Petite balade aux enfers, texte et mise en scène de Valérie Lesort

Petite balade aux enfers, texte et mise en scène de Valérie Lesort

6A5B70A7-2295-48A1-9C45-F9248633E91FAprès neuf jours d’intenses répétitions, c’est une version iconoclaste et joyeuse d’Orphée et Eurydice de Gluck, avec la pianiste Marine Thoreau La Salle et le chœur de la maîtrise populaire de l’Opéra-Comique. Ils accompagnent Marie Lenormand (Orphée), Judith Fa (Eurydice) et Marie-Victoire Collin (Amour) dans une expérience scénique originale. Pour les incarner, trois petites marionnettes qui ont le visage des chanteuses. D’autres apparaissent, dont Zeus qui raconte la fable de cet opéra. Dans le petit castelet, construit pour l’occasion et  à la frise qui rappelle celle du cadre de scène de l’Opéra-Comique, les marionnettes sont manipulées selon la technique dite du théâtre noir: avec une forte lumière latérale, ce qui laisse invisibles les  intervenants habillés de noir.

Pascal Laajili a conçu les lumières et la scénographie, Valérie Lesort a fabriqué les marionnettes avec Sami Adjali, un ancien des Guignols de l’info qui est aussi manipulateur et Carole Allemand. Christian Hecq, de la Comédie-Française, prête sa voix à Zeus et à Amour, tout en animant lui aussi quelques pantins. Cette pièce en une heure s’inscrit dans le cadre de Mon premier festival d’Opéra où on invite le jeune public à franchir le seuil de cette institution. Quel que soit son âge, le public a salué ce spectacle burlesque et poétique qui pourrait facilement partir en tournée, vu la simplicité de son dispositif scénique. Une belle manière d’initier les enfants au plaisir du théâtre et aux œuvres lyriques…

Jean Couturier

Spectacle joué du 13 au 17 févier à l’Opéra-Comique, 1 place Boieldieu, Paris II ème. T. : 01 70 23 01 31. 


Cendres, d’après Avant que je me consume, roman de Gaute Heivoll, mise en scène d’ Yngvild Aspeli

 

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Festival d’Avignon

 

Cendres, d’après Avant que je me consume, roman de Gaute Heivoll, mise en scène d’ Yngvild Aspeli

 Au lointain, de minuscules maisons blanches sur une falaise, en bord de mer: celles d’un village paisible au sud de la Norvège. On entend le vent et les vagues. Sur un praticable, à l’avant-scène, un petit bonhomme, manipulé par des ombres noires, gambade et rigole, brandissant un jerricane d’essence…

Sur son ordinateur, un écrivain commence un récit : de ses phrases, inscrites sur  un écran, émergent les personnages d’une légende qui a bercé son enfance, l’histoire pourtant bien réelle  de Dag l’incendiaire, qu’il va nous conter. Une histoire intimement mêlée à sa vie : il avait deux mois, cet été 1978, lors des événements : «L’histoire des incendies m’a suivi toute ma vie, jusqu’à ce que je me décide à l’écrire.»  L’occasion pour l’auteur de croiser les démons personnels qui le consument, avec ceux qui habitent le jeune pyromane, l’occasion aussi de revisiter sa propre mémoire familiale.

Yngvild Aspeli, à partir du roman, fait naître des êtres et des images issus de ses fantasmagories. Et ses marionnettes, plus vraies que nature, sont comme habitées par une vie intérieure. De l’ombre, du feu et de la fumée, surgissent alors des monstres démoniaques que le narrateur va devoir affronter comme autant de cauchemars. Les siens et celui de son héros.

Tout commence un soir chez les Ingerman, une famille ordinaire : la mère, le fils et le père, chef des pompiers de son état qui habitent un modeste logis. Le gamin, un diablotin roux, se déchaîne… Le  village prend feu! Brusque changement d’échelle: les poupées prennent alors des tailles humaines et les acteurs-marionnettistes apparaissent à leurs côtés, les manipulant à vue, et parfois sont manipulés… Une lutte sans merci s’engage entre rêve et réalité. Tandis que le  pyromane démoniaque fait des siennes, d’autres apparitions viennent hanter le plateau. L’écrivain voit son père agonisant, s’envoler dans la fumée d’une dernière cigarette… Des bêtes sauvages effrayantes sortent de la forêt : un loup-garou,  une carcasse d’élan…

 Directrice artistique de la compagnie Plexus Polaire, installée en Bourgogne depuis 2016, à la suite d’un compagnonnage avec la compagnie Philippe Genty,  la metteuse en scène norvégienne Yngvild Aspeli qui réside en France depuis 2003, mène depuis une carrière internationale. Cendres, créé en 2014, ne cesse depuis de tourner. Après Chambre Noire (2017),  la metteuse en scène travaille à une adaptation de Moby Dick d’Herman Melville pour 2020, et nous promet une baleine géante.

Cendres interroge les frontières entre normalité et folie. Mêlant acteurs, marionnettes, vidéo et son, avec une grande virtuosité technique, ce spectacle nous entraîne dans un monde où réalisme et fantastique se côtoient et s’interpénètrent . Du très bel ouvrage.

 Mireille Davidovici

Jusqu’au 29 juillet, La Patinoire à 18h 05 : ATTENTION : départ en navette une demi-heure avant, à la Manufacture, 2 rue des Écoles, Avignon T. : 04 90 85 12 71.

 Les 12 et 13 août ,The Train Theater Festival, Jérusalem (Israël) ; les 21 et 22 août, Festival Pop up Puppets, Stockholm, (Suède). Le  9 septembre, Festival Synergura, Erfurt (Allemagne). Le 13 octobre, Figurentheaterfestival, Meppel (Pays-Bas); le 16 octobre, International Puppets Theatres Festival, Torunn (Pologne). Le  2 février, L’Hectare, Vendôme (France). Du 1 au 4 mars, Center for Puppetry Arts, Atlanta (Etats-Unis).

