a des moments très drôles quand le clown blanc descend dans la salle, et interroge des spectateurs au hasard : «Une fois dans la passe de nuit comme de jour, si le courant vous porte vers le public, demandez-lui de répondre aux questions suivantes : Question 1 – Voulez-vous sauver votre âme ? Question 2 – Tournez-vous parfois en rond ? Question 3 – Avez-vous toujours le compas dans l’œil ? Question 4 – Voulez-vous faire pipi dans le Pacifique ? »

Mais le spectacle manque encore sans doute d’une certaine maturité. Jean Lambert-wild a une belle présence mais a tendance à bouler un texte qui aurait besoin d’une grande précision pour être bien reçu. Et la salle de l’Union, pas très chaleureuse et trop grande pour ce genre d’exercice, ne facilite guère les choses. Il faudrait revoir  ce Clown à la mer dans de meilleures conditions et quand il aura un peu mûri après ces deux représentations exceptionnelles qui tiennent encore du coup d’essai.

Après un entracte où on a pu voir un délicieux intermède de dix minutes par les jeunes élèves d’Outre-Mer de la classe préparatoire au sein de l’Académie de l’Union (voir article précédent dans Le Théâtre du Blog). Quelques chants en solo, des danses en groupe : bienvenu et très tonique, ce petit coup de fraîcheur…

©Tristan jeannne-Valès

©Tristan jeannne-Valès

Ensuite, retour dans la salle pour assister à Coloris Vitalis où, debout sur un tout petit praticable, Jean Lambert-wild  a la grande élégance des clowns blancs dans une grande robe reprenant rayures et motifs de son pyjama du Clown à la mer. Il se lance dans un long (trop long !) monologue qui n’a sans doute pas les qualités du premier. Malgré de réelles trouvailles sémantiques et on pense aux poèmes de Ghérasim Luca. «C’est un rai, un pet, un fait, à vouloir trop tirer sur la corde, un pet, à remettre toujours tout à demain, un pet, à lancer des «au diable, la varice » et des «promis j’arrête» de pacotilles, un pet ! Je pète en ligne droite, je ne dévie jamais, malgré les courbes, et puis voilà, paf dans le mur, paf le Clown, paf, paf, paf. » (…) « Ah! Mon ami, j’avoue que parfois, avec toutes ces actions bigarrées et guerrières, mes viscères virent au rouge sans prévenir. Ça se diffuse comme une onde de chaleur, là, sous la robe. Et sous mon teint blanc aussi, ça chauffe, ça chauffe comme un soleil d’été. »

Il y a une certaine contradiction dans ce personnage à la fois drôle et pathétique qui semble coincé sur son cube. L’image est de toute beauté -et le metteur en scène l’a d’ailleurs reprise pour l’affiche- mais cette scénographie trop statique fige le jeu de ce clown. Par ailleurs, cette présentation en une fois de ces deux monologues permettait de les voir en même temps, mais cela fait une soirée bien longue et on reste donc un peu sur sa faim… D’autant plus que ce dernier solo est lui aussi encore trop brut de décoffrage et il y faudrait une diction plus ciselée. Donc un travail en cours et à suivre…

Philippe du Vignal

Spectacles créés le 15 novembre, Théâtre de l’Union, Centre Dramatique National, 20 rue des Coopérateurs, Limoges (Haute-Vienne). T. : 05 55 79 90 00.

Le texte sera édité en 2018 aux Solitaires intempestifs.

 

CIRCa 2018 31e Festival du cirque actuel

 

 

photo auch

CIRCa 2018

31e Festival du cirque actuel

 

L’aventure du cirque, à Auch, débute en 1975. L’abbé de Lavenère-Lussan, enseignant au collège Oratoire Sainte-Marie, organise un atelier cirque dans les greniers de l’établissement pour apprendre aux jeunes à vivre ensemble. Le Pop Circus, école de cirque d’Auch, est né.

Quand Achille Zavatta installe sa remise d’hiver à Auch, en 1986, la ville s’oriente vers la création d’un Pôle-cirque et va accueillir les rencontres de la Fédération Française des Ecoles de Cirque (FFEC) dès 1989, sous divers chapiteaux. Mais en 1996  le Festival ouvre ses portes aux compagnies professionnelles pour devenir aujourd’hui un lieu incontournable où se croisent écoles de cirque, artistes et programmateurs (trois cent cette année !). Depuis 2012 l’association CIRCa dispose d’un site dans une ancienne caserne : le CIRC (Centre d’Innovation et de Recherche Circassien), inauguré par le théâtre équestre Zingaro lors du vingt-cinquième festival. Autour du Dôme de Gascogne, chapiteau permanent pouvant accueillir les spectacles en frontal ou en circulaire, le CIRC possède une salle de répétition de 480 m2, un restaurant d’insertion (la Cant’Auch), des bureaux, des ateliers et espaces de stockage. Les vastes terrains alentour permettent de dresser des chapiteaux itinérants pendant le festival qui s’étend aussi dans plusieurs lieux de la ville. Cette année la plupart des quarante spectacles affichent complet-  et tout le monde se retrouvent dans les buvettes et restaurants sur la vaste esplanade du CIRC.

 Point d’orgue d’actions culturelles et pédagogiques régionales ainsi que de résidences de création menées tout au long de la saison, le festival était, à l’origine, porté par des bénévoles : il a gardé ce lien avec la population en mobilisant pendant dix jours, aux côtés des dix-sept salariés permanents et de nombreux intermittents, quelque deux cents volontaires. Ils conduisent notamment les navettes entre les dix-sept salles et chapiteaux disséminés en ville, et emmènent les artistes et programmateurs vers les gares et l’aéroport.

