Festival de magie à Semur-en-Auxois

Festival de magie à Semur-en-Auxois:

Pickpocket d’ Hector Mancha

FCC21026-5EE3-43CD-B42C-07996A610956Cela se passe dans l’ancien Tribunal de Semur-en-Auxois (Côte-d’Or)… C’est l’heure de la plaidoirie et du jugement pour Hector Mancha, un ancien repris de justice espagnol. Enfant, il volait des sacs sur les plages des îles Canaries d’où il est originaire. Féru de jeux vidéo, il les subtilisait dans les magasins et les entassait jusqu’au jour où son père lui demanda comment il les avait eus. Sa cleptomanie compulsive s’arrêta net et il décida alors d’utiliser sa maîtrise pour divertir les gens. Les jurés, plutôt dubitatifs, demandent à voir les techniques mises en œuvre par ce personnage facétieux, une pointure de la magie mondiale, champion du monde F.I.S.M. 2015 avec un numéro virtuose de manipulation.

Le pickpockettisme est pratiqué par certains magiciens  qui en font leur spécialité avec la complicité du public: cela devient alors une démonstration spectaculaire de dextérité et de bagout. Il faut en effet absolument contrôler sa future victime par son assurance et par un flot de paroles… Un Allemand Compars Herrmann (1816-1887) et son frère Alexander (1844-1896) en sont les précurseurs, avec une séquence de vol à la tire, au début du XX ème siècle. L’un des premiers du genre, un magicien anglais d’origine française Fred Brezin, à Londres en 1906, se présente comme The Original and  first pickpocket. Suivi par l’Allemand Walter Sealtiel (1890-1948).

En 1929, un Hongrois Adolph Herczog (1896-1977), alias Dr. Giovanni, fit sensation en Angleterre en volant une épingle de cravate au Prince de Galles. Une vedette auprès du public populaire des boîtes de nuit aux États-Unis et dans le monde entier. Dans les années 1930, les pickpockets investissent les music-halls et Nissim, un prestidigitateur bulgare, défraya la chronique: il avait été pris en flagrant délit de vol dans le métro…

L’âge d’or a lieu après la seconde guerre mondiale. Avec le célèbre Serbe polyglotte Borislav Milojkowic (1921-1998), surnommé Borra, roi des pickpockets ou le voleur de Bagdad. Père du numéro de cette discipline et créateur d’un style archétypal, il  se vantait d’avoir dévalisé Scotland Yard, Interpol et le F.B.I . Il fut vite une star des cirques en Europe, avec un numéro commençant par une chasse aux cigarettes agrémentée de ronds de fumée, suivie par un «déballage» d’objets que, déguisé en placeur, il avait volés au public qui entrait dans la salle. Pour un grand final, il faisait venir plusieurs personnes sur scène et de façon virtuose, les volait aussitôt…

20BE4C42-2800-4CB2-B682-BF4DC92B4282En 1949, le Danois Tommy Iversen (1921-1984), alias Gentleman Jack et sa femme Maj-lis, «l’aristocrate des pickpockets » présentaient sur les cinq continents dans de nombreux grands cirques et spectacles de variété, un élégant numéro dans un style british très élégant. Dans les années cinquante, des Européens se font aussi connaître:  Borra Junior, Alf Melander, Boris Borsuks, Mark Raffles… Au même moment aux États-Unis, Victor Perry, pratique le mentalisme, l’escapologie, l’hypnotisme. Et considéré comme le meilleur pickpocket au monde. Mais grâce à un autre Américain, Fred Revello, alias Ricki Dunn (1929-1999), la discipline se démocratise. Auteur d’un livre-référence sur le sujet, il a mené une longue carrière aux États-Unis, sous le nom de Mr. Pickpocket ou Le Premier pickpocket de l’Amérique.

Dans les années soixante, apparaissent le Suédois Bob Arno et le François Dominique Risbourg qui commence à quinze ans! Il devint aussi magicien et ventriloque. Et à vingt ans, il travaille au Lido à Paris et, en vedette, à Las Vegas… D’autres se font connaître: le Letton Boris Borsuks, le Tunisien Kassagi (conseiller technique pour Pickpocket de Robert Bresson), Fred Clifton et les Français Joe Waldys, Gérard Mercier et Dody Willtohn, le Suisse Pierre Jacques, etc. Et plusieurs magiciens célèbres ont  inclus une séquence de pickpocket dans leur numéro.

Pour introduire l’art de détrousser les autres de façon honnête, Hector Mancha propose une routine-prétexte fondée sur un seul et grand principe: détourner l’attention. Muni d’une boîte de chips, il réalise une hilarante adaptation du numéro dit des boulettes de Slydini. Il fait asseoir une spectatrice sur une chaise et lui demande d’ouvrir la boîte. Et il se propose de faire disparaître une chips dans sa main en réalisant un «faux dépôt» et en écrasant au-dessus de sa main la chips empalmée pour produire des «miettes magiques» qui font disparaître la première des chips! Après ces gags, Hector Mancha réalise ensuite de vraies passes magiques pour éliminer une demi-douzaine de chips une à une. En utilisant le fameux «geste au lancé de boulettes » et différentes techniques empruntées à la manipulation de pièces, comme la révélation sur l’épaule ou l’apparition dans la main du spectateur.Des classiques que l’on retrouve dans le Traité de la prestidigitation des pièces de Jean-Baptiste  Bobo. A la fin, la spectatrice, aidée par le magicien, va faire disparaître le reste des chips restantes dans la boîte… en la  secouant frénétiquement. Résultat : une flopée en tombe par terre. Après cette séquence comique, il rendra à la spectatrice.. la montre qu’il lui avait subtilisée!

Puis Hector Mancha demande à un jeune homme de venir sur scène qui, méfiant, sait qu’il va aussi essayer de lui subtiliser sa montre. Mais c’est bien le but, montrer que, même si la victime est avertie, cela ne l’empêche pas de la voler! Hector Mancha va alors proposer au volontaire de faire disparaître une pièce et de focaliser toute son attention sur cette pièce. Il réalise une disparition classique en main et la pièce réapparaît dans le pli de son pantalon, puis dans son poing.  Et plus fort, il dit qu’il va la faire disparaître dans la main du jeune homme. Opération répétée plusieurs fois mais en vain.  Pas grave…  Entre temps, le magicien lui a bien volé sa montre!

