(A)pollonia

  (A)pollonia, texte et mise en scène de Krzysztof Warlikowski. Production du Nowy Teatr de Varsovie.

warlik2030.jpgOn avait  pu voir en Avignon  Hamlet, Kroum, et Angels in America  du metteur en scène polonais qui avait déjà abordé  la question douloureuse des rapports entre son pays  et les Juifs. Krzysztof Warlilowski  a choisi cette fois-ci de faire un montage de fragments d’Euripide (Alceste, Iphigénie à Aulis, Héraclès furieux) et d’Eschyle (L’Orestie)  et, du côté  des textes contemporains,  une pièce inédite A)polonnia de l’auteure polonaise Hanna Krall, des extraits du  roman Les Bienveillantes de Jonathan Littel, et des fragments d‘Elizabeth Costello de John Maxwell Coetzee, qui aborde sans détours la question du meurtre officiel et programmé de millions de victimes animales réclamées par la société contemporaine pour sa nourriture quotidienne.

  Le spectacle débute par la pièce de Rabindranath Tagore, Amal et la lettre du Roi, et il y a aussi et  enfin de petits  textes issus d’improvisations réalisées au cours du travail entrepris par Krzysztof Warlilowski depuis plus d’un an. Ce qui aurait pu être une suite relativement incertaine d’extraits de pièces aussi variées, se révèle être un montage intelligent et rigoureux qui, de toute évidence, a été  longuement mûri, et où rien, dans la dramaturgie,  n’a été laissé au hasard ; Krzysztof Warlikowski avait d’abord suivi des études de philosophie et d’histoire, avant d’aborder le théâtre….Ceci explique peut-être cela. Avec,  comme fil rouge dans (A)polonia, la  longue histoire de meurtres, de sacrifices forcés ou volontaires, de vengeances mais aussi de pardons, avec des victimes par millions, et des bourreaux par milliers,  qui ont toujours cherché à justifier leurs crimes  par des ordres venus de leur hiérarchie , ou bien par la nécessité historique qui a bon dos chez les tortionnaires.

  C’est, revu, par le metteur en scène polonais, dans un mélange de textes, fragments de pièces et discours, un ensemble de crimes et d’exactions impunis parce que sans doute difficilement punissables, que l’humanité s’est offerte depuis sa naissance jusqu’à l’extermination de millions de juifs par le régime nazi… Pourquoi? Bien entendu, le metteur en scène polonais, ne prétend pas donner de réponse. Sur le plateau de la Cour d’Honneur du Palais des Papes, deux sortes de grandes  boîtes vitrées , l’une avec quelques meubles des années cinquante et une moquette mauve comme en voyait il y a a peu dans les pays de l’Est, et une autre absolument vide, juste munie de deux sièges de toilettes et de deux petits lavabos, et un peu plus loin, côté cour,  une grande table ovale de conférence,  une longue banquette-dossier noir et siège rouge- où sont assis trois mannequins de jeunes enfants, sans doute un clin d’œil  à ceux de la célèbre Classe morte de Tadeusz Kantor, le grand artiste polonais.

  Au centre de la scène, un plancher couvert de feuilles d’aluminium brillant où un petit orchestre jouera la musique originale de Pawel Mykietin accompagnant la chanteuse Renate Jennet à plusieurs reprises tout au long du spectacle; dans le fond ,un mur en bois où sont projetées les images vidéos. Le dispositif scénographique de Malgorzata Szczesniak, intelligent, sobre et efficace, contraste admirablement avec la grande façade moyenâgeuse du Palais des Papes. On vous épargnera la description détaillée de ce long spectacle.

  Cela commence par l’histoire d’Amal, contée par Tagore dans Le Bureau de poste: un enfant  confie à sa tante son désir de voyager qu’elle n’approuve pas parce qu’il est atteint d’une maladie incurable; quelques jours après avoir monté  Le Bureau de Poste , les enfants de l’orphelinat du ghetto de Varsovie et leur éducateur Janusz Korczak seront envoyés à Treblinka: ainsi commence  cette première partie du spectacle, qui donne le ton des épisodes suivants: sacrifice d’Iphigénie, consentante et fière, dont le courage tombe au moment de son exécution. Puis, c’est le retour d’expédition  d’ Agamemnon qui fait un bilan chiffré très précis, tiré du roman de Littel, des disparus  de la dernière guerre, expliquant au passage que nous avons tous vocation à être des meurtriers; puis il y a un petit film qui précède le mariage d’Admète et d’Alceste, avec des questions posées aux futurs époux: notamment la plus redoutable: serais-tu prêt à sacrifier ta vie pour moi? Il y aura aussi plus tard l’arrivée d’Oreste chez sa mère Clytemnestre qui lui lit un passage d’un roman d’Andersen La Mère qu’on a trouvé sur le corps d’Agamemnon. On passe ensuite à l’histoire d’Apollon, devenu employé domestique chez Admète et Alceste, les deux protagonistes d’Alceste, formidable tragédie d’Euripide…Héraclès ramènera Alceste des enfers et la rendra à Admète.

  Puis, sans transition autre que celle des chansons et de la musique  (batterie, basses et sinthé), Krzysztof Warlikowski nous plonge dans l’interrogatoire par les nazis d’Apollonia Machzynka , figure remarquable de la résistance polonaise, qui cacha vingt-cinq juifs et qui fut faite prisonnière puis exécutée, parce que son père n’avait pas voulu être tué à sa place..

 Puis, après l’entracte, Elisabeth Costello, seule derrière un pupitre en plastique transparent, donne une conférence sur la faute et la peine, et sur l’impunité, comparant le destin des malheureux prisonniers de Treblinka, au sort des bêtes destinées à l’alimentation. Puis c’est Héraclès qui interroge Ryfka Goldfinger , une femme sauvée par Apollonia ; son fils lit un poème d’Andrzej Czajkowski dont la mère fut une victime des chambres à gaz…Le spectacle se termine par la réapparition d’Elizabeth Costello qui déplore la disparition des petits crapauds qui périssent en saison sèche en Australie.