 Le texte est publié en français chez Jean-Claude Lattès (2014).

Scènes ouvertes à l’insolite (suite):

 

Scènes ouvertes à l’insolite (suite):

 Médée La Petite, d’après Sénèque, texte, conception et mise en scène de Cécile Givernet et Vincent Munsch

images 11.31.45Marionnettes, ombres et son spatialisé, ce joli théâtre d’objets diffuse un mystère et invite au mariage inattendu entre une forme légère de cirque et le mythe tragique de Médée. Une petite roulotte d’antan  surgie d’ un songe d’enfance et sur une musique tantôt dansante, tantôt grave et méditative, des êtres oniriques surgissent formes rondes avec bras et jambes dansant dans l’espace, et annoncent la tragédie.

Jeu d’ombres et de lumières, scintillements ludiques  nocturnes, dessins et illustrations, placés sous l’aura brumeuse d’une lampe tracent  des images  d’une somptueuse  magie. Apparaissent ainsi, à côté de la voix de celle qui conte l’horreur à venir, Médée dont on apprend les sentiments et projets intimes, Jason l’infidèle, Créuse, la jeune épouse sacrifiée  et  Créon, le père égoïste. Mais aussi, le chœur de la Cité, incarné par un objet insolite, une sorte d’éventail de papier commentant l’histoire. Petits tableaux de genre et scènes en miniature, le public est ébloui par tant d’invention, entre fête foraine et passions.

visuels-site-slideshow-paperwork-soi201804 Paperwork, conception, scénographie et interprétation mise en scène d’Anna Verduin

 Présenté dans le cadre de la saison néerlandaise en France, Paperwork invite le public à pénétrer dans un refuge de papier – où pliage et collage minutieux donnent naissance à tout un monde imaginé d’après l’œuvre et le personnage de Frantz Kafka, employé de bureau écrivant la nuit pour échapper à la réalité oppressante du jour.  La correspondance administrative de la compagnie d’assurances où il travaillait et ses manuscrits composant ici une œuvre littéraire, et la feuille de papier est reine,  comme les cartonnages en tout genre. Des  doigts osseux de papier ouvrent un tiroir et des cahiers minuscules sont offerts au regard du public arpentant l’espace au gré de sa déambulation entre les diverses maquettes.

Erin Tjin A Ton et Gosia Kaczmarek ouvrent des dossiers qui laissent surgir le moment d’une pause,  des tasses  et une petite théière et  invitent leurs personnages à un goûter mérité. L’une se réfugie dans une immense enveloppe, souhaitant passer par un cheminement postal aléatoire, avant d’atteindre une destination intime souhaitée. L’autre porte un grand mannequin de papier, figure blanche anonyme derrière laquelle elle se cache et qu’elle fait bouger devant les spectateurs intrigués. Ce beau délicat théâtre donne le jour à une bureaucratie surréaliste d’un joli gris pâle souris et les froissements des feuillesde papier font se lever ou se coucher les mondes.

 La Place de l’Etranger-e, conception et interprétation d’Eléonore Latour

 etrangers1Danse et marionnette portée, un spectacle éloquent sur la situation des migrants. Un  africain est allongé sur une  plage; on entend le bruit des vagues et le cri des mouettes. Cette  poupée grandeur humaine au visage expressif  se relève peu à peu, manipulée par la marionnettiste dont surgit la chevelure, tandis que ses bras et jambes sont glissés dans la veste et le pantalon : l’une est l’autre, et l’autre est elle. Confusion des formes et des identités qui touchent à l’universel…

Un oiseau au cri sonore magnifique de solitude fait crisser le vaste firmament, et la marionnette lève la tête avec tristesse, le  regard  tendu vers les hauteurs d’un ciel qu’on devine bleu, la bouche ouverte de bonheur. Cette quête identitaire s’inspire du Cantique des oiseaux, recueil de poèmes médiévaux de Farid Od-dîn Attâr, un poète soufi. Rêver d’être un oiseau libre est la belle métaphore d’une quête existentielle que la danse et la manipulation subtile d’Eléonore Latour magnifient en éveillant à la fois à la conscience de l’autre et à la conscience de soi.

Véronique Hotte

Scènes ouvertes à l’insolite :
Mouffetard-Théâtre des arts de la marionnette, rue Mouffetard, Paris V ème; Théâtre Paris-Villette,  Paris XIX ème et Théâtre aux Mains Nues,  43 rue du Clos, Paris XX ème du 29 mai au 3 juin. T.: 01 84 79 44 44.

 

 

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Scènes ouvertes à l’insolite (suite)

Scènes ouvertes à l’insolite (suite)

 De parcours en parcours, le festival propose de nouvelles découvertes.  Avec, ce soir-là, trois formes brèves qui nous invitent à retrouver goût du terroir, chagrins de l’enfance, et à explorer jusqu’aux corps mêmes des interprètes.

respire Respire, Picardie Forever, mise en scène de Clément Montagnier par la Compagnie Tac Tac

 Un plateau légèrement incliné posé sur des tréteaux avec la maquette d’un terrain vague, rapidement planté d’arbres par les soins de Clément Montagnier; ce petit espace devient le village en miniature de son grand-père, avec ses longères au toit rouge, son clocher, et la maison du docteur Müller. «Visualise la Picardie, dit-il, où que tu sois : l’horizon… Les betteraves respirent sous tes pieds. C’était ma façon de voir la Picardie quand j’étais petit.»
Sur une  autre table, une grosse ferme, réalisée par cet aïeul -«roi de la bricole», qui devient le terrain de jeu d’une enfance avec un chien, poules et histoires du grand-père… Le comédien relate les anecdotes du terroir et retrace la tragédie de la Grande Guerre à l’aide de clous, de vis et de boulons, autant de soldats de toutes les nationalités, enterrés dans la campagne picarde, grand cimetière planté de croix : «L’histoire respire sous tes pieds ».

