L’Amour vainqueur, texte mise en scène et musique d’Olivier Py

 

L’Amour vainqueur, texte, mise en scène et musique d’Olivier Py, (tout public à partir de neuf ans)

 

Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage

Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage

Dans un monde en guerre, une jeune fille se prépare inconsciemment à vivre le grand amour, à l’écoute de désirs qu’elle ne soupçonne pas. Languissante, elle attend le Prince charmant. A partir d’un conte des frères Grimm, le directeur du festival d’Avignon entraîne le jeune public dans une opérette pétillante. Il a l’art de plaire à tous quand il s adapte et met en scène un livre pour enfants…

 Cinq personnages dessinés avec un bel humour et une solide conviction morale: une princesse à la fois douce, charmante et déterminée, un prétendant énergique à la triste figure, un Roi et Général, amer, envieux et diabolique, un jardinier écolo attentif, et ce qu’on appelle, non sans méchanceté mais avec le sourire, une fille de vaisselle:  une souillon émancipée qui rêve de hauts faits militaires virils.

 L’épopée s’accomplit ici à travers une parole en alexandrins blancs avec monologues, dialogues et récits. Olivier Py nous conte des aventures inouïes tissées de rêves d’amour, de travestissement et de lutte existentielle. Ce beau théâtre musical s’avère fort efficace: ici danser et chanter devient chose naturelle. Prouesse artistique des interprètes à la voix  puissante et très proches des personnages, postures caricaturales et bon enfant, mouvements enjoués et tourbillonnants, chansons en solo: l’opérette requiert des acteurs enthousiastes, chanteurs et musiciens de talent, accompagnés au piano. Ils jouent dans l’écrin vite identifiable du scénographe, costumier et maquilleur Pierre-André Weitz, un décor populaire de cabaret et de plaisirs.

 Comme posé sur un plateau surélevé, le cadre scénique est cerné d’une double guirlande de loupiotes, avec, sur le mur du fond  des images projetées de ville détruite. La jeune fille et le jeune homme n’en combattent pas moins pour la vie et l’amour, la beauté du monde et des existences qui se construisent et se choisissent peu à peu.

 En bas de la scène,  le piano d’un Monsieur Loyal, un Militaire gradé  à la figure de démon. Et si morale de conte il y a -ce que récuse Olivier Py qui parle plutôt de chemin initiatique, d’accompagnement dans la formation de jeunes esprits- c’est la vérité de soi qui est à poursuivre, la vérité d’un désir à respecter. Les enfants méprisent l’autoritarisme des adultes, leurs disputes haineuses quand il font cette rencontre incontournable avec la violence et la brutalité du monde. Leur reste -et c’est un trésor absolu- une grande vitalité pour en découdre avec détermination et s’opposer aux horreurs des jours qui passent.

 L’amour et  la foi en ses valeurs restent toujours vainqueurs, mêlé à l’envie de vivre,  découvrir, chercher à comprendre l’autre et à l’accompagner. Les interprètes  représentent une jeunesse prometteuse : le Prince, animal royal, mature avant l’âge,  ne cesse de se battre et de persuader les autres et le public avec lui, de ses projets humanistes argumentés,  la charmante Demoiselle fidèle à son amour et à ses valeurs. Et chez les adultes, le jardinier facétieux et lucide, la jeune fille de vaisselle sûre d’elle et le Général et Roi infernal. Clémentine Bourgoin, Pierre Lebon, Flannan Obé et Antoni Sykopoulos émerveillent leur public: ils donnent beaucoup d’eux-mêmes  pour réaliser ce rêve…

Véronique Hotte

 Gymnase du lycée Mistral, Avignon, les 10, 11 et  13 juillet  à 15 h et 20 h;  le 12 juillet à 20 h.