  Tout au long du spectacle, le passé se bouscule avec le présent, la vie avec la mort,  les humains avec leurs frères animaux dans une espèce de cataclysme  inédit.En parler en quelques pages est forcément réducteur, et ce montage de textes dans ce voyage mythique à travers le XXème  siècle avec une référence permanente au sacrifice consenti ou imposé, au désespoir, à la crainte de la mort, tels que les voyait un  écrivain et dialoguiste tout à fait remarquable comme Euripide, est d’une qualité exceptionnelle. Passé/présent et vie/mort comme  héroïsme/quotidien; guerre interminable avec son cortège d’atrocités en tout genre/paix difficilement acquise au prix de millions de morts; destin personnel/vie et horribles souffrances  du peuple polonais plongé dans le conflit de 1940…

  Quelque soixante ans après, les fantômes de l’effroyable histoire de la Pologne ne cessent de hanter  Krzysztof Warlikowski  qui essaye d’exorciser ce passé encombrant, avec un montage de textes qui se bousculent sans doute mais dont l’unité est indéniable. Musique, chant, texte, dialogues sont en harmonie absolue avec la scénographie, les costumes  et les images vidéo  de visages filmés en gros plan par un cadreur placé sur scène, qui,pour une fois et c’est bien rare, sont absolument justifiées. Et l’interprétation des comédiens du Nowy Teatr, comme la mise en scène et les éclairages de Felice Ross sont de tout premier ordre.

  Là,  Krzysztof Warlikowski, metteur en scène, a fait très fort et on peut aller chercher, il n’y  a pas le moindre défaut dans ce travail d’une exigence et d’une précision absolue.  (A)polonia est un spectacle parfois difficile certes  et sans doute inégal, qui  demande beaucoup au spectateur. Il n’y  pas de différence avec une pièce traditionnelle, prétend Krzysztof Warlikowski. Soit. Mais il  faut quand même  que le public accepte de faire un effort, d’autant qu’il ne connaît généralement pas les fragments d’œuvres qu’on lui propose, et il y a souvent  chez  le metteur en scène polonais un peu de relecture dans l’air!

  Il faut aussi accepter  de regarder  les images qui sont souvent de toute beauté mais, en même temps, essayer d’attraper le surtitrage, puisque le spectacle est joué en polonais. Un aller et retour  loin d’être  évident, mais c’est à prendre ou à laisser. Et dans ce cas, mieux vaut prendre, même si l’on est parfois un peu dérouté par cet ouragan de musique et de paroles trop souvent sous forme de monologue. Sans doute faut-il mieux avoir le petit résumé distribué à l’entrée  (et ce n’est pas le nom des personnages qui est  projeté qui peut vraiment aider à la compréhension des choses,) sinon il y a un côté spectacle pour initiés, un peu agaçant !

  Mais  (A)polonia, même avec ses longueurs,  par la force de son texte et de ses images, finit par s’imposer. Il y a bien une petite hémorragie du public ( une bonne centaine de personnes après l’entracte, ce qui n’est pas grand chose pour la Cour d’Honneur). Et en effet le spectacle est trop long sans doute (quatre heures trente)  et, avant-hier, il ne faisait pas bien chaud vers une heure du matin, ce qui a encore un peu vidé la salle. Mais tout y est tellement beau et fort, que  l’on se laisse vite entraîner par cette réappropriation de la tragédie grecque, qui atteint l’universalité.

  La seconde partie, malgré l’heure tardive, passe très vite. Et les jeunes  gens malheureusement peu nombreux et qui sont souvent réticents  à aller au théâtre au sens strict du terme, ne cachaient pas leur admiration devant un tel spectacle.Alors à voir? Oui, incontestablement mais  vous devez vous armer de patience et si vous n’aimez pas les spectacles longs, celui-ci n’est pas fait pour vous, mais il y en a peu sur la scène européenne qui aient cette dimension et cette intelligence à l’heure actuelle, et (A)polonia devrait encore gagner en force dans une salle fermée…

Philippe du Vignal

Le spectacle a été créé en mai dernier à Varsovie et a été joué au Festival d’Avignon du 16 au 19 juillet; il sera repris au Nowy Teatr à Varsovie du 9 au 13 et du 14 au 18 septembre. Au Théâtre de la Place à Liège du 29 au 31 octobre puis  au Théâtre National de Chaillot à Paris, du 6 au 12 novembre,au Théâtre Royal de la Monnaie à Bruxelles du 4 au 5 décembre,  et enfin, à la Comédie de Genève-Centre dramatique du 12 au 15 janvier prochain.

 


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Les Dames Buissonnières

Les Dames Buissonnières  de Mariane Oestreicher-Jourdain, mis en scène de Didier Perrier.

image11.jpgCela se passe dans un espace d’accueil  du genre Bureau d’aide sociale.  Quatre femmes sont là,  Coline, Marie, Cathy et Andrée,vêtues de robes ou de pantalon grège, et toutes chaussées de Pataugas. Pauvres, atteintes au plus profond d’elles-même par des problèmes personnels ou familiaux et/ ou de logement et qui  n’ont pas réussi vraiment à remonter la pente… Elles vont vite faire connaissance, d’autant plus qu’elle ont tout leur temps pour parler, puisque, pour une raison incompréhensible, il n’y a personne pour les recevoir. L’une d’elles est enceinte, une autre a une ribambelle d’enfants, une autre encore ne voit plus le sien, qu’en fraude , sans qu’il s’en aperçoive, parce qu’il lui a dit un jour que cela sentait mauvais chez elle.