Il démontre ici avec brio que, même sur le qui-vive, le cerveau peut être trompé car incapable de se concentrer sur plusieurs actions en même temps. L’illusionniste a bien conditionné sa victime, en lui touchant plusieurs fois le poignet pour l’habituer à la normalité de la chose… Et ensuite il s’offre même le luxe de lui voler son portable plusieurs fois de suite. Ensuite Hector Mancha détaille quelques techniques employées par les pickpockets comme le jeu de foot, la tache sur l’épaule, la bousculade dans un escalator ou un wagon de métro, la carte géographique et le journal utilisés comme couverture et écran, la veste sur le dos de la chaise… Mais il n’expliquera ni la pince ni la fourche,  des gestes basiques mais essentiels pour voler des objets…

Il invite ensuite trois personnes, tire un billet de 50 € d’une petite bourse et le fait signer. Placé dans un foulard à clochettes à l’avant du pantalon d’une des trois personnes. Le porte-monnaie est montré vide et confié à quelqu’un d’autre. La personne avec le foulard dans le pantalon et donc gardien du billet signé, est ensuite victime du pickpocket qui lui vole portefeuille, téléphone portable, clés, lunettes, ceinture… avec la complicité des deux autres spectateurs… Pour terminer cette «routine», la victime est invitée à secouer son foulard et les grelots, puis le magicien extrait d’un seul coup le tissu pour montrer la disparition du billet… qui se trouve dans le porte-monnaie.

Mais un véritable pickpocket n’opère jamais seul dans la vie et, circonstance aggravante pour lui, il y a, dans ce cas, association de malfaiteurs! Avec des techniques très différentes de celles utilisées par les magiciens, ils font souvent appel à des accessoires sophistiqués. En investissant les endroits où il y a foule : métro, bus, champs de courses, grands magasins, etc. et où ont lieu bousculades et attouchements involontaires… Un terrain de jeu idéal pour passer inaperçu. Les victimes sont si préoccupées par tout ce qu’elles voient et entendent, que leur esprit «efface la sensation de la main qui les vole». Le cerveau ne peut avoir qu’un seul centre d’intérêt à la fois et enregistre donc la sensation la plus forte.

Le voleur, lui, travaille rarement seul mais entouré de deux « barons ».. Une bande très organisée de complices qui opère en trois étapes dont chacun est le garant. Le premier détourne l’attention de la future victime, le deuxième la dépouille de ses biens et le troisième emporte le butin hors d’atteinte, très loin… Le « chef de brigade » est celui qui vole la victime mais le terme peut aussi désigner le barreur (celui qui la repère), le bloqueur (celui qui la ralentit) ou le caleur (celui qui la conditionne aux attouchements). Les objets plus volés: portefeuilles et porte-monnaie, montres, portables, trousseaux de clés, etc. Certains attendent que leur proie soit saoule ou utilisent une bombe de narcotique, ou encore du savon liquide pour voler une bague. Le magicien, lui, prend des objets sans grande valeur: cravates, nœuds-papillon, ceintures, bretelles, briquets, paquets de cigarettes, agendas, stylos, voire même  une chemise ! Mais quasiment impossible de subtiliser des bijoux sans que la victime ne s’en aperçoive, sauf certains colliers et bracelets.

Pour finir sur une touche plus poétique, Hector Mancha fait de l’ombromanie avec un télescope astronomique miniature projetant un halo de lumière sur le mur. Il enchaîne ainsi une vingtaine de figures du répertoire comme le chien, le lapin, le cygne, l’oiseau, l’éléphant. Mais aussi des célébrités comme Louis Armstrong chantant La Vie en rose  d’Edith Piaf.

Cette conférence-spectacle est une belle idée de l’équipe de ce festival de magie orchestré par Gérard Souchet à l’intention du public profane mais aussi d’un autre plus averti… Un  bon moment d’amusement et d’enseignement sur  une discipline peu traitée et réservée à un cercle encore plus fermé que celui des illusionnistes… Et considérée comme un art annexe se transmettant surtout oralement ou  que l’on apprend sur le tas… souvent à la limite de la légalité ou à l’aide des rares manuels sur le sujet.

Sébastien Bazou

Spectacle vu le 24 novembre à Semur-en-Auxois (Côte-d’Or).

 

 

 


Las Vegas, une histoire du divertissement

Las Vegas, une histoire du divertissement

 

La plus grande ville du Nevada est unt centre économique et touristique majeur avec plus de 649.000 habitants. Elle est sortie de terre au milieu du désert des Mojaves, le plus sec des quatre déserts nord-américains. Fondée par les Mormons en 1855, elle devient vers 1900, une bourgade agricole. Grâce aux lois libérales de l’Etat, elle a maintenant une renommée mondiale grâce à ses casinos. Avec plus de 120.000 chambres, elle est aussi la deuxième ville hôtelière du monde après Londres et un endroit choisi pour l’organisation de grands congrès. Elle accueille des millions de visiteurs par an! Dont 80 % de Californiens!

Las Vegas est un mirage, une métaphore de l’industrie du spectacle et d’Hollywood, comme un concentré des Etats-Unis. Ville du «vice et du pêché», cité artificielle de tous les excès et de la démesure, elle a été construite pour répondre aux fantasmes et a toujours su anticiper les désirs des touristes. Ici, on ne manque pas de superlatifs et tout est fait pour qu’on perde la notion de temps (les horloges sont bannies), pour qu’on s’abandonne aussi aux plaisirs du jeu et du divertissement et… que l’on dépense sans compter ! On adore ou on déteste cette ville de la surconsommation où vingt-quatre  heures sur vingt-quatre, tout est constamment disponible : spectacles, attractions, repas, boissons, drogues (depuis la légalisation du cannabis il y a deux ans légalisé, les points de vente se multiplient), sexe : la prostitution peut se pratiquer «directement dans votre chambre» avec  « livraison de la marchandise » (sic),  et services en tout genre…