 Dans le cirque contemporain, comme on le verra dans l’échantillon que nous présentons, peu d’animaux mais des corps en action. Une recherche dramaturgique et esthétique à la croisée des disciplines circassiennes, du théâtre, de la danse, de la musique, des arts plastiques. Souvent sous-tendue par un fil narratif (Red Haired Men) et le souci d’une esthétique forte (L’Absolu). La scénographie joue un rôle important (O let me weep) et la musique s’insère souvent dans les acrobaties (Dans ton cœur). On trouvera quand même quelques formes plus traditionnelles avec une suite de numéros (Saison de cirque).

 Cette édition se focalise sur la question du cirque au féminin  : North Face  propose une version féminine d’un spectacle masculin : réplique adaptée aux corps des porteuses et voltigeuses (voir Théâtre du Blog, festival Ciam) ; Me mother met en scène la maternité et ses implications dans le métier. Projet.PDF (Portés de femmes) décline en un show brillant les préoccupations et les capacités physiques infinies des circassiennes.

 Comme chaque année, CIRCa accueille les travaux de différentes écoles sous l’égide de la FFEC : Fédération Française des Ecoles de Cirque, créée à Auch en 1988. Ils s’avèrent d’un excellent niveaux et annoncent de futurs professionnels de talent. Cette fédération structure l’enseignement des arts du cirque pour la pratique amateure et professionnelle. Elle réunit douze fédérations régionales et 136 écoles soit 27. 000 licenciés de tous âges.

 

 

Dans ton cœur mise en scène de Pierre Guillois avec la compagnie Akoreacro

 P 10 Dans ton coeur - Akoreacro ©RICHARD HAUGHTON (2)Pendant une heure quinze, huit acrobates et quatre musiciens entremêlent leurs corps, et leurs accessoires dans une fuite en avant électro-ménagère : les frigos voltigent, les fours à micro-ondes explosent,  et une course poursuite effrénée s’engage entre des amoureux bientôt coincés dans la routine familiale et l’enfer consumériste.

Claire Aldaya voltige entre biberons et machine à laver, ou d’un partenaire à l’autre. Une parodie de la vie moderne d’un couple à la page menée tambour battant aux rythme d’un petit orchestre volant et polyvalent (batterie, flûte, saxophone, contrebasse, violoncelle, clavier…) prêt à réaliser des figures extravagantes. On jongle avec les corps, les objets, dans des portés impressionnants.

Le metteur en scène d’Opéraporno ( voir Le Théatre du Blog) construit sa pièce sur le fil ténu de la rencontre amoureuse et le devenir du couple. En contrepoint, des moments music-hall et paillettes avec une drag queen au trapèze Washington. Dans ce feu d’artifice mouvementé, on a du mal à tout saisir : les gestes parfois s’éparpillent et se perdent. Mais on reste séduit par ce brillant spectacle au rythme endiablé. Ce jour-là, un porteur blessé a été remplacé au pied levé sans que l’économie générale du spectacle n’en pâtisse. Un bel exploit pour ce collectif d’artistes après le succès de leur précédente création, Klaxon.

 Du 22  au 30 novembre : Le Quartz Brest ; du 14  au 18 décembre : Le Volcan Le Havre ;  du 17- au 20 janvier : Circonova / Quimper ; du 25 janvier  au 10 février : Espace Cirque d’Antony ;
Du 11  au 17 mars : Festival la Piste aux Espoirs Tournai (Belgique) ; du 28  au 31 mars : Bègles ( Gironde).
Du 4  au 10 avril : L’Agora / Pôle National Cirque de Boulazac ( Gironde)

Du 2  au 8 mai: La Coursive,La Rochelle  et du 15  au 26 mai : La Villette à Paris

www.akoreacro.com

 

 L’Absolu conçu et interprété par Boris Gibé

l_absolu« Comme dans un théâtre anatomique, j’avais envie que ce spectacle soit vu du dessus, en circulaire, pour que le public se retrouve dans une réalité supérieure au sort de l’homme mis en scène. » Ainsi, Boris Gibé voir (Le Théâtre du Blog) entraîne le public dans un espace vertigineux, en forme de silo. Ce cylindre de tôle de neuf mètres de diamètre et douze mètres de haut comporte un escalier à double révolution qui s’enroule autour de la piste. Les spectateurs s’installent sur un rang, sur des tabourets collés aux parois, en surplomb de la scène circulaire.

Tout là-haut, un corps s’agite dans la transparence aqueuse du plafond avant de chuter brutalement pour disparaître au fond du puits. Par terre, l’acrobate s’arrache au sol tourbeux dans un jeu de lumières et de miroirs oniriques. Ses évolutions au bout d’un agrès aérien sont menacées par des matériaux tombant des hauteurs… Allusions à la condition humaine : l’individu aux prises avec des éléments hostiles airs, eau, feu… Tel Sisyphe, dans une lutte absurde et toujours recommencée.

Jouant sur le haut et le bas, déployant des illusions d’optique et un travail poétique sur les matières, l’Absolu ouvre un univers inquiétant, halluciné et hallucinant. On se passerait volontiers du texte qui accompagne ce beau spectacle, tant les images et les impressions suscitées sont fascinantes et parlantes. La compagnie Les Choses de rien, implantée à Paris depuis sa naissance en 2004 poursuit avec Boris Gibé une recherche autour de la perception du monde, comme dans cette pièce d’une heure dix à portée philosophique.

 

Du 8  au 13  et les 15  et16 janvier : Biennale des arts du cirque / Scène nationale de Cavaillon ; 24-27 janvier ; 1-3 et 8-10 février : Biennale des arts du cirque au Théâtre du Centaure / Marseille ; 23 -28 et l3 avril
Du 2-4 mai : NestThéâtre /CDN de Thionville ; du 13 au 31 mai ,Théâtre de la Cité & 2R2C, Paris

 

Red Haired Men d’après Daniil Harms mise en scène d’Alexander Vantournhout

 

P 21 red_haired_men__bart_grietens__1Quatre compères : deux “jumeaux“, un athlète aux cheveux rouges et l’acrobate et jongleur belge Alexander Vantournhout qui mène la troupe. Il s’inspire de micro-récits absurdes de Daniil Harms pour construire un spectacle burlesque mariant cirque, contorsion, marionnettes, tours de magie et ventriloquie.