  Ce sont des « misérables « comme le dit l’auteure,   qui ont décidé de reprendre leur destin en main et de passer la nuit dans ce bureau, et au besoin, d’y faire une grève de la faim ..  Elles vont pendant une heure vingt à la fois nous parler de leur détresse et, en même temps, en ayant l’occasion peut-être unique avant longtemps  pour elles , d’ improviser une petite fête en l’honneur du futur bébé qui s’appellera Victoria.  C’est une sorte de fable contemporaine où les personnages ont une façon dérisoire mais bien à elle sde dire non au malheur et à la  profonde détresse qui continue à les imprégner. Il y a à la fois un fond de désespoir mais aussi une colère que l’on sent monter chez elles face aux puissances administratives qui les broient sans pitié. Elles réussiront quand même, sous l’autorité de la plus âgée , à reprendre conscience qu’elles aussi, même dans leur misère physique et morale,  ont droit à la parole, que c’est un bien inaliénable qu’elles doivent se réapproprier et que c’est grâce à cette parole qu’elles pourront être de nouveau inscrites dans un tissu social, aussi mince soit-il. Au moins, cette convocation  dans un service social aura  eu une utilité , celle de leur redonner espoir ensemble  et  de penser , avec l’appui de chacune d’entre elles , qu’elles ne sont pas seulement des gêneuses mais des être à part entière qui ont des droits, et qu’elles n’ont pas à être ignorées et méprisées par les énarques de tout poil qui sont aux manettes. Le  dialogue est à la fois criant de vérité,mais aussi des plus subtils, doté d’un sous-texte chargé d’émotions. Et comme c’est tout à fait bien dirigé par Didier Perrier, et que les quatre comédiennes- Dominique Bouché, Chantal Laxenaire, Catherine Pinet, Hélène Touboul- font un remarquable travail de création de personnage, le public  est ravi. Malgré une scénographie maladroite et un peu encombrante, le texte   de Mariane Oestreicher-Jourdain passe bien.  Même si les petits monologues/ chansons au micro, qui ponctuent l’action, n’apportent pas grand chose ; la pièce aurait aussi gagné à perdre quelque dix minutes mais ce n’est pas si fréquent d’entendre un texte contemporain de cette qualité; difficile en effet de ne pas être aussi simple,  aussi près des réalités les plus quotidiennes sans être jamais vulgaire, avec une certaine distance entre le propos et une langue qui dénonce  les choses sans pathos inutile mais avec efficacité. L’auteure comme le metteur en scène ont visé juste.
Certes, l’on ne peut être dupe, et Mariane Oestreicher-Jourdain ne l’est  pas : le théâtre- y compris celui d’agit-prop- n’ a jamais réussi à réformer une société mais s’il peut, à la mesure de ses moyens , aider  à éveiller les esprits, ce n’est déjà pas si mal. Et que la Région Picardie, qui, elle aussi, doit compter ses petits sous, crise oblige, ait choisi d’ aider ses compagnies  à venir en Avignon, sur le plan logistique,  comme l’ont aussi fait d’autres grandes régions françaises, cela correspond à une politique culturelle responsable et intelligente.. . Cela permet  que tout le monde puisse aller à la rencontre de ce type de spectacles dans le Festival Off qui, d’année en année, grignote des parts de marché: bien des spectacles sont sans grand intérêt, c’est incontestable mais celui- ci   fait partie  des meilleurs, disons même d’une certaine aristocratie , celle d’un in dans le off, et dans des conditions exigeantes qui n’ont rien à envier à celle d’un théâtre en ordre de marche d’une ville française: salle correcte, scène de bonnes dimensions et  bien équipée, accueil sympathique … Que demande le peuple? Qu’il soit repris à  Paris assez vite…
Alors à voir? Oui, sans aucun doute.

Philippe du Vignal

Espace Alya  31 bis rue Guillaume Puy, à 18 h 45; il y a un autre spectacle de la même auteure , Ecoute un peu chanter la neige, également mis en scène par Didier Perrier  au Ring 13 rue Louis Pasteur, que nous n’avons pas encore pu voir.

Une journée en Avignon à l’écart du bruit et de la fureur….


 Une journée en Avignon à l’écart du bruit et de la fureur....

avlgnonn007.jpgD’abord à 11 h 30, la grand messe ,disons pour faire court, des Syndicats  et organisations syndicales du Spectacle dans la Cour du Palais des Papes, avec sur la scène le décor d’Apollonia mise en scène de Warilowski que nous irons voir ce soir, et dans les gradins aux trois quarts pleins- soit un millier de personnes, des comédiens, techniciens , quelques figures poltiques dont François Parly, mais aussi de très nombreux directeurs de lieux, y compris Hortense Archambault, directrice avec Vincent Baudriller du Festival d’Avignon, tous inquiets et à juste titre pour l’avenir de la profession du spectacle vivant en France. François Le Pilouer , directeur depuis déjà longtemps du Théâtre National de Bretagne a  d’abord rappelé  avec calme mais fermeté que les trop fameux entretiens dits de Valois, du nom de la rue où officie désormais Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture,avaient été porteurs d’espoir mais qu’ils avaient  finalement  accouché d’une souris.

  En attendant, l’on voit bien qu’effectivement , l’engagement de l’Etat s’effrite  de tous les côtés.  Mais François Le Pilouer a aussi reconnu l’habileté de ce gouvernement à faire passer les pilules amères; le secrétaire adjoint de la CGT pour le personnel du Ministère a dénoncé toute la malfaisance de la RGPP , sigle devenu maudit ( Réduction  drastique des dépenses…) Jean-Michel Ribes, directeur du Théâtre du Rond-Point à Paris a mis en garde contre les ouvertures rapides qui sont, a-t-il dit dans un raccourci, autant de fermetures éclair. Ce qui est loin d’être faux!