The Rat Pack - The Sands - copieIci, la pauvreté côtoie le luxe et les classes sociales se mélangent sans incident, comme si chacun y avait un rôle. L’argent coule à flot dans les casinos et leurs poubelles se remplissent de nourritures et de boissons à peine consommées qui font le bonheur des sans-abris. Du soleil: plus de trois cent jours, et de nombreux transports en commun, des centres commerciaux et hôtels-casinos, etc., tous climatisés. Las Vega, théâtre à ciel ouvert, est en représentation permanente.  Les bâtiments s’habillent de fluos, de leds ou d’immenses visuels et, au Strip, on voit défiler des hordes de saltimbanques et autres soi-disant artistes de rue. Un développement exponentiel… En 1941, l’hôtel-casino El Rancho, construit sur ce qui allait devenir l’hôtel Strip, offrait déjà un divertissement en continu.  L’hôtel comprenait une station-service, des chambres bon marché, un casino et une piscine à seulement vingt mètres de l’autoroute. Un complexe qui fut le premier à faire appel à de grands noms pour attirer les foules. Les célébrités californiennes ont afflué dans cet oasis dont le symbole était un moulin à vent éclairé avec des tubes fluo. Sophie Tucker, Joe E. Lewis, Peggy Lee, Dean Martin, Sammy Davis Jr., les Ritz Brothers, les Marx Brothers, Judy Garland, Nat King Cole, Lena Horne ou Abbott et Costello…

La riche histoire du complexe El Rancho s’achève brusquement  en 1960 : ravagé par un énorme incendie! Alors qu’il avait vite connu un grand succès! Mais son modèle  fut  adopté par plusieurs autres hôtels-casinos  et Le Flamingo attira vacanciers et célébrités les plus populaires du moment comme Joan Crawford, Les Ritz Brothers, etc… Ainsi a commencé une association avec des artistes d’Hollywood et Las Vegas  a alors commencé à se bâtir une réputation de capitale du divertissement. Le Desert Inn ouvre ses portes en 1950 avec l’acteur Edgar Bergen et sa marionnette Charlie McCarthy. L’actrice Vivian Blaine et le danseur Donn Arden font salle comble au Painted desert showroom, un hôtel où séjournèrent John F. Kennedy, le duc et la duchesse de Windsor… En 1952, Milton Prell inaugure Le Sahara, dont John Wayne, Fred Mac Murray, Elvis Presley… sont clients. Et dans les années 1960, les Beatles jouent devant des fans hystériques au Las Vegas Convention Center.
En 1954, l’acteur et futur président américain Ronald Reagan fait sa première apparition comme chanteur et danseur au Last Frontier… Le Strip des années 1950 attire les plus grands noms d’Hollywood dont Jerry Lewis, Dean Martin, les Marx Brothers, Abbott et Costello, Judy Garland… . Mais c’est surtout par ses chanteurs que la ville se fait mondialement connaître : Elvis Presley et Liberace ont permis, très tôt, à Las Vegas de devenir la capitale du divertissement. Suivront dans les années 60, Lena Horne, Paul Anka, Andy Williams, Tony Bennett. Et vers 1970, Cher, Diana Ross, Tom Jones, Elton John… Puis dans les années 2.000, Céline Dion, Britney Spears, Jennifer Lopez, Rod Stewart, Lady Gaga…Et l’inoxydable Wayne Newton commença sa très longue carrière de chanteur avec une première apparition à quinze ans en 1959. Soixante ans après, il est encore à l’affiche du Caesars Palace !

Les hôtels-casinos possèdent tous une grande salle d’environ deux mille places et plusieurs autres d’environ deux cent. Les têtes d’affiche, vitrine du casino, investissent la salle principale (surtout les chanteurs) et  les débutants durent se contenter longtemps des salles annexes, comme les magiciens qui, eux, ont inversé maintenant la tendance et sont les stars de plusieurs casinos. Concerts, comédies, stand-up, spectacles burlesques mais aussi de striptease, de magie, de cirque (entre autres le Cirque du Soleil et d’autres itinérants, dîners-spectacles, variétés, revues et superproductions : les représentations commencent l’après-midi pour les spectacles « familiaux » et se poursuivent le soir !

 David Copperfiel - MGM Grand - copieLas Vegas a donc vu les magiciens investir les scènes des variétés à la fin des années quarante. Le premier, Jack Kodell présentait un numéro de perruches : Fantasy in Birds au El Rancho. Ensuite vinrent Jay Marshall, en troisième partie de spectacle, au Desert Inn et  Marvyn Roy, «M. Electric », dans Artistry of Light au Last frontier.  Et l’immense Orson Welles jouera au Riviera en 1956. Dans les années 1960, les magiciens avaient pour objectif de travailler dans une production,  ou d’être en vedette de première partie. Donc embauchés pour « meubler» devant le rideau pendant qu’on équipait la scène pour le prochain grand numéro. Avant de  créer leur propre spectacle et d’être rentables, les illusionnistes ont donc été associés aux revues à thème et de fantaisie.

SIEGFRIED ROYLes icônes Siegfried et Roy ou Lance Burton ont commencé dans des spectacles associant comédie, danse et visuels, avant de jouer en solo dans leurs propres théâtres comme Le Mirage ou Le Monte-Carlo. Le magicien Herbert L. Becker a été, lui, un précurseur en produisant sa création à L’Hacienda de 77 à 79.  David Copperfield préfère, lui, obtenir des contrats de courte durée au Caesars Palace, ce qui lui laissa du temps pour ses émissions spéciales à la télévision au début des années 1990. Il  résida ensuite de façon permanente à Las Vegas avec un théâtre à lui : Le MGM Grand.  Johnny Thompson, alias The Great Tomsoni, qui se produit avec sa femme Pam depuis 1974, est le conseiller discret qui a aidé à la réussite de Penn et Teller, de Lance Burton, Criss Angel et Mat Franco. Parallèlement aux shows de mage, il y a aussi dans les grands spectacles, des illusionnistes… Dont Rico, dit The Magnificent, vers 1970  au Dunes, dans un show de variétés du célèbre producteur Frederic Apcar. Vingt ans plus tard, Val Valentino, le futur magicien masqué, est la tête d’affiche  de  Viva Vegas. Il y a même un pur produit local : Melinda Saxe, « première dame de la magie », qui a commencé avec son spectacle à elle, à dix-huit ans, au Lady Luck.

