Histoire d’un Cid, d’après Le Cid de Pierre Corneille, mise en scène de Jean Bellorini
Histoire d’un Cid, d’après Le Cid de Pierre Corneille, mise en scène de Jean Bellorini
Sur le plateau, une grande toile qui va assez vite, en gonflant, devenir un château blanc à quatre tours (très laid) avec un sol-matelas où on peut rebondir. Il y aussi des jouets, eux bien trouvés : un petit voilier pour enfants, un cheval à bascule et une vierge à l’enfant en bois transportée sur un chariot. Dans le fond côté cour, Clément Griffault est aux claviers et Benoit Prisset aux percussions.
Il n’y a pas tromperie sur la marchandise et le titre du spectacle indique bien : d’après Le Cid. Il s’agit ici d’une sorte de relecture personnelle du chef-d’œuvre, imaginée par Jean Bellorini qui a essayé de le transformer en une petite chose ludique, en gommant le tragique. Il fait reprendre par les spectateurs certains des fameux alexandrins que nous avons tous encore dans l’oreille : « Ô rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie/ N’ai-je donc tant tant vécu que pour cette infamie ? » « Aux âmes bien nées, La valeur n’attend point le nombre des années. » « Et le combat cessa faute de combattants. » « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. » « Aux âmes bien nées, La valeur n’attend point le nombre des années »….
Mais Corneille en a vu d’autres et se venge comme ses personnages. Il nous souvient d’une matinée scolaire catastrophique dans ce même théâtre des Amandiers où les acteurs mal mis en scène par Pierre Debauche avaient dû plusieurs fois s’arrêter de jouer: les collégiens envoyaient des billes sur le plateau!
On connait la célèbre histoire : Don Gomes, père de Chimène ne supporte pas que Don Diègue (Federico Vanni qui joue aussi d’autres rôles à peine travesti dont la suivante de l’Infante), père de Rodrigue, ait été choisi à sa place pour être précepteur du jeune prince, va le gifler. Don Diègue, âgé, demande à son fils de venger son honneur et Rodrigue (François Deblock) va tuer à l’épée, le père de sa fiancée qui, elle aussi demande vengeance. Mais l’amour finira par l’emporter. Toujours amoureuse de Rodrigue devenu un guerrier national, Chimène obtient du roi un duel entre don Sanche qui l’aime aussi, et Rodrigue. Elle promet d’épouser le vainqueur: ce sera Rodrigue qui reçoit du Roi la main de Chimène et ils se marieront…
Cela commence assez bien et on peut admettre que Jean Bellorini ait pu vouloir rendre plus accessible cette célèbre pièce écrite il y a quatre siècles. Mais très vite, on sent le spectacle dériver vers la facilité quand le château se met en place. Même si l’Infante (Caryll Elgrichi) a ici le beau rôle… La parodie, pourquoi pas? Encore, faudrait-il s’en donner les moyens! François Deblock en clown-clone de Rodrigue (pardon pour le jeu de mots) réussit par moments à faire rire et grâce à lui il y a quelques belles images. Mais Cindy Almeida de Brito, pourtant sortie du Conservatoire National! a le plus grand mal à dire correctement les alexandrins de Chimène: il y a quand même des limites et en plus, malgré un miro H.F. dont on l’a appareillé comme ses camarades, on l’entend mal!
Les spectateurs, peu nombreux en ce dimanche ensoleillé, ont applaudi très très mollement cette adaptation créée au château de Grignan (Drôme) l’été 24 et bien rodée mais sans projet artistique qui tienne la route. On comprend mal que Christophe Rauck l’ait accueillie. Jean Bellorini directeur du T.N.P. à Villeurbanne a un métier incontestable mais aurait mieux fait de mettre en scène Le Cid en version originale avec des acteurs jouant les vrais personnages. Ce spectacle n’a rien de vraiment drôle ni de séduisant et vous pouvez épargner votre temps et votre argent…
Philippe du Vignal
Jusqu’au 15 juin, Théâtre Nanterre-Amandiers, 7 avenue Pablo Picasso, Nanterre (Hauts-de-Seine). T. :01 46 14 70 00.