  Les intervenants ont aussi rappelé avec raison que 80% de la profession gagnait  1, 3 SMIC, qu’un tiers de la profession avait été sortie du régime des intermittents du spectacle, et qu’enfin 1% seulement des intermittents ( les mieux rémunérés évidemment) se partageaient 25 % des indemnités de chômage…. Emmanuel Wallon, professeur d’Université, dans un très court exposé aussi brillant que concis, a fait remarqué qu’il ne pouvait y avoir d’appel à l’Etat qui ne soit aussi  un appel au peuple, et que le gouvernement était   pour le moment ,  passé en force, parce qu’il avait réussi à gagner l’opinion publique., et qu’il fallait donc réfléchir d’urgence à la nature des ripostes et  à recréer un univers de mobilisation générale .

  En effet, comme l’ont rappelé plusieurs intervenants,  de nombreux lieux de spectacle vivant étaient  devenus pauvres, voire exsangues, y compris  certains des plus prestigieux… Il faut tout de même remarquer que, les centres dramatiques et chorégraphiques importants, même s’ils ont dû rogner sur leurs dépenses de personnel, ont quand même en général un niveau de vie que peuvent leur envier bien des compagnies indépendantes qui ne savent même pas de quoi leur avenir est fait.P

 Puis François Le Pilouer a demandé que la salle vote pour l’élaboration d’un loi d’orientation spécifique à la profession du spectacle vivant, ce qui fut fait à l’unanimité moins trois abstentions, pour servir à la fois à des créations d’emplois, à la mise en place de contrats plus longs, et à des augmentations de salaires, et que soit mis d’urgence aux oubliettes cette espèce de monstre mis en place par les amis de M. Sarkozy, sorte de comité d’experts nationaux qui déciderait des grands axes de la création artistique, coiffant ainsi au poteau à la fois les différents structures nationales , notamment les directions régionales des affaires culturelles mais aussi les instances ministérielles. Bref, hier dans la grande cour du palais des Papes, il y avait , enfin, comme le commencement d’une véritable prise de conscience de la situation et de la nécessité d’une  d’unité.

  Le Festival d’Avignon , on l’oublie un peu trop souvent, est aussi un formidable lieu de rencontres professionnelles, tous genres confondus et une chambre d’écho  efficace.Un appel a été lancé pour un grand rassemblement le 21 septembre. A suivre donc…Frédéric Mitterrand aura ainsi l’occasion de mesure l’ampleur du travail qui l’attend; en tout cas, une chose est certaine: la France de la Culture est, elle aussi, entrée dans l’ère de la récession. Bienvenue dans le club….

Philippe du Vignal

Hommage à André Benedetto

Sur la Place des Carmes où est situé son théâtre qui était noire de monde, a eu lieu la cérémonie d’adieu à celui qui fut le premier créateur d’un spectacle off en 1967 ;  le Corse Jean Guérini, avait envoyé un message  émouvant qu’a très bien lu un petit garçon, où il rappelait que ce poète engagé avait aussi accueilli nombre de troupes étrangères dans son théâtre, à une époque où la chose ne passait pas pour évidente.

  Greg Germain , comédien des Caraïbes et directeur de la Chapelle du Verbe incarné, a magnifiquement lu un court poème de Derek Walcott, et a évoqué ses premières rencontres avec Benedetto, ses colères magistrales et sa générosité . Beaucoup d’autres, dont son frère René qui joua aussi dans ses spectacles , ses enfants, petits enfants ont rappelé  le père et le grand-père qu’il avait été, l’homme qui n’avait rien à faire d’une quelconque carrière et  était resté ancré à Tavel comme en Avignon, et n’avait pas cherché à monter à Paris, comme on disait alors. Il y avait aussi sa famille théâtrale: ses comédiens d’abord:  Hélène Raphel et Ludivine Bizot, qui jouent  dans La Sorcière ,  son scénographe Claude Djian, Guy Lenoir, le metteur en scène bordelais qui était à ses côtés depuis tant d’années,et qui rappela qu’il avait reçu généreusement les comédiens de Tananarive et d’Afrique dans son théâtre, Philippe Caubère , comédien et ami de toujours, Clémence Massart, comédienne qui a joué à l’accordéon et à la trompette Le temps des Cerises, Ernest Pignon-Ernest, peintre maintenant renommé , qui fit le décor d’Emballage en 69, Melly Puaux, l’amie et la veuve de Paul Puaux qui succéda à Jean Vilar à la tête du Festival, Jean-Pierre Léonardini, le critique théâtral de L’Humanité, Viviane Théophilidès, comédienne. …

  Tout le monde était bien triste. Mais au moins, comme disent les paysans, le poète et metteur en scène n’est pas parti tout seul, et c’est bien que ,loin du bruit et de la fureur, les quelques centaines d’amis qui, sans doute , ne l’avaient pas tous vraiment connus de près,  aient ce vendredi , le matin devant le Palais des Papes et le soir Place des Carmes aient pris de leur temps pour aller le saluer une dernière fois. C’est en tout cas, encore une page de l’histoire de ce Festival qui se tourne, et André manquera aux siens d’abord et au paysage avignonnais. Chaque fois que nous passerons Place des Carmes, une chose est sûre, nous aurons maintenant et plus qu’avant, une pensée pour lui.

 

Philippe du Vignal

Ph. du V.

Plaisanteries: L’Ours et La Demande en mariage

Plaisanteries: L’Ours et La Demande en mariage d’Anton Tchekov.

