Les Visionnaires de Jean Desmarets de Saint-Sorlin, travail dirigé par Nada Strancar

 

Atelier des élèves de troisième année du Conservatoire national

Les Visionnaires de Jean Desmarets de Saint-Sorlin, travail dirigé par Nada Strancar

Ecrite et représentée en 1637, cette comédie, en cinq actes et en alexandrins, a tout de suite été un succès puis est entrée au répertoire de la Comédie-Française quarante ans après et a été jouée par la troupe de Molière. Une pièce au beau titre, sur la folie du quotidien dans une famille et jusqu’à l’absurde.  » Tous les jours, dit Jean Desmarets de Saint-Sorlin, nous voyons parmi nous des esprits semblables (visionnaires, chimériques), qui pensent pour le moins d’aussi grandes extravagances, s’ils ne les disent. » Ici, Alcidon, un père de famille, veut marier ses trois filles mais chacune  est en proie à ses propres délires. Hespérie, fascinée par les jeunes et beaux garçons qu’elle voit tous à ses pieds, Mélisse qui a des rêves de grandeurs avec Alexandre le Grand et Sestian, amoureuse de la Comédie. Et  elles ont quatre prétendants qui sont aussi un peu dérangés et loufoques. « Toutes ces folies, bien que différentes, ne font ensemble qu’un sujet », dit l’auteur. Il a bâti une intrigue loin d’être simple mais quel langage chez ces Visionnaires, quelle virtuosité dans le dialogue qu’on savoure avec gourmandise.

La pièce très peu jouée, avait été mis en scène par Christian Schiaretti avec aussi de jeunes acteurs, issus de l’ENSATT de Lyon: “Jean Desmarets de Saint-Sorlin, dit-il, fait partie des grands oubliés de l’histoire littéraire, injustement occultés par les trois grands auteurs: Molière, Corneille et Racine. Leur aîné de quelques dizaines d’années, il a défendu la codification classique du Grand Siècle. Membre fondateur de l’Académie Française, il chercha notamment dans le domaine de la comédie, l’application de la règle des trois unités. »

C’est un bel exercice de virtuosité baroque à souhait, avec des vers tout à fait étonnants. Et on sent que leur auteur s’est fait plaisir: un régal constant pour l’oreille: «Où sont-ils à présent tous ces grands Conquérants ?/ Ces fléaux du genre humain ? Ces illustres Tyrans ? /Un Hercule, un Achille, un Alexandre, un Cyre,/Tous ceux qui des Romains, augmentèrent l’Empire,/Qui firent par le fer tant de monde périr?/ C’est ma seule valeur qui les a fait mourir./Où sont les larges murs de cette Babylone?/Ninive, Athène, Argos, Thèbe, Lacédémone,/Carthage la fameuse et le grand Ilion?/Et j’en pourrais nombrer encore un million./Ces superbes cités sont en poudre réduites. /Je les pris par assaut, puis je les ai détruites. »

Cela se passe dans la belle salle boisée Louis Jouvet. Des chaises alignées de chaque côté pour les élèves-comédiens et dans le fond, des portants avec des dizaines de costumes suspendus. Rien de très original, comme la nuée de fumigène au début. Passons. Oulaya  Amamra, Émilie Baba, Salif Cisse, Antoine  de Foucauld, Léa-Surya Diouf, Cécile Feuillet, Jade  Labeste, Déborah Lukumuena, Martin Mesnier, Soundos Mosbah, Éric Nantchouang, Jordan Rezgui, Alice Rahimi, Chloé Ploton, Nicolas Pietri, Sultan Ulutas et Mathilde Weil se relaient. Bien dirigés, ils ont le grand mérite de faire le boulot dans des conditions très éprouvantes pour eux, comme pour les techniciens et le public… Nous étions pourtant en bas des gradins! 40°, nous dit un régisseur! Nous avons résisté autant de minutes c’est à dire quarante puis avons abandonné la partie. Hors de question, malgré les bouteilles d’eau offertes à l’entrée, de rester plus de deux heures dans cette fournaise suffocante: le masochisme a des limites…

 Question: qui est responsable de cette incroyable bêtise? Il suffit d’écouter la météo à Radio-France chaque matin… On a du mal à comprendre! Claire Lasne, la directrice du Cons, est-elle au courant des mesures à prendre dès 34° (voir circulaires notamment sur l’aération, entre autres, du Ministère de la Santé) ? Pourquoi nous imposer cela? Pourquoi ne pas avoir fait cette présentation au rez-de-chaussée dans le foyer des élèves, même sous forme de lecture ou la reporter à une date ultérieure comme le Brevet des collèges, voire en septembre? Mystère… Et le public l’aurait très bien compris.
On ne vous en dira donc pas plus sur cette soirée ratée. Mais notre ami René Gaudy l’a vu, semble-t-il, dans de meilleures conditions (voir ci dessous).