Il y a six ans, le Français Xavier Mortimer était le personnage principal de Mickael Jackson One, une méga-production du Cirque du Soleil. Aujourd’hui, Las Vegas, devenue capitale de la magie dans le monde, possède un quart de l’offre globale et une belle diversité de répertoire : entre autres, le fabuleux comique Mac King ou Nathan Burton, avec le spectacle le plus intéressant rapport qualité/prix, au Saxe Theater du Planet Hollywood. La magie déjantée et décalée de Penn et Teller fait des étincelles depuis 1992. Et l’illusionnisme en gros plan (close-up) est présent un peu partout, lors de soirées spécialesLas Vegas semble être une mine inépuisable de spectacles de haute qualité et cette troisième incursion dans cette grande cité ne nous a pas déçu… A suivre

Sébastien Bazou

 

Illusions magiques 4 / Le mystère de la chambre 98

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Illusions magiques: Le mystère de la chambre 98

  DSC_0195 - copieQuatrième édition de cet événement (voir Le Théâtre du Blog) organisé au Studio Stars Europe à Briare (Loiret). Le travail enclenché depuis 2015 avec Bruno Limoge, directeur du lieu, s’oriente de plus en plus vers une forme de magie expérimentale, sans succession de numéros. Claude de Piante a eu envie d’y créer un spectacle, et après une résidence ici, il en a créé une version unique et expérimentale, entre théâtre interactif, magie, hypnose et jeu de rôles sur un meurtre.

 Jack Blatte, un psychiatre, Eve Opchka, une voyante (qui fut sa patiente) et Barthélémy Bathrobe, un prédicateur fou, ont chacun une vision de la chambre 98, prétendument hantée où ils ont séjourné une nuit. De nombreux témoins prétendent y avoir vu le fantôme d’une jeune femme à la langue coupée.  Cette chambre rendrait fous ceux qui y dorment… Ici, l’illusion pure est fondée sur une interprétation tronquée de la réalité. L’illusionniste construit ainsi un espace où il projette un monde parallèle et développe des effets spéciaux, d’ordre manuel ou mécanique.

Les manifestations de magie, innombrables dans les domaines artistiques ont des  répertoires précis. Comme celui de la magie théâtrale qui permet d’exprimer un univers, de développer une ou des histoires, et de faire évoluer des personnages bien définis. Par opposition à la manipulation, démonstration de dextérité et de jonglerie,  elle participe d’une dramaturgie souvent instaurée depuis l’Antiquité et privilégie souvent l’émotion,  puisque le public peut s’identifier à un personnage et/ou à une histoire qui parle au plus grand nombre. Mais aussi avec des effets fondés sur une scénographie: accessoires, décor et costumes, lumières,etc.  Et avec une logique dictée par le récit.

 Au-delà de l’effet spectaculaire que provoque un tour de magie, l’illusion prend ici tout son sens, quand la technique se met au service d’une théâtralisation et nous emmène dans le merveilleux et le fantastique. Pour preuve: le choix d’un répertoire surtout fondé sur des effets. Le corpus littéraire et dramatique-inépuisable-comporte des milliers d’histoires, nouvelles, contes et légendes… et l’industrie du spectacle, friand de cette matière première, en interprète souvent les mythes. Comme la magie blanche qui puise son inspiration dans des univers facilement identifiables. Les techniques d’illusion permettent ensuite de réaliser des effets soi-disant impossibles. Les littératures religieuse et mythologique utilisent souvent des thèmes comme la lévitation, la décapitation, le don de double vue, et le dédoublement… et les histoires fantastiques sont les plus représentées, avec des créatures entrées dans l’inconscient collectif.

Dans la magie avec opérateur,  celui-ci joue le rôle de celui par qui tout arrive. Pour reprendre la célèbre formule de J.E Robert-Houdin: «Le magicien est un acteur qui joue le rôle d’un magicien». Il peut tour à tour incarner un illusionniste, escamoteur, prestidigitateur, sorcier, chaman, prêtre, physicien, bonimenteur, magnétiseur, hypnotiseur, mentaliste, etc. Et il peut aussi jouer un personnages historique,  ou de pure fiction ou  mythologique. Tout passe donc par sa faculté à faire voyager le public dans une histoire et à rendre crédible une situation et à donner corps à un récit.

Dans Le Mystère de la chambre 98,  un spectacle en immersion, Jack Blatte et Eve Opchka nous reçoivent dans un manoir familial, un ancien hôtel. Elle est voyante et lui, psychiatre; la folie, personnalisée par frère Barthélémy est omniprésente dans cette aventure autour d’un mystère à résoudre en direct. Avant la représentation, on peut lire des  articles  de journaux relatent un fait divers comme celui de cette chambre hantée, et voir des témoignages sur Internet, et une exposition interactive… Mais une fois la logique de l’énigme déconstruite deux minutes avant la fin, le public part sans en connaître la solution. D’autres témoignages des personnages seront ensuite à découvrir toujours sur Internet…

 Les spectateurs commencent donc leur enquête trente minutes avant… Ils peuvent toucher objets et indices de l’enquête : une vieille machine à écrire, une lampe ancienne, un appareil pour diffuser de la musique, un ventilateur, des livres rares…), écouter des textes subliminaux et hypnotiques et surtout rencontrer les personnages de cette histoire. Un questionnaire est aussi disponible pour essayer de résoudre l’énigme. Ici, le public devient donc acteur et enquêteur, malgré lui. Il s’agit donc d’une véritable aventure immersive…

 La compagnie du Scarabée Jaune a aussi proposé à La République du Centre de faire paraître un mois avant le spectacle, des articles sous forme de roman policier à épisodes, jouant sur la fiction et la réalité, à propos d’un fait divers qui aurait eu lieu il y a soixante ans, le 31 mars 1959 à l’hôtel de la Poste, à Briare.
Extraits :
-Raymond Magon de la Lande se jette par la fenêtre de sa chambre. Ce qui semblait s’avérer à l’époque comme un suicide banal, pourrait bien être un phénomène inexplicable. Un détail passé inaperçu, et resté sans signification,  a alerté un spécialiste du comportement. La victime avait dans sa main gauche un peigne, quand elle a chuté sur le sol. Au lieu de le lâcher, ce qui aurait dû être le réflexe normal, Raymond Magon de la Lande s’est accroché à ce peigne, comme à une bouée de sauvetage. Seul indice: le spécialiste a découvert que d’autres  personnes ayant séjourné dans cette chambre, ont été aussi  victimes de malaises, voire d’hallucinations. Mais depuis, l’hôtel a été détruit et la police ne souhaite pas réouvrir ce dossier, considérant qu’aucun fait nouveau ne justifie une nouvelle enquête. Le mystère restera donc entier.