Les deux petites pièces de Tchekov sont souvent jouées ensemble et Sophie Bauret a entrepris de les monter avec, évidemment les mêmes trois comédiens. L’Ours est l’histoire de cette veuve plaisanteries4b.jpginconsolable, pour laquelle la vie a perdu tout attrait toute en deuil, qui n’arrête pas de pleurnicher sur son défunt mari, même s’il la trompait copieusement et qui reçoit un propriétaire terrien qui vient lui réclamer une importante somme d’argent -deux traites de 1200 roubles-qui restait à devoir au moment du décès, et dont, dit-il, il a un besoin urgentissime. Mais elle ne peut pas disposer de cette somme  dans l’immédiat. Ce que  ce Grigori Stepanovitch  ne peut admettre,  et le ton monte vite entre les deux, d’autant qu’il n’est pas spécialement diplomate et entend régler l’affaire séance tenante. il crie , tempête, menace mais elle ne lâche rien et accepte de se battre en duel. Le valet qu’elle a appelé à l’aide pour le mettre dehors, n’est pas d’un grand secours…

  Mais, devant tant de détermination, la situation commence à  échapper à  Grigori.  » Le deuil vous va à ravir, lâche-t-il et on devine qu’il commence à être amoureux. Elle, après l’avoir traité de tous les noms, tombe vite dans ses bras. C’est écrit dans une langue simple mais toute en nuances que Sophie Bauret réussit à mettre en scène , malgré quelques petites facilités dans le jeu et  vulgarités dont elle aurait pu se passer ( du genre minauderies du valet qui en fait des tonnes , et petites bouteilles d »eau minérale en lieu et place de la vodka qui volent à travers la scène, costumes  et accessoires improbables)
La  Demande en mariage suit.  C’est encore, d’amour et de sentiments qu’il s’agit,  vu aussi du côté des petits propriétaires terriens que Tchekov connaissait bien. Elle est là, en train d’écosser des petits pois par une chaude après-midi d’été, et lui, un voisin un peu endimanché,  arrive et avoue à son père qu’il veut la demander en mariage. Un peu gêné et ne sachant comment trop aborder le sujet, il parle du temps, de la moisson, comme on fait dans ces cas-là,  et  il évoque , au passage, un champ qui appartient à sa famille. mais elle n’est pas d’accord du tout et lui déclare qu’il fait une grossière erreur, que ce champ en fait est depuis longtemps son bien.

  Là aussi, le ton monte vite mais elle est très déçue quand elle apprend qu’il est parti et le fait rappeler aussitôt; le père les sommera alors de se marier. Ce qu’ils feront bien entendu. C’est  écrit dans une langue merveilleuse, toute en nuances subtiles. Sophie Bauret, qui a pris le parti de renoncer à tout réalisme,embarque cette petite comédie, dans une espèce de mise en scène clownesque: Marie Viaz est habillée en grande jupe de mousseline bleu pâle, et on y va :  roulements d’yeux, gestes faciles, n’importe quoi considéré comme gagesque : tout tombe évidemment à plat. Maria Vaz qui était tout à fait bien dans L’Ours, est ici assez peu convaincante, comme les deux comédiens, Frédéric Imbard et Sylvain Favreuille, ils en font tous les trois les tonnes souhaitées par la metteuse en scène qui aurait dû avoir un minimum d’exigence, dans sa direction d’acteurs. Et mieux vaut oublier très vite les choses chichiteuses qui font office de scénographie..
Et évidemment, Tchekov, cela résiste, on n’en fait pas n’importe quoi sans y laisser des plumes et l’ensemble laisse donc le goût d’une expérimentation clownesque, assez douteuse, entre élèves d’un cours de théâtre,  quand ils cherchent des choses en privé qui, éventuellement, un jour peut-être, si tout va bien, pourra, et encore, être introduit dans un spectacle, à condition qu’un véritable metteur en scène contrôle les choses.. Mais , quand il y a un public, on peut toujours appeler cela Plaisanteries! , le compte n’y est pas du tout. On n’a pas le temps de s’ennuyer mais on sort de là quelque peu perplexe…. d’autant plus que le spectacle a remporté le 2 7 ème Prix  Coup de coeur du Club de la Presse d’Avignon en 2008. Intelligente Sophie Bauret, gardez l’énergie dont vous faites preuve et  ressaisissez -vous, reprenez tout à zéro,et entourez-vous d’un dramaturge et d’un scénographe… et  votre spectacle aura une autre allure….
A voir? Oui, pour Marie Viaz dans L’Ours mais vraiment , à éviter si vous appréciez Tchekov ;  essayez plutôt de voir, si vous êtes par là, le très tonique et très réjouissant  Vania à la campagne du Théâtre de l’Unité, mise en scène d’Hervée de Lafond et Jacques Livchine qui se balade cet été en Ardèche; allez, pour vous consoler, une petite pour la route:  » Ce sont les les vivants qui ferment les yeux des morts mais ce sont les morts qui ouvrent les yeux des vivants ». Merci, grand Anton, et n’oubliez pas justement le cortège en hommage à André Benedetto , le premier metteur en scène à avoir joué off en 1967 et disparu ce 13 juillet, qui partira du Palais des Papes jusqu’à son théâtre Place des Carmes   CE SOIR À  17 HEURES. ( Admirez au passage l’art de la transition duvignalesque)

Philippe du Vignal

Théâtre Le Grand Pavois, 13 rue la Bouquerie. Avignon.

La Pleurante des rues de Prague

La Pleurante des rues de Prague de Sylvie Germain, adaptation, conception, jeu  de Claire Ruppli.

photo3lapleurante.jpgC’est, l’histoire d’une rencontre avec une géante qui apparaît dans les rues de Prague,  écrit par l’auteure fort estimable qu’est Sophie Germain qui a vécu dans cette ville. Il y a dans ce très beau récit comme une sorte de mémoire de ce que la cité a pu vivre , de tous ses habitants disparus,  de Terezin, le camp nazi réservé aux artistes, dont le Théâtre de l’Unité avait su rendre le destin tragique il y a une dizaine d’années., mais aussi du fameux poète Bruno Schulz, froidement abattu dans  le dos , qui  avait écrit Les Boutiques de cannelle dont s’ était inspiré le grand artiste polonais Tadeusz Kantor.  Le texte est écrit dans une très belle langue, à la fois précise et musicale,  dont Claire Ruppli a écrit une adaptation, puis conçu une mise en scène puis enfin joué, seule dans une petite chapelle.
Cela commence plutôt mal: quelques minutes dans le noir , qui font présager le pire, mais, même si Claudel a écrit que le pire n’était pas toujours sûr, cette  fois le pire arrive:  une espèce de logorrhée insupportable avec une  mise en scène pathétique d’inexistence. Claire Ruppli est là dans ces quelques mètres carrés sous une voûte  où le son se réverbère, pieds nus en imperméable clair, à essayer de nous persuader du bien fondé de son entreprise. Et l’ennui tombe implacable pendant une heure qui en parait presque deux. Il y a bien quelques petits effets sonores intéressants, en particulier ceux d’une gare d’autrefois qui n’auraient pas déplu à  Znorko, le metteur en scène marseillais. Mais cela ne fait pas évidemment  un spectacle….