« There was a red-haired man who had no eyes or ears. He didn’t have hair either, so he was called red-haired theoretically. He couldn’t speak, since he didn’t have a mouth.(…) (Il était un homme roux qui n’avait ni yeux ni oreilles. Il n’avait pas de cheveux non plus, mais on l’appelait théoriquement le rouquin. Il ne pouvait parler car il n’avait pas de bouche…) »

La pièce plonge d’emblée dans un univers de « non-sens » cher au poète russe : pour braver la censure, il empruntait à l’absurde  et par ce biais en disait long sur une société inique, brisée par le totalitarisme. (…) Les personnages se métamorphosent dans des postures grotesques, disparaissent par des tours de passe-passe. Les textes de Daniil Harms, courts et denses, ponctuent une chorégraphie acrobatique proche de l’illusionnisme forain ; nous voilà de l’autre côté du miroir, dans un univers extravagant à la Lewis Carroll. Quelques longueurs dans les parties dansées alourdissent le rythme général d’un spectacle poétique et dépouillé.

 

En Belgique : 17 novembre: Centre Culturel De Werf / Aalst ; 22 novembre : De Warande / Turnhout ; 27-29 novembre: STUK / Leuven ; 30 novembre: C-mine / Genk ; 18 janvier : Centre Culturel Ter Dilft / Bornem ; 23 janvier: Kunstencentrum nona / Mechelen ; 26 janvier: Schouwburg / Kortrijk ; 2 février : Centre Culturel De spil / Roeselare / ; 8 février: De Grote Post / Oostende ;15 février : Malpertuis / Tielt ; 19 février : Stadsschouwbrug / Sint-Niklaas ; 1 et 9 mars: Centre Culturel De Schakel / Waregem ; 4 mai : Centre Culturel Vondel / Halle ; 7 mai : Centre Culturel Berchem / Berchem ; 15 mai: Cultuurcentrum / Brugge.

En France : 4-6 décembre: Le Maillon / Strasbourg ; 30 janvier : Prato / Lille / FR

15 mars : Festival Spring / Théâtre de l’ Arsenal du Val-de-Reuil ; 22-24 mars: Les Subsistances / Lyon ; 26 mars: Ma Scène Nationale / Montbeliard

https://www.alexandervantournhout.be/

 

 Me, Mother mise en scène de Kristina Dekens et Albin Warette

2-Me-Mother-Kristina-Dekens-Albin-Warette-1200x800 Quel est l’impact de la maternité sur la vie professionnelle et privée des circassiennes ? Comment vivre le bouleversement physique d’une grossesse et d’un accouchement quand le corps est l’instrument principal de son art ? Créée par dix personnes à partir de récits personnels et d’improvisations, la pièce est jouée ici par cinq artistes, enceintes ou jeunes accouchées ; l’une d’elles, pas encore certaine d’être maman. Elles racontent ces moments de vie si particuliers qui précèdent et suivent l’enfantement. Issues de diverses compagnies et disciplines, elles viennent partager leurs expériences autour de la naissance. « Les répétitions ne sont pas focalisées sur la technique, mais bien sur les différents parcours et témoignages des artistes ». « Faire un bébé dans ce métier, c’est presqu’une trahison, dit l’une ». «J’ai peu de ne plus avoir de travail », réplique une autre. Histoire de montrer que la grossesse et la maternité ne sont pas une malédiction pour les circassiennes, chacune  exécute un court numéro, selon sa spécialité et son état physique (tissu aérien, hula-hoop, acrobatie au sol ou voltige, mât chinois…) .Dans la salle, des bébés, bienvenus pour l’occasion, assurent une bande-son authentique.

Cette pièce – forcément éphémère – , construite en douze jours, constitue un partage d’expériences, une dénonciation des tabous autour de la grossesse, une revendication face aux préjugés. Il est question de règles, de fausses couches ( “une grossesse sur cinq aboutit à une fausse-couche“) de césariennes imposées («  la césarienne, on te coupe au milieu ») et des douleurs de l’enfantement (« les douleurs de l’accouchement comme un tourbillon pendant neuf heures » ) De fait, cela peut paraître bavard et anecdotique, pavé de bonnes intentions, même si, pour élargir leurs propos à la condition féminine en général, les interprètes livrent quelques statistiques accablantes.

 Ce spectacle joyeux et léger joue sur la connivence avec un public majoritairement composé de circassiens et de de jeunes parents… Issu d’une résidence à CIRCa entre septembre et octobre 2018, il y a parfaitement sa place, plutôt qu’ailleurs.

 

 

Projet. PDF /Portés de Femmes, mise en scène de Virginie Baes

P 20 Projet PDF Portés de femmes@Pascal PERENNEC_300DPI PDF : sous cet acronyme, dix-sept femmes et une heure quinze d’énergie pure, entre danse, théâtre et cirque. Ce collectif réuni autour du porté acrobatique, présente une création hors norme, entre prouesses physiques et réflexions sur la condition féminine. Mutines, elles se lancent dans une parade glamour pour dénoncer l’image de la femme fatale. Moqueuses, elle se déguisent en rugbymen pour un match endiablé. Mais se montrent aussi romantiques, dans un défilé à la Pina Bausch, ou provocatrices en exhibant leurs seins, ou singeant l’hystérie… Quelques paroles de prostituées refroidissent l’ambiance festive. Les séquences s’enchaînent dans un rythme soutenu, on passe de l’humour à la provocation parfois forcée, comme cet épisode dans les rangs du public, un peu racoleur. Des images fortes naissent dans de beaux éclairages, vite effacées par des saynètes plus anodines.