Le texte est publié chez Actes Sud-Papiers

 


Cactus de Carl Norac, d’après un scénario de Cécile Fraysse, création musicale de Boris Kolhmayer

Cactus de Carl Norac, d’après un scénario de Cécile Fraysse, création musicale de Boris Kolhmayer

2428CE32-6EC1-4115-B909-DE6EB23CEDA5« J’aime dire poète parce que c’est un mot un peu galvaudé, dit et auteur belge de cinquante huit ans qui écrit en français. C’est mon genre littéraire préféré, car il transcende tous les autres. Que j’écrive un album, une prose, du théâtre, la petite lumière de départ, c’est toujours le mot poésie, dit cet auteur belge de langue française.  Il a écrit des recueils de poésie mais aussi de nombreux textes d’albums jeunesse qui ont été illustrés.

 Ici, il nous offre un conte initiatique sur une petite louve née sans dents, qui vit dans une forêt de cactus. Sur le plateau, une belle tente et des lampadaires. Une fille est entourée de boules lumineuses, les yeux de la petite louve brillent : « Que faire de deux étoiles quand on est une petite louve ?  Où vous cachez vous ? Petite louve n’a pas de dents » !»

Le rideau s’ouvre et l’actrice lance des balles aux enfants : « Pourquoi suis-je né dans un cactus ? ». Petite louve en peint sur des toiles transparentes suspendues. Le cactus bouscule la petite louve. « Fallait il vraiment manger les cactus. Je veux être le centre de l’univers. Petite Louve, née dans la fleur  de cette plante exotique, mais sans dents pour se protéger . Elle se retrouve seule  dans un pays hostile, et rencontre un autre petit  loup à la mâchoire impressionnante. Elle rencontrera Petit loup qui montre ses crocs. Petite louve ne sait pas se défendre…
 Comme beaucoup de spectacles pour enfants, il s’agit ici d’une sorte de voyage initiatique où  Petite louve verra pousser ses deux premières dents qui lui serviront à se défendre

Ce décor coloré se transforme sans cesse peinture réalisée  sur scène, sculptures,   éléments textiles, le tout sur une musique improvisée et retient l’attention des très jeunes enfants très concentrés pendant ces quarante minutes que dure ce spectacle réjouissant.

Edith Rappoport

Théâtre Dunois, rue Dunois, Paris (XIII ème) jusqu’au 30 juin,  en représentations scolaires et  pour tout public T. :  01 45 84 72 00

 

Monde ,texte et musique de Sylvain Millot, mise en scène de Lise Ardaillon

Monde, texte et musique de Sylvain Millot, mise en scène de Lise Ardaillon,

Ce spectacle pour enfants à partir de deux ans est né au Théâtre Paris-Villette et au T.N.G./ Centre Dramatique National National de Lyon, en 2017, grâce à la Couveuse, résidence pour les nouvelles écritures scéniques  pour le très jeune public. De la compagnie Moteurs Multiples, basée à Annecy depuis 2007, nous avions apprécié  Davos, une création précédente vue  au Théâtre  Saint-Gervais à Genève (voir Le Théâtre du Blog).

« Un imagier scénique et sonore » disent les réalisateurs de ce délicat spectacle. Nous entrons dans une cabane sans murs, envahie de chants d’oiseaux venus des quatre coins de l’espace. Les tout-petits, d’abord remuants, prennent place sur des coussins multicolores et, pendant une demi-heure, resteront captivés par un univers familier: la journée d’un enfant, depuis l’éveil jusqu’au coucher. Une petite maison s’anime, on entend couler le café du matin, résonner les bruits du foyer, démarrer l’auto de maman…

 Les sons engendrent les images : Lise Ardaillon sera la mère au volant, croisant des véhicules sur la route de l’école et derrière elle, sur un écran se déroule un décor de rues et d’immeubles, puis la comédienne est la maîtresse d’école montrant un alphabet géant et des figures géométriques. Partout, surgissent des voix d’enfants enregistrées dans toutes les langues… En fin de journée, elle nous amène vers la forêt pour entendre quelques histoires d’arbres et de fleurs, et des animaux peuplent l’écran, bestiaire fantasmagorique… Les enfants, assis au milieu de la cabane, suivent avec attention ces différents épisodes , qui se déroulent autour d’eux, sur  trois côtés,   et quelques accessoires suffisent à habiller mots  et  gestes de l’actrice. Une installation sonore sophistiquée, multidirectionnelle, ouvre un champ supplémentaire à l’imaginaire.