Ce petit théâtre d’objets, imaginé et animé avec une gaucherie toute calculée par Clément Montagnier, accompagné par la musique et les bruitages d’Aurélia Monfort, évoque avec pudeur la France rurale d’autrefois. Une proposition touchante, un peu bricolée, mais à voir…

 Miniature mise en scène et interprétation de Maëlle Le Gall

miniature «Que seriez-vous prêt à sacrifier pour séduire les autres ?» dit une pancarte posée sur la table où se déroulera un mini-drame joué par des personnages de papier, réalisés à partir de vieilles photos détourées. Un petit garçon solitaire, deux fillettes curieuses, une mère absente, une balle rouge, une poule… Figures d’un théâtre sans paroles activées par la marionnettiste, à la lumière de deux lampes de bureau, et en musique.

 Maëlle Le Gall joue sur les proportions : deux jambes immenses représentent la mère, les enfants changent de taille ou arborent des têtes gigantesques sur des corps minuscules. La poule prend des allures de monstre… Dans cet univers en noir et blanc d’une inquiétante familiarité, la solitude enfantine a quelque chose de poignant, d’une grande densité poétique.

L’artiste présente depuis quatre ans ce spectacle ambulant d’un quart d’heure dans une caravane qu’elle a aménagée pour recevoir treize spectateurs. Elle envisage aussi de se produire dans des cafés ou médiathèques, pourvu qu’on puisse y faire le noir. Ne manquez pas ce spectacle qui sera joué dans plusieurs festivals cet été.

 Protokoll Physique fragment mise en scène de Léonor Illitch

ProtokollAnnoncée comme «puzzle corporel», cette performance de trente minutes pour un homme et une femme, flirte avec la danse. Surgissant du noir, une épaule, un pied, une cuisse, une poitrine… Deux corps morcelés s’explorent minutieusement, chacun pour soi, découpés par  un éclairage rasant de lampes de poche,  ou étudient leurs reflets dans le miroir, à la recherche d’une symétrie. Ces corps narcissiques, prisonniers de leur enveloppe charnelle  se rencontrent épisodiquement pour retomber dans le solipsisme.

Leonor Ilitch s’inspire du «contact-improvisation» en danse contemporaine pour traduire physiquement avec ses interprètes, une recherche philosophique sur la difficulté de sortir de soi-même et de rencontrer l’autre : «Avec toi sous les draps, je suis comme enfermé dans mon corps », dit l’un des personnages. Mais un texte abstrait qui se veut poétique rompt le charme de cet étrange objet théâtral qui trouve vite sa limite….

Mireille Davidovici

Scènes ouvertes à l’insolite, Le Mouffetard-Théâtre des arts de la marionnette, 73 rue Mouffetard, Paris V ème. T. : 01 84 79 44 44.

Respire, Picardie Forever sera présenté  en Avignon Off,  au Festival Théâtr’Enfants du 10 au 27 juillet, avenue Monclar.

 

La Rage des petites sirènes, texte de Thomas Quillardet, mise en scène de Simon Delattre

Festival Odyssées en Yvelines

 

 : J – M Lobbé

J – M Lobbé

La Rage des petites sirènes de Thomas Quillardet, mise en scène de Simon Delattre

 Olive et Olga, deux sœurs sirènes, décident de partir à l’aventure pour vivre leur odyssée  et sur leur route, elles feront des rencontres fondatrices : une bernique, une dorade, une anguille, un banc de harengs et jusqu’à un chat-sirène.

Le thème du spectacle : interroger le lien qui unit les sœurs entre elles, et leur relation au monde. Elles rêvent ainsi de rester longtemps  ensemble mais il est souhaitable de suivre le chemin qu’on désire,  et on entrevoit l’image d’une prochaine séparation…

 Elise Combet, marionnettiste et Elena Bruckert, comédienne, sont à l’initiative de  cette création par Simon Delattre, curieux de mettre en images scéniques la relation sororale. L’univers aquatique lui a servi de toile de fond, et il a demandé  à Thomas Quillardet  d’écrire d’une pièce sur les sirènes qui n’ait rien à voir avec les films de Walt Disney. Sur le plateau, elles chantent, intrépides et joyeusement désinvoltes. La scénographie est inspirée par l’esthétique des tableaux de David Hockney avec ses piscines; ici, un bassin gonflable  pour  y faire vivre des marionnettes d’animaux marins et des queues de sirènes….

 Les actrices, vives et joueuses manipulent  ces personnages, jusqu’à une queue de sirène, une prothèse qu’elles s’attachent ou retirent, selon les circonstances. L’échange verbal avec les poissons, contribue aux métamorphoses des sœurs. La Rage des petites sirènes s’adresse à tout public à partir de six ans, car nul n’échappe, petit ou grand, au traumatisme  d’une séparation: la sœur est à la fois une attache affective et un obstacle à toute libération.