Mais d’un bout à l’autre, la parfaite maîtrise des numéros et l’ambiance festive l’emportent. On les sent complices et solidaires ; malgré leur disparité, elle on su trouver un langage commun pour porter leur engagement. Elles n’ont pas froid aux yeux, leur nombre fait leur force et un vent de liberté souffle sur le théâtre.

 

Les 7 et 8 novembre 2018 : Alè̀s ; 16-17 novembre: Saint-Ouen ; 6 décembre : Châteauroux /

8 – 9 décembre 2018 : Douai ; 15 décembre : Mende ; 12 mars : Alençon ; 25 avril 2019 : Lannion ; 27 avril : Saint-Herblain

www.cartonsproduction.com

 

Saison de cirque, conception de Victor Cathala et Kati Pikkarainen, Cirque Aïtal

P 22 Saison de cirque © Loll Willems (3)« Sur la route nous avons rencontré des gens de cirque, des artistes très différents, tous passionnés de ce métier. Nous avons eu envie de les rassembler autour d’une même piste (…). A la frontière du traditionnel et du contemporain ; Aujourd’hui. » Avec Saison de Cirque, les deux fondateurs du cirque Ataïl en 2004 ouvrent leur chapiteau à d’autres artistes. Virtuoses des portés acrobatiques ce couple atypique – le grand costaud et la fluette – a su séduire les spectateurs du monde entier avec un duo main à main La piste là (en tournée durant plus de quatre ans) et l’histoire d’amour burlesque de Pour le meilleur et pour le pire, joué quatre cents fois.

Sous la houlette mi autoritaire mi complaisante de Victor Cathala, les numéros s’enchaînent sans temps morts car le spectacle se passe aussi dans les coulisses, dévoilant les préparatifs des artistes : la vie d’une équipe sur la piste et hors scène. Les Kanakov, quatre acrobates excellent à la barre russe, courte perche souple horizontale qui leur permet des rebonds spectaculaires. Le jongleur canadien Matias Salmenaho joue de la hache ou des massues : sa stature imposante, sa longue barbe rousse contrastent avec sa dextérité et son ironie. Moins à l’aise, le voltigeur équestre n’apporte pas grand chose mais on apprécie la présence de deux chevaux, clin d’œil à la tradition. Toujours aussi alerte, la fluette Kati Pikkarainen nous étonne par sa virtuosité, et sa rigueur contraste avec l’humour de ses postures souvent clownesques.

Autour du rebord de piste, le portique marquant les coulisses tourne et dévoile son envers où les artistes prennent leur pause. Pendant une heure trente on sourit aux aléas de la vie d’un cirque, tout en appréciant le haute technicité des performances, accompagnées par un orchestre aguerri.

 

30 novembre -16 décembre : Pôle Cirque – Théâtre Firmin Gimier – La Piscine / Antony ; 28 décembre -1er janvier: Lavrar O Mar / Monchique (Portugal) ; 24 – 27 janvier: Biennale Internationale des Arts du Cirque / Marseille ; 2 -5 mai : Cirque théâtre Elbeuf ; 30 mai- 2 juin : Carré Magique / Lannion

http://www.cirque-aital.com/

 

O let me weep de Colline Caen et Serge Lazar , compagnie Les Mains sales

 

©Jeff HUMBER

©Jeff HUMBER

Un homme et une femme, les yeux bandés. Confiance aveugle l’un envers l’autre. Il faut du cran à Colline Caen pour escalader le portique et marcher à tâtons sur la traverse à des mètres du sol, puis rejoindre son partenaire un peu plus bas à un agrès fixe pour qu’il la maintienne au-dessus du vide à bout de bras jusqu’à épuisement. Accompagnant la voltigeuse et son porteur, le violoncelle sensuel et plaintif de Hannah Al-Kharusy soutient cette tension extrême, accentuée par la proximité des artistes. Le public disposé autour d’une petite piste entre dans l’intimité de ces corps suspendus l’un à l’autre.

La pièce se construit à partir de O let me weep d’Henry Purcell, le lamento de Junon à l’acte 5 de l’opéra The Fairy Queen : « O let me weep (…) He’s gone, his loss deplore/ and I shall never see him more (…) O let me weep! forever weep ( O, laissez moi sangloter/ il n’est plus, je déplore sa perte / et je ne le reverrai plus jamais) De sa voix chaude, la longiligne mezzo soprano belge Pauline Claes entre en jeu et se fond à ce ballet mélancolique qui dit la relation contradictoire au sein du couple, faite de tendresse, de confiance, de risques et de peurs. La fragilité et la force de cette union, racontées à travers des corps dans une proximité troublante avec les spectateurs. Colline Caen et Serge Lazar, duo de cadre aérien travaillent ensemble depuis 2008, tout en participant à d’autres créations. Ils nous offrent ici quarante-cinq minutes d’émotion dense et recueillie.

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Du 15 au 17 novembre : L’Atelier du Plateau, Paris XX ème.

http://www.atlastlabel.com/oletmeweep

 

Le festival s’est tenu du 18 au 28 octobre CIRCa Allée de Aarts Auch (Gers) T. :  05 62 81 65 00 www.circa.auch.fr

Jours (et nuits) de Cirque(s) Festival du C.I.A.M. à Aix-en-Provence

 

Jours (et nuits) de Cirque(s)

Festival du C.I.A.M. à Aix-en-Provence

 Le Centre International des Arts en Mouvement organise son sixième festival annuel sur deux week-ends : le premier dans des lieux du patrimoine régional, le second dans son vaste domaine boisé, autrefois centre aéré de la ville.  Consacré aux arts du cirque, le projet est né de par la volonté des élus d’Aix-en-Provence, dans la dynamique de Marseille Provence 2013-Capitale européenne de la culture. «La seule institution pérenne, issue de cet événement», dit Chloé Béron, sa directrice artistique et co-fondatrice avec Philippe Delcroix, président du CIAM.

