Les Armoires normandes
Festival d’Aurillac:
Les Armoires normandes, création collective dirigée par Jean-Christophe Meurisse
Notre amie Véronique Hotte vous avait déjà parlé de ce spectacle (voir Le Théâtre du Blog), créé en février dernier par la compagnie des Chiens de Navarre accueillie pour la troisième fois au festival d’Aurillac. Elle n’avait pas caché sa sympathie mais aussi sa grande déception…
Effectivement, que voit-on sur ce plateau couvert de sable blanc où il y a juste quelques meubles et accessoires? Une série de belles images, comme, au début du spectacle, où un Christ en croix, ruisselant de sang parle de l’évolution de sa représentation dans la peinture classique, et à la fin, une petite merveille brillante d’intelligence et de sensibilité… Autour d’une petite table noire, commence un dialogue surréaliste entre un sorte de mage et une jeune femme qui vient de perdre son compagnon dans un accident de moto.
Le soi-disant mage, accumule les maladresses puis va faire revivre vocalement ce jeune homme en tenant serrées dans les siennes les mains de son amoureuse, éperdue de reconnaissance. Silence impressionnant dans le public… Et il y a aussi un duo dansé de deux yetis aux très longs poils symbolisant le couple humain…
Mais il faut les mériter ces deux courtes scènes! En effet, entre le début et la fin, pas vraiment de trouvailles mais une déclinaison de facilités et de stéréotypes du théâtre contemporain comme ces airs d’opéra pour accompagner les dialogues et faire de l’effet à bon compte, ou cet homme nu (on en a vu des paquets de dix au dernier festival d’Avignon! que l’on voit se réveiller le matin… Le monologue est dit par un acteur au micro côté cour, et les bruitages (chasse d’eau, etc…) sont aussi faits en direct au micro par d’autres comédiens. Pas bien nouveau et pas d’un grand intérêt non plus, mais habile pour séduire des classes de collégiens, et bien réalisé…
Et une série de sketches sur les ennuis sentimentaux et/ou sexuels d’un couple. Cela se veut parodie de téléréalité, et pipi-caca au second degré, mais, comme d’habitude, le second degré rejoint vite le premier… Tous aux abris et on commence à s’ennuyer ferme. D’autant que les personnages se répètent parfois comme cette Céline que l’on voit dans deux tableaux différents et qui finit par accoucher d’un bébé encore couvert de sang que les invités de la noce vont se refiler comme un ballon de rugby.
Bon, on veut bien, mais, côté provoc et noce foireuse, le filon a été depuis longtemps trop exploité et dans le genre, ( voir Bertold Brecht et Le Théâtre de l’Unité avait fait beaucoup mieux, il y a déjà une trentaine d’années.
“Les Chiens de Navarre, disent-ils, ne veulent surtout pas perdre le présent sur un plateau. Parce que le présent, c’est notre liberté. Nous sommes libres de faire ce que nous voulons(… )Et, comme nous sommes de très mauvais interprètes, nous préférons ne pas nous mettre à dos un auteur, surtout s’il est vivant. “
Double erreur: 1) De la liberté sur un plateau, ne naît généralement pas grand chose ou un nouveau boulevard aussi mauvais que l’ancien comme ici, et il y a toujours un maître d’œuvre qui fait la loi dans les créations dites collectives, en l’occurrence dans ce spectacle, Jean-Christophe Meurisse qui a maintenant depuis quelque dix ans une bonne expérience du plateau (scénographie, lumières, son, direction d’acteurs… 2) Les comédiens ne sont absolument pas de mauvais interprètes, et sont tous remarquables de vérité.
En fait, ce qui manque terriblement ici, c’est un fil rouge et une véritable dramaturgie… Et cette série de sketches, avec deux fausses fins, déjà un peu lente en une heure quarante, n’en finit pas de finir, quand le rythme du début s’affaisse…
Cela dit, le théâtre d’Aurillac est bourré, et le public est lui majoritairement ravi de cette bulle de savon qui ne manque parfois pas de qualités mais qui ressemble encore trop au tissu d’improvisations qui a donné naissance à un spectacle mal cousu, et bien trop long.
Mais ces Armoires normandes-ce serait trop compliqué- ne seront pas revues et modifiées. Dommage! Donc à voir seulement si on est fana du travail des Chiens de Navarre… Et encore!
Philippe du Vignal
Théâtre d’Aurillac jusqu’au 22 août (spectacle payant). Et ensuite en tournée.