 Magnifique est la scénographie des couleurs : bleu indigo des piscines, bleu sombre de la nuit et lumière propre au théâtre d’ombres. Un filet semble recouvrir les fonds marins translucides à l’intérieur de la piscine renversée. Avec des queues de sirène scintillantes, accessoire glamour revalorisé et une bernique attachante, et rivée sur le sol, ici, une mini-pyramide gonflable…

 Olive n’a pas la bougeotte et aime bien se tenir sur son banc de sable les jours de grande marée, et elle avoue à sa sœur qu’elle préfère rebrousser chemin. Quand Olga la met en garde contre l’ennui et l’habitude, Olive lui répond qu’elle voyage dans sa tête, en regardant les vagues : «J’invente des sons, des images, des odeurs. Je fais une odyssée dans ma tête.» Mais Olga partira-c’est son destin-la tête pleine de souvenirs : la baie de Saint-Brieuc, ses algues préférées, l’île de Bréhat et un coucher de soleil sur Binic…

Un spectacle malicieux et revigorant grâce en particulier, à ces belles sirènes-comédiennes.

Véronique Hotte

Théâtre de Sartrouville (Yvelines)/Centre Dramatique National, en tournée dans le département, jusqu’au 14 mars.
 www.odyssees-yvelines.com

Le texte est publié aux éditions Heyoka Jeunesse (Actes Sud-Papiers).

 

White dog d’après Chien blanc de Romain Gary, mise en scène de Camille Trouvé

 

White dog d’après Chien blanc de Romain Gary, adaptation de Brice Berthoud et Camille Trouvé, mise en scène de Camille Trouvé

693876_a6c55ae180e746aeb19bde8ec58351c3~mv2_d_2362_3543_s_2Rien d’angélique dans le chien présenté par les marionnettes des Anges au plafond! Sur scène, de grands châssis de papier blanc. Derrière, se profilent les ombres des comédiens qui tracent des lettres en contrejour. L’un d’eux incarne Romain Gary, et émerge de cette page blanche pour nous conter l’histoire de ce toutou recueilli par l’écrivain, alors qu’il séjournait avec sa femme, Jean Seberg, en Californie. Bientôt des marionnettes de taille humaine prendront le relais, actionnées et doublées par les comédiens.

Au centre du récit, le chien. Imposant, un peu plus grand que nature, avec des poils de papier blanc, il  se blottit avec un regard expressif auprès de ses nouveaux maîtres. Brice Berthoud manipule à vue le chien, et les avatars de Jean Seberg et Romain Gary. Il les fait dialoguer et imite aussi jappements et grognements canins. Mais l’animal doux et affectueux va se transformer en bête féroce en présence des Noirs. «Je me trouvais soudain confronté avec l’image d’une brutalité première, tapie au sein de la nature et dont on préfère oublier la présence souterraine entre deux manifestations meurtrières, écrivait Romain Gary, et, ce qu’on appelait jadis l’humanitarisme, s’est toujours trouvé pris dans ce dilemme, entre l’amour des chiens et l’horreur de la chiennerie.»

De cet incident domestique, il tire Chien blanc,  roman où l’animal, dressé par des Blancs contre les Noirs, devient la métaphore du conditionnement social qui transforme les hommes en bêtes furieuses intolérantes. Un chien ne naît pas raciste, il le devient. De même les hommes.  «Qu’ont ils fait de nous ?» se demande l’auteur, devant les violences interraciales aux États-Unis. L’assassinat de Martin Luther King, le 4 avril 1968 à Memphis, a mis le feu aux poudres. Réticent à s’engager directement, comme son épouse qui milite, elle, aux côtés des Black Panthers, il le fera avec la plume dans Chien blanc, (1969), après son divorce d’avec Jean Seberg. Publié un an après, le livre sera adapté à l’écran par Samuel Fuller  avec Dressé pour tuer.

Des deux cent cinquante pages du roman, Camille Trouvé et Brice Berthoud ont tiré un spectacle d’une heure et demi, dense, étonnant de beauté et de justesse. La compagnie Les Anges au plafond n’en est pas à sa première incursion dans l’univers humaniste de Romain Gary. Avec R.A.G.E. (Romain Ajar Gary Émile) et avait abordé la double identité de l’écrivain.  Ses créations reposent essentiellement sur le  papier, « notre matière de prédilection, dit Camille Trouvé. Ça se déchire, ça se froisse, comme les humains. C’est fragile et peut s’écrouler comme un château de cartes. » 

Comme sortis des pages du livre, les personnages évoluent dans un espace animé grâce à un dispositif de filins et un plateau tournant. Les poupées grandeur nature sont parfois relayées par de petites figurines découpées dont les ombres inquiétantes se projettent sur les châssis. Des feuilles de papiers s’envolent ou se déploient pour faire écran… Un univers scénique en noir et blanc, à l’image d’un monde en proie à la ségrégation.

Narration et réflexions de l’écrivain ponctuent les actions prises en charge par les marionnettes, rythmées d’un bout à l’autre par la batterie inventive et stimulante d’Arnaud Biscay, fortement teintée du jazz des années 1960… Pour les parties musicales chantées, le compositeur s’est notamment inspiré de Gil Scott-Heron, l’un des pères fondateurs du Spoken Word, du standard Strange Fruit. Arnaud Biscay chante aussi bien qu’il joue et en connivence totale avec ses partenaires.

 C’est après l’attentat du Bataclan à Paris, le 13 novembre 2015, que naquit ce projet : «Chien Blanc nous a saisis à la gorge, dit Camille Trouvé, est-ce qu’ici les communautés se déchirent comme aux Etats-Unis? Peut-on désapprendre la haine?» Le spectacle pose ces questions en douceur et avec grâce, sans désamorcer l’inquiétude des temps qui courent. Un spectacle à ne pas manquer…

 Mireille Davidovici

Le Mouffetard-Théâtre des Arts de la marionnette, 73 rue Mouffetard, Paris Vème T.01 84 79 44 44, jusqu’au 11 février. 