Avec  six permanents et un budget d’un million d’euros dont 50% de recettes propres, mécénat compris (c’est-à-dire une part de financement public indirect), cette  «start up culturelle à but non lucratif» développe selon un modèle économique et managérial, quatre pôles d’activités dans le Pays d’Aix,  pour faire découvrir et promouvoir le cirque actuel. Au-delà du festival, il propose une école de pratique amateurs, des résidences de création pour les professionnels, des actions en milieu scolaire ou des formations en entreprises et des “ciamlabs“, laboratoires d’idées mettant en relation les arts du cirque et d’autres disciplines dans une perspective d’innovation comme Cirque et  objets connectés,  pour améliorer l’apprentissage des arts du cirque, ou Cirque et architecture pour imaginer les lieux de demain. De ces métissages résultent parfois des créations, comme Entre de Vincent Bérhault, né d’une rencontre entre ce danseur- acrobate et un ethnologue sur la question des frontières (voir Le Théâtre du Blog ) .

Le succès de l’école (quatre cent cinquante élèves) et l’appétence du public avec mille spectateurs par jour au festival (dont certains n’avaient jamais vu de spectacle!) sont tels que la ville s’apprête à construire, avec l’architecte Patrick Bouchain, une salle modulable en bois de six cents places en circulaire; et trois cents en frontal. Inauguration prévue en 2020. On peut en voir la maquette et une réplique éphémère en carton et en grandeur réelle édifiée par les spectateurs, à la force du poignet et  avec des rubans adhésifs, sous la conduite d’Olivier Grossetête, spécialiste international des « constructions participatives en carton“. Il a officié à  Nîmes, Annecy, Genève, Aubagne, Martigues… mais aussi au  Royaume-Uni, au Québec et au Sri Lanka… Sur le site du CIAM, la main-d’œuvre ne manquait pas…

Jours (et nuits) de Cirque(s) vitrine du Ciam, sans oublier les disciplines traditionnelles, met  en avant le “nouveau cirque“ où se croisent circassiens, danseurs, dramaturges, comédiens, musiciens… Grâce au renouvellement des formes, des écoles de qualité et des pôles de diffusion en nombre croissant, le cirque a un bel avenir devant lui.

Cabaret Çlectrique

le Russe Anton Mikheev dans Cabaret électrique

 Sous le grand chapiteau permanent du CIAM, s’enchaînent deux heures durant les numéros de cirque orchestré pour l’occasion. Davis Bogino, circassien de sixième génération, grand maître en acrobatie, a collaboré avec les plus grands noms du cirque et assure aux côtés de Chloé Béron, la programmation du festival : jonglage, traditionnelles assiettes chinoises de Barley Togni qui réalise aussi, avec son fils Oscar, des prouesses au lasso,  trapèze ballant de Lisa Rinne, contorsions et cerceau aérien de la gracieuse Emi Vauthey… Mais on a aussi apprécié Camille Châtelain sur son vélo, la poésie lumineuse du Russe Anton Mikheev aux sangles aériennes. Et, en Monsieur Loyal décalé, Mike Togni, un clown-acrobate, intervient en contrepoint des numéros. Revue éclectique, ce cabaret donne un remarquable aperçu des arts du cirque traditionnel, malgré un son martelé et parfois amplifié à la limite du supportable.

Face Nord - Cie Un loup pour l'homme - ∏Un loup pour l'homme Face Nord création d’Alexandre Fray, Sergi Parés et Pierre Déaux, dramaturgie de Bauke Lievens

Le spectacle créé en 2011, par quatre hommes et joué plus deux cinquante fois, voit le jour au féminin. La compagnie Un loup pour l’homme, née de la rencontre du porteur français Alexandre Fray, et du voltigeur québécois Frédéric Arsenault, offre un nouvel aspect de leurs d’acrobaties : «Il s’agit de transposer cette écriture, à des corps porteurs d’autres imaginaires. Dans la confrontation ou la coopération physique, des corps féminins transpireront-ils la même réalité humaine ? Dans un sens, il s’agit de se poser des questions de genre.» Aux quatre coins, saute-mouton et colin-maillard, succèdent des affrontements musclés et acrobaties complexes… Les corps s’empilent, les membres s’entrecroisent et ils enchaînent les figures dans un puzzle qui n’en finit pas de s’assembler et de se défaire.

« Comment cette partition évoquant la lutte, la résistance, l’imaginaire sportif, peut-elle résonner avec les corps de quatre femmes? se demandent les metteurs en scène.» Sanna Kopra, Lotta Paavilainen, Stina Kopra et Mira Leonard se lancent vaillamment dans un parcours d’obstacles ludique. Elles marchent, courent, sautent, grimpent et découvrent que l’équilibre naît de leur solidarité. Lisait-on cette douceur et cette complicité dans le versant viril de Face Nord ?