Philippe du Vignal

 

 Nada Strancar, c’était, c’est, ce sera toujours la Catherine dans Catherine d’après Les Cloches de Bâle d’Aragon mise en scène par Antoine Vitez.  Elle dirige le travail. Parquet de bois ciré,  costumes de  lin  grège et lumière blanche. La direction d’acteurs est également dans l’esprit de Vitez: priorité à la transmission du texte, encouragement aux élans et  brusques chutes de tension chez ces jeunes acteurs. La pièce ne va pas au-delà du  badinage entre maîtres/maîtresses et valets/servantes. Mais suffisant pour tester le talent d’une  promotion. De qualité, dans l’ensemble.

 Se détachent  ici quelques élèves. Nicolas Pietri, talent comique  et  punch maximum. Eric Nantchouang, inattendu dans la rapidité de ses répliques, Jade Labeste, à l’aise aussi bien dans l’expression de la douleur que du plaisir. Salif Cissé ne manque pas d’humour et Oulaya Amamra comme Léa Surya Diouf dans les rôles de servante sont  efficaces et rapides. Félicitations au Conservatoire pour accueillir nombre d’élèves  issus de la diversité », lisez: de l’ex-empire colonial français). Mais, petit bémol, pourquoi avoir aussi surtout distribué les filles dans des emplois de servante?

 René Gaudy

Soirée du 28 juin, Conservatoire national supérieur d’art dramatique, rue du Conservatoire, Paris (IX ème)


Conservatoire national

Conservatoire national supérieur d’art dramatique: Atelier-Théâtre Danse troisième année dirigé par Caroline Marcadé:


Vers le lac, j’entends des pas
, librement inspiré de La Mouette d’Anton Tchekhov

   _4861415_CMarcade_FP_11Dès son arrivée à la direction du Conservatoire, Claire Lasne-Darcueil avait marqué son  intention de  favoriser la danse et l’expression gestuelle dans l’enseignement. (Voir son interview dans Le Théâtre du Blog) Et elle avait dix fois raison, surtout quand on compare l’enseignement officiel du théâtre en France, à celui donné en Russie ou en Allemagne!
   La maladresse, et le mauvais maintien corporel de nombre d’élèves dans les déplacements individuels et collectifs étaient trop flagrants dans les travaux encore récemment présentés en cours ou en fin d’année.  Sans doute la vieille maison n’a-t-elle pas vocation à former des danseurs mais  il y a des limites, et il est de plus en plus évident qu’il doit exister, dans le spectacle contemporain,  une empathie entre la gestuelle d’un ou plusieurs  comédiens et la perception qu’en a personnellement le public.
 Que ce soit dans la vitesse, dans l’aléatoire façon Merce Cunningham, ou même dans la plus extrême lenteur, le spectacle de théâtre, en quelques années, aura beaucoup été influencé par la danse contemporaine, à partir aussi de principes énoncés autrefois par des théoriciens comme Rudolf Laban: importance du poids du corps,  savoir-sentir  les vibrations du monde contemporain,  gestion de la verticalité, dynamique du mouvement, et cela  parfois loin de tout expressionnisme.
Bref, on ne peut plus absolument plus faire l’économie d’une autre vision du geste, même et surtout quand le geste prend le relais de la parole, et quand on sait que la mémoire psychologique est aussi inscrite dans la mémoire de tout notre corps. Le danger étant bien sûr de faire du sous-Cunningham, et surtout du sous-Pina Bausch, courant où ont voulu s’engouffrer quelques chorégraphes françaises, heureusement sans grand succès, parfois en adaptant avec la plus grande maladresse des pièces de Bertolt Brecht.
  Caroline Marcadé, professeur de danse au Conservatoire national, a imaginé, et c’est plus mali, une chorégraphie librement inspirée de La Mouette d’Anton Tchekhov. “ Un fil rouge, une trace, une larme, un état, un horizon, un travail” dit-elle, pour ce  travail réalisé avec huit filles et quatre garçons, élèves de troisième année, donc déjà bien aguerris sur une scène, et une élève de second cycle. Ils bougent bien, (les filles mieux que les garçons mais c’est presque une norme! certaines on fait déjà de la danse dans une existence antérieure, cela se voit) mais ils ont tous un plaisir visible à travailler ensemble, ce qui donne une réelle unité à ce travail.
 Aucun décor, sinon en fond de scène, quelques praticables et de très belles et légères bannières verticales flottant au vent, où sont projetées des dessins géométriques non figuratifs. De temps à autre, on perçoit quelques répliques de la célèbre pièce, mais bizarrement détachées de leur contexte, ces phrases n’offrent plus le moindre sens, donc leur introduction n’ était pas ici indispensable.
    La création musicale de Lucas Lelièvre comprend des morceaux de nombreux compositeurs mais de grande qualité dont Dizzy Gillepsie, Phil Glass, Arvo Part mais aussi Schubert mais Caroline Marcadé a réussi là un beau travail (qui ne revendique pas le titre de spectacle), dénué de prétention mais exemplaire de rigueur et de sensibilité où on perçoit à la fois l’éclatement du champ visuel cher à Walter Benjamin, et, en même temps l’impeccable expression de corps jeunes et pleins enthousiastes, que ce soit en groupe ou en solo, et d’où émane une joie évidente de s’exprimer gestuellement, avec des ensembles filles, ou garçons, ou mixtes, et avec aussi quelques solos moins convaincants. Cette bande de jeunes gens fait preuve d’une rare maturité  dans l’expression de ce corps-medium qu’ils ont visiblement appris  à bien maîtriser. Bravo!
Difficile de repérer des individualités sans commettre erreurs et/ou injustices, mais en tout cas, Morgane Fourcault, Alyzée Soudet, et Simon Bourgade ont une présence telle que l’on se dit qu’ils ne sont pas n’importe qui.
Et cet atelier semble aussi être une bonne piste de réflexion artistique, s’ils veulent continuer ensemble dans cette direction. Il semble que cela aille dans les chemins ouverts par Claire Lasne-Darcueil. Petit bémol: si un vrai graphiste pouvait se charger de la réalisation de la feuille programme en grande partie illisible (note d’intention de Caroline Marcadé en noir sur fond bleu!  et noms des acteurs  difficilement lisibles pour les mêmes raisons,) cela ne serait pas un luxe!