Jeunes spectateurs et adultes qui les accompagnent, vivent ainsi une expérience sensorielle où jeu, images, objets et bruits concourent à créer un petit monde onirique au quotidien, à hauteur d’enfant. Un spectacle très réussi…

 Mireille Davidovici

Spectacle vu le 3 avril à Bonlieu-Scène Nationale, 1 rue Jean Jaurès, Annecy (Haute-Savoie). T. : 04 50 33 44 11.

La Garance-Scène Nationale, Cavaillon (Vaucluse) du  29 avril au 4 mai.

 

Manque à l’appel, un peu plus qu’un concert mise en scène de Marie Levasseur

 Manque à l’appel (un peu plus qu’un concert) de Tony Melvil et Usmar, mise en scène de Françoise Vasseur

183727-img_6545-web2jpgLa compagnie Illimitée, basée à Lille, avait remporté le prix Talent Adami Jeune Public en 2015 pour Quand je serai petit, un spectacle musical qui avait été joué cent-soixante fois… Ici, on assiste à de nouveau à un « concert augmenté» avec, pour thème universel:  l’autre quand il est absent, des histoires qu’on lui imagine, les vies qu’on s’invente pour combler le manque. Comment être présent à soi-même et au monde, comment comprendre pourquoi l’absence renvoie à la mort? Le vide étant insupportable, il appelle une présence, un espace à remplir…

Tony Melvil a appris le violon au Conservatoire, et Usmar est passé maître dans l’utilisation des boîtes à rythme, tablettes tactiles et autres outils  électroniques. Ils sont installés sur un praticable à trois étages avec des objets d’abord recouverts d’un voile,  puis la structure se déploie comme un voilier. Par peur du vide, nous restons accroché à nos écrans mais comment nous en libérer ?

Cette boîte à jouer nous emmène dans des rêves sur l’absence, sur un drôle de bateau musical. Ironique et ludique, le spectacle ravit même les très jeunes enfants.

Edith Rappoport

Jusqu’au 24 mars,Théâtre Dunois, 7 rue Louise Weiss, Paris XIII ème. T. : 01 45 84 72 00.

Festival Petits et Grands, La Bouche d’Air, Nantes (Loire-Atlantique) les 28 et 29 mars.   Palais du Littoral, Grande-Synthe (Nord), les 2 et 3 avril. Festival Chorus, Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) le 6 avril.
La Rose des Vents, Villeneuve-d’Ascq (Nord), les 27, 28 et 29 mai.

Verte d’après Marie Desplechin, mise en scène de Léna Bréban

Verte d’après Marie Desplechin, mise en scène de Léna Bréban, collaboration artistique d’Alexandre Zambeaux (à partir de huit ans)

©Julien Piffaut

©Julien Piffaut

C’est l’histoire de Verte, onze ans qui vit avec sa mère une sorcière (elle n’a jamais connu son père). Elle vivent dans un  petit appartement HLM. Verte est un peu amoureuse de son copain Soufi mais sa mère que cela agace, l’envoie chaque mercredi chez Anastabotte, sa grand-mère, elle aussi sorcière pour qu’elle lui enseigne le métier. Mais cela ne la passionne pas du tout; ce qu’elle voudrait, c’est savoir comment elle va enfin être elle-même et devenir adulte. C’est une sorte de conte de fées façon contemporaine et Marie Desplechin, sans avoir l’air d’y toucher, met habilement le doigt où cela fait quand même un peu mal sur des choses pas toujours faciles à appréhender quand on est un pré-ado et que l’on s’apprête à quitter à jamais les rives de l’enfance? Pourquoi parfois certains enfants, comme elle justement, n’ont-ils pas de père? Anastabotte: « L’entraîneur du club de foot, c’est le pompon! Je savais que j’aurais des ennuis avec Ursule, mais à ce point-là. » Est-ce normal ou exceptionnel? Pourquoi finalement devient-on un papa et une maman ? Qu’est-ce qu’une famille? Comment devient-on adulte ? Des questions qui taraudent la petite Verte qui voudrait bien ne plus supporter le poids de cette sorcellerie familiale et devenir enfin un jour une adulte comme les autres. Mais la vie est compliquée et sa grand-mère, comme souvent les grands-mères, lui sera de bon conseil quand elle rencontrera Soufi. « Je t’assure que tu peux très bien devenir une petite sorcière à ta façon particulière. Personne ne t’oblige à te déguiser, ni même à te servir de tes pouvoirs. Mais il faut que tu les connaisses et que tu les maîtrises. Ensuite, tu agiras comme tu le souhaites. »

