Un jour on ira à la mer, de et par Eugène Durif, musique de Jean-Christophe Cornier

Un Jour on ira à la mer, de et par Eugène Durif, musique de Jean-Christophe Cornier

Qu’est-ce qu’un auteur de théâtre, un dramaturge ? Peut-être quelqu’un comme Eugène Durif, qui a commencé par écrire des textes, poétiques, politiques, publiés par les bonnes maisons d’éditions spécialisées dans le théâtre. Et puis, à force d’écrire, lui qui a commencé comme poète et débordé vers le roman, il est revenu au théâtre, sous une forme très simple : un auteur, c’est quelqu’un qui lit lui-même à haute voix –enfin, plus ou moins, et maintenant les voix sont amplifiées – ce qu’il a écrit. Voilà pour l’évolution, qui s’est faite assez vite, de notre auteur de bureau vers l’engagement physique que demande le théâtre. Entendons-nous bien : pas d’acrobaties, cela, il le réserve à Denis Lavant et Nikolaus Holz, par exemple, dans son récent Mister Tambourine Man (festival d’Avignon 2023). Non, juste l’essentiel, le vrai, être là, occuper pleinement sa place, parler aux gens avec sa vérité.

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Cette vérité, c’est celle des gens modestes de la périphérie de Lyon, au siècle dernier, qui rêvent d’aller voir la mer. Le fils ira, où le père n’a pas pu aller. En stop, avec une fille dont il n’est même pas vraiment amoureux, encore que…, sous la pluie et avec un creux au ventre. Pas de sous, pas grand-chose. Nous, le public, on l’écoute, on sourit, parce que l’humour se faufile sans cesse dans la trame du souvenir, parce que l’imaginaire, le rêve – moi et mes parents au bord de la mer-, se superpose à une mémoire qui s’invente et s’écrit avec la parole.

Laquelle n’est pas seule sur scène : les mots d’Eugène dialoguent avec la guitare de Jean-Christophe Cornier, sur tous les modes : accompagnement, digressions, contradiction, soutien… À eux deux, les voilà lancés dans un karaoké populaire, Cœur à l’envers, Cœur à l’endroit. Car la chanson, c’est vraiment le cœur du peuple : celle de Colette Magny sur les crimes et impostures de la Rhodiaceta ruinant ses ouvriers, interdite à la radio ; celle que chantait Damia, Sombre Dimanche, également interdite à la radio, parce qu’elle était réputée inciter au suicide, déjà qu’il y avait eu la guerre… Et une apparition, une irruption dans le duo : Jeanne, jolie danseuse qui se lance dans une chanson timide et maladroite…

Ce que nous voyons est l’inverse d’une « performance » technique : c’est un exercice rigoureux, exigeant, de vérité et de tendresse. Se faire entendre, d’une voix amplifiée par nécessité (et non par conformisme), dire ce qu’on a à dire ou à jouer au plus près, au plus juste, au plus vrai : c’est tout, c’est beaucoup, et c’est unique. Peut-on parler de spectacle ? Disons plutôt une rencontre, intime, proche, souriante sans une goutte d’eau de rose. La vie, quoi, la même que celle de tout un chacun, unique, singulière et semblable : le partage, l’amitié fonctionnent avec le public. Et si on ressent quelques « trous » dans la deuxième partie, c’est encore une fois comme dans la vraie vie, toujours en brouillon, en fragments, en évolution. Ici, elle est rendue à sa poésie cachée, éclairée par le théâtre.
Cela  se passe au 100, établissement culturel et solidaire. Galerie d’expositions, modeste salle de spectacles –vue la configuration des lieux -, le 100 est aussi, et c’est essentiel, un lieu de répétitions, d’ateliers ou de formations. Quelque chose d’une utopie réalisée : le mouvement se prouve en marchant.

Christine Friedel

Jusqu’au 16 novembre à 20 h au Cent, 100 rue de Charenton, Paris (XII ème). T. :01 46 28 80 94.

Du 26 au 30 novembre, Théâtre 14, 20 avenue Marc Sangnier Paris (XIVème) : Moins que rien, mise en scène de Karelle Prugnault

 

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