  Décidément , les chapelles , grandes ( hier pour Le Sermon sur la Mort de Bossuet), aujourd’hui pour cette Pleurante) ne portent pas chance aux monologues! On veut bien que Claire Ruppli, après quelques nuits passées à lire et à relire le texte de Sylvie Germain, ait eu envie de faire passer cette écriture au théâtre, mais, une fois dissipée cette espèce de fièvre qui peut tous nous prendre après une lecture, comment cette comédienne n’a-t-elle pas eu l’intuition qu’elle faisait fausse route? Le mystère reste entier mais, en tout cas, c’est le public qui paye cher  ce manque de lucidité…. et cette bêtise théâtrale Alors, à voir? Oui, si voulez être bien au frais pendant une heure, mais il vaut mieux être  un peu moins au frais et libre de partir quand vous voulez, dans le merveilleux jardin qui jouxte la Chapelle…

Philippe du Vignal

Théâtre des Halles, à 17 heures , jusqu’au 30 juillet.

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LA PLEURANTE DES RUES DE PRAGUE  Théâtre des Halles 16 juillet De Sylvie Germain, adaptation, conception et jeu de Claire Ruppli

Echouée au Théâtre des Halles après avoir raté une pièce de Dominique Paquet, je n’ai rien compris à ce monologue sur Prague, hormis un passage sur une envolée de cygnes. 

Edith Rappoport

Le Sermon sur la Mort de Jacques- Bégnine Bossuet

Le Sermon sur la Mort de Jacques- Bégnine Bossuet, mise en scène et interprétation de Patrick Schmitt.

bossuet.jpg  « Me serait-il permis aujourd’hui d’ouvrir un tombeau devant la Cour? Je ne pense pas que des chrétiens doivent refuser d’assister à ce spectacle. » Ainsi commence le célèbre Sermon sur la mort que  Bossuet , prononça  le 22 mars 1642 devant Louis XIV et la Cour , et que Patrick Schmitt, après Notre Dame et Saint-Eustache à Paris, et les cathédrales de Dijon, Metz et Meaux ,  présente aujourd’hui dans la très belle chapelle de la rue Calvet. C’est un édifice, rond, datant de 1710, cinq ans avant la mort de Louis XIV,  restauré en 2006 , en pierre blanche, surmonté d’une coupole avec un autel principal et plusieurs petits autels secondaires. Avec de magnifique proportions.
 La voix grave de Patrick Schmitt s’élance majestueuse, et les périodes de Bossuet  sur la vanité de l’existence humaine, s’envolent, mues par une diction et une gestuelle parfaite. Et c’est un très beau travail de comédien qu’il faut saluer. Mais cette chapelle n ‘était sans doute pas le lieu capable d’accueillir ce Sermon sur la Mort. D’abord parce que cette chapelle est encombrée d’une sculpture en bois délavé et de sable gris, de calebasses et d’un synthétiseur, qui doivent évidemment servir pour un spectacle précédent ou ultérieur, selon la dure loi du off où les spectacles se succèdent à un rythme  effréné, et cela parasite visuellement les choses …
  D’autre part, il n’y pas ici de chaire, (comme le montre abusivement l’affiche du spectacle), et cela change tout; en effet, le rapport entre l’évêque, représentant de Dieu et  les fidèles de l’église à qui s’adressait ce sermon dépendait aussi de cette situation dans l’espace très particulière, et les architectes au service de l’institution catholique étaient aussi de singuliers scénographes qui avaient bien compris les choses… Comme , ici, il n’y a que des gradins métalliques avec d’ horribles sièges coques, placés en travers de la chapelle, le moins que l’on puisse dire est que rien n’est dans l’axe et que Patrick Schmitt , habillé non pas d’un habit sacerdotal qu’il aurait été pourtant facile de trouver, mais d’une espèce d’invraisemblable -et très laide- grande robe noire, bordée de parements dorés,  est debout face public, tout est faussé. Désolé, mais un vrai et bon scénographe n’aurait jamais laissé faire cela. S ‘il n’y avait pas de chaire dans cette chapelle,  c’est que l’on ne prononçait sans doute pas de grand sermon comme celui-ci, et qu’il n’y avait donc pas  cette réverbération sonore insupportable qui pollue dès le début le sermon!
  Alors, on  a un beau faire un effort mais très vite, on finit  par décrocher, et c’est vraiment  dommage. Bien joli de vouloir à tout prix venir jouer  en Avignon mais encore faudrait-il choisir un lieu adapté au  propos. Au final, malgré  un travail de comédien tout à fait respectable mais  un spectacle raté que vous pouvez vous épargner. Il vous faudra revoir Patrick Schmitt dans des conditions scénographiques correctes. Désolé, mais même si l’on n’est pas chrétien et, n’en déplaise à M. Sarkozy qui ne doit pas plus aimer Bossuet que La Princesse de Clèves, ce Sermon sur la Mort  est un des grands textes français et n’a pas à être maltraité.

Philippe du Vignal

Tous les jours à la Chapelle de l’Oratoire à 16 heures ,32 rue Joseph Vernet.