- Le spécialiste-qui souhaite garder l’anonymat-nous a précisé que dans l’affaire de la chambre 98 la présence du peigne dans la main de la victime est un élément-clef, de nature à expliquer l’ensemble de ces phénomènes fantomatiques. Il s’en expliquera prochainement dans une conférence à Briare, où il fera des révélations sur ce qui semble devenir au fil des jours un mystère des plus surprenants…

La compagnie du Scarabée Jaune a relevé un challenge artistique, en proposant cette une histoire originale, avec, à la base, certains numéros et personnages d’un précédent spectacle, Les Epoux Blatte. Mais ils ont expérimenté ici des effets spéciaux à base de  soufflerie, de lumières hallucinogènes et de dispositifs scéniques conçus avec Bruno Limoge et son équipe.

Claude de Piante a donc conçu des effets de magie classiques mais avec un assemblage original. Des vidéos ont été tournées par l’équipe du Scarabée Jaune en une seule prise, avec un texte que les personnes découvraient quelques minutes avant de commencer, pour plus de spontanéité… Avec pour références, l’univers esthétique de Tim Burton, des personnages à la Addams Family, et le côté spectaculaire et surréaliste de Tod Browning. Côté littéraire, l’énigme policière convoque des personnages à la Sherlock Holmes créé par Arthur Conan Doyle mais aussi du reporter Joseph Rouletabille dans le célèbre Mystère de la chambre jaune de Gaston Leroux.

Surgissent aussi des albums de Tintin une voyante de music-hall, madame Yamilah, Ragdalam le fakir, Philippulus le prophète, un moine tibétain qui lévite… Pour ce spectacle-en trois parties avec une pause-le public, regroupé par équipes, est invité à résoudre le mystère grâce à un questionnaire posé sur les tables. Avant chaque partie, il y a un commentaire audio de Jack Blatte et des témoignages vidéo de Barthélémy Bathrobe, Rodolpho Blatte, André Labigne, Jack Blatte, Eve Opchka, Nito Pattex et Sullivan Smith, pour mettre en condition le public.

La représentation mêle effets magiques visuels, auditifs et tactiles: lévitation, télépathie, mentalisme, voyance, hypnose et écriture automatique, langage subliminal et illusions diverses…   Eve Opchka, la voyante, arrive seule sur scène et se fait un jus de poussin en plaçant ce dernier, nommé Cricri, dans un vase recouvert d’un couvercle. Ensuite rejointe par Jack Blatte, elle nous convie à une démonstration de ses étonnantes facultés. Le charme des anciens numéros de music-hall plane: sont disposées sur une table cinq enveloppes avec dessus un symbole. Sous l’une d’elles, un poussin, le fameux Cricri. Jack distribue dans la salle des cartes reprenant ces symboles et des spectateurs en tirent un au hasard et chacun leur tour, qui détermine l’enveloppe à écraser. Le suspense monte… Eve va-t-elle écrabouiller le pauvre poussin ? Il ne reste plus qu’un sac sous lequel se trouve… un énorme couteau ! Une scène de ménage drolatique  a lieu entre les époux.

Jack Blatte demande à quatre spectateurs d’inscrire un chiffre, à chaque fois différent, pour constituer un nombre au hasard, qui est noté sur une ardoise. Eve, priée de révéler exactement ce nombre, y parvient ! Mais il est aussi inscrit sur une carte de visite plantée, bien en évidence sur le couteau. Une double révélation judicieusement montée! Le couple se donne ensuite un pari stupide dans une joute verbale savoureuse : pour Jack: se couper le bras et  pour Eva, se couper la langue. Ils s’exécutent et donnent ensuite une «fausse» et une vraie explication des effets.

Les yeux bandés, Eva perçoit ensuite une série d’objets et de dessins remis à Jack par des spectateurs, et répond à leurs questions en révélant des informations qu’elle n’est pas censée connaître. Puis elle décrit ses sensations et ses craintes, quand lui sont remis des objets de la chambre 98… Mais tout à coup, surgit frère Barthélémy, un prédicateur halluciné; il invite le public à stopper son enquête  et veut le remettre dans le droit chemin de la foi. Eve intervient et installe le frère sur une chaise pour lui remettre les idées en place, avec une thérapie qui lui fait tourner la tête à 360° et  la lui fait perdre… physiquement.

Jack Blatte arrive sur scène en conduisant une machine infernale et Eve va lui enlever ses jambes… Après une pause de dix minutes, pour que le public digère les informations qu’il a vues et puisse réfléchir, le spectacle reprend avec, de nouveau, une mise en condition avec des témoignages vidéos. Jack Blatte propose ensuite un test : penser à une figure géométrique simple, entourée d’une autre figure géométrique aussi simple. Résultat, la très grande majorité de la salle a pensé à la même chose. Coïncidence ou pas, cette forme rappelle les initiales du fantôme d’Anna Obrian.

Jack Blatte invite un spectateur à tirer quatre papiers d’une urne transparente remplie par le public avant la représentation, de questions adressées à la voyante Eve. Au lieu d’y répondre, elle devine de quoi il s’agit. Pour le dernier papier, Eve va même retrouver la personne qui a posé la question! Jack Blatte revient en blouse blanche et propose au public d’aller plus loin dans la préparation mentale, et de le faire entrer en hypnose. Il commence par un premier test de réceptivité, en demandant au public de croiser ses doigts, sauf l’index, qui doivent se rapprocher petit à petit. Un deuxième test : fermer les yeux et à placer un doigt sur le haut de son crâne, et d’imaginer la transparence de ce dernier grâce à une lumière qui inonde l’intérieur de la tête. Les paupières fermées, le spectateur est ainsi invité à descendre à l’intérieur de lui-même.

Jack descend ensuite  choisit deux  personnes aux doigts encore collés sur la tête. Ces sujets réceptifs continueront les expériences d’hypnose. Une spectatrice, mise en catalepsie, semble se transformer en statue, ses pieds et ses mains ne pouvant plus bouger, et est ensuite endormie au sol par Jack Blatte. L’autre, plongée dans un  sommeil hypnotique, participe à une séance d’écriture automatique. Et sa main écrit et sans qu’elle en ait conscience, un texte bizarrement rédigé qui contient plus d’une surprise pour elle-même et le public. Elle devine un prénom correspondant à celui retrouvé dans une des enveloppes disposées sous les tables, et choisie au hasard dans le public! Le double signe géométrique y est aussi matérialisé. Ces phénomènes hypnotiques sont expérimentés avec un vrai public, et il n’y a aucun complice !

