Certaines n’avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka, mise en scène de Richard Brunel
Certaines n’avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka, mise en scène de Richard Brunel
«Sur le bateau, nous étions presque toutes vierges. Nous avions de longs cheveux noirs, de larges pieds plats et nous n’étions pas très grandes. Certaines d’entre nous n’avaient mangé toute leur vie durant que du gruau de riz et leurs jambes étaient arquées, certaines n’avaient que quatorze ans et c’étaient encore des petites filles. D’autres venaient de la ville et portaient d’élégants vêtements, mais la plupart d’entre nous venaient de la campagne, et nous portions pour le voyage le même vieux kimono que nous avions toujours porté-hérité de nos sœurs, passé, rapiécé, et bien des fois reteint. »
Ainsi débute le roman de Julie Otsuka qui évoque le terrible sort de ces japonaises de la première moitié du XX ème siècle. En débarquant à San Francisco, elles pensaient avoir une vie meilleure mais elles ont très vite déchanté. D’autant que la deuxième guerre mondiale mettait en cruelle opposition les deux pays.
Richard Brunel, directeur de la Comédie de Valence, a adapté ce roman, dans une mise en scène cinématographique. Il nous plonge dans cette réalité méconnue pendant deux heures… avec quelques longueurs. Illustrée par des tableaux très visuels et des projections vidéo, les témoignages se succèdent, repris par les comédiennes…
Nous comprenons vite que le sort de ces jeunes immigrés japonaises pleines d’illusion va leur être défavorable dès les années vingt. D’autant qu’en 1941, l’aviation japonaise va bombarder Pearl Harbor. Cette bascule de l’histoire sera un des prétextes à l’expulsion de toutes ces américano-japonaises…
Les comédiennes sont justes et crédibles et Richard Brunel a su rendre efficace ce théâtre-récit, grâce à une scénographie mouvante faite de praticables et châssis mobiles, encadrée par les vieilles pierres du Cloître des Carmes. Natalie Dessay, en bourgeoise américaine chrétienne prise de remords devant cette situation, clôt cette parenthèse de l’histoire peu glorieuse des Etats-Unis.
Un beau travail qui fait renaître la mémoire de ces femmes à qui le metteur en scène rend ainsi un bel hommage.
Jean Couturier.
Cloître des Carmes, Place des Carmes, Avignon, jusqu’au 24 juillet à 22 heures.