Derniers petits cadeaux avant l’oubli du gratuit…
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Bien sûr, ce n’est pas le choc et la fascination que nous avions ressentis à la première (1976) au Théâtre Municipal d’Avignon, lors du festival 1976, d’Einstein on the beach, l’opéra-culte de Bob Wilson, musique de Phil Glass en quatre actes, pour ensemble, chœur et solistes. Et qui fut ensuite repris un peu partout dans le monde puis à la MC 93 de Bobigny, et il y a six ans au Châtelet. Le Regard du sourd * était une pièce entièrement muette en sept heures sauf la phrase du début : Ladies and gentlemen… répétée trois fois par Bob Wilson en habit noir et que nous avions aussi vu à la création au festival de Nancy en 71. Cette suite d’images magnifiques d’inspiration surréaliste bouleversa aussitôt les règles du théâtre contemporain jusque là fondé exclusivement ou presque sur la notion de texte et de dialogues.
Mais ce génial créateur qui avait suivi un enseignement artistique fera encore plus fort cinq ans après avec cet opéra. Ne ratez pas cette remarquable captation très bien filmée et où on n’abuse pas du gros plan comme c’est trop souvent le cas.
On retrouve ici l’osmose exceptionnelle entre les textes de Christopher Knowles, Samuel M. Johnson… le jeu, la chorégraphie d’Andy Degroat et la musique de Phil Glass qu’il dirigeait lui-même.
Que citer en particulier de cette œuvre magistrale? Le chœur de seize chanteurs qui n’incarnent pas de personnage : sopranos, altos, ténors, basse et des solos interprétés à la création par la compositrice et soprano Joan La Barbara, la chorégraphie avec d’excellents danseurs et les formidables solos de Lucinda Childs.
Et bien sûr la musique répétitive, envoûtante de ces suites de : one, two, three, forth, five six seven… eight, en do majeur. Mais aussi les éclairages et les décors d’une invention exceptionnelle créés par Bob Wilson ressemblant à des dessins d’enfant et le violoniste qui avait une belle ressemblance avec Einstein que l’on voyait jouer à une fenêtre.
Pas vraiment d’histoire mais plutôt des symboles liés à la vie du grand génie. En neuf scènes d’environ vingt minutes séparées et reliées par de très beaux Knee Plays que Bob Wilson reprendra ensuite séparément d’Einstein on the beach, notamment à Bobigny.
Cette captation vidéo a été réalisée lors de la reprise au Châtelet à Paris. Et surtout, ne la ratez pas… Sinon elle existe en DVD chez Arte éditions.
Philippe du Vignal
On peut voir un montage de quelques extraits du Regard du sourd …sur fresques.ina.fr › le-regard-du-sourd-de-robert-wilson
Songs from Trilogy chez CBS Records (1989) comprend quatre extraits d’Einstein on the Beach et d’autres de Satyagraha et Akhnaten, des opéras de Phil Glass qui lui succèderont mais qui n’ont pas connu le même succès.
**Vous pouvez aussi entendre un entretien de Bob Wilson avec Laure Adler en 2012 sur son travail au théâtre et à l’opéra (en anglais avec traduction simultanée) sur France-Culture.