Fabrice Di Falco, une voix lyrique au-delà des mers, un film de de Julien Faustino
Fabrice Di Falco, une voix lyrique au-delà des mers, textes de Margaux Eskenazi et Fabrice Di Falco, un film de Julien Faustino
Ce grand contre-ténor est d’origine italienne par son père et martiniquaise par sa mère. Le mariage du Vésuve et de la Montagne Pelée, comme il le dit avec humour! A dix-sept ans, il rencontra Barbara Hendrix de passage en Martinique pour un concert. Elle l’auditionna et lui conseilla d’entrer dans un conservatoire. Il débarqua ainsi trois ans plus tard en métropole: le commencement d’une belle aventure: « Une révélation, dit-il, je pensais que les Noirs ne chantaient que du zouk ou du ragga mais j’ai réalisé qu’ils pouvaient aussi chanter l’opéra ».
Il remportera en 1999 à l’unanimité, le premier prix de chant au Conservatoire national de Boulogne-Billancourt. À sa sortie, il interprète Cupidon dans les opéras de Haendel, Sémélé et Sextus dans Jules César. Puis Néron dans Le Couronnement de Poppée de Monteverdi, un rôle qui le lança en 2001. Depuis, il a fait une carrière dans le monde entier… Mais il chante aussi La Métamorphose d’après Kafka ou Les Nègres d’après Jean Genet de Michael Lévinas et a rendu aussi hommage à Aimé Césaire au Forum d’Avignon 2012 avec un slam-opéra. Il a aussi chanté en solo au Théâtre du Gymnase, Farinelli et Michael Jackson. Puis en 2014, il interprète Quai Ouest de Régis Campo à l’Opéra National du Rhin. Et des chansons avec le chanteur Raphaël pour son disque Anticyclone. Il est aussi sur scène avec le saxophoniste jazz-rock électro Guillaume Perret…
Fabrice Di Falco parle d’opéra et musique classique et aussi bien entendu la traditionnelle biguine à Saint-Pierre en Martinique. Une sorte de promenade dans la ville et les ruines du théâtre qui, à la suite d’un cyclone, avait été reconstruit, puis anéanti le 8 mai 1902, quand le volcan de la Montagne Pelée se réveilla. Le premier avait été dessiné -selon la légende- sur le modèle de l’Opéra de Bordeaux mais en dimensions plus réduites. C’était l’orgueil des Pierrotins et il offrit des représentations dès 1779! «Il y avait une vie culturelle extraordinaire à Saint-Pierre, dit Fabrice Di Falco. Dans Bigin the Biguine que j’ai créé il y a deux ans au cabaret Le bal Blomet à Paris, je parlais déjà de cette vie culturelle très métissée, du public martiniquais qui aimait aussi bien la biguine que l’opéra. »
Après avoir vu le spectacle, les responsables d’Axe Sud et Greg Germain, le directeur avec Marie-Pierre Bousquet -aussi productrice de cinéma- de la Chapelle du Verbe Incarné à Avignon ont eu l’idée d’en faire un film. Avec pas ou peu d’exotisme malgré des images parfois complaisantes et un texte souvent emphatique. Pourquoi aussi cette manie des gros plans faits par drone? Mais, comme il a une impeccable diction et qu’il est bon conteur, il sait nous parler avec amour de son Saint-Pierre et interprète à merveille les grands airs d’opéra, Haendel,Purcell, Pergolèse, Vivaldi et Bach, parfois revisités par le swing, la pop, le tango et la mazurka martiniquaise. Accompagné par le Di Falco quartet (batterie, piano, contrebasse et flûte martiniquaise) qu’il a créé. Mais il y aussi des airs de biguine, de jazz et des chansons.
Fabrice Di Falco s’adresse à des personnages disparus ou contemporains. Notamment à M. Saint-Val, créateur de l’opéra de Saint-Pierre, au chevalier de Saint-George (1745- 1799), escrimeur, violoniste, compositeur et chef d’orchestre. Ce Guadeloupéen participa à la Révolution française et à l’émancipation des esclaves. Et à Christiane Eda- Pierre, la grande soprano native de Fort-de-France comme à ceux qui ont compté pour lui: sa mère, des gens de sa famille vivants et morts qu’il aime. Et il retrace avec émotion l’histoire du Grand-théâtre de Saint-Pierre en Martinique rasé par l’éruption de 1902… Cette tragédie, plus d’un siècle après, le bouleverse quand il chante dans les ruines de ce lieu dont on voit encore le plan. Le plus beau moment du film.
Il évoque aussi à la nouvelle génération de chanteurs lyriques qu’il faut aider et accompagner. Fabrice di Falco entend aider les jeunes contre-ténors qu’il a repérés et pour qui il représente un modèle. Il finance donc lui-même chaque année des concours. Après une première sélection insulaire, les trente demi-finalistes concourent dans leurs région, puis bénéficient de master-classes à Paris prodiguées par Fabrice di Falco et son équipe qui organise des concerts pour attirer le public mais aussi des professionnels. Les deux lauréats recevront une formation gratuite pour préparer leur entrée dans un Conservatoire, puisqu’il n’en existe ni en Guyane, ni en Martinique, ni en Guadeloupe!
Ne ratez pas Fabrice Di Falco, une voix lyrique au-delà des mers. Le film tourné en partie à Paris mais surtout en Martinique, permet, malgré ses défauts, d’écouter ce chanteur lyrique exceptionnel chez lui à Saint-Pierre. Et aussi d’avoir une première approche de l’histoire musicale de cette île française. Il sera cette année au festival d’Avignon.*
Philippe du Vignal
Le film, coproduit par Axe Sud Production et France Ô. sera diffusé dans le cadre de la semaine Cœur Outre-mer de France-Télévisions, sur France Ô, dans l’émission Multiscénik, le jeudi 27 juin à 23h 25.
*Chantez et dansez ! #1 de l’opéra à la biguine de Fabrice di Falco et Julien Leleu, mise en scène et chorégraphie de Fabrice di Falco et Margaux Eskenazi, avec Fabrice di Falco (chant lyrique), Jonathan Goyvaertz (piano), Julien Leleu (contrebasse) et Aurélien Pasquet (batterie) se jouera à la Chapelle du Verbe Incarné à Avignon du 6 au 10 juillet.
Les Sauvages CD chez Sony Classical.