Que sur toi se lamente le Tigre, d’après le roman d’Émilienne Malfatto, adaptation et mise en scène d’Alexandre Zeff

Que sur toi se lamente le Tigre, d’après le roman d’Émilienne Malfatto, adaptation et mise en scène d’Alexandre Zeff

Que sur toi se lamente le tigre

© Victor Tonelli

Il en a vu des guerres et des massacres, le fleuve Tigre. Mais voilà une mort de trop: une jeune femme va payer de sa vie le fait d’avoir cédé à son fiancé ensuite parti au front. Son frère la tuera, parce qu’elle porte en elle le fruit de l’amour. Et ce grand fleuve qui traverse l’Irak du Nord au Sud, sorti de son lit, gronde et sa voix terrible se mêle à celles de la victime, de sa mère, sa sœur, ses frères….

Lina El Arabi incarne avec grâce cette jeune Irakienne insouciante qui, du jour où le sang a coulé entre ses cuisses, s’enveloppe de noir, selon la coutume perpétuée de mère en fille… Dans cette prison de tissu, se glisse son amoureux pour une étreinte érotique volée. Puis le destin s’acharne contre elle ! En une succession de monologues, les personnages de cette tragédie familiale contemporaine déploreront ce crime d’honneur, tout en acceptant un verdict inique.
«Notre corps ne nous appartient pas, il est la propriété familiale », se lamente la jeune fille. Et «Je suis celui par qui la mort arrive, dit Amir, son frère (Nadhir El Arabi). » (…) « Je vais tuer tout à l’heure et je penserai que je n’ai pas le choix. Sa vie ou notre honneur à tous. Ce n’est pas moi qui tuerai, mais la rue, la ville. le quartier, le pays. »

 Alexandre Zeff a adopté la construction kaléidoscopique du roman, et a mis en scène ce texte avec de nombreux décors sur toute la profondeur du plateau, derrière les eaux du fleuve qui clapotent à l’avant-scène. Au fond, un grand tissu ivoire qui enfle: le Tigre rugit. Et le sol tremble. Un dessin animé sur un tulle, évoque les bombardements, accompagnés du vrombissement d’un hélicoptère. Derrière des voilages translucides, la sœur ainée se félicite de sa grossesse, malgré la brutalité du mari qu’on lui a imposé. Une nappe de brouillard enveloppe le fantôme du fiancé (Mahmoud Vito) criant sa rage d’être mort…

Chaque séquence est pensée comme une sorte de performance dans les lumières et la scénographie inventives de Benjamin Gabrié  avec de nombreux effets spéciaux visuels lumineux et sonores, réussis pour la plupart. Pour Alexandre Zeff, il «s’agit de décupler le choc émotionnel et la sensation de vertige où la lecture du texte nous plonge». Mais ici, l’émotion que procure ce texte poignant, incisif et nécessaire, nous parvient difficilement…
Les voix amplifiées des acteurs manquent de nuances et nous aurions aimé plus de simplicité pour entendre cet oratorio polyphonique. Le chant des femmes, en particulier la mère (Afida Tahri ), nous touche et le spectacle gagne en profondeur quand Wassim Halal aux percussions, et Grégory Dargent au oud, apparaissent au lointain.
Nous ne pouvons rester indifférents au cri de révolte porté par ces ces interprètes engagés que sont Hillel Belabaci, Amine Boudelaa, Lina El Arabi, Nadhir El Arabi, Afida Tahri, Mahmoud Vito, Myra Zbib et les musiciens Grégory Dargent, Wassim Halal et à l’écran Liya Chtaiti. Ils veulent dénoncer l’oppression des femmes de par le monde.
Puissent ces paroles êtres entendues…
Comme celles de Gisèle Halimi dans sa plaidoirie pour une jeune fille qui s’était faite avorté à Bobigny (Seine-Saint-Denis) en 70 : « Ce que je voudrais que le Tribunal comprenne et, après lui, les hommes qui nous gouvernent, c’est que nous sommes des êtres libres et responsables, tout comme les hommes. Et puisque nous devons donner physiologiquement la vie, il faut que nous le décidions en êtres libres et responsables, et sans le contrôle de personne. »

 Mireille Davidovici

 Jusqu’au 11 février, Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de manœuvre. Métro : Château de Vincennes+navette gratuite. T. 01 43 28 36 36. 

 Le 8 mars, Scène Watteau, Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne) ; le 14 mars, La Faïencerie, Creil (Oise)  et le 22 mars, Théâtre Romain Rolland, Villejuif (Val-de-Marne).

 Que sur toi se lamente le Tigre d’Émilienne Malfatto, prix Goncourt du premier roman, est publié aux éditions Elyzad.

 

 

 

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