Et du 15 au 21 mars, au Festival MARTO, Scène Nationale de Malakoff (Hauts-de-Seine).
Les  6 et 7 avril, La Ferme du Bel-Ebat, Guyancourt (Yvelines) ; du 10 au 14 avril, Le Bateau-Feu, Dunkerque (Nord) ; du 17 au 19 avril, Le Tangram Evreux ( Eure).
Les 17 et 18 mai, Théâtre de l’Hôtel de Ville, Saint-Barthélémy d’Anjou (Maine-et-Loire) ; les 24 et 25 mai, Le Trident, Cherbourg (Basse-Normandie).
Et les  5 et 6 juillet, Théâtre du Cloître, Bellac (Haute-Vienne).

Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes de Charleville-Mézières

 

Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes de Charleville-Mézières

 

©Benoit Schulz

©Benoit Schulz

Dans cette capitale mondiale des arts de la marionnette, l’esprit « marionnette » bat son plein. Avec des rues pleines de familles du cru très concernées,  et de passionnés seuls, en couple ou en bande. Programmateurs, gens du métier, nationaux et internationaux  viennent aussi découvrir les créations en cours et faire leur marché… Les rues du centre de la ville, et les quartiers proches de la majestueuse Place ducale, les abords encore de Mézières, et non loin des rives de la Meuse, près du Mont Olympe, mais aussi les moindres salles et gymnases, bibliothèques, ruelles et cours: ici tout vit d’une belle effervescence créative.

 After Tchekhov par la compagnie Samolœt, mise en scène  d’Anna Ivanova-Brashinskaïa.

A la médiathèque Voyelles, le public dès quatorze ans a pu apprécier After Tchekhov, un spectacle à trois comédiennes, rappel des Trois Sœurs du grand maître russe. Portant de lourds manteaux qu’elles quittent et plient à terre avant de les  remettre plus tard, vêtues de robes noires à petit col de dentelle qu’elles s’empressent de bien arranger, ces figures féminines tchékhoviennes n’échappent pas aux poncifs.

Endormissement et rêves, petites poupées minuscules étrangement manipulées : doubles miniaturisés d’elles-mêmes à l’extrême, telles des fillettes disparues  de la mémoire à jamais.  Reste un puits de mélancolie et de passé douloureux. Elles portent de petits lits d’enfants en fer forgé, fenêtres de leur âme qu’elles plient et déplient à volonté, tableau, miroir, cadre,  et mobilier de poupée. L’inspiration d’After Tchékhov est juste mais sans surprise dans la manipulation des objets, et présente un échantillonnage trop attendu de lieux communs.

 A2pas2la porte par le collectif Label Brut

 A2pas2laporte, cette deuxième partie tout public dès cinq ans d’un triptyque initié par Mooooooooonstres présenté au festival 2013, qui confrontait les enfants aux bêtes hantant leur endormissement. Le spectacle a pour protagoniste, un garçon esseulé qu’effraient l’espace du dehors et de l’étrangeté extérieure. S’impose au regard du spectateur, le décor d’une immense paroi claire, fragile et transparente, que scelle une porte fermée. A jardin, se terre ce garçon recroquevillé au bas d’une fenêtre, épiant dans la peur, les klaxons de voitures et les moindres passages de véhicules à moteur mais aussi les pétarades des feux d’artifice.

 Il y a aussi les mouvements silencieux de voiles de rideaux, d’ombres devinées ou inventées qui s’essayent au jeu des doubles et des reflets, et de courants d’air et sacs en plastique vivants : le héros ne veut pas sortir pour aborder le monde mais s’entraîne à vouloir être plus fort, et l’enfant (Laurent Fraunié), refuse aveuglément de grandir. Etonnant de feu et de flamme, bougeant sans répit pour échapper à l’inquiétude qui le terrasse, se posant les bonnes questions et y apportant des réponses matures qui, pourtant, ne le délivrent pas tout de suite d’une angoisse dévastatrice. Avec imagination et intensité, le comédien montre une vraie générosité pour diffuser les expériences de son cheminement intérieur qui le mèneront heureusement à la réalisation de soi…

 Les Folles par la compagnie La Muette

 Delphine Bardot, l’une de ces folles, silencieuse et patiente dans son atelier de couture, joue avec les accessoires qui tournent naturellement, ainsi la bobine de fil qui se dévide quand la machine  à coudre fonctionne, ou bien le petit napperon ou fichu que l’on brode à la main, image du cycle de vie amorçant encore un nouveau tour du Temps, comme la terre qui nous porte.

 S’amusant de son fichu, l’interprète se masque et présente son existence à l’envers : d’un côté, une jeune mère travailleuse qui brode et coud pour survivre, et de l’autre, une femme du peuple qui s’associe à ses sœurs de combat pour dénoncer les tyrans. Ces femmes semblables, obligées de s’intégrer à une vie sociale et collective, portent en même temps les stigmates cachés et intimes d’avoir perdu un être cher. Les souvenirs de leurs disparus prennent consistance, et la femme endeuillée transcende sa douleur personnelle pour épouser la force véhémente du collectif.

 Après Point de Croix, Silencio es Saluda -un volet qui correspond à la part masculine de ce projet-est interprété par Santiago Moreno. Un jeune Argentin, immigré en Europe, musicien et manipulateur, s’engage dans une enquête documentaire et essaye aujourd’hui d’explorer le contexte politique de ces années sombres. Il s’empare des archives de l’époque, et  les donne à voir ou revoir au public sollicité. Militaires rigides, portraits des jeunes gens disparus: la Plaza de Mayo, portant les traces vivantes de la résistance, est filmé, hier et maintenant.

 Symbole du cycle éternel, le disque vinyle tourne à n’en plus finir sur un tourne-disque énigmatique qui dit les slogans des manifestants. Ombres et sons répertoriés, les signes de l’énergie de la mémoire s’accumulent. Un travail soigné, rigoureux et motivé par une grande exigence d’art et de morale.

