Vingt-cinquième festival international des jardins
Vingt-cinquième festival international des jardins, au domaine de Chaumont-sur-Loire, la nature mise en scène
Noces d’argent, jubilée : à vingt-cinq ans, le festival international des jardins de Chaumont pourrait faire figure de notable. Mais dans un jardin, tout est toujours à recommencer et à repenser : le thème de l’année 2016 est Jardins du siècle à venir. Laquelle année, déjà bien entamée, nous inquiète; les paysagistes et architectes invités rendent compte de nos peurs : réchauffement climatique, montée des eaux, accumulation des déchets (et donc nécessaire récupération!) et urbanisation galopante qui nous enferme dans un monde minéral…
En même temps, monte la conscience que l’anthropocène, c’est-à-dire l’ère de l’empreinte dominante de l’homme sur la sphère terrestre, doit entrer dans une nouvelle phase ; il faudrait donc peut-être penser de nouveaux équilibres et rendre au vivant, au végétal en particulier, son rôle dans la réparation de la nature par elle-même…
Grandes questions pour petits jardins : à ces inquiétudes, la vingtaine d’équipes de paysagistes et d’architectes invitées au festival donne des réponses variées, souvent ludiques, parfois obscures et globalement, plutôt sages. Frankenstein’s nature, par exemple, déçoit : sortir cornues et vieux interrupteurs électriques du laboratoire ne suffit pas à transposer au jardin la force du mythe.
Dans la même perspective du dedans-dehors, l’Oikos, où l’herbe verte flambe aux brûleurs d’une vieille cuisinière, répond déjà mieux à l’esprit du jardin. La Maison vivante, plus librement ouverte dans l’espace, célèbre la reconquête de la maison par le végétal, et en même temps, une joyeuse utilisation de la récup’ : on vous recommande particulièrement les culs de bouteilles plastiques comme dallage d’une cuisine au jardin et le mobilier kitsch appelé doucement au retour à la terre.
Ce jardin-là, un peu nostalgique des jardins ouvriers, l’un des plus agréables à vivre pour une sieste, ou pour un repas entre amis, est surtout un espace partagé avec des plantes en liberté, dont aucune ne serait une « mauvaise herbe ».
Avec une plus grande ambition, l’équipe du Champ des possibles expose un plan incliné où se retrouvent visiteurs et plantes, de toute taille et de tout âge. L’objet, à la fois ludique, pédagogique et véritablement novateur, est appuyé à un mur de béton végétal (terre tenue par une herbe sèche remarquablement banale, le miscanthus).
Au cœur du sujet : le jardin-et la maison-d’un futur renouvelable, innovant, peu coûteux. D’autres perspectives s’ouvrent, avec des recherches pas toujours spectaculaires mais très prometteuses : les plantes électriques, le végétal dévorateur et recycleur de plastique…
Mais l’espace qui vous attire, sera poétique : Le Jardin flottant du songe réunit fibre sèche et mousses humides en des formes presque animales, les « bombes à graine » de l’explosive nature roulent au sol avant d’exploser en floraison aléatoires. Il faudra revenir dans deux mois : tout aura changé, poussé, il n’y aura plus qu’à s’asseoir au Jardin du dernier acte, pour assister au spectacle sans fin de la nature.
Christine Friedel
Huitième saison d’art contemporain
Moins connus que le festival horticole, les installations d’art plastique dans le parc, les salles et les communs du château, constituent une autre façon de mettre en scène la nature et le patrimoine. On peut donc compléter la visite des jardins par un tour du propriétaire, et s’amuser de ces œuvres disparates, commandes passées à des artistes de tous horizons. Il y en a pour tous les goûts.
Marc Couturier investit l’asinerie avec un grand tapis rond entremêlant des motifs végétaux, auquel répond une peinture impressionniste qui fait vibrer le jour à travers les fenêtres. Dans la grange aux abeilles, le Brésilien Henrique Oliveira fait courir une impressionnante spirale en bois de palissade, Momento fecundo qui s’enroule dans les escaliers jusqu’à la charpente rustique.
Dans l’enceinte de la ferme, Wang Keping expose une étrange armée de bois sculptés, polis et cirés, aux formes mi-humaines, mi-animales. Et en face, le Ghanéen El Anatsu habille les murs d’une grange, de tapisseries monumentales en relief, tissage minutieux de matériaux de récup : capsules de bière, canettes concassées, tôles découpées.
D’autres spectacles nous attendent dans le parc qui domine la Loire. D’abord, le fleuve qu’on peut contempler du promontoire conçu par Tadashi Kawamata. Dans les arbres s’érigent les cabanes du même artiste japonais, où pendent les échelles de François Méchin.
Au détour d’un bosquet on découvre L’Œil de l’oubli d’Anne et Patrick Poirier, marbre niché dans les lierres, comme tombé d’un ciel antique, ou encore Ugwu, d’El Anatsui, amoncellement coloré de vieux bois, du plus bel effet, au pied des arbres vivants… Il y a une vingtaines d’œuvres ainsi disséminées dans le domaine, en comptant les installations théâtrales de Sarkis dans les greniers du Château, bric-à-brac organisé autour de vitraux suspendus aux fenêtres à tabatière, avec vue sur le fleuve…
Un bol d’air roboratif après une saison théâtrale…
Mireille Davidovici
Festival international des jardins, jusqu’au 2 novembre. Domaine de Chaumont-sur-Loire. T : 03 54 20 99 22.