Nous avons maintenant trois véritables indices pour essayer de résoudre le mystère de cette chambre 98 et compléter pour la dernière fois le questionnaire. Jack met Eve en catalepsie, puis en lévitation, suspendue dans les airs (suspension verticale de Yogano).  Elle a une vision et aperçoit Raymond Magon de la Lande mort, dans sa chambre… Pendant qu’elle et Jack décortiquent en coulisse les questionnaires pour connaître l’équipe victorieuse, le frère Barthélémy revient distraire le public.

Le couple revient  désigner les vainqueurs, en donnant une explication rationnelle mais surprenante du mystère et des  phénomènes hallucinatoires dans la chambre 98… Une histoire de fantôme qui se termine par une disparition et une transformation inattendue rappelant les phénomènes spirites des médiums de la fin du XIXe siècle  matérialisant des ectoplasmes. Cette histoire, jamais encore testée devant le public,  a été mise au point la veille et créée pour le lieu.

Cela finit par un commentaire de Jack Blatte donnant une autre lecture, et remettant en cause l’enquête et ses conclusions… Claude de Piante, formidable conteur, sait captiver comme personne un auditoire. Diction parfaite et sens de la dramaturgie, il fascine le public. Cet illusionniste est aussi hypnotiseur. Aude Lebrun est une voyante lituanienne plus vraie que nature avec un délicieux accent, parfois à la limite de la folie quand ses visions prennent le dessus. Et le frère Barthélémy Bathrobe, prédicateur fou et lubrique, apporte un comique bienvenu. Avec lui, tout peut arriver et le fou rire nous guette, nous, les  pauvres brebis égarées….

Virtuosité de l’écriture de ce scénario à rebondissements, où le suspense et la surprise sont les moteurs de l’action qui, comme chez Alfred Hitchcock, flirte sans cesse avec l’étrange, la peur, le malaise, le burlesque et l’humour! Avec une histoire travaillée dans les moindres détails : situations, décors, accessoires, personnages, le public est plongé dans une intrigue à la véracité établie… alors qu’elle baigne dans la fiction!  Où est le vrai, le faux ? Qui est le véritable meurtrier ? Y a-t-il même eu un meurtre ? Questions restant en suspens jusqu’à la la fin, malgré les explications données, pour laisser le public dans le doute, avec une histoire qui le hantera longtemps…

Ce spectacle nous questionne sur la manière dont notre cerveau enregistre inconsciemment des informations. Y-a-t-il une réalité que nous percevons d’une manière subliminale et qui dirige notre vie, sans que nous nous en rendions compte ? Notre perception du réel et de la normalité-qu’est-ce qu’un sain d’esprit ?-est remise en cause. «Il n’y a que les fous, dit l’un des personnages, pour croire que, derrière les apparences, se cachent la réalité, mais derrière les apparences, il n’y a que d’autres apparences».

 Claude de Piante, artiste et hypnothérapeute, dont le site Les Secrets du langage métaphorique et hypnotique nous fait découvrir les techniques de l’hypnose pour augmenter notre mémoire, notre concentration, et/ou gérer notre stress. Il a aussi écrit Théâtre et magie, destiné aux professionnels du spectacle, et a créé Le  Scarabée Jaune, compagnie de théâtre expérimental, qui a développé le concept de criminologie de spectacle en 1983, et sur lequel s’appuient de nombreuses créations dont Le Mystère de la chambre 98.

Aude Lebrun, comédienne et artiste de music-hall, a fait partie de plusieurs compagnies dont Fiat Lux, spécialisée dans le burlesque visuel, et a joué dans divers téléfilms, comme Petits meurtres en famille, avant de se consacrer au mentalisme.  Elle a créé le personnage d’Eve Opchka, voyante aventurière. Dans La Voyante, la femme qui sait tout et plus encore, elle lit dans les esprits, en racontant sa vie et en évoquant une galerie de portraits de l’univers forain de la voyance.

Eddy Del Pino comédien, chanteur, metteur en scène, auteur et réalisateur, s’est fait  récemment connaître au plan international, avec un personnage de faux druide remplaçant le médecin d’une commune rurale de Bretagne…

Sébastien Bazou

Spectacle vu à Briare (Loiret), le 31 mars.

 

Langevin-Créateur d’illusions

Langevin-Créateur d’illusions

L’illusionniste québécois bien connu reprend son spectacle qu’il avait présenté l’an passé au Casino de Paris.  Image de prévisualisation YouTube

Entre science et illusion dans un laboratoire inspiré de l’univers de Jules Verne, il est aujourd’hui une des meilleures références du spectacle de magie, une belle poésie en plus. Il fait appel à quelques spectateurs au cours du spectacle, ce qui établit une belle connivence avec le public. En première partie, quelques numéros de mentaliste effectués par Victor qui en réalise un, entre autres, où il multiplie de vive voix 8541 par 8541… Résultat exact: 72.940.601 qu’il annonce quelques minutes après, et qu’il fait évidemment vérifier par les spectateurs sur la calculette de leur portable. Stupéfiant.  

 Luc Langevin, lui, est un jeune magicien d’une trentaine d’années très connu au Québec. Le début du spectacle où il joue avec un double de lui-même grâce à une technologie virtuelle qui, malheureusement est loin d’être au point, a du mal à démarrer. Mais, très vite, avec son léger accent québécois et sa gentillesse, il sait gagner la confiance du public. Il raconte avec beaucoup de simplicité ses envies et ses rêves d’enfant: devenir magicien. Une ambition, dit-il,  qui s’est ensuite concrétisée, quand il a réussi une audition, alors qu’il était encore étudiant en sciences à l’université Laval du Québec où il a obtenu une licence en génie physique et une maîtrise en optique. Bien utile quand on veut créer des tours de magie…

Puis il commence à réaliser quelques tours de cartes, et ensuite inscrit un ensemble de dates de naissance recueilli auprès du public, sur un tableau pour arriver au nombre unique de 71, que les chiffres soient placés, à la verticale, à l’horizontale, en carrés ou dans les deux diagonales. Numéro connu, qui ne doit, bien entendu, rien à la magie et tout à la logique mais qui reste bluffant, quand il est, comme ici, vite et bien réalisé.