 R. A. G. E. par la compagnie Les Anges au plafond.

  Romain Ajar Gary Emile, les premières lettres des noms et prénoms d’un seul homme qui en parait deux, donnent  le titre du spectacle conçu par Camille Trouvé et Brice Berthoud. La vie et l’œuvre de Romain Gary, passionnantes, font, comme le souhaitait sa mère du petit Romain, «œuvre d’art ». On voit de belles images vidéo d’elle et de son enfant en marionnettes, traversant la Pologne  d’autres pays de l’Est et interrogeant leurs habitants et leurs coutumes.

Peu à peu, le spectacle laisse place au théâtre seul  et les excellents marionnettistes portent plus maladroitement les textes à dire. L’ensemble, trop long, reste un peu chaotique, entre figures comiques : chèvres et rats de triste mémoire, mère russe qui chante si bien, bruiteur qui en fait des montagnes, et jeu double des interprètes incarnant l’auteur de La Promesse de l’aube dans un désordre de masques identitaires. Le propos s’effiloche un peu, mais le public ravi en redemande.

©LaurentPhilippe

©LaurentPhilippe

 Oscyl, chorégraphie d’Héla Fattoumi et Eric Lamoureux

Une chorégraphie joueuse et audacieuse pour Oscyl, dernière création de ces chorégraphes, avec sept danseurs et sept sculptures inspirées d’Entité ailée d’Hans Arp, qu’ils ont conçu biomorphiques et à échelle humaine. Nommées Oscyl, elles ont la capacité d’osciller et de s’animer au contact des danseurs.  Cette aventure artistique et humaine correspond au croisement des disciplines, dans une tentative de décloisonner les genres : danse, arts plastiques, théâtre d’objets  et  de marionnettes…

Les interprètes évoluent avec leur propre double, le touchant, le caressant ou bien le rejetant dans une violence toute relative. Ils s’éloignent, puis reviennent sans cesse vers cet être inanimé, aimant qui les attire et dont ils ne peuvent se déprendre. Duos alternatifs et changeants: les vivants se révèlent à côté de leur reflet dansant, et se balancent, puis basculent, ou bien retrouvent un équilibre paisible.

Ce magnifique ensemble met en relief les individualités radieuses mais aussi un chœur. Un spectacle en forme de bercement intérieur renouant avec le métier de vivre.  Cet ensemble précis, aigu et coloré  possède une énergie d’être oscillant à l’infini, entre le yin et le yang, à la recherche d’un équilibre de sérénité.

 La Vie des formes, conception et interprétation de Renaud Herbin et Célia Houdart

Fil rouge de ce festival, les quatre spectacles de Renaud Herbin, directeur du Théâtre Jeune Public du Centre Dramatique National d’Alsace-Lorraine, est un marionnettiste inspiré,   sont des pièces visuelles et sonores en lien avec le théâtre et la littérature. La Vie des formes procède d’une rencontre fructueuse entre Renaud Herbin et la romancière, fille de Dominique Houdart et Jeanne Heuclin, couple de marionnettistes inventeur des fameux Padox, figures rondes et populaires qui ont hanté bien des rues de France et de Navarre.

Elle qui a passé son enfance dans l’atelier parental de fabrication des marionnettes et lui partagent une même familiarité  avec ces figurines inertes étranges et pourtant douées de vie. Celia Houdart égrène ses souvenirs et les impressions de vie que dégagent les marionnettes. Quand  l’une d’elles disparaît, l’atelier entier semble avoir été dévasté, puis peu à peu, une autre installation sensible prend tournure. Cette voyageuse  en Italie et ailleurs, a même voulu devenir sculptrice de marbre de Carrare.

Pendant ce récit pudique, Renaud Herbin se frotte à sa création : un personnage entre homme et marionnette, dont les articulations semblent humaines. Le marionnettiste fait corps et danse avec elle, la hissant sur ses pieds ou bien la laissant gisante au sol comme un souverain défunt. La relation avec l’autre, faite de tensions manifestes, d’inquiétude mais aussi d’accords, participe d’un échange existentiel entre deux êtres réels, l’un fictif, l’autre vivant. Un travail raffiné et délicat qui déploie tous les possibles des relations humaines.

 Véronique Hotte

Spectacles vus au Festival mondial des théâtres de marionnettes à Charleville-Mézières  du 16 au 24 septembre.
festival-marionnette.com

 

Le Cercle de craie caucasien, de Bertolt Brecht, mise en scène de Bérangère Vantusso

Le Cercle de craie caucasien de Bertolt Brecht, traduction de Georges Proser, mise en scène de Bérangère Vantusso

Unknown L’homme se libère à travers une justice respectable selon une morale et un droit avec une lutte méthodique que l’auteur définit dans cette pièce (1945) d’après une vieille légende chinoise, où il reprend aussi le thème du jugement de Salomon. Deux kolkhozes se disputent un terrain. L’un, pratiquant l’élevage des chèvres, a dû l’abandonner, pressé par l’avance allemande. L’autre, moderne et technique, l’a défendu clandestinement, grâce à un plan d’irrigation qui inclut la parcelle en litige.

Comment résoudre ce point de droit ? Après une difficile négociation, une fête scelle l’accord. Le second kolkhoze, nommé Rosa Luxembourg, tourné vers l’avenir, joue pour les festivités, une pièce populaire, en lien avec le présent: Groucha, l’héroïque servante du Cercle de craie caucasien, est le symbole de ceux qui, dans un monde de violence, poursuivent obstinément une œuvre de paix.