Sortie d’André Benedetto


  Sortie d’André Benedetto   (14 juillet 1934- 13 juillet 2009).  andrbenedetto2003copie.jpg

 La petite planète théâtrale est un fois de plus en deuil ! Après  Roger Planchon, Pina Bausch et un ami personnel, cela commence à faire beaucoup en quelques semaines….. André Benedetto s’est éteint lundi, la veille du 14 juillet où il aurait eu 75 ans. C’est avec Gérard Gélas, la première figure historique du Off, dès 1967,  du temps où Jean Vilar était encore directeur du in.
Le off se développa ensuite mais, à petite vitesse est encore assez méprisé par la profession et par les metteurs en scène du in. Mais, à l’heure actuelle,  il y a tout du meilleur au pire.
Et  de cette aventure hors normes et courageuse que naquit le Off avec le succès que l’on connaît. Et la première fois que nous lavions vu André Benedetto c’était , en 67,  au Théâtre Daniel Sorano  à Vincennes avec un texte de lui, à la fois d’une grande qualité poétique et singulièrement décapant: Zone rouge, feux interdits qu’il avait lui-même mis en scène.

  

Il dirigeait encore, malgré de sérieux soucis de santé, son petit Théâtre, Place des Carmes, où il accueillit notamment Philippe Caubère. On ne pouvait pas être toujours d’accord avec ses mises en scène et je me souviens d’une singulière passe d’armes avec lui car il supportait mal que l’on critique si peu soit-il, certains aspects de ses créations et ne prenait pas de gants pour vous le dire. Notre amie Edith Rappoport en sait quelque chose  et s’était faite abreuver d’injures pour les mêmes raisons…
Mais c’était un homme entier, engagé et un bon écrivain; il  lui sera rendu vendredi à 17 heures un hommage  en forme de cortège qui partira du Palais des Papes pour se rendre  jusqu’à  son théâtre , Place des Carmes. La quasi totalité des jeunes troupes ignore son nom- et c’est normal, puisqu’il fait partie de la génération de leurs grands-parents, mais André Benedetto restera dans notre mémoire à tous qui avons fréquenté ce festival depuis longtemps. Il fait désormais partie de l’histoire du Festival d’Avignon, et de l’histoire du théâtre français. Salut et merci André…

Philippe du Vignal

N’oubliez donc pas de venir lui rendre hommage demain vendredi, si vous êtes en Avignon. 

Destination Feydeau

Destination Feydeau,(  extraits de Léonie est en avance, Ne te promène  donc pas toute nue, Le Fil à la patte et un texte de Frédéric Tourvieille traitant de la dernière année de la vie de Georges Feydeau. Mise en scène de Frédéric Tourvieille.

 image1.jpgComme chacun sait, Feydeau est cette année le jeune auteur à la mode qui a connu cette année à Paris comme en tournée des records de fréquentation , et cela ne semble pas près de cesser. A chaque crise, son antidote , et c’est dans les vieux flacons qu’on trouve parfois les meilleurs remèdes. Frédéric Tourvieille a     donc emmené ses camarades et le public dans une ballade autour de la vie de Feydeau qui, s’est terminée assez tragiquement ( voir les articles précédents du Théâtre du blog).

  Le spectacle commence plutôt bien par un retour en arrière ,année par année jusqu’en 1921,  quand mourut le célèbre écrivain, avec des images   des actualités cinéma de l’époque, et un capitaine d’avion  accueillant  le public avec une hôtesse qui  traduit  ses propos dans la langue de Shakespeare en les commentant… La parodie des petits discours des stewards et hôtesses  de l’air  sur les consignes de sécurité n’a rien de très neuf mais cela fait toujours plaisir et attire tout de suite la sympathie du public, surtout quand c’est, comme ici, assez bien maîtrisé.
 Puis,  suivent  des extraits des pièces mentionnées plus haut, et  là,  les choses ne sont plus tout à fait  dans l’axe, d’autant que sont  évoqués des moments de la vie de Feydeau  qui servent  d’enchaînements: on a ainsi droit aux visites que lui faisait  Sacha Guitry et sa comédienne d’épouse, Yvonne Printemps… mais  cela a des parfums de Moyen-Age pour la plupart des spectateurs qui ne sont évidemment pas au fait des  coulisses  du théâtre parisien des années 1900. Mais l’on  rit parfois davantage aux moments de la vie de Feydeau qu’aux extraits de ses pièces présentées.
  Pourquoi? Fastoche: comme une bonne partie de la dramaturgie de Feydeau est fondée sur un mécanisme parfait où un personnage  pris au piège  d’une situation à forte connotation relationnelle et/ou sexuelle, arrive à se rétablir in extremis. Chez Feydeau , il faut toujours un peu de temps pour que la machine se mette à fonctionner, et ,comme ici , il n’y a guère de temps, cela patine, et la machine a des ratés. Comme la scénographie et les costumes bâclés  sont du genre amateur, si on ne s’ennuie pas vraiment, ce collage improbable de scènes a du mal à tenir la route.

  Côté interprétation,  les comédiens surjouent souvent et font un peu n’importe quoi, et  comme ils ne le font pas très bien, il n’y a pas vraiment de raisons pour s’intéresser  à ce qui se passe sur scène. En fin de spectacle, le dernier petit film repart de 1921 jusqu’à 2009, avec, assez vite et tous genres confondus, de grande figures  socio-historiques comme Mao, Clémenceau, Elvis Presley ou encore Michaël Jackson, ou Busch père, et des bribes de documentaires que l’on aurait arrachées  à l’Histoire. C’est  tout à fait  savoureux mais aussi bien dommage que le reste du spectacle ne soit pas du même tonneau…
 Alors à voir? Bof ???? Au moins, la salle est correctement climatisée.

Philippe du Vignal

L’Albatros côté rue 23 rue des Teinturiers à Avignon.