Tout aussi bluffant, l’un des meilleurs numéros de ce spectacle: un classique du «close-up», maintenant rendu possible dans les grandes salles, grâce à une caméra qui le retransmet sur grand écran. Mais ici, très poétique et que Luc Langevin réalise impeccablement et, comme tous les autres numéros sans exception, avec une grande intelligence.
A la fin, le spectateur peut ainsi retrouver un ou plusieurs petits objets que le magicien lui a empruntés et qui ont pourtant disparu et/ou ont été coupés en deux devant nous, ce qui s’oppose aux lois les plus élémentaires de la physique… Luc Langevin invite ainsi un spectateur à venir déposer un trousseau de clés, un billet de vingt euros, et son téléphone. Sur une petite table, il prélève la plus petite clé du trousseau, celle d’une boîte à lettres, déchire un des côtés du billet et garde le téléphone…

Grâce à une retransmission sur grand écran, on voit parfaitement, enfin presque! toute la manipulation. Langevin place alors une grosse boule blanche  en polystyrène expansé sur la petite table. C’est là où tout se passe et où on est censé tout voir (mais où bien entendu, on ne comprend rien de rien ou presque de ce festival de trucage et de manipulation!) puis il confie la grosse boule à l’amie du spectateur, avec la consigne de la garder soigneusement sur ses genoux…
A la fin du numéro, Luc Langevin l’ouvre sur la petite table: le spectateur y retrouve son billet intact, son téléphone et la petite clé à l’intérieur d’une ampoule électrique que Langevin casse devant nous pour la récupérer… Tonnerre d’applaudissements bien mérité.

 Il y a aussi un beau numéro d’équilibre d’objets, avec une chaise un cadre, une échelle, un perroquet pour vêtements. Et, avec l’aide de César, un tout mignon spectateur de six ans, Luc Langevin présente un merveilleux numéro plein de poésie où des dizaines de balles en mousse, rouges et bleues, disparaissent, réapparaissent, se multiplient dans les mains de Luc Langevin, ou sortent en rafale de sa bouche, ou mieux dans celles de l’enfant absolument émerveillé.

Et, à la toute fin, un numéro exceptionnel, dit de téléportation, où Luc Langevin, debout en costume noir, passe d’une grande boîte verticale à une autre absolument identique, les deux étant pourtant séparées d’un mètre!  Sans doute, grâce à une combinaison de miroirs pourtant invisible mais qu’importe, le résultat est là, tout aussi bluffant.

Le spectacle, superbement maîtrisé sur le plan technique, traîne parfois et ces deux heures manquent un peu de rythme, surtout au début; bref, il mériterait une mise en scène plus rigoureuse.  Mais cela vaut le coup d’y aller, surtout si vous avez gardé une âme d’enfant et si la magie et l’illusion vous séduisent. C’est aussi, après tout, une belle leçon de philosophie et de réflexion sur le réel. Même si les places ne sont pas données: au parterre, 65€ (sic) ! Mais bon, on doit trouver à beaucoup, beaucoup moins. Et conseil d’ami: cette grande salle pleine de courants d’air est difficile à chauffer par ces temps de glace, donc gardez bien votre doudoune, ce ne sera pas un luxe…

Philippe du Vignal

Casino de Paris, 16 rue de Clichy, Paris 8ème jusqu’au 4 février.
Théâtre de Thionville le 9 mars;  Ludres Espace Chaudeau le 10 mars; Genève, Théâtre du Léman, le 12 mars; Monte Théâtre du Crochetan le 14 mars;  Sausheim,  L’Eden le 15 mars; Lille, Casino Barrière, le 18 mars, Marseille, Le Silo, le 22 mars; Romans-sur Isère, Théâtre les Cordeliers le 23 mars;  Enghien-les-bains, Théâtre Casino Barrière, le 24 mars; Montigny-le-Bretonneux Ferme du Manet le 25 mars; Toulouse, Odyssud les 27, 28 et 29 mars;  Bordeaux, Casino Barrière,  le 30 mars. Nantes, Cité des Congrès,  le 31 mars.
Lyon le Radiant le 2 avril

 

 

 

Ellipses et magie nouvelle

Festival Spring  organisé par la Plateforme 2 Pôles Cirque en Normandie/La Brèche à Cherbourg-Cirque-Théâtre d’Elbœuf

 

Ellipses et magie nouvelle par la Compagnie 14:20

 la-chute-aragorn-boulanger_cie1420clement-debailleul-380x258L’un des derniers spectacles de ce bon festival qui promeut les nouvelles formes de cirque en Normandie… Cela se passe au Théâtre de la Renaissance à Mondeville, un petite ville autrefois ouvrière, de quelque 9.000 habitants, tout près de Caen, où, jusqu’en 1993, prospéra la Société métallurgique.
Et dont les habitants ont bien de la chance d’avoir à leur porte une programmation éclectique avec entre autres : une soirée Offenbach par l’orchestre régional de Normandie, Hyacinthe et Rose de François Morel… et c
e spectacle d’illusion et de magie  dont les directeurs artistiques sont Clément Debailleul et Raphaël Navarro, s’ouvre, fait un peu insolite,sur quelques minutes remarquables avec Matthieu Saglio, au violoncelle et Madeleine Cazenave  au piano, devant une salle des plus attentives; on retrouvera ces musiciens accompagnant plusieurs numéros.
Il y a d’abord, imaginé par Etienne Saglio un petit morceau de tuyau d’une dizaine de cms de diamètre qui sort magiquement d’un chapeau haut-de-forme posé sur une table, puis s’en va faire un tour…Petite mais magnifique entrée en matière.
Greg Lackovic  interprète Raymond Ramondson, un magicien clownesque qui rate la plupart de ses tours-vieux numéro bien usé!-mais, à vouloir être comique à tout prix, il a bien du mal à être convaincant, même si, gestuellement, il  se montre très à l’aise.