Les petits féodaux provinciaux se sont soulevés contre le grand-duc et ses gouverneurs, les plans guerriers du grand-duc ayant échoué : un processus réactionnaire qui inclut une chance pour le peuple, l’anarchie provisoire s’installant. Au cours de cette révolution de palais, la femme d’un gouverneur, soucieuse avant tout de ses toilettes et bijoux, abandonne son nouveau-né, Michel. Son inconscience, plus que sa méchanceté, trahit l’aliénation des riches.

Groucha qui ne possède rien, ignore cette aliénation aux objets. Mais, à l’écoute du cri de détresse de Micha, elle obéit à la « terrible tentation de la bonté » mais hésite à adopter l’enfant : son fiancé, le soldat Simon Chachava, l’attend. Pauvre, elle espère se décharger de son fardeau, ne pouvant frayer avec la bonté. L’hésitation de la servante est vraie, partagée entre l’intérêt pour Michel et  le sien. Si elle reprend à son compte le rôle maternel et les soins obligés, se nouent dialectiquement des relations affectives et des gestes instinctifs d’amour.

 Dans le désarroi provincial, Groucha instaure une règle nouvelle de liberté et de vie : « Sache-le, femme, qui n’entend pas un appel de détresse Mais passe, l’oreille brouillée, jamais plus N’entendra l’aimé l’appeler à voix basse Ni le merle au petit matin, ni le soupir de bien être Des vendangeurs harassés, à l’heure de l’angélus.»

 Le sentiment poétique de Groucha relève d’une conscience pure : elle a un cœur paisible, en accord moral de lutte avec soi et avec l’autre, et un langage intérieur. Le Cercle de craie caucasien s’achève sur un procès du juge Azdak, un  truand ivrogne et extravagant, qui rend une justice contradictoire. Les pauvres sont jugés par un des leurs, et l’absurdité des verdicts d’Azdak rejoint paradoxalement la raison.

Les enfants pour leur survie vont aux femmes maternelles ….Groucha représente une nouvelle relation aux êtres et au monde, et retrouve l’aimé : «J’ai gardé cet enfant parce que, ce dimanche-là, nous nous étions fiancés. Ainsi, c’est devenu l’enfant de l’amour. »

 Bérangère Vantusso, à l’invitation d’Eloi Recoing, directeur de l’Institut International de la Marionnette, a mis e scène cette pièce avec les douze comédiens de la XXème Promotion de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts de la Marionnette. Un monde de cartons de déménagement qui s’empilent, puis ouvrent des failles somptueuses (les gorges raides des montagnes du Caucase) se désagrègent et se délitent pour se reconstruire ailleurs, à la fois volatiles et solides. La pièce compte six personnages archétypaux : le prince, la mère, le soldat, la cuisinière, le juge, les paysans, l’enfant… pris dans les filets de l’engagement, du pouvoir, de la corruption, de la lutte des classes, du renoncement, de l’amour …

Pour Bérangère Vantusso, marionnettiste inspirée, cette fable devient animalière et ici, les personnages semblent sortir d’un tableau de Jérôme Bosch: petits animaux empaillés, peluches d’enfant aux couleurs pastel et criardes, restes d’un grenier avec poupées abîmées puis recyclées, têtes de poisson la bouche ouverte et le corps englouti sous une boule de poils synthétiques usés.

Les comédiens/manipulateurs, vêtus de noir, une fois le prologue exposé collectivement, prennent en charge, tel un chœur, discours et dialogues. Ils narrent les scènes et les commentant avec facétie. Œil alerte, moue grave puis comique, chacun y va de son couplet et de sa verve ; les comédiens jouent la plupart d’un instrument et accompagnent le bassiste Arnaud Paquotte.

Les personnages animaux sont fascinants, et, dans les sentes dangereuses du glacier de Janga-Tan, tenues par un manipulateur ou par plusieurs. L’enfant, dans sa vitrine transparente, et le couple lyrique d’amants Groucha et son soldat sont éloquents. La biche Groucha et son cerf de soldat, colorés,  joyeux ;  en position, verticale, gisante ou volante, ils irradient l’espace scénique en échappant à la gravité.

Véronique Hotte

Festival des Ecoles du Théâtre public,Théâtre de l’Aquarium, Cartoucherie de Vincennes, du 29 juin au 1er juillet.

 La pièce est publiée chez l’Arche Editeur.

 

Dissident, il va sans dire de Michel Vinaver

 

Dissident, il va sans dire de Michel Vinaver, mise en scène de Nicole Charpentier et Christian Chabaud

Dans le cadre de Pyka Puppet Estival

  Consacré aux arts de la Marionnettes et des formes animées, Pyka Puppet Estival, troisième édition d’une semaine,  a lieu dans deux théâtres d’Ile-de-France. On pourra y voir six spectacles, de trois compagnies étrangères notamment la Compagnie de la Tortue noire, originaire du Canada-Québec et de trois troupes franciliennes, avec des adaptations d’œuvres de Bertolt Brecht, Michel Vinaver, ou encore de la bande dessinée Les Pieds Nickelés. Il y aura aussi une table ronde  avec les  artistes et un stage de marionnettes  pour professionnels.

f-c56-568fd6e41f8ca Le Théâtre de chambre de Michel Vinaver,  fondé sur le dialogue, ne se prête pas a priori au jeu de  marionnettes. Mais la compagnie Daru réussit pourtant à faire vivre le drame de cette mère isolée et de son fils, avec des pantins confinés sur un petit espace et manipulés à vue par un seul acteur.

En douze très courts tableaux, l’auteur raconte la dérive d’un adolescent qui habite chez sa mère : «Attachés l’un à l’autre, écrit Michel Vinaver. Mais lui passe son temps à se dégager d’elle, du monde. Dissident, il l’est avec passivité (…) il va sans dire. Elle n’est pas immobile, elle va et dit le discours (des parents) ». Dans une société faite par, et pour les gagnants, à l’instar du père absent, ces deux  perdants n’ont pas leur place, et sombrent imperceptiblement. 