 Reste à mettre les mots de Marie Desplechin sur un plateau. « Peut-on s’émanciper des siens sans les trahir ? dit Léna Bréban. » « Ayant été élevée par un père qui n’était pas mon père biologique, je me suis toujours posé beaucoup de questions sur l’hérédité, la transmission, l’identité. « (…) « Que fait-on d’une part de soi dont on a peur, transmise par sa famille ? Ce qui m’a intéressée dans la figure de la sorcière, c’est évidemment sa résonance historique. La femme conspuée, brûlée et martyrisée pour vouloir être différente. » (…) « Celle qu’il vaut mieux éliminer plutôt que l’accepter.» Alors comment représenter aujourd’hui une sorcière et bien sûr, le milieu où elle vit? Dans toute mise en scène réussie, il y a aussi, règle absolue, une scénographie réussie comme celle d’Emmanuelle Roy. Chose assez rare dans les spectacles et encore plus dans ceux destinés aux enfants… Ici, il y a un amour du travail bien fait, notamment dans les accessoires qui au théâtre ne sont jamais accessoires et une grande sensibilité aux matières et couleurs! Guy-Claude François, le scénographe du Théâtre du Soleil sur son nuage peut être fier de son ancienne élève aux Arts Déco.

Sur le plateau, deux praticables à roulettes figurant l’appartement H.L.M. d’Ursule : une cuisine très années soixante: placards d’un inimitable jaune pâle, table et chaises en stratifié rouge foncé à pieds inox. Et l’étroite chambre de Verte comporte juste un lit avec une couette. Mais dans ce lieu aussi réaliste, se produisent (normal on est chez une sorcière, même contemporaine) des effets spéciaux et magiques réalisés par Abdul Alafrez. Inquiétants et poétiques à la fois : une cuiller en bois tourne tout seule dans une très grosse marmite, de petites flammes surgissent dans l’air, les casseroles accrochées se mettent à bouger toutes seules au dessus de l’évier, une belle fleur surgit d’un cornet, il y a des brumes sur le sol et on voit l’image du père apparaître au loin…

Puis, dans une seconde partie, au centre du plateau, on est chez Anastabotte, la grand-mère, avec un gros arbre plus que centenaire, sympathique et protecteur, couvert de mousse à son pied et qui va s’ouvrir sur un intérieur un peu inquiétant et très poétique à la fois avec de nombreux et merveilleux bocaux et fioles mais aussi de drôles d’animaux gluants plus vrais que nature. Un autre monde où Verte trouvera paradoxalement auprès de sa grand-mère les outils pour penser d’une autre façon, quitter l’enfance et se construire… Ursule, la mère un peu excentrique (Céline Carrère) une femme comme on on rencontre dans toutes les banlieues mais un peu bizarre mais même pour une sorcière, assez réaliste: « Il y a quelque chose qui ne va pas. Verte ne montre aucun signe de sorcellerie! Par contre, elle s’est découvert une nouvelle passion : les garçons. Il n’y a plus que cela qui l’intéresse. Quand je pense que je lui ai consacré les plus belles années de ma vie. Elle est si cul-cul que je me demande si c’est bien ma fille. »  Ursule vit donc seule dans ce très petit appartement avec Verte (Rachel Arditi), habillée comme toutes les enfants de son âge : jeans, T-shirts et pull.  Comme son copain Soufi ( Pierre Lefebvre). Seule, la grand-mère Anastabotte paraît vraiment décalée car elle vit dans un monde étonnant surtout pour des enfants. Adaptation réussie de ce court roman par Léna Bréban et son vieux complice Alexandre Zambeaux, remarquable direction d’acteurs (mais mieux vaudrait éliminer au début le micro HF de la mère  qui lui donne une voix trop haute et en décalage) et très bonne unité de jeu; scénographie et mise en scène rigoureuse en parfaite adéquation, costumes réussis de Julie Deljéhier, lumières efficaces et poétiques de Jean-Luc Chanonat: que demande le peuple? Ici, tout est dans l’axe.