78 Tours - Cie La Meute - ∏Ian Grandjean 78 tours, de et par Mathieu Lagaillarde, Thibaut Brignier et Gabriel Soulard

L’homme est peu de chose face à l’immensité de l’univers, et devant l’imposante et bien nommée roue de la mort : deux nacelles sphériques au bout d’un grand bras  en acier à dix mètres du sol. Mathieu Lagaillarde et Thibaut Brignier affrontent l’imposante machinerie du cirque traditionnel avec autant de dextérité que d’humour, sur la musique de western de Gabriel Soulard. Les cow-boys de pacotille détournent cet agrès mythique pour démystifier la vanité des bravaches contemporains, tournent en rond comme des écureuils en cage et comptent ….78 tours.   Tout finit dans la poussière dans une parodie de lutte corps à corps. Leurs clowneries, leurs commentaires sur l’absurde de nos routines et le dérisoire de nos existences face à la mort, sont un peu appuyés mais leur talent parvient à insuffler au public ces impressions et une tension devant leur prise de risque. Ces artistes ont fondé le collectif La Meute basé à Auch, qui réunit six acrobates formés à l’école nationale des arts du cirque de Rosny-sous-Bois, et à l’Université de danse et cirque de Stockholm. Après la balançoire française, un agrès aussi rare et aussi peu enseigné que la roue de la mort, ils ont eu envie d’explorer cette grosse machine. Mais leur nouveau spectacle de trente-cinq minutes, prometteur, demande encore à être rodé.

Santa Madera - Cie MPTA - ∏Christophe Raynaud de Lage

©Christophe Raynaud de Lage

Santa Madera de et avec Juan Ignacio Tula et Stefan Kinsman– cie Mpta 

L’un a grandi au Costa-Rica et s’initie au jonglage, l’autre est argentin et danseur. Corps, origine et style dissemblables, ils jouent de la roue Cyr, ce grand cercle en métal,  pour en explorer toutes les variations possibles. Santa Madera (bois sacré en espagnol) s’inspire des rituels indigènes d’Amérique du Sud qui utilisent le Palo Santo, un bois d’une essence spéciale pour chasser les mauvais esprits et célébrer les liens communautaires. Ici, la circularité commande tout: en solo ou en  additionnant leur énergie, Juan Ignacio Tula et Stefan Kinsman enchaînent portés, manipulations, antipodismes… suivant une chorégraphie fluide. Ils calculent avec minutie les trajectoires de leur agrès commun afin de ne jamais s’exclure du cercle. Ils ne le lâcheront que pour déverser des seaux de terre rouge sur le sol. Aux bruissements et aux chutes de la roue de Cyr, se superpose avec discrétion un paysage sonore cosmopolite imaginé par Gildas Céleste: bribes de conversations, bruits de la rue, d’avion ou d’usine, enregistrés au Chili, Costa Rica, en Italie ou en France.

Jouant de leurs similarités comme de leurs différences, ces artistes, tour à tour adversaires ou complices tracent avec leurs pas-de-deux acrobatiques, tantôt lents, tantôt rapides, une circularité magique, à l’image des cosmogonies de leurs pays d’origine. Ce beau spectacle est né au sein de la compagnie lyonnaise Les mains, les pieds et la tête, sous le regard bienveillant de son directeur Mathurin Bolze et de Séverine Chavrier. Depuis 2011, en association avec Les Célestins-Théâtre de Lyon, M.P.T.A. conduit le festival biennal utoPistes  consacré aux arts du cirque.

strach Strach a fear song conception et mise en scène de Patrick Masset

 Une berceuse chantée dans le noir. Une autre voix dit les peurs d’enfance et les rêves d’être un cow-boy rouge. Dans l’intimité de leur petit chapiteau en toile et en bois, les artistes du Théâtre d’un jour en Belgique: trois acrobates, une chanteuse lyrique et un pianiste, nous entraînent dans un spectacle onirique. Leur corps investissent l’espace nocturne, défiant les cauchemars peuplés de bêtes féroces, hantés par la mort et sa grande faux.

De porté en porté, Airelle Caen, Guillaume Sendron et Denis Dulon enchaînent les escalades, montent en pyramide jusqu’au fait du chapiteau ou se livrent à des combats au sol, contre des monstres fantasmés qui rôdent dans l’obscurité. Ils impliquent dans leur jeu le musicien, la chanteuse, et bientôt le public… Dans des équilibres périlleux, Julie Calbete revisite les airs de Léonard Cohen (Dance Me to the End of Love), Henry Purcell (The Cold Song) ou Georg Friedrich Haendel (O Liberty, thou Choisest Treasure) qu’elle interprète a capella ou accompagnée par Jean-Louis Cortes. Son chant poétise et dramatise les figures virtuoses des circassiens (un peu trop parfois). Mais Patrick Masset, fondateur du Théâtre d’un jour, a su métisser et mettre en valeur ces talents.

Mireille Davidovici

Spectacles vus à Jours (et nuits) de Cirque(s) du 14 au 23 septembre, C.I.A.M. La Molière 4.181 route de Galice, Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). T. :09 83 60 34 51.

Face nord , les 29 et 30 septembre Korso, La Haye (Pays-Bas). Les 16 et 17 octobre  à la Scène nationale de Dieppe.

Festival CIRCA à Auch du 19 au 21 octobre.

Festival Péripécirque à Saint-André-de-Cubzac (Gironde) du 12 au 15 mars. Le Sablier Ifs La Batoude à Beauvais du 19 au 23 mars.Théâtre Jean Vilar à Vitry-sur Seine, du 24 au 26 mars. Salle Dany Boon à Bray-Dunes ( Nord) les  29 et 30 mars.

 Santa madera Le Manège de Reims – soirée UTOPISTES, le 11mai. Cirque-Théâtre d’Elbeuf Week-end Hauts et courts les 18 et 19 mai.

 Strach a fear song  le 22 octobre au Festival Circa d’Auch. Le 8 mai à Marchin (Belgique).

Circus Next

 Circus Next


circus nextBasée à Paris, cette plateforme  soutient le cirque contemporain en Europe, avec l’aide dix-huit institutions partenaires. Un jury d’artistes et de professionnels ont en février dernier sélectionné sur dossier douze auteurs émergents du cirque contemporain. Critères essentiels : une écriture originale dans la ou les disciplines choisies, et un projet artistique et technique susceptible de tenir la route.

