Chotto Desh, chorégraphie d’Akram Khan, adaptation de Sue Buckmaster , musique de Jocelyn Pook
Chotto Desh, chorégraphie d’Akram Khan, adaptation de Sue Buckmaster, musique de Jocelyn Pook (à partir de cinq ans)
Pour que les jeunes soient parmi les premiers à découvrir le nouveau Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt, Emmanuel Demarcy-Mota son directeur, a programmé un spectacle d’une heure tout public dans la journée avec cette création présentée en 2017 (voir Le Théâtre du Blog).
La grande salle a été magnifiquement rénovée avec une moquette crème assortie à des sièges en toile écru. Elle résonne de cris d’enfants agités par l’attente : certains sont venus de loin en car ou en train. Un public impressionnant, vite captivé par l’apparition du danseur Nicolas Ricchini (en alternance avec Jasper Narvaez).
Il se présente comme étant Akram et nous entraîne dans son enfance. Nous le suivons dans les rues de Dacca où il passait ses vacances d’été: il danse en se frayant un chemin dans la foule et la circulation des voitures : l’évocation sonore et les contorsions comiques du danseur pour éviter les obstacles nous transportent dans le vacarme et le fourmillement d’une ville du Bangadesh (cent soixante-huit millions d’habitants). Puis on retrouvera le jeune Akram en pleine guerre de libération de ce pays en 1971.
Plus tard, il devient le personnage d’une histoire que lui raconte sa mère en voix off, illustrée par un dessin animé sobre et poétique. On suit le danseur derrière le tulle où sont projetées les images de sa vie familiale quand il était enfant et de ses aventures dans la jungle : des arbres, un fleuve, un éléphant, un serpent, des papillons, des abeilles… Pour le grand plaisir des enfants fascinés,il se glisse avec légèreté dans l’univers poétique du Tigre de Miel de l’autrice indienne Karthika Naïr qui a souvent collaboré avec le chorégraphe.
Chotto Desh, en bengali petite patrie, adaptation pour jeune public du solo Desh (pays (natal) est un récit d’apprentissage où le chorégraphe garde l’esprit du kathak, qui le passionnait enfant. Il avait même endommagé le magnétoscope de ses parents à force de la regarder des heures pour imiter cette danse … Il n’y a rien de folklorique dans la gestuelle de l’interprète ni dans la musique qui nous a paru quelquefois un peu trop forte. Les plus jeunes retiendront surtout ce conte indien joliment illustré et un tour de passe-passe du danseur : avec quelques traits de crayon sur son crâne rasé, il dessine le visage du père. Avec cette sorte de masque, il caricature ses gestes avec tendresse. Une belle image que l’on retiendra longtemps.
Les plus grands et leurs parents s’attacheront à l’histoire d’un artiste qui, nourri de plusieurs cultures, a suivi sa passion et mené sa barque, mais sans se couper de ses racines. Une leçon de vie pour tous.
Ce spectacle -pour la majorité des enfants, un premier contact avec la danse et le théâtre- les incitera sans doute à revenir, vu le prix des places très modique pour eux.
Mireille Davidovici
Ce solo vu le même soir nous plonge dans l’autobiographie du jeune Akram, né en France d’un père venu du Bangladesh et d’une mère philippine. Par la danse et grâce à des projections de figures animées sur un tulle de fond de scène, belle création visuelle de Tim Yip, le chorégraphe raconte la naissance de sa vocation.
Son père veut qu’il lui succède à la tête de son restaurant parisien, le jeune Akram va trouver dans la danse une échappatoire « Je veux danser papa, je veux devenir danseur! ».
Héritier d’une double culture, il a été dans son enfance partagé entre cet art qui le fait vibrer et le devoir envers son père. On pense à Freddie Mercury qui, contre l’avis de ses parents, s’est lancé dans la musique et la chanson à corps perdu.
Cette pièce demeure un bel hommage touchant et poétique à ses parents. Akram Khan réussit par de simples artifices de jeu à nous emporter dans son histoire. La création musicale de Jocelyn Pook accompagne ce récit.
Jean Couturier
Spectacle présenté les 4 et 5 octobre, au Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt, place du Châtelet, Paris (Ier). T. : 01 42 74 22 77.
Du 12 au 14 octobre, Le Trident, Cherbourg (Manche).
Les 4 et 5 novembre, Teatro Macedonia Alacala, Oaxaca City Performing Arts Festival, Oaxaca (Mexique).
Le Tigre de Miel de Karthika Naïr, illustré par Joëlle Jolivet, est publié aux éditions Hélium.