  Beaucoup plus intéressante: la performance corporelle d’Aragorn Boulanger (photo ci-contre) qui prend des poses avec une précision absolue, poses qu’il transforme radicalement en quelque secondes et grâce au noir qu’il télécommande, sur la musique de Madeleine Cazenave. Sur des thèmes comme le déséquilibre, la fuite ou la disparition. Ce qui suppose une  souplesse physique et une concentration mentale de tout premier ordre…
Les numéros de cartes, qu’il s’agisse de magie traditionnelle ou nouvelle, relèvent toujours de quelque chose de fascinant. Mais ceux d’Arthur Chavaudret,jeune magicien qui parait avoir dix-huit ans, passionnent vite les spectateurs. Entre autres, ce numéro où il choisit deux garçons et deux filles dans la salle qu’il place autour de lui. Grâce à une caméra et un grand écran, nous assistons à cet impeccable numéro de « close-up » à quelques mètres.
Il demande à une des jeunes filles de choisir une carte dans le jeu, de la marquer de coups de crayon et de la montrer au public. Il étale le jeu sur la table et fait bien constater que cette carte en a disparu. Comme on peut  le voir à l’évidence sur l’écran.
Il s’en excuse mais pense qu’elle est peut-être dans la poche intérieure de sa veste, dont, bien entendu, il la tire aussi sec. Classique mais éblouissant! Tonnerre d’applaudissements.
  Le numéro suivant ne participe pas vraiment de la magie, quoique! Philippe Beau  a en effet le pouvoir de créer avec ses  seules mains, un espace de rêve poétique de la plus grande intensité. Un grand écran blanc et un petit projecteur pour réaliser une série d’ombres : animaux,  personnages solitaires, ou en couple. Comme dans un sorte de courte chorégraphie virtuose qu’enfants et adultes regardent absolument fascinés « L’imagination, disait Karl Kraus, a le droit de se griser à l’ombre d’un arbre dont elle fait une forêt ».. 
Etienne Saglio manipule toute une série de boules lumineuses de plus en plus nombreuses, jusqu’à dix, semble-t-il,et aux magnifiques trajectoires comme autant d’étoiles filantes. Numéro enrichi de techniques numériques, dit le programme. Qu’importe: un résultat bluffant, et là aussi d’une rare poésie, plus qu’ensuite, sa manipulation décevante d’une plaque de polystyrène assez répétitive sur fond de piano…
Au total,  le dénominateur commun  à tous ces numéros semble bien être un détournement de la réalité avec une palette d’émotions que crée un magicien avec l’aide de la musique en direct. « Il joue, dit Jacques Delord, d’abord une histoire merveilleuse où l’effet magique n’est que langage. Un langage qui touche au cœur, à cette réserve d’émotion que les hommes et les femmes portent depuis avant leur naissance et qu’ils conserveront jusqu’au terme de leur vie. Le rôle du magicien consiste à réveiller la magie qui dort en l’autre. »

Contrat ici bien rempli devant un public, n’ayons pas peur du mot: populaire  de cinq à soixante-dix huit ans au moins. Ce qu’arrive rarement à faire le théâtre contemporain qui tend, de plus en plus, à être un endroit élitiste où se retrouvent les professionnels d’un certain âge, comme pour se rassurer sur leur avenir…

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 2 avril au Théâtre de la Renaissance de Mondeville (Calvados)
www. Festival-spring.eu

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Magic par l’Equipe de France de magie

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Magic  par l’Équipe de France de Magie

   Cette équipe dépend de la Fédération Française des Artistes Prestidigitateurs (FFAP), institution française fondée dans les années 1900 par Jules d’Hôtel, héritier du fameux  Robert Houdin, le plus célèbre illusionniste du XIXème siècle. Dans sa petite salle  du boulevard des Italiens, il avait installé des machines aussi efficaces qu’invisibles, avec déjà l’aide de l’électricité… Georges Méliès en 1896, réalisa un film sur son escamotage d’une dame.
La plupart des tours encore utilisés aujourd’hui nous viennent de lui, même si la magie moderne n’échappe évidemment pas à l’électronique et aux télécommandes de toute sorte.
  Magic se présente comme «expérience unique et extraordinaire, un spectacle drôle, envoûtant, et poétique » (sic). Mais à y aller voir de plus  près, les choses sont moins évidentes! Magicien confirmé,  Gaetan Bloom présente les numéros, et réalise au passage, quelques tours traditionnels du genre petite bouteille escamoté dans un sac en papier. Ou fil coupé par une paire de ciseaux qui disparaît puis réapparait. Pamplemousse, orange et kiwi coupés menu, puis jetés dans un carton mais retrouvés intacts quelques secondes plus tard au fond du même carton. Mais Gaetan Bloom, en présentateur, en fait des tonnes, demande à la salle d’applaudir pour un rien, bavasse au micro. A la limite du supportable. Dommage…
  Plus intéressant et cette fois réellement poétique, le numéro de Suk et Silhouette, deux hommes, avec tout un jeu sur le vrai et le faux, sur la notion d’automate, et la notion de double. Un beau travail.
Il y a aussi un numéro de Beryl, une jeune femme (il n’y en pas tellement dans le monde de la magie), qui, seule en scène, change de masque de façon absolument magique. Ce qui suppose une belle concentration et un art de la manipulation porté à un haut niveau.
  Le clou de la soirée : celui d’un très jeune homme Alexandre Laigneau, seul en scène, au langage gestuel très graphique, avec juste un banc, et un composteur et une pendule. On entend l’annonce d’un train 58794. Les billets de train se multiplient à partir d’un seul, une canne laisse apparaître un journal, et des cartes naissent au bout des doigts d’Alexandre Laigneau. Brillant et poétique à la fois. Modeste et discret, il fait les choses avec facilité, ce qui suppose bien entendu un très gros travail. Le public lui a fait une formidable ovation.
 Il y a enfin d’une grande poésie, le numéro d’une grande poésie de Gwenaelle, qui sort de la Chavez school de Las Vegas, Avec des apparitions de cartes qui se transforment en éventails. Et pour finir, un numéro d’escamotage par Mahnvi et compagnie d’une jeune femme, avec  fumigènes et accessoires assez laids comme cette grosse théière où on l’enferme et où on la perce de coups d’épée.
Le spectacle, on l’aura compris, très inégal, traîne parfois en longueur à cause d’une mise en scène trop approximative. Mais bon, dans la belle salle du Théâtre d’Yerres, le public, très jeune,, était fasciné.

 Philippe du Vignal

Spectacle vu au Théâtre d’Yerres (Essone), et en tournée mais avec des numéros qui peuvent être différents.

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