Cette année, douze auteurs d’un projet ont ainsi été retenus: Anir and Hemda (France), Andrea Salustri (Allemagne),  le collectif Rafale (Belgique), la compagnie la Geste (France), Eliška Brtnická/Kirkus Mlejn (Rép. tchèque), Familiar Faces (Pays-Bas), Grensgeval (Belgique), Jeanine Ebnöther Trott et Ana Jordao (Suisse), Random (Espagne), Laura Murphy (Royaume-Uni), Mismo Nismo (Slovénie) et Monki Business (Pays-Bas).

Et cela s’est passé les 29, 30 et 31 mai  au centre culturel Dommelhof, à Neerpelt, au Nord-Est d’Anvers dans un parc magnifique, à l’orée de la forêt des Ardennes  qui pourrait correspondre à celle d’Arden, où Rosalinde et Célia dans Comme il vous plaira de Shakespeare vont se réfugier. Chacune des douze troupes finalistes qui a ses voyage et séjour entièrement pris en charge, présente sur scène dans d’excellentes conditions et aidée de techniciens expérimentés, une maquette de vingt minutes maximum.

 Ensuite un jury d’artistes et spécialistes du cirque choisit six compagnies qui bénéficient alors d’une aide de 6.000 € et d’un temps de résidence dans les établissements partenaires. Puis en mars prochain, au Théâtre de la Cité Internationale à Paris, elles auront la possibilité de montrer à un plus large public, une forme définitive de leur travail. Nous n’avons pu voir que trois de ces projets, tous d’une grande rigueur.

Je ne peux pas mourir. Mais qui peut vivre en pleine lumière crue ? de Lucie Lastella, Anahi De Las Cuevas, Marlen Vogel par la compagnie de La Geste (France)

Le premier de des projets à être présenté ici…  Sur une scène frontale, trois jeunes circassiennes avec une roue Cyr (Lucie Lastella), un cerceau aérien (Anahi De Las Cuevas, et au trapèze ballant, Marlène Vogele que nous avions déjà vue dans un remarquable numéro au spectacle de sa promotion en 2016 au C.N.A.C. de Châlons-en-Champagne.

Trois disciplines mettant le corps en jeu: deux dans les hauteurs des cintres, et la troisième, au sol.  «A l’image, disent-elles, des trois Parques de la mythologie gréco-romaine, ces fileuses mesurent leurs vies humaines et acrobatiques, tranchent leurs destins, brodent un lien tacite entre leurs personnalités en images et leurs agrès de cirque. » (…) «Le trapèze est un accès entre le ciel et la terre, les cercles des passages entre le réel et l’imaginaire. La roue Cyr balaie le sol, le trapèze ballant ventile le ciel, et le cerceau aérien lie les deux espaces par la verticalité de ses ascensions. »

Cela commence par un numéro de trapèze invisible derrière un rideau gris : une belle image picturale… Mais on est resté plus sceptique, malgré la qualité des mouvements et le soutien musical d’un interprète au clavier électronique, sur la suite possible de cette maquette. En fait, tout se passe comme si ce trio sympathique peinait à imposer un récit et à évoquer un destin tragique qui peut être celui des acrobates…

Tous les espoirs restent permis- ce n’est qu’une maquette- mais il faudra encore un  travail dramaturgique plus fouillé à cette jeune équipe pour mettre au point un véritable petit spectacle qui a pour, le moment du moins, du mal à s’imposer… Malgré de bonnes intentions et une indéniable qualité technique…

Sanctuaire sauvage de Cécile et Sonia Massou, Julien Pierrot, Thibaut Lezervant et du collectif Rafale (Belgique)

Un projet tout à fait original destiné à créer un véritable univers acoustique et imaginé à partir de la cécité du père de Cécile et Julia Massou. «Et principalement issu, disent ses auteurs, d’une découverte pour nous: la perte de  la vue qui ouvre une nouvelle manière d’expérimenter le monde. Notre objectif: créer un spectacle qui puisse être apprécié des publics voyants et non-voyants. »
Dans cette maquette, trois volets: le premier, où complètement enfermés dans un cylindre de toile plastique translucide faiblement éclairé, deux corps luttent, s’embrassent, sautent, s’allongent au sol. Il semble qu’il y ait dans ce curieux ballet dont les bruits sont très amplifiés, un homme et une femme mais on ne le saura pas. Le public d’une certaine façon assez voyeur, reste captivé, même s’il ne se passe rien de surprenant.
Deuxième étape: un jongleur dont tout le corps a été muni de capteurs acoustiques par ses camarades, fait évoluer des boules dont il raconte le trajet exact qu’il leur fait subir et dont le bruit amplifié indique très bien l’existence. Une façon de traduire à l’usage des non-voyants, une expérience de jonglerie forcément visuelle et silencieuse. Une performance à la fois d’une grande beauté et au propos généreux.
Le troisième volet, proche d’une installation d’art plastique se passe sans intervenants ou presque quand, au début, ils placent sur le sol une grande toile orange. Ils font ensuite descendre du plafond, trois seaux noirs de chantier remplis de gravier, puis tirent ensuite une bonde de chaque seau et les font remonter à quelques mètres de hauteur…  Ce qui va  doucement  faire ruisseler ce gravier, à la fois sur la toile orange et sur le corps allongé d’une jeune femme. Avec différentes sortes de bruits que les non-voyants doivent beaucoup mieux percevoir que nous… Un sac ou un seau qui laisse couler du sable fin comme les sabliers à l’image du temps irréversible: la chose a été a été beaucoup vue ces derniers temps sur les scènes mais fait toujours un bel effet visuel: ici l’image et le bruit amplifié de ce gravier qui coule ont quelque chose de poignant et de très fort.
Chacun des numéros de cette maquette est solidement travaillé, mais reste encore à trouver un fil rouge entre les trois: cela fera sans doute partie de la prochaine étape de travail avant la présentation, l’an prochain à Paris.