Et il y a une écoute exceptionnelle du public: « Vite, fais attention, va à droite » a dit une petite spectatrice de huit ans à Verte: un vrai bonheur! Cet après-midi-là, les enfants avaient environ huit ans: le meilleur âge sans doute pour voir ce spectacle remarquablement mis en scène. Même si vous êtes adulte, il vous touchera comme savait nous toucher dans les années soixante-dix les merveilleux spectacles de Catherine Dasté. Léna Bréban a bien traduire la poésie et l’humour du roman. A la représentation, a succédé une petite séance de questions des plus fines auxquelles les acteurs et metteurs en scène ont répondu. Cela console des créations comme cette très médiocre École des Femmes et Une Conférence des Oiseaux approximative et à  la scénographie et aux éclairages ratés… Philippe Buquet, le directeur de l’Espace des Arts ne s’est pas trompé en accueillant la création de Verte. Petit, plus grand, adolescent, adulte, adulte mûr, adulte plus que mûr, vous n’y verrez sans doute pas les mêmes choses mais vraiment allez voir ce spectacle, vous ne le regretterez pas.

Philippe du Vignal

Spectacle vu à sa création le 5 février, à l’Espace des Arts-Scène nationale de Chalon-sur-Saône.

Les 14, 15 et 16 février à Villefranche (Rhône). Du 21 févier au 3 mars, Théâtre Paris-Villette, 211 avenue Jean Jaurès,  Paris  XIX ème. T. : 01 40 03 72 23.

Comédie de Picardie, du 6 au 8 mars. L’Eclat, Pont-Audemer, le 19 mars. Les Scène du Jura-Scène Nationale, les 21 et 22 mars. Scène Watteau, Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne), le 26 mars.
Am Stram Gram, Genève,  du 4 au 7 avril. Comédie de Valence- Centre Dramatique National (Drôme),  les 10 et 11 avril. Théâtres en Dracénie, Draguignan (Var), les 25 et 26 avril.

Comédie de Saint-Etienne-Centre Dramatique National (Loire), du 14 au 16 mai. Théâtre d’Angoulême-Scène Nationale (Charente), du 21 au 23 mai.

Le livre de Marie Desplechin est publié à l’École des Loisirs.

 

 

 

Dormir cent ans, texte et mise en scène de Pauline Bureau

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©Pierre Grosbois

Dormir cent ans, texte et mise en scène de Pauline Bureau

 On ne vous racontera pas l’histoire de la Belle au bois dormant, mais celle d’une petite fille, à peu près modèle et très solitaire, dont les parents  aiment un peu trop le cha-cha-cha, et qui a une envie de soutien-gorge, bien qu’il n’y ait rien encore à soutenir mais «parce que les copines du cours de danse en ont», et qui photographie, par petits bouts, la femme qu’elle sent pousser en elle… On ne vous racontera pas une histoire de Prince charmant, mais celle d’un garçon un peu solitaire qui a pour ami invisible, (mais nous, nous avons le privilège de le voir !) un crapaud aux allures de Peter Pan et aucune envie d’être embrassé ni contraint à devenir un Prince charmant. Les deux enfants vont grandir, et se rencontrer, grâce à une forêt magique et à des parents trop occupés. Les saules pleurent, un tigre (de papier ?) rugit, et parfois les enfants glissent sur une planche à roulettes… jusqu’au possible baiser final.