Anjo Negro

 Anjo Negro de Nelson Rodrigues, mise en scène de Marc Adjadj.
avignon.jpeg

 image2.jpgNelson Rodrigues, auteur brésilien ( 1912-1980) est maintenant bien connu en France, où son théâtre- en particulier Valse n°6-  fut très vite  accueilli avec intérêt, ( voir notamment les divers numéros de la revue Théâtre Public) alors que dans son pays, la censure  en avait longtemps interdit les représentations à plusieurs reprises; sans doute les thèmes qu’il développait, dont la représentation scénique de l’inconscient, du non-dit ou non-avouable, et des relations sexuelles hors-norme, dérangeaient singulièrement les autorités comme les universitaires.
 Dans Anjo Negro, Ismaël a des rapports d’une violence inouÏe avec son épouse Virginia qui a tué ses trois premiers enfants; en fait, Virginia n’a qu’une idée en tête: redevenir la jeune fille, pure et vierge qu’elle a été autrefois: autant dire qu’elle nie sa propre identité. Tout comme Ismaël qui lui refuse sa négritude, dont on ne sait plus trop si Virginia aime ou n’aime pas finalement son mari noir parce qu’elle est blanche. Et elle finira par faire l’amour avec un blanc, Elias, le frère aveugle d’Ismaël,  pour enfin, croit-elle, accéder vraiment à al part la plus intime de l’autre, même s’il est aveugle. Noir, blanc, clairvoyance, cécité, fascination sexuelle, désir aussi absolu que la répugnance la plus absolue: on a l’impression que tout se bouscule dans la vie de ces trois puis quatre personnages, puisque Virginia accouchera d’une fille blanche. Preuve irréfutable de sa trahison pour Ismaël qui avait pourtant jeté sa femme à la porte, si l’on a bien compris.
 Ismaël finira par tuer cet amant blanc aveugle de Virginia qui  séduit aussi sa propre fille. En fait, rien n’est simple chez Nelson Rodrigues y compris cette étrange répulsion pour le métissage, et la pièce qui a parfois des airs de mauvais mélo écrit à la lumière de papa Freud, va plus loin que cela et  nous renvoie souvent , comme à travers un miroir grossissant, à nos désirs comme à nos peurs les plus enfouis au fond de nous-même. Mais Nelson Rodriguez  arrive toujours à tenir à distance l’horrible et la noirceur absolue de l’action en cours.
  La mise en scène de Marc Adjadj a de la tenue, même s’il ne dirige pas très  bien ses comédiens et que tout semble  flotter un peu; seul est vraiment convaincant Ricky Tribord ; mais Brune Renault ( Virginia) , est au début , tout à fait crédible mais a plus de mal à s’imposer,  parce que la pièce est sans doute un peu longuette, et qu’il y  a de la répétition des thèmes traités dans l’air.Mieux vaut aussi  oublier les images vidéo sans aucun intérêt qui sont diffusées  sur les rideaux noirs qui entourent la scène: comme d’habitude, la vidéo surligne , tout en mobilisant le regard du spectateur, ce qui n’était  sûrement pas le but de l’opération.. Il  y a aussi un choeur de deux jeunes femmes africaines qu’Adjadj a du mal à introduire sur le plateau.
  Le travail de Marc Adjadj est honnête et scrupuleux, trop sans doute; il  manque à sa mise en scène la prise en compte d’une certaine violence qui nous ferait entrer dans cet univers où la haine, celle des autres comme de soi-même, et le racisme le plus ordinaire serait traités plus en profondeur. Alors à voir? Eventuellement, si  vous avez envie de découvrir l’univers assez glauque de Nelson Rodriguez ….

Philippe Du Vignal

Chapelle du Verbe incarné, jusqu’au 31 juillet, rue des Lices. Avignon

Cabaret astroburlesque

Cabaret astroburlesque, mise en scène de Patrick Simon.

astro.jpgDans un petit jardin muni d’une trentaine de chaises et de quelques tables , un praticable avec, dans le fond,  un rideau rouge , un piano blanc et quelques petit globes terrestres juchés sur des pieds: c’est bien suffisant pour accueillir la deuxième version de ce cabaret que nous avions pu voir la saison dernière au centre culturel Boris Vian des Ulis dans l’Essonne. C’est, surtout en chansons ( Vian, Béart, Legrand, Fontaine…) mais aussi avec quelques textes, une sorte de promenade où l’on nous dit  l’aventure du cosmos avec ses trous noirs et toutes ses planètes mais aussi celle du malheureux Galilleo Galilei que personne ne voulait croire quand il parlait de la rotation de la Terre, mais celle de la vitesse à laquelle doit aller le Père Nöel s’il veut arriver à temps pour déposer tous ses cadeaux dans les millions de cheminées concernées par son personnage… C’est peut-être le plus déjanté de ces textes, écrit par des scientifiques américains.
C’est bien mis en scène par Patrick Simon qui a réussi à imposer un rythme et une saveur  délicieuses à cette exploration loufoque;( on ne dira rien des costumes  lacérés,qui sont assez laids !) mais les interprètes : Ariane Simon, Marianne Viguès et Jonathan Salmon chantent avec beaucoup de précision et de générosité- ce qui n’est pas incompatible- ces chansons loufoques (dont on connaît  certaines) qui s’enchaînent bien; du côté des petits textes, cela mériterait d’être encore peaufiné : Jonathan Salmon ne semble pas toujours très à l’aise.. mais, comme le  pianiste / chanteur est excellent, l’on sort de là assez réjoui, surtout après les deux heures de souffrance endurées la veille à la carrière Boulbon ( merci, M. Gitai!). Ce cabaret ,un peu brut de décoffrage ,  demande  quelque rodage mais, si vous passez par là, (c’est près des Halles), ) vous passerez un bon moment… loin du bruit et de la fureur avignonnaise.

Philippe du Vignal

Cabaret astroburlesque jusqu’au 20 juillet La Parenthèse 18 rue des Etudes, Avignon.

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