Aux ellipses du texte correspond une esthétique en creux. Dans un décor minimaliste, inspiré d’Edward Hopper, les objets se transforment pour figurer les différentes pièces de l’appartement. Le mur latéral séparant ce jeune homme et cette femme mûre, encore belle,  dont les corps filiformes et raides s’articulent. Les  marionnettes sont d’une grande simplicité et leurs visages ont des traits réalistes .

Dans une immobilité apparente traduisant une situation sans issue, le moindre geste prend alors toute sa valeur : un doigt pointé, un corps affaissé sur un canapé, ou suspendu à l’horizontale, au plafond. Pour souligner le caractère fusionnel de ce couple, fils et mère parlent d’une seule voix, masculine, enregistrée, mais avec le risque que l’on confonde leurs répliques, malgré une manipulation très fine. L’acteur, présent derrière ses petites créatures, symbolise le père absent.

 La compagnie Daru-Thempô, implantée dans l’Essonne depuis vingt ans,  a créé un lieu de création et de fabrique et un pôle-ressources de la marionnette et elle reprend ici  son spectacle créé en 2004. La pièce, de Michel Vinaver qu’il a écrite dans les années soixante-dix, montrait déjà la violence du monde du travail et ses répercussions dans la sphère familiale et n’a rien perdu de son actualité ! Ce drame intime entre une mère qui va perdre son emploi et un fils chômeur trouve toute sa force dans une réalisation modeste qui garde ses distances et sait éviter le pathos, sans nous priver d’émotion.

 Mireille Davidovici

Spectacle vu au Théâtre de l’Atalante

Pyka Pupper jusqu’au 10 juin  T. :01 82 01 52 02 www.lepilierdesanges.com:

Au Théâtre de l’Atalante,  place Charles Dullin, Paris XVIIIème 

Au Théâtre Roublot , 95 rue Roublot  Fontenay-sous-Bois (Val de Marne).

 

Le texte est publié par l’Arche éditeur, collection  Scène ouverte, 1997

 

 

Biennale Internationale des Arts de la Marionnette

 

Biennale Internationale des Arts de la Marionnette :

 

Le Pavillon des Immortels heureux  de Marcelle Hudon

 Autour de cubes de bois, trônent de curieux petits personnages automates pour un concert. Une ballerine à tête de cochon tape des pieds sur un plancher puis s’immobilise, ses bras en fil de fer autour du corps. Les pulsations produisent une musique percussive et aléatoire. Un autre espace s’éclaire pour un duel à l’épée entre deux guerriers à têtes de feuille et aux membres de bois fin. Puis un petit théâtre d’ombres s’agite au fond de la salle, et, si on tourne la tête, on découvre alors des squelettes aux gestes saccadés comme dans un mauvais rêve. Un personnage étrange aux bras grands ouverts agite sa tête comme une balle de ping-pong, des papillons volent …

Ces sculptures minimalistes créées par Marcelle Hudon et Maxime Rioux à Montréal ont une grande force d’évocation. Dans cet univers plastique très réussi, les gestes de ces automates ont la justesse des mouvements humains. D’un réalisme surprenant, ils sont induits, de manière aléatoire, par des ondes sonores envoyées depuis la régie, provoquant des mouvements sur les marionnettes. Ce qui suppose de minutieux réglages et de longues recherches : ajustement des ressorts, calcul du poids des marionnettes,  mise au point du mouvement, souplesse…

Un seul regret dans ce bel enchantement d’une petite vingtaine de minutes, il ne s’agit pas du concert annoncé, mais plutôt d’une performance sonore.

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 Max Gericke ou pareille au même de Manfred Karge mise en scène de Jean-Louis Heckel

Le directeur de la Nef Manufacture d’utopies à Pantin, s’est attaqué au texte de Manfred Karge, membre du Berliner Ensemble, après Michel Raskine qui l’avait créé pour la première fois en France. Écrit en 1991, la pièce s’inspire d’un fait divers de l’Allemagne des années 30 : Ella Gericke, à la mort de son mari, décide de se faire passer pour lui, notamment à son travail. Elle devient grutier et vit par procuration. Le drame d’Ella Gericke, la question de l’identité, du vrai et du faux, renvoient au cauchemar que traverse l’ Allemagne dans ces années noires. 

Hélène Viaux incarne cette femme détruite, avec un mélange de fragilité, de résilience et une dose de folie. Toujours sur le fil du rasoir, elle s’empare avec brio d’un texte difficile, parfois peu « théâtral”. Dans un coin du plateau, Clarisse Catarino joue à l’accordéon des morceaux des années 30. En fond de scène, des mannequins nus ou habillés, figurent les personnages qui hantent Ella.

La comédienne les fait vivre en s’adressant directement à eux, sans perdre de vue son public. Mais tout cela reste statique et le seul talent d’Hélène Viaux ne suffit pas à animer la scène, organisée de manière très classique avec un lit, une table, des chaises, éclairés au moment où ils sont en jeu. Mais loin d’un travail sur l’objet ou la marionnette  et faute d’une véritable manipulation, ces mannequins manquent de vie. Ce grand texte, difficile, n’a pas trouvé ici les bons ajustements, malgré le travail d’une comédienne engagée et touchante. Mais bon, c’était la première de cette nouvelle création.. Donc à suivre.

Julien Barsan

Spectacles vus le 11 mai à la Maison des Métallos, 94 rue Jean-Pierre Timbaud, Paris XIème T. 01 47 00 25 20.
Le Mouffetard-Théâtre des arts de la marionnette, 73 rue Mouffetard, Paris 5e T. 01 84 79 44 44, 
www.lemouffetard.com

 

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