On ne vous dévoilera pas les secrets de la lanterne magique: un décor projeté où les toits de Paris, avec leurs ornements et tourelles, se mettent à ressembler au château de Chambord, où la forêt brumeuse recèle, puis dévoile des créatures étranges et magnifiques. La fable manque un peu de tonus mais la poésie enfourche les images, et  il y a la présence efficace de quatre comédiens qui se relaient selon les représentations. Un joli spectacle «dès huit ans», précise le programme, et complice des petites filles qui piétinent avec impatience vers l’adolescence. Vite, vite, se raconter des histoires merveilleuses, avant de cesser à tout jamais d’être enfant ! Quant aux adultes, ils se laissent bercer avec plaisir, sans aller jusqu’à «dormir cent ans»…

Christine Friedel

Théâtre National de la Colline, jusqu’au 23 décembre, 15 rue Malte Brun, Paris XX ème. T. :01 44 62 52 52.

Du 4 au 8 février, Le Grand T, Nantes (Loire-Atlantique); les 15 et 16 février, Espace Marcel Carné, Saint-Michel-sur-Orge (Essonne). Les 28 févier et 1er mars, TrioS à Inzinzac-Lochrist (Morbihan). Les 3 et 4 mars, Pont des arts, Cesson-Sévigné (Ile-et-Vilaine). Du 10 au 12 mars, Centre culturel Jacques Duhamel, Vitré (Ile-et-Vilaine). Les 22 et 23 mars, Scènes et cinés, Fos-sur-mer (Bouches-du-Rhône). Les 28 et 29 mars, Pôle en scène, Bron (Rhône). Les 1er et 2 avril, Carré Sainte-Maxime (Var) et les 29 et 30 avril, Très tôt théâtre, Quimper (Finistère).

 

Le bon Grain, texte et mise en scène de François Dumont

Le bon Grain, texte et mise en scène de François Dumont

Image_LeBonGrain_Set18François Dumont avec cette sorte de fable farcesque proche d’un théâtre d’agit-prop, peint ici la vie d’un royaume pris dans  un ouragan politique. Dirigé par un roi qui laisse prendre les décisions par son épouse, une reine assez hystérique qui voue une véritable passion à son potager mais indifférente à la vie de son peuple. Et le royaume n’est plus guère dirigé. Un ministre vient annoncer une très mauvaise nouvelle : une île vient de disparaître sous la montée des eaux à cause du réchauffement climatique. Seule solution radicale envisagée par la reine : mettre fin à toute activité industrielle… Le peuple va se révolter et exiger la redistribution des ressources. Mais la reine jupitérienne va éliminer les chômeurs du Royaume. Heureusement, le bon roi arrivera à remettre les choses d’équerre.  

C’est on l’aura compris, un théâtre où se confrontent impératifs écologiques et société sans boussole où les hommes ont bien du mal à vivre. « Cette farce du Bon grain,  je l’espère, amusera, tout en donnant à réfléchir, dit François Dumont, à quoi mène une écologie sans partage? »  On veut bien mais voilà: rien de plus difficile que de mettre en scène une farce avec efficacité ! Cela se passe dans la médiocre salle de la Comédie-Nation : petite scène sans dégagements, plafond bas, visibilité très moyenne pour le public: bref, un  rêve de théâtre! Sur le plateau, une autre petite scène de  deux mètres sur deux, un perroquet pour accrocher les costumes et  de chaque côté, quelques chaises où s’assoient les acteurs quand ils ne jouent pas. Donc l’essentiel pour  un théâtre de tréteaux en plein air avec un public très proche disposé tout autour.

 
Ici, une mauvaise vision frontale ne favorise évidemment pas les choses. Et comme les ennuis arrivent en rafale, disait Jacques Chirac, le texte est bien bavard, dramaturgie aux abonnés absents, mise en scène et direction d’acteurs inexistantes. François Dumont, Pierre Clarard et Hadrien Peters font le boulot, ont une bonne diction mais peinent à être convaincants. Mélody Doxin, elle presque constamment en scène, criaille en permanence et c’est vite pénible. On est parfois à la limite de l’amateurisme et le jeu par moments dans la salle éclairée, n’arrange rien. Et on oubliera les« costumes» blancs ou aux couleurs vulgaires, qui n’en sont pas vraiment. 