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Static par Monki: Benjamin Kuitenbrower (Pays-Bas)

Cela se passe dans cette même salle noire avec une piste ronde et des bancs pour une centaine de spectateurs. Au centre, un double mât chinois, devenu la spécialité de ce jeune acrobate néerlandais et au sol, un rectangle de rubans de scotch blanc qu’il s’interdit de franchir. Et quand il veut passer d’un côté à l’autre de cette piste pour aller aller chercher une rallonge de fil électrique ou mettre un disque 45 tours sur un électrophone en carton sans âge: rien de plus simple, il lui faut monter sur le premier mât, puis passer sur le second et en redescendre, comme s’il marchait  au sol et sans aucun effort… Et avec une grande élégance gestuelle.

Monki a quelque chose d’attachant et possède une rare virtuosité d’acrobate,  et à la fin  monte sur une très petite plate-forme tout en haut d’un des mâts. Il a aussi une sacrée présence et un sens de la communication, quand il fait passer un micro à pied de l’autre côté de son territoire interdit, grâce à la complicité des spectateurs du premier rang. Monki gratte aussi un petit air de guitare: là, c’est beaucoup moins convaincant,  comme quand il parle de son appétence pour l’inefficacité dans sa note d’intention.
Mais ces vingt minutes de maquette passent à toute vitesse. Il reste à cet interprète très applaudi à peaufiner et à resserrer ce solo. A suivre de près…

Philippe du Vignal

Maquettes vues les 29 et 30 mai au Provinciaal Domein Dommelhof Toekomstlaan 5 – 3910 Neerpelt (Belgique). T. : 011/805000 

Traits d’Union de et avec Michèle d’Angelo, Laurent Barboux, Pauline Barboux et Jeanne Ragu

 

Traits d’Union par L’Envolée Cirque, de et avec Michèle d’Angelo, Laurent Barboux, Pauline Barboux et Jeanne Ragu, musique d’Arnaud Sacase et Mauro Basilio  (à partir de six ans)

©Peggy Godreuil

©Peggy Godreuil

 Cela se passe à la périphérie d’Antony, une commune de plus de 60.000 habitants dans les Hauts-de-Seine, sous le chapiteau rouge de l’Espace Cirque, tout près d’un stade, un endroit un peu perdu mais chaleureux et très apprécié par la population locale.

Ce haut lieu culturel, une Scène Nationale où les cirques actuels s’installent régulièrement, a fêté ses dix ans en  2013. Et le Théâtre Firmin Gémier d’Antony a été associé en 2007 au théâtre La Piscine de Châtenay-Malabry. Heureux habitants d’Antony!

On ne voit d’abord rien sur la piste assez sombre mais on finit par découvrir tout en haut du chapiteau, une plateforme souple en tissu synthétique et ronde inventée par eux qu’ils ont appelé le quadrisse où on discerne quelques acrobates qui vont la faire descendre, tout en y restant grâce à  une panoplie compliquée de filins noirs dont seuls, ils connaissent l’architecture et le mécanisme … Il y a là, Laurent Barboux et Michèle d’Angelo, la bonne cinquantaine, impressionnants de force et d’efficacité, et deux jeunes femmes, Pauline Barboux et Jeanne Ragu. Avec, à y regarder de près, une certaine ressemblance, surtout entre circassiennes.

Puis aucun doute : c’est bien une famille qui, en quelque soixante-dix minutes et en étroite complicité avec un clarinettiste (Arnaud Sacase) et d’un violoncelliste (Mauro Basilio) vont jouer d’abord avec le déséquilibre permanent de cette plate-forme montée sur un axe. Puis on verra ces artistes dans des numéros où les corps virevoltent en suspension sur ces filins noirs, qu’ils vont faire évoluer grâce à tout un système de contrepoids fournis par les seuls corps de ceux qui sont sur la piste. Oui, ce n’est peut-être pas très clair mais comment bien dire les choses ?

Il y a aussi entre autres, et proche du surréalisme, et très impressionnante, une imbrication des corps  au sol surtout à deux mais aussi parfois à quatre qui donne l’impression d’une seule entité. Un très beau moment aussi,  simple mais plus que poétique, où le père et la mère sans avoir l‘air d’y toucher, montent et marchent sur une corde molle. Avec une grâce extraordinaire et un sacré métier qui rend le public admiratif. Et à la fin, un très rare duo où les jeunes sœurs descendent puis remontent, en cessant de jouer ensemble sur un filin suspendu. Dans un déséquilibre permanent entre l’horizontal et le vertical, avec une complicité indispensable à chaque instant. Plus que sublime. Et d’autant plus bouleversant, quand on a appris ensuite que ce sont ici plus que deux vies en mouvement et en déséquilibre/équilibre permanent… Chapeau!

Certes le spectacle dont c’est la création, doit encore se roder; il manque souvent de rythme, a quelques longueurs et mériterait d’être dirigé par un véritable metteur en scène. Mais quelle poésie, quelle harmonie entre la gestuelle, l’acrobatie et la musique! L’Envolée Cirque nous offre quelque chose d’exceptionnel, à la fois dans son humilité et dans le lien qu’on perçoit entre ces deux générations autour d’un projet commun. Le public d’Antony, ébloui, leur a fait avec juste raison une longue ovation…

Philippe du Vignal

Espace Cirque d’Antony (Hauts-de Seine) T: 01 41 87 20 84 jusqu’au 15 octobre. Spectacle à recommander en particulier  à M. Laurent Wauquiez, ex-énarque et président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes qui n’aime pas trop les écoles de cirque…

 theatrefirmingemier-la piscine.fr

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