Philippe du Vignal

Atelier présenté les 19, 20 et 21 mars  au Théâtre du Conservatoire national, rue du Conservatoire, Paris.

classe de Sandy Ouvrier

Journées de juin du conservatoire national d’art dramatique: classe de Sandy Ouvrier.

 

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 Cela se passe dans la belle salle Louis Jouvet, aux murs tout habillés de chêne et  une porte à deux battants qui est déjà un formidable décor en elle-même. Avec une scénographie bi-frontale  pour quelque cent spectateurs. Sandy Ouvrier a choisi de faire travailler ses élèves de première année  sur une évocation (sic) du Mariage de Figaro ou la folle journée de Beaumarchais. Soit dix scènes plutôt bien choisies, avec une succession de Suzanne, le comte, La comtesse, Chérubin et bien sûr, Figaro. De façon, équation quasiment insoluble, à donner un petit morceau d’entrecôte à chacun  des dix-sept élèves. Certaines scènes étant reliés par  le récit de l’intrigue, au micro un garçon et une fille. Tout le monde est pieds nus,  les garçons sont habillés en noir et les filles (c’est épouvantablement laid mais on fait avec!) de déshabillés rouge, vert,  jaune, très acides…
Sandy Ouvrier se sort plutôt bien de cet exercice des plus périlleux; sa mise en scène est plutôt une mise en place, avec, sur des airs de musique classique, des courses/farandoles sur le parquet. Il n’y a évidemment aucun projet dramaturgique et c’est sans doute mieux comme cela, puisque ce n’est pas le but de l’opération. Quant aux élèves, ils ont peu de temps pour convaincre mais on voit tout de suite qu’il sont bien dirigés:  il y a  une véritable unité de jeu, et personne ne cabotine. Diction impeccable,  aucune criaillerie (c’est déjà cela par les temps qui courent!) et  on les entend tous bien; très concentrés, ils sont à l’aise, même si c’est souvent encore un peu raide du côté gestuel.
Mais de là à repérer de futurs bons comédiens…  C’est une pièce difficile à interpréter et rappelons que, de toute façon, c’est un exercice… Anna Sofia da Silva Lopez est,  bien entendu, trop jeune pour jouer la comtesse mais d’ici quelques dix ans, elle peut largement tenir le rôle, comme Raphaël Naasz  qui ne se débrouille pas mal du tout dans Figaro. Mais bon, cela ne veut pas dire que leurs camarades ne font pas le boulot.
Après un entracte, on a droit à des exercices à partir de Quartett d’Heiner Muller.  avec dix de ces mêmes élèves. Sandy Ouvrier aurait pu nous  épargner une mise en abyme vidéo: c’est aussi inutile que prétentieux surtout pour un exercice d’élèves, dont on voit le visage très grossi en plusieurs exemplaires. Cela dit, les dialogues de  Valmont et Merteuil, adaptés du célèbre roman Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos sont dits avec toute la cruauté nécessaire et on sent que les élèves ont parfaitement compris le sens du texte.
Après une première année dans cette institution dont Claire Lasne (la première femme!) vient de prendre la tête,  les élèves savent travailler, c’est évident et  cela fait plaisir…

 

Philippe du Vignal

le 26, 27 28 juin au Conservatoire

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