Que sauver de cette entreprise mal barrée : le thème intéressant et hélas, très actuel! Et une habileté technique indéniable des acteurs à changer de personnage. Mais même s’il y a un potentiel existant, il faudrait reprendre le texte, le resserrer en une demi-heure maximum, mettre la petite scène en quadri-frontalité, foncer le vert cru nauséeux de sa pelouse synthétique, confier la mise en scène… à un metteur en scène et pousser les feux du côté de l’agit-prop, et donc revoir de toute urgence, la direction d’acteurs et imaginer de vrais costumes. Puis aller jouer dehors ou à la limite en salle, mais on insiste: en quadri-frontalité. Bref, il y a encore du pain sur la planche… Un conseil d’ami aux quatre artistes: aller tous en voiture à Audincourt (Doubs) assister à un kapouchnik, ce cabaret très populaire et mensuel du Théâtre de l’Unité: il y a là du bon grain à rapporter et cela peut vous donner de formidables idées…

Philippe du Vignal

Comédie-Nation, 77 rue de Montreuil, Paris XIIème.

 

Le Roman de Renart par la compagnie Hubert Jappelle

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Le Roman de Renart par la compagnie Hubert Jappelle

C’est un livre géant que Bérangère Gilberton et Sylvie Weissenbacher, avec la complicité d’Hubert Jappelle, ouvrent et commentent, avec des paysages en papier découpé sur lequel elles manipulent des marionnettes à vue. Renart, affamé, part à la chasse, il a les mains plâtrées  et guigne les jambons qu’Ysengrin a suspendu devant chez lui. On rabat la page et on voit qu’il les a attrapés. Ysengrin se lamente, les jambons une fois mangés par sa famille. Renart, à nouveau affamé, sent  la délicieuse odeur du poisson qu’un paysan va vendre à la foire. Renard fait le mort, le paysan le charge au-dessus du poisson qu’il va pouvoir dévorer à son aise. Le paysan furieux découvre le vol et veut aller vendre la peau de Renart : «Ce soir, je t’écorcherai, et je jetterai tes restes aux chiens!» Mais, peine perdue, il s’enfuiera.

Renart et Thiercelin le corbeau qui voit des fromages sans aucune surveillance « Mauvaise garde nourrit le loup!  » et Renart s’en empare. Renard et Chantecler le coq : une poule caquète, Renart s’approche et emporte la poule. Tous  se plaignent de lui et il est chassé du royaume. Un délicieux spectacle  très applaudi aussi par les enfants.

Edith Rappoport

Spectacle vu au Théâtre de l’Atalante, le 10 novembre.
Festival Pyka Puppet Estival, du 6 au 24 novembre.

L’Envol par la compagnie Nokill de Léon et Bertrand Lenclos

 
Festival de la grande échelle au Monfort Théâtre
L’Envol  de Léon et Bertrand Lenclos
34-6.festival-la-grande-echelle-1Au Monfort Théâtre du 19 au 21 octobre, a été programmé un festival jeune public avec douze spectacles. La compagnie Nockill de Grauhlet (Tarn) a été historiquement liée à l’audiovisuel et à la production  de films. L’Envol est une pièce à la fois théâtrale, magique, musicale et cinématographique, avec Léon et Bertrand Lenclos: le  père et le  fils. Fondée  sur  l’utopie du vol humain et sur la volonté d’échapper à la pesanteur: un mythe ancestral... 

Une drôle de conférence avec des images animées projetées sur un écran, au-dessus du plateau; les deux complices revisitent l’histoire du vol à travers les siècles, analysent les résultats de leurs recherches et expérimentent des envols physiques et spirituels. «On avait longtemps pensé que les enfants avaient plus de facilité à voler parce qu’ils étaient plus légers.»  Un  ingénieur du son manipule une étrange machine… Interprétée sur un ensemble d’instruments électroniques, « la musique, disent les auteurs du spectacle, est un ensemble complexe de vibrations acoustiques.  On peut donc affirmer qu’elle vole. »La salle pleine de jeunes enfants est restée éclairée. «Il faut accomplir le jour ce dont vous avez rêvé la nuit, si vous n’avez pas vu le toit de votre maison!»Puis les lumières s’éteignent et l’acteur trace des lignes qui apparaissent sur l’écran. L’histoire a commencé par un rêve. Des silhouettes courent. «Voler, c’est le rêve de l’humain.» Le comédien et acrobate pénètre dans le monde aquatique, devient immortel, chute sur un gros matelas. «Les astronautes, ils sont beaucoup trop nombreux. Impossible de voler, si on n’est pas persuadé que c’est possible!» (…) «Sachez qu’on n’a jamais su si bien marcher que voler». Cet étrange spectacle dont les acteurs semblent sortir de l’écran et qui tient plus du dessin animé que du théâtre, ravit les petits et grands enfants…

Edith Rappoport

Spectacle vu le 19 octobre, au Monfort Théâtre, 19 rue Brancion, Paris XV ème.  

Tous les enfants veulent faire comme les grands, texte et mise en scène de Laurent Cazenave

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Tous les enfants veulent faire comme les grands, texte et mise en scène de Laurent Cazenave

Que se passe-t-il dans l’instant sans fin qui sépare un : embrasse-moi, du baiser ? Toute une vie, tout un corpus de légendes qui finissent par : «Ils furent heureux et eurent beaucoup d’enfants», tout le mystère d’une rencontre au coin d’un bois, et même, entre les lignes, les secousses des rapports traditionnels entre femmes et hommes. Lui est naïf, maladroit, timide, et résolu. Elle, se définit comme «la Frileuse». Un baiser, c’est peut-être trop chaud, trop tôt. Il faut une heure quinze de représentation pour que la situation se retourne comme un gant, que les fuites et assauts changent et rechangent de camp, et qu’arrive Le moment, ce joli mot né du latin, et qui évoque le mouvement décisif que fait le plateau d’une balance quand on y ajoute un unique grain de sable.

L’écriture de Laurent Cazenave allie franche naïveté, astuce, clins d’œil, humour délicat et pas dupe, le tout avec un grand raffinement. On vous laisse découvrir une parodie de chanson yéyé beaucoup plus savoureuse que ses modèles. L’ambition du texte : tout simplement de dire ce qu’on ne dit jamais ; le monologue intérieur s’entrelace avec le dialogue, avec le commentaire, même muet, des témoins qui tirent les ficelles avec leurs délicates interventions sonores.

Comment jouer cela  sans tomber dans une totale mièvrerie ?  Les comédiens, formés, pour trois d’entre eux, à l’école du Théâtre National de Bretagne, ont tous les quatre des CV en or massif. Beaux sans coquetterie, à l’aise dans leur plaisir de jouer, à la fois investis et «à la bonne distance», précis, ils donnent l’image d’une jeunesse heureuse, mûre, sans illusions ni renoncements.

Le sous-titre du spectacle, La Poésie est la seule réalité, est emprunté au metteur en scène Claude Régy, qu’ils ont fréquenté. Le spectacle  ne manque pas de cette poésie, mais reste légère, sans risque. Sans doute Tous les enfants veulent faire comme les grands  n’en demande pas plus. Un “petit bijou“, comme on dit, dans son décor de papier découpé. La vérité du titre est dans son inversion : tous les grands veulent faire comme les enfants. Peut-être la petite goutte d’acide qui fait ici défaut : pas facile de se résoudre à devenir adulte dans ce monde. On fera comme si, par pudeur et prudence, et on se réfugiera du côté de l’enfance, on jouera à cache-cache et à chat, avec cette réalité.

Christine Friedel

Théâtre des Déchargeurs, rue des Déchargeurs, Paris Ier. T. 01 42 36 00 50 -19h30, jusqu